La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/05/2022 | FRANCE | N°21-10969

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 mai 2022, 21-10969


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 18 mai 2022

Cassation

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 580 F-D

Pourvoi n° H 21-10.969

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 MAI 2022

La société Deca propreté IDF, société par

actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° H 21-10.969 contre l'arrêt rendu le 15 octobre 2020 par la c...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 18 mai 2022

Cassation

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 580 F-D

Pourvoi n° H 21-10.969

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 MAI 2022

La société Deca propreté IDF, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° H 21-10.969 contre l'arrêt rendu le 15 octobre 2020 par la cour d'appel de Versailles (6e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Arc-en-ciel IDF Ouest, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à M. [G] [L], domicilié chez M. [R] [L], [Adresse 4],

3°/ au syndicat CNT SO Syndicat du nettoyage, dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Barincou, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de la société Deca propreté IDF, de la SARL Cabinet Briard, avocat de la société Arc-en-ciel IDF Ouest, après débats en l'audience publique du 22 mars 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Barincou, conseiller rapporteur, Mme Le Lay, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué statuant en référé (Versailles, 15 octobre 2020), M. [L], ressortissant d'un Etat tiers à l'Union européenne, a été engagé le 4 décembre 2013 par la société GOM propreté, aux droits de laquelle se trouve la société Arc-en-ciel IDF Ouest.

2. La société Deca propreté IDF a repris, à compter du 1er janvier 2019, le marché de nettoyage du conseil général des Yvelines, précédemment attribué à la société Arc-en-ciel IDF Ouest.

3. Tout en invoquant l'absence d'autorisation de travail du salarié, pour s'opposer au transfert de son contrat de travail, l'entreprise entrante l'a employé du 1er au 31 janvier 2019 puis a cessé de lui fournir du travail à compter du 1er février 2019.

4. Le salarié a saisi la formation de référé de la juridiction prud'homale de demandes dirigées contre l'entreprise entrante et l'entreprise sortante, pour obtenir la détermination de son employeur ainsi que la condamnation provisionnelle de celui-ci au paiement de ses salaires depuis le 1er février 2019. Le syndicat Confédération nationale des travailleurs - Solidarité ouvrière est intervenu volontairement à l'instance.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

5. La société Deca propreté IDF fait grief à l'arrêt de la condamner à payer diverses sommes au salarié, au titre des salaires et des congés payés afférents de février à juin 2019, et au syndicat CNT Solidarité ouvrière, à titre de dommages-intérêts, alors :

« 1°/ que, en application de l'article 7.2, I de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011, le contrat de travail d'un salarié ne peut être transféré au nouveau prestataire que si ce salarié est en situation régulière au regard de la législation du travail relative aux travailleurs étrangers ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui, après avoir relevé qu'au jour de la reprise du marché, le titre de séjour du salarié était expiré, de sorte qu'il n'était pas en situation régulière au regard de la législation du travail relative aux travailleurs étrangers, a néanmoins décidé que son contrat de travail a été transféré à l'entreprise entrante, après avoir retenu de manière inopérante que l'éventuel manquement de la société sortante dans la transmission des informations relatives au personnel affecté au marché repris n'avait pas mis l'entreprise entrante dans l'impossibilité d'organiser la reprise du marché, a violé le texte susvisé ;

2°/ que les dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail font obstacle à ce que le nouveau titulaire d'un marché soit tenu, en vertu de dispositions conventionnelles applicables en cas de changement de prestataire de services, à la poursuite du contrat de travail d'un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a constaté l'irrégularité de la situation du salarié au regard de la législation applicable aux travailleurs étrangers, tout en ayant néanmoins décidé que son contrat de travail avait été transféré à l'entreprise entrante par application des stipulations de la convention collective des entreprises de propreté, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article L. 8251-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L 8251-1 et L. 8252-1 du code du travail et les articles 7.2 et 7.3 de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011 :

6. Il résulte des dispositions combinées des deux premiers de ces textes qu'un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France n'est pas assimilé à un salarié régulièrement engagé au regard des règles régissant le transfert du contrat de travail.

7. Selon le troisième de ces textes le nouveau prestataire s'engage à garantir l'emploi du personnel affecté au marché faisant l'objet de la reprise qui, notamment, est en situation régulière au regard de la législation du travail relative aux travailleurs étrangers.

