LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 7 avril 2022
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 374 F-B
Pourvoi n° U 20-20.498
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 AVRIL 2022
M. [H] [V], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 20-20.498 contre l'arrêt rendu le 7 mai 2020 par la cour d'appel de Versailles (5e chambre), dans le litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Hauts-de-Seine, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Renault-Malignac, conseiller, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de M. [V], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er mars 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Renault-Malignac, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 7 mai 2020), M. [V] (le médecin) exerce une activité de médecin spécialiste en médecine générale. Lors de sa première installation en exercice libéral, il a demandé à la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine (la caisse) à être autorisé à exercer son activité en secteur à honoraires différents (dit secteur 2). Par décision du 21 avril 2016, prise après avis du Conseil national de l'ordre des médecins, la caisse lui a opposé un refus au motif que la durée de son activité en tant qu'assistant spécialiste en établissement de santé privé d'intérêt collectif était insuffisante à établir une équivalence avec le titre d'ancien assistant des hôpitaux.
2. Le médecin a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en ses autres branches, et le second moyen, réunis
Enoncé des moyens
4. Le médecin fait grief à l'arrêt de dire qu'il ne peut être autorisé à exercer son activité en secteur 2, alors :
Premier moyen
« 1°/ qu'aux termes de l'article R. 6152-537 du code de la santé publique, « pour porter le titre d'ancien assistant spécialiste des hôpitaux ou d'ancien assistant généraliste des hôpitaux, il est nécessaire de justifier de deux années de fonctions effectives respectivement en l'une ou l'autre de ces qualités » ; qu'en retenant que pour bénéficier du titre d'ancien assistant spécialiste des hôpitaux la réglementation imposait de justifier de deux années de fonctions effectives à temps plein, cependant que l'article R. 6152-537 du code de la santé publique n'exige nullement de justifier de l'exercice desdites fonctions à temps plein, la cour d'appel qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas, a violé l'article R. 6152-537 du code de la santé publique ;
2°/ qu'aux termes de l'article R. 6152-511-1 du code de la santé publique, relatif au recrutement des assistants des hôpitaux, « les assistants doivent avoir accompli au moins deux ans de services effectifs à temps plein avant de pouvoir être recrutés en qualité d'assistants des hôpitaux à temps partiel » ; qu'en jugeant qu'il résultait de cette disposition que pour bénéficier du titre d'ancien assistant spécialiste des hôpitaux il fallait justifier de deux années de fonctions effectives en cette qualité à temps plein, cependant que l'article R. 6152-511-1 du code de la santé publique concerne exclusivement les conditions dans lesquelles les assistants des hôpitaux peuvent exercer leur activité à temps partiel au sein d'un établissement de santé public et nullement l'attribution du titre d'ancien assistant des hôpitaux, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article R. 6152-511-1 du code de la santé publique ;
Second moyen
1°/ que, pour déterminer si un assistant des hôpitaux a accompli deux ans de fonctions effectives à temps plein et peut ainsi bénéficier du titre d'ancien assistant des hôpitaux, le juge doit apprécier concrètement la réalité du nombre d'heures de travail effectuées par ce dernier, peu important les mentions figurant sur les documents contractuels ; qu'en affirmant, pour juger qu' « il ne peut être considéré que le médecin a accompli deux années de fonctions effectives d'assistant spécialiste à temps plein au sens de la réglementation », qu' « il importe peu que le médecin ait pu, alors qu'il travaillait pour l'Institut dans le cadre d'un contrat de travail à temps partiel de 80 %, assurer un service correspondant à un nombre d'heures pouvant aller jusqu'à être équivalent à un temps plein », cependant que l'exercice effectif des fonctions d'assistant des hôpitaux à temps plein pendant deux ans était déterminant en l'espèce, peu important les mentions figurant sur le contrat de travail, la cour d'appel a violé les articles R. 6152-511-1 et R. 6152-537 du code de la santé publique ;
