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29/06/2022 | FRANCE | N°19-25207

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 29 juin 2022, 19-25207


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 29 juin 2022

Cassation partielle

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 553 F-D

Pourvoi n° S 19-25.207

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 29 JUIN 2022

La société Crédit immobilier de France développement (

CIFD), dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 19-25.207 contre l'arrêt rendu le 15 octobre 2019 par la cour d'appel de Grenoble (1...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 29 juin 2022

Cassation partielle

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 553 F-D

Pourvoi n° S 19-25.207

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 29 JUIN 2022

La société Crédit immobilier de France développement (CIFD), dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 19-25.207 contre l'arrêt rendu le 15 octobre 2019 par la cour d'appel de Grenoble (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à Mme [R] [V], épouse [T], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gaschignard, avocat de la société Crédit immobilier de France développement, de la SCP de Nervo et Poupet, avocat de Mme [V], après débats en l'audience publique du 24 mai 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble,15 octobre 2019), suivant offres du 17 juillet 2006, la société Banque patrimoine et immobilier, aux droits de laquelle se trouve la société Crédit immobilier de France développement (la banque), a consenti à Mme [V] (l'emprunteur) trois prêts destinés à l'acquisition d'appartements en l'état futur d'achèvement.

2. Le 14 décembre 2009, à la suite d'impayés, la banque a prononcé la déchéance du terme et, le 26 mai 2010, a assigné l'emprunteur en paiement du solde des prêts.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La banque fait grief à l'arrêt de prononcer la déchéance de son droit aux intérêts et de limiter à certaines sommes le montant de la condamnation de l'emprunteur au titre des trois prêts, alors « que les dispositions du code de la consommation relatives au crédit immobilier ne sont pas applicables aux prêts destinés à financer une activité professionnelle, notamment celle des personnes physiques ou morales qui, à titre habituel, même accessoire à une autre activité, ou en vertu de leur objet social, acquièrent et mettent un bien immobilier en location sous le statut de loueur en meublé professionnel ; que pour retenir l'application du code de la consommation, la cour d'appel se borne à énoncer que la « seule » souscription des trois prêts litigieux ne saurait conférer la qualité de professionnel à l'emprunteuse ; qu'en se déterminant ainsi sans rechercher si les trois prêts litigieux, souscrits pour l'acquisition de trois appartements parmi les trente-six dont se rendait concomitamment acquéreur Mme [V], inscrite au registre du commerce et des sociétés pour l'exercice d'une activité de loueur en meublé professionnel, ne s'inscrivait pas dans le cadre de l'activité professionnelle que celle-ci se disposait à déployer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 312-3, 2° du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la cause. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 312-3 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :

4. Selon ce texte, ne relèvent pas des règles propres au crédit immobilier à la consommation les prêts destinés à financer l'activité professionnelle, fût-elle accessoire, d'une personne physique qui, à titre habituel, procure des immeubles ou fractions d'immeubles en propriété ou en jouissance.

5. Pour déclarer applicables les dispositions du code de la consommation et prononcer en conséquence la déchéance du droit de la banque aux intérêts conventionnels, l'arrêt retient que la seule souscription de trois prêts le même jour ne saurait conférer à l'emprunteur la qualité de professionnel.

6. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la souscription, par l'emprunteur, inscrit au registre du commerce et des sociétés pour l'exercice d'une activité de loueur en meublé professionnel, de ces trois prêts en vue de l'acquisition de trois logements, parmi les trente-six dont il se rendait concomitamment acquéreur, destinés à la location meublée, ne relevait pas d'une activité professionnelle et n'était pas exclusive de la qualité de consommateur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