8. Aux termes du dernier de ces textes, l'ancien prestataire doit établir la liste du personnel affecté au marché repris, en faisant ressortir les salariés remplissant les conditions énumérées à l'article précédent, puis la communiquer obligatoirement à l'entreprise entrante avec une copie de divers documents et notamment l'autorisation de travail des travailleurs étrangers.

9. Pour condamner l'entreprise entrante à payer au salarié une somme provisionnelle au titre des salaires de février à juin 2019, l'arrêt, après avoir constaté qu'elle avait émis auprès de l'entreprise sortante, dès le 27 décembre 2018, des réserves sur le transfert du contrat de travail en raison de l'absence d'autorisation de travail de l'intéressé, retient que le transfert du contrat de travail doit être considéré comme effectif, dès lors que le supposé manquement de l'entreprise sortante dans la transmission des informations n'a pas mis l'entreprise entrante dans l'impossibilité d'organiser la reprise du marché et que cette dernière, en sa qualité de repreneur, avait donc l'obligation de poursuivre le contrat de travail ou de prendre l'initiative de le rompre.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Condamne la société Arc-en-ciel IDF Ouest aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Arc-en-ciel IDF Ouest et la condamne à payer à la société Deca propreté IDF la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Spinosi, avocat aux Conseils, pour la société Deca propreté IDF

La société Deca Propreté IDF fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir condamnée à payer à M. [L] à titre provisionnel la somme de 6.149,40 euros, outre les congés payés y afférents, au titre des salaires de février à juin 2019 et au syndicat CNT Solidarité ouvrière des dommages et intérêts à titre provisionnel de 1.000 euros pour atteinte aux intérêts collectifs de la profession ;

Alors qu'en application de l'article 7.2, I de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011, le contrat de travail d'un salarié ne peut être transféré au nouveau prestataire que si ce salarié est en situation régulière au regard de la législation du travail relative aux travailleurs étrangers ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui, après avoir relevé qu'au jour de la reprise du marché, le titre de séjour du salarié était expiré, de sorte qu'il n'était pas en situation régulière au regard de la législation du travail relative aux travailleurs étrangers, a néanmoins décidé que son contrat de travail a été transféré à l'entreprise entrante, après avoir retenu de manière inopérante que l'éventuel manquement de la société sortante dans la transmission des informations relatives au personnel affectés au marché repris n'avait pas mis l'entreprise entrante dans l'impossibilité d'organiser la reprise du marché, a violé le texte susvisé ;

Alors, en outre, que les dispositions de l'article L.8251-1 du code du travail font obstacle à ce que le nouveau titulaire d'un marché soit tenu, en vertu de dispositions conventionnelles applicables en cas de changement de prestataire de services, à la poursuite du contrat de travail d'un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a constaté l'irrégularité de la situation du salarié au regard de la législation applicable aux travailleurs étrangers, tout en ayant néanmoins décidé que son contrat de travail avait été transféré à l'entreprise entrante par application des stipulations de la convention collective des entreprises de propreté, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article L.8251-1 du code du travail ;

Alors, tout état de cause, que, lorsque l'employeur a cessé de fournir du travail à un salarié en situation irrégulière au regard de la législation du travail relative aux travailleurs étrangers, le contrat de travail est rompu par la cause objective de l'irrégularité de la situation du salarié à cette date, en sorte qu'aucun salaire ne lui est alors dû ; qu'en l'espèce, à supposer la société entrante employeur du salarié en situation irrégulière, le contrat de travail a été rompu par la cause objective de l'irrégularité de la situation du salarié au 1er février 2019, de sorte qu'en la condamnant néanmoins au paiement d'un rappel de salaire pour la période de février à juin 2019, date à laquelle le salarié a cessé de se tenir à la disposition de la société entrante, la cour d'appel a violé l'article L.8251-1 du code du travail ;

Alors, enfin, que la censure du chef de l'arrêt ayant décidé que le contrat de travail du salarié a été transféré à la société entrante en application de l'article 7 de la convention collective des entreprises de propreté entraînera, par voie de conséquence et en application de l'article 624 du code de procédure civile, l'annulation du chef de l'arrêt l'ayant condamnée à payer au syndicat des dommages et intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession caractérisée par la prétendue violation de l'article 7 précité


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-10969
Date de la décision : 18/05/2022
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 15 octobre 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 18 mai. 2022, pourvoi n°21-10969


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Cabinet Briard, SCP Spinosi

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.10969
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award