2°/ que, pour déterminer si un assistant des hôpitaux a accompli deux ans de fonctions effectives à temps plein et peut ainsi bénéficier du titre d'ancien assistant des hôpitaux, le juge doit apprécier concrètement la réalité du nombre d'heures de travail effectuées par ce dernier, peu important les mentions figurant sur les documents contractuels ; qu'en retenant, pour juger qu' « il ne peut être considéré que le médecin a accompli deux années de fonctions effectives d'assistant spécialiste à temps plein », que les bulletins de salaire produits par le médecin ne démontrent aucunement qu'il a assuré un service correspondant à un nombre d'heures équivalent à un temps plein et que « l'équivalent temps plein que le médecin revendique, s'il a pu être réalisé en terme de temps passé en tant qu'assistant spécialiste, ne se trouve vérifié ni par le contrat signé, ni par le bulletin de salaire », sans rechercher in concreto, comme elle y était invitée, s'il ressortait de l'attestation destinée à l'Assedic établie par l'employeur et de l'attestation de la chef de service du médecin que celui-ci avait en réalité travaillé à temps plein pendant deux ans, en renonçant à quarante jours de congés, qui lui ont finalement été payés en fin de contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles R. 6152-537 et R. 6152-511-1 du code de la santé publique. »
Réponse de la Cour
5. Selon l'article 35.1 de la convention nationale des médecins généralistes et des médecins spécialistes signée le 26 juillet 2011 et approuvée par arrêté ministériel du 22 septembre 2011, applicable au litige, peuvent être autorisés à pratiquer des honoraires différents les médecins qui sont titulaires de l'un des titres qu'il énumère, parmi lesquels figure celui d'ancien assistant des hôpitaux dont le statut est régi par les articles R. 6152-501 et suivants du code de la santé publique, acquis notamment dans les établissements publics ou par équivalence dans les établissements de santé privés d'intérêt collectif. S'agissant des titres acquis dans ces derniers établissements, leur équivalence aux titres énumérés est reconnue par la caisse primaire d'assurance maladie du lieu d'implantation du cabinet principal du médecin conformément aux décisions de la Caisse nationale d'assurance maladie, après avis du conseil national de l'ordre des médecins et, en tant que de besoin, des services ministériels compétents.
6. Aux termes de l'article R. 6152-511-1 du code de la santé publique, les assistants doivent avoir accompli au moins deux ans de services effectifs à temps plein avant de pouvoir être recrutés en qualité d'assistants des hôpitaux à temps partiel.
7. Aux termes de l'article R. 6152-537 du même code, pour porter le titre d'ancien assistant spécialiste des hôpitaux ou d'ancien assistant généraliste des hôpitaux, il est nécessaire de justifier de deux années de fonctions effectives respectivement en l'une ou l'autre de ces qualités.
8. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que pour pouvoir prétendre être autorisé à pratiquer des honoraires différents, le médecin qui invoque un titre équivalent à celui d'ancien assistant des hôpitaux acquis dans un établissement de santé privé d'intérêt collectif doit justifier de deux années de fonctions effectives à temps plein en cette qualité.
9. L'arrêt relève que le médecin a exercé entre le 29 octobre 2012 et le 31 octobre 2014 son activité de médecin spécialiste à l'Institut hospitalier franco-britannique de [Localité 3], établissement de santé privé d'intérêt collectif, que la fonction de médecin spécialiste correspond à celle d'assistant spécialiste, que jusqu'au 31 octobre 2013, il a exercé cette activité dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée à temps partiel (80 %) puis, du 1er novembre 2013 au 31 octobre 2014, dans le cadre d'un contrat à durée déterminée à temps complet.
10. Il constate par ailleurs que l'équivalent temps plein que le médecin revendique ne se trouve vérifié ni par le contrat signé ni par les bulletins de salaires.
11. De ces constatations et énonciations, procédant de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve soumis à son examen, la cour d'appel qui n'avait pas à s'expliquer davantage sur les éléments de preuve qu'elle décidait d'écarter, a exactement déduit que le médecin qui ne justifiait pas avoir accompli deux années de fonctions effectives à temps plein pour acquérir un titre équivalent à celui d'assistant spécialiste des hôpitaux, ne pouvait être autorisé à exercer en secteur à honoraires différents.
