LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
LG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 23 mars 2022
Cassation
M. CATHALA, président
Arrêt n° 357 FS-B
Pourvois n°
U 20-18.681
à X 20-18.684 JONCTION
Aide juridictionnelle partielle en défense
au profit de M. [V].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation en date du 13 janvier 2021.
Aide juridictionnelle partielle en défense
au profit de M. [I].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation en date du 7 avril 2021.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 MARS 2022
La société GG sécurité privée, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé les pourvois n° U 20-18.681, V 20-18.682, W 20-18.683 et X 20-18.684 contre quatre arrêts rendus le 20 mai 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 6), dans les litiges l'opposant respectivement
1°/ à M. [M] [V], domicilié [Adresse 5],
2°/ à M. [D] [W], domicilié [Adresse 3],
3°/ à M. [S] [W], domicilié [Adresse 6],
4°/ à M. [T] [I], domicilié [Adresse 2],
5°/ à la société Métiers des services de sécurité, (M2S sécurité), société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de chacun de ses pourvois, le moyen unique de cassation commun annexé au présent arrêt.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Marguerite, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boullez, avocat de la société GG sécurité privée, de la SCP Didier et Pinet, avocat de MM. [V], [I], MM. [D] et [S] [W], et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er février 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Marguerite, conseiller référendaire rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, M. Pietton, Mme Le Lay, MM. Barincou, Seguy, Mme Grandemange, conseillers, Mme Prache, M. Carillon, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 20-18.681, 20-18.682, 20-18.683 et 20-18.684 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon les arrêts attaqués (Paris, 20 mai 2020) et les productions, les salariés engagés par la société Métiers des services de sécurité (M2S sécurité) exerçaient en dernier lieu les fonctions d'agent cynophile et étaient exclusivement affectés sur le site de l'ensemble immobilier du centre urbain de la tour à [Localité 7].
3. Ils se sont vu notifier le 18 septembre 2015 par leur employeur le transfert de leur contrat de travail à la société GG sécurité privée, en application des dispositions conventionnelles de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel annexé à la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985.
4. La société GG sécurité privée, ayant refusé de reprendre leur contrat, ils ont saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant à voir imputer la rupture de fait de leur contrat de travail, à titre principal, à la société GG sécurité privée et, à titre subsidiaire, à la société M2S sécurité et à obtenir le paiement de diverses sommes à ce titre.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. La société GG sécurité privée fait grief aux arrêts de mettre hors de cause la société M2S sécurité, de dire que le licenciement des salariés concernés était dépourvu de cause réelle et sérieuse, de la condamner à leur payer une indemnité de préavis, une indemnité de congés payés, une indemnité de licenciement ainsi que des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que les obligations de reprise du personnel dans les conditions de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel, annexé à la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité, s'appliquent au périmètre sortant tel que défini à l'article 1er, selon lequel par les termes de "périmètre sortant", il faut entendre à la fois le volume de prestations et la configuration des métiers, emplois, qualifications de l'ensemble des effectifs réalisant celles-ci, tels que ces deux éléments conjugués existaient précédemment à la consultation en vue du renouvellement du prestataire ; qu'il en résulte qu'en cas de renouvellement partiel d'un marché, le périmètre sortant soumis à l'obligation de reprise du personnel s'entend de la seule partie renouvelée et attribuée à un nouveau prestataire ; qu'en l'espèce, la société GG sécurité privée faisait valoir qu'en septembre 2015, la ville de [Localité 7] a décidé que la surveillance du "centre commercial de [Localité 7]" ne relevait plus de sa mission publique de sécurisation" et ainsi "purement et simplement retiré ce site des marchés publics avant de lancer les appels d'offres", en sorte que l'accord conventionnel de reprise du personnel n'était pas applicable aux "salariés de la société M2S sécurité affectés exclusivement à la surveillance du site du "centre commercial" retiré des marchés et des appels d'offres" ; qu'en retenant que "le fait que la ville de [Localité 7] ait décidé de réduire le périmètre du marché entrant ou repris (...) ne saurait permettre à la société GG sécurité privée d'échapper à ses obligations conventionnelles de reprise de la totalité des salariés transférables affectés au périmètre sortant", cependant qu'en cas de différence entre le périmètre entrant et le périmètre sortant, l'obligation de reprise du personnel ne concerne que les salariés affectés au périmètre entrant, la cour d'appel a violé les articles 1 et 2.3.3 de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel, annexé à la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1er et 2.3.2 de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel annexé à la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985 :
6. Selon ces textes, les obligations de reprise du personnel pesant sur l'entreprise entrante s'appliquent au périmètre sortant défini comme le volume de prestations et la configuration des métiers, emplois, qualifications de l'ensemble des effectifs réalisant celles-ci, tels que ces deux éléments conjugués existaient précédemment à la consultation en vue du renouvellement du prestataire. Il n'y a pas lieu de prendre en compte une éventuelle modification du volume ou des qualifications professionnelles requises au sein du périmètre entrant.