7. La banque fait le même grief à l'arrêt, alors « que le juge qui entend, d'office, qualifier de clause pénale une indemnité contractuelle, dire excessif le montant de cette indemnité et procéder à sa réduction, doit respecter le principe de la contradiction et inviter, au préalable, les parties à présenter leurs observations sur ce point ; que, devant la cour d'appel, Mme [V] n'avait aucunement contesté le montant de l'indemnité contractuelle sollicitée en application des stipulations du contrat, ni même prétendu qu'il s'agissait d'une clause pénale révisable par le juge ; qu'en retenant d'office que l'indemnité contractuelle réclamée par la banque constituait une clause pénale, qu'elle était excessive et devait être réduite à la somme de 100 euros pour chacun des prêts souscrits, sans inviter les parties à présenter leurs observations sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1er de la convention européenne des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16 du code de procédure civile :

8. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

9. Pour réduire le montant de l'indemnité contractuelle de résiliation stipulée dans les deux contrats de prêts litigieux, l'arrêt retient qu'il convient de faire application d'office des dispositions de l'article 1152, devenu 1231-5, du code civil, le montant de cette indemnité étant manifestement excessif.

10. En statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du premier moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite la condamnation de Mme [V] à payer au Crédit immobilier de France développement aux sommes de 63 474,44 euros outre intérêts au taux légal à compter du 14 décembre 2009 au titre du prêt 2079266 M001, 134 142,98 euros outre intérêts au taux légal à compter du 14 décembre 2009 au titre du prêt W001, 134 142,98 euros outre intérêts au taux légal à compter du 14 décembre 2009 au titre du prêt X001, et qu'il dit que les intérêts se capitaliseront dans les conditions prévues à l'article 1343-2 du code civil, l'arrêt rendu le 15 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne Mme [V] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour la société Crédit immobilier de France développement.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, après avoir retenu qu'il y avait lieu de prononcer la déchéance du droit aux intérêts conventionnels, limité le montant des créances de la banque au 14 décembre 2009 aux sommes de 63 474,44 €, 134 142,98 € et 134 142,98 € au titre des trois prêts, et d'avoir condamné Mme [V] à payer ces seules sommes assorties des intérêts au taux légal,

AUX MOTIFS QUE la seule souscription de trois prêts ne saurait conférer à [R] [V] la qualité de professionnel et le Crédit Immobilier de France Développement, qui soutient qu'il ignorait tout des autres emprunts souscrits par l'appelante, est pour le moins mal venu d'invoquer l'acquisition par celle-ci de 36 lots de copropriété dans le cadre d'un dispositif de défiscalisation ; (?) que si les trois offres de prêt sont datées du 4 juillet 2006, aucun élément ne permet de déterminer les dates d'expédition de ces offres et de réception par Mme [V], les mentions de l'acceptation de ces offres indiquant uniquement qu'elles ont été reçues par voie postale ; que l'acceptation des trois offres étant datée du 17 juillet 2006, la cour n'est pas en mesure de vérifier que Mme [V] a effectivement disposé d'une délai de 10 jours entre la réception des offres et leur acceptation ; que dès lors la sanction prévue par l'article L. 312-33 du code de la consommation dans sa rédaction en vigueur lors de la conclusion des prêts est encourue ; que, pour ce seul motif, il convient, compte tenu du contexte du litige, de prononcer la déchéance en totalité du droit aux intérêts de la banque, sans qu'il soit nécessaire d'examiner l'argumentation de Mme [V] sur les autres points ;

1°- ALORS QUE les dispositions du code de la consommation relatives au crédit immobilier ne sont pas applicables aux prêts destinés à financer une activité professionnelle, notamment celle des personnes physiques ou morales qui, à titre habituel, même accessoire à une autre activité, ou en vertu de leur objet social, acquièrent et mettent un bien immobilier en location sous le statut de loueur en meublé professionnel ; que pour retenir l'application du code de la consommation, la cour d'appel se borne à énoncer que la « seule » souscription des trois prêts litigieux ne saurait conférer la qualité de professionnel à l'emprunteuse ; qu'en se déterminant ainsi sans rechercher si les trois prêts litigieux, souscrits pour l'acquisition de trois appartements parmi les trente-six dont se rendait concomitamment acquéreur Mme [V], inscrite au registre du commerce et des sociétés pour l'exercice d'une activité de loueur en meublé professionnel, ne s'inscrivait pas dans le cadre de l'activité professionnelle que celle-ci se disposait à déployer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 312-3, 2° du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la cause ;