12. Les moyens ne sont, dès lors, pas fondés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Condamne M. [V] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [V] et le condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept avril deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour M. [V]
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
M. [V] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR décidé que M. [H] [V] ne peut se voir, en l'état, accorder la possibilité d'exercer son activité en secteur 2 en bénéficiant du titre d'ancien assistant des hôpitaux ;
ALORS QUE 1°), aux termes de l'article R6152-537 du code de la santé publique, « pour porter le titre d'ancien assistant spécialiste des hôpitaux ou d'ancien assistant généraliste des hôpitaux, il est nécessaire de justifier de deux années de fonctions effectives respectivement en l'une ou l'autre de ces qualités » ; qu'en retenant que pour bénéficier du titre d'ancien assistant spécialiste des hôpitaux la réglementation imposait de justifier de deux années de fonctions effectives à temps plein, cependant que l'article R6152-537 du code de la santé publique n'exige nullement de justifier de l'exercice desdites fonctions à temps plein, la cour d'appel qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas, a violé l'article R 6152-537 du code de la santé publique,
ALORS QUE 2°), aux termes de l'article R6152-511-1 du code de la santé publique, relatif au recrutement des assistants des hôpitaux, « les assistants doivent avoir accompli au moins deux ans de services effectifs à temps plein avant de pouvoir être recrutés en qualité d'assistants des hôpitaux à temps partiel » ; qu'en jugeant qu'il résultait de cette disposition que pour bénéficier du titre d'ancien assistant spécialiste des hôpitaux il fallait justifier de deux années de fonctions effectives en cette qualité à temps plein, cependant que l'article R6152-511-1 du code de la santé publique concerne exclusivement les conditions dans lesquelles les assistants des hôpitaux peuvent exercer leur activité à temps partiel au sein d'un établissement de santé public et nullement l'attribution du titre d'ancien assistant des hôpitaux, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article R6152-511-1 du code de la santé publique,
ALORS QUE 3°), commet un déni de justice le juge qui refuse d'examiner la question dont il est saisi et en renvoie l'examen à un tiers ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a affirmé que c'est sur la base des dispositions des articles R6152-511-1 et R6152-537 du code de la santé publique que « la CNAMTS, après avis du conseil national de l'ordre des médecins, a considéré que M. [V] ne pouvait bénéficier du titre d'ancien assistant des hôpitaux » et que « la cour ne peut qu'observer que l'avis du conseil national de l'ordre est émis par des praticiens qui sont mieux à même de juger du ‘travail' effectué par un médecin et de ses qualifications » (arrêt, p. 5, avant dernier §) ; qu'en se bornant ainsi à renvoyer au conseil national de l'ordre l'appréciation du travail et des qualifications de M. [V] et en refusant d'apprécier elle-même le travail et les qualifications de ce dernier, la cour a violé l'article 4 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)M. [V] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR décidé que M. [H] [V] ne peut se voir, en l'état, accorder la possibilité d'exercer son activité en secteur 2 en bénéficiant du titre d'ancien assistant des hôpitaux ;
ALORS QUE 1°), pour déterminer si un assistant des hôpitaux a accompli deux ans de fonctions effectives à temps plein et peut ainsi bénéficier du titre d'ancien assistant des hôpitaux, le juge doit apprécier concrètement la réalité du nombre d'heures de travail effectuées par ce dernier, peu important les mentions figurant sur les documents contractuels ; qu'en affirmant, pour juger qu' « il ne peut être considéré que M. [V] a accompli deux années de fonctions effectives d'assistant spécialiste à temps plein au sens de la réglementation » (arrêt, p. 6, §1), qu' « il importe peu que M. [V] ait pu, alors qu'il travaillait pour l'Institut dans le cadre d'un contrat de travail à temps partiel de 80%, assurer un service correspondant à un nombre d'heures pouvant aller jusqu'à être équivalent à un temps plein » (arrêt, p. 5, dernier §), cependant que l'exercice effectif des fonctions d'assistant des hôpitaux à temps plein pendant deux ans était déterminant en l'espèce, peu important les mentions figurant sur le contrat de travail, la cour d'appel a violé les articles R 6152-511-1 et R 6152-537 du code de la santé publique,
ALORS QUE 2°), pour déterminer si un assistant des hôpitaux a accompli deux ans de fonctions effectives à temps plein et peut ainsi bénéficier du titre d'ancien assistant des hôpitaux, le juge doit apprécier concrètement la réalité du nombre d'heures de travail effectuées par ce dernier, peu important les mentions figurant sur les documents contractuels ; qu'en retenant, pour juger qu' « il ne peut être considéré que M. [V] a accompli deux années de fonctions effectives d'assistant spécialiste à temps plein » (arrêt, p. 6, §1), que les bulletins de salaire produits par M. [V] ne démontrent aucunement qu'il a assuré un service correspondant à un nombre d'heures équivalent à un temps plein et que « l'équivalent temps-plein que M. [V] revendique, s'il a pu être réalisé en terme de temps passé en tant qu'assistant spécialiste, ne se trouve vérifié ni par le contrat signé, ni par le bulletin de salaire » (arrêt, p. 5 dernier §), sans rechercher in concreto, comme elle y était invitée (conclusions de M. [V] p. 16 et note en délibérée de M. [V], p. 1-2), s'il ressortait de l'attestation destinée à l'Assedic établie par l'employeur et de l'attestation de la chef de service de M. [V] que celui-ci avait en réalité travaillé à temps plein pendant deux ans, en renonçant à 40 jours de congés, qui lui ont finalement été payés en fin de contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles R 6152-537 et R 6152-511-1 du code de la santé publique.