7. Il en résulte que le périmètre sortant est celui du marché transféré donnant lieu au renouvellement de prestataire et que l'obligation de reprise des contrats de travail ne s'impose pas au nouveau prestataire lorsque le renouvellement ne porte pas sur le marché auquel les salariés étaient affectés.
8. Pour mettre hors de cause la société sortante et condamner la société entrante à diverses sommes au titre de la rupture de leur contrat de travail, les arrêts retiennent d'abord que le périmètre sortant était composé du gardiennage de l'ensemble immobilier du centre commercial de la tour (lot n° 1) et de la sécurisation des biens communaux et des manifestations publiques (lot n° 2) et ensuite que la société entrante est devenue attributaire du marché relatif au gardiennage et à la sécurisation des bâtiments communaux et des manifestations publiques, relevant précisément du périmètre sortant.
9. Ils ajoutent que le fait que la ville de [Localité 7] ait décidé de réduire le périmètre du marché entrant ou repris avant de le rétablir dix mois plus tard ne saurait permettre à la société entrante d'échapper à ses obligations conventionnelles de reprise de la totalité des salariés transférables affectés au périmètre sortant.
10. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le marché attribué à la société entrante ne concernait pas les missions de gardiennage de l'ensemble immobilier du centre commercial de la tour auxquelles étaient exclusivement affectés les salariés, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les arrêts rendus le 20 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet les affaires et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société M2S sécurité aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mars deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen commun produit par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour la société GG sécurité privée, demanderesse aux pourvois n° U 20-18.681 à X 20-18.684
La société GG SECURITE PRIVÉE fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR mis hors de cause la société M2S SECURITE, D'AVOIR dit que le licenciement des salariés concernés était dépourvu de cause réelle et sérieuse, D'AVOIR condamné la société GG SECURITÉ PRIVEE à payer une indemnité de préavis, une indemnité de congés payés, une indemnité de licenciement ainsi que des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
1. ALORS QUE les obligations de reprise du personnel dans les conditions de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel, annexé à la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité, s'appliquent au périmètre sortant tel que défini à l'article 1er, selon lequel par les termes de « périmètre sortant », il faut entendre à la fois le volume de prestations et la configuration des métiers, emplois, qualifications de l'ensemble des effectifs réalisant celles-ci, tels que ces deux éléments conjugués existaient précédemment à la consultation en vue du renouvellement du prestataire ; qu'il en résulte qu'en cas de renouvellement partiel d'un marché, le périmètre sortant soumis à l'obligation de reprise du personnel s'entend de la seule partie renouvelée et attribuée à un nouveau prestataire ; qu'en l'espèce, la société GG Sécurité Privée faisait valoir qu'« en septembre 2015, la Ville de [Localité 7] a décidé que la surveillance du "centre Commercial de [Localité 7]" ne relevait plus de sa mission publique de sécurisation » et ainsi « purement et simplement retiré ce site des marchés publics avant de lancer les appels d'offres », en sorte que l'accord conventionnel de reprise du personnel n'était pas applicable aux « salariés de la société M2S Sécurité affectés exclusivement à la surveillance du site du "centre commercial" retiré des marchés et des appels d'offres » (conclusions pp. 5-6, § n° 1) ; qu'en retenant que « le fait que la ville de [Localité 7] ait décidé de réduire le périmètre du marché entrant ou repris (...) ne saurait permettre à la société GG Sécurité Privée d'échapper à ses obligations conventionnelles de reprise de la totalité des salariés transférables affectés au périmètre sortant » (arrêt, p. 6, pénultième paragraphe), cependant qu'en cas de différence entre le périmètre entrant et le périmètre sortant, l'obligation de reprise du personnel ne concerne que les salariés affectés au périmètre entrant, la cour d'appel a violé les articles 1er et 2.3.3 de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel, annexé à la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité ;
2. ALORS QUE l'exposante a soutenu que les prestations de la société M2S Sécurité avaient porté, d'une part « sur le gardiennage de l'ensemble immobilier du centre urbain de la tour (lot n° 1) », et, d'autre part, « sur la sécurisation des biens communaux et des manifestations publiques (lot n° 2) » (conclusions, p. 3) et que le marché « n° 2015-010 » attribué à la société GG Sécurité Privée était quant à lui circonscrit aux « gardiennage et sécurisation des bâtiments communaux et des manifestations publiques », excluant l'ensemble immobilier du centre urbain de la tour (ibid.) ; qu'en retenant pourtant que le marché attribué à la société à la société GG SECURITE PRIVEE aurait « relev[é] précisément du périmètre sortant (...) (sa pièce n° 3) » (arrêt, p. 6, § 5), sans répondre aux conclusions précitées, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.