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01/06/2022 | FRANCE | N°21-17074

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 01 juin 2022, 21-17074


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 1er juin 2022

Cassation partielle

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 455 FS-D

Pourvoi n° T 21-17.074

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER JUIN 2022

1°/ Mme [P] [Y], épouse [M],

2°/ M. [D] [M]

,

tous deux domiciliés [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° T 21-17.074 contre l'arrêt rendu le 28 janvier 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provenc...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 1er juin 2022

Cassation partielle

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 455 FS-D

Pourvoi n° T 21-17.074

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER JUIN 2022

1°/ Mme [P] [Y], épouse [M],

2°/ M. [D] [M],

tous deux domiciliés [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° T 21-17.074 contre l'arrêt rendu le 28 janvier 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-5), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [E] [I],

2°/ à Mme [T] [U], épouse [I],

tous deux domiciliés [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Jessel, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de M. et Mme [M], de la SARL Cabinet Briard, avocat de M. et Mme [I], et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 avril 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jessel, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, Mme Andrich, MM. David, Jobert, Mme Grandjean, conseillers, M. Jariel, Mme Schmitt, M. Baraké, Mme Gallet, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 28 janvier 2021), ayant procédé à la division d'un fonds leur appartenant, M. et Mme [M] ont vendu à M. et Mme [I] l'une des deux parcelles qui en est issue, cadastrée BN n° [Cadastre 1], par un acte du 25 avril 2012 prévoyant une servitude non altius tollendi grevant la parcelle constructible cédée au profit de celle, bâtie, dont ils ont conservé la propriété.

2. Soutenant que la construction réalisée par M. et Mme [I] dépassait la hauteur autorisée d'une cinquantaine de centimètres pour l'égout des toits et de deux centimètres pour le faîtage, M. et Mme [M] ont assigné leurs voisins en réalisation forcée de travaux d'abaissement de la toiture et en indemnisation de leurs préjudices.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

3. M. et Mme [M] font grief à l'arrêt de limiter la réparation de leur préjudice à la seule condamnation in solidum de M. et Mme [I] à leur payer une somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts uniquement pour le dommage moral occasionné la méconnaissance de la servitude conventionnelle, alors « que le créancier de l'obligation a le droit de demander que ce qui a été fait par contravention à l'engagement, soit détruit ; qu'en l'espèce, après avoir retenu la violation incontestable de la servitude librement consentie dans l'acte de vente du 25 avril 2012 et le manque de bonne foi des époux [I] qui, nonobstant l'avertissement des exposants, propriétaires du fonds dominant, ont poursuivi leur construction sans chercher à la mettre en conformité avec les exigences contractuelles, la cour d'appel ne pouvait refuser d'ordonner l'arasement du toit d'égout sous astreinte, qui lui était demandé par les époux [M], au prétexte d'une disproportion eu égard au caractère peu significatif de leur préjudice, sans préciser en quoi les intérêts en présence rendaient manifestement disproportionné cet arasement et sans relever ni constater les conséquences qui en résulteraient pour les contrevenants, qui ne s'y étaient d'ailleurs pas opposé et proposaient eux-mêmes, d'y procéder durant l'été suivant l'arrêt à intervenir ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 701, ensemble l'article 1103 (ancien 1134) du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 701 du code civil :

4. Selon ce texte, le propriétaire du fonds débiteur de la servitude ne peut rien faire qui tende à en diminuer l'usage ou à le rendre plus incommode.

5. Pour n'accorder qu'une indemnisation pécuniaire en réparation du dommage occasionné par la méconnaissance de la servitude non altius tollendi, l'arrêt retient que l'égout des toits excède de trente-deux centimètres seulement la hauteur autorisée, de sorte que la réalisation forcée des travaux de réduction de la hauteur de la construction litigieuse constituerait une mesure disproportionnée au regard du préjudice moral d'importance réduite causé par ce dépassement.