2°- ALORS subsidiairement QUE la méconnaissance du délai d'acceptation de dix jours est sanctionnée, non par la déchéance du droit aux intérêts, mais par la nullité relative du contrat de prêt, qui doit être demandée dans le délai de prescription de cinq ans ; qu'en prononçant la déchéance du droit aux intérêts en raison de la seule méconnaissance de ce délai, la cour d'appel a violé les articles L. 312-10 et L. 312-33 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et applicable à la cause.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
:

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement entrepris, limité le montant des créances de la banque au 14 décembre 2009 aux sommes de 63 474,44 €, 134 142,98 € et 134 142,9 € au titre des trois prêts, et d'avoir condamné Mme [V] à payer ces seules sommes assorties des intérêts au taux légal,

AUX MOTIFS QUE la société CIFD sollicite au titre du remboursement des prêts le paiement des sommes dont le détail figure sur les lettres recommandées du 16 avril 2010 prononçant la déchéance du terme ; qu'il convient de faire application d'office des dispositions de l'article 1152 devenu 1231-5 du code civil et de ramener à 100 euros le montant de l'indemnité contractuelle, dont le montant est manifestement excessif ; qu'en l'état de la déchéance du droit aux intérêts et au vu du tableau d'amortissement et du décompte figurant sur les lettres recommandées du 12 octobre 2009, et après rectification de l'erreur matérielle résultant de l'erreur concernant le prêt W001 improprement intitulé M001) la créance de la société CIFD s'établit de la façon suivante : Sur le prêt M001 de 76 000 euros : échéances impayées : 2 694,44 euros, capital restant dû au 25 novembre 2009 : 71 686,16 euros, indemnité de résiliation : 100,00 euros, à déduire intérêts déchus de la première échéance jusqu'au jour de la déchéance du terme le 14 décembre 2009 (40 échéances) : 11.006,16 euros, total : 63.474,44 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 14 décembre 2009 ; Sur le prêt W001 de 160 000 euros : échéances impayées : 5 945,62 euros, capital restant dû au 25 novembre 2009 : 150 945,44 euros, indemnité de résiliation : 100,00 euros, à déduire intérêts déchus de la première échéance jusqu'au jour de la déchéance du terme le 14 décembre 2009 : 22 848,08 euros, total : 134 142,98 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 14 décembre 2009 ; Sur le prêt X001 de 160.000 € : échéances impayées : 5.945,62 euros, capital restant dû au 25 novembre 2009 : 150.945,44 euros, indemnité de résiliation : 100,00 euros, à déduire intérêts déchus de la première échéance jusqu'au jour de la déchéance du terme le 14 décembre 2009 : 22 848,08 euros, total : 134 142,98 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 14 décembre 2009 ; que Mme [V] sera condamnée au paiement de cette somme ;

ALORS QUE le juge qui entend, d'office, qualifier de clause pénale une indemnité contractuelle, dire excessif le montant de cette indemnité et procéder à sa réduction, doit respecter le principe de la contradiction et inviter, au préalable, les parties à présenter leurs observations sur ce point ; que, devant la cour d'appel, Mme [V] n'avait aucunement contesté le montant de l'indemnité contractuelle sollicitée en application des stipulations du contrat, ni même prétendu qu'il s'agissait d'une clause pénale révisable par le juge ; qu'en retenant d'office que l'indemnité contractuelle réclamée par la banque constituait une clause pénale, qu'elle était excessive et devait être réduite à la somme de 100 euros pour chacun des prêts souscrits, sans inviter les parties à présenter leurs observations sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1er de la convention européenne des droits de l'homme ;


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 19-25207
Date de la décision : 29/06/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 15 octobre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 29 jui. 2022, pourvoi n°19-25207


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Gaschignard, SCP de Nervo et Poupet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:19.25207
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