6. En se déterminant ainsi, alors que la démolition est la sanction d'un droit réel transgressé, sans préciser la nature des droits garantis par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales auxquels la réalisation forcée des travaux de mise en conformité porterait une atteinte disproportionnée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que M. et Mme [I] n'ont pas respecté la servitude conventionnelle non altius tollendi grevant leur fonds au profit de la propriété de M. et Mme [M] et que la construction dépasse, de 32 cm à l'égout de toit, la hauteur autorisée, l'arrêt rendu le 28 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne M. et Mme [I] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [M]

Les époux [M] font grief à l'arrêt attaqué, après avoir dit que les époux [I] n'ont pas respecté la servitude conventionnelle non altius tollendi grevant leur fonds au profit de la propriété de leurs vendeurs, les consorts [M], et que la construction dépasse de 32 cm à l'égout de toi, la hauteur contractuellement autorisée, d'AVOIR limité la réparation du préjudice subi par les époux [M] à la seule condamnation in solidum des époux [I] à leur payer une somme de 4.000 € à titre de dommages et intérêts uniquement pour le préjudice moral qu'ils leur ont causé par la violation de la servitude conventionnelle ;

1°) ALORS QUE le juge, qui est lié par les moyens et prétentions des parties, doit statuer sur tout ce qui est demandé et uniquement ce qui est demandé ; qu'en réponse à la demande des époux [M] d'arasement de l'égout de toit du fait du dépassement de la hauteur contractuellement autorisée de 32 cm, les époux [I] avaient simplement demandé à la cour d'appel, pour le cas où cette clause leur serait opposable, de « dire et juger que les travaux d'abaissement du niveau de l'égout de toit de 32 cm ne pourront se faire qu'entre le 1er juin et le 31 août de l'été suivant l'arrêt à intervenir, l'astreinte d'un montant maximum de 50 euros par jour de retard ne commençait à courir qu'à compter du 1er septembre de la même année » ; qu'en cet état, après avoir elle-même constaté que la servitude conventionnelle était opposable et n'avait pas été respectée par les époux [I], la cour d'appel, ne pouvait refuser de les condamner à la réparation en nature par l'arasement du toit car, ce faisant, elle a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

2°) ALORS, EN OUTRE, QUE juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'après avoir constaté la violation de la servitude non altius tollendi par les époux [I] qui l'avaient librement souscrite au profit des époux [M], la cour d'appel a refusé de prononcer l'arasement du toit demandé en affirmant que cette mesure serait disproportionnée ; qu'en statuant ainsi, par un moyen relevé d'office, sans même avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce point, qui n'était d'ailleurs pas contesté par les époux [I], la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

3°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE le créancier de l'obligation a le droit de demander que ce qui a été fait par contravention à l'engagement, soit détruit ; qu'en l'espèce, après avoir retenu « la violation incontestable de la servitude librement consentie » dans l'acte de vente du 25 avril 2012 et le manque de bonne foi des époux [I] qui, nonobstant l'avertissement des exposants, propriétaires du fonds dominant, ont poursuivi leur construction sans chercher à la mettre en conformité avec les exigences contractuelles, la cour d'appel ne pouvait refuser d'ordonner l'arasement du toit d'égout sous astreinte, qui lui était demandé par les époux [M], au prétexte d'une disproportion eu égard au caractère peu significatif de leur préjudice, sans préciser en quoi les intérêts en présence rendaient manifestement disproportionné cet arasement et sans relever ni constater les conséquences qui en résulteraient pour les contrevenants, qui ne s'y étaient d'ailleurs pas opposé et proposaient eux-mêmes, d'y procéder durant l'été suivant l'arrêt à intervenir ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 701, ensemble l'article 1103 (ancien 1134) du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 21-17074
Date de la décision : 01/06/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 28 janvier 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 01 jui. 2022, pourvoi n°21-17074


Composition du Tribunal
Président : Mme Teiller (président)
Avocat(s) : SARL Cabinet Briard, SARL Cabinet Munier-Apaire

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.17074
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