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23/03/2022 | FRANCE | N°17-17981

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 23 mars 2022, 17-17981


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 23 mars 2022

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 338 FS-P+B

Pourvoi n° W 17-17.981

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 MARS 2022

M. [B] [K], domicilié [Adresse 3] (Lettonie), a formé le pourvoi n°

W 17-17.981 contre l'arrêt rendu le 21 février 2017 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 1), dans le litige l'opposant à la République ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 23 mars 2022

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 338 FS-P+B

Pourvoi n° W 17-17.981

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 MARS 2022

M. [B] [K], domicilié [Adresse 3] (Lettonie), a formé le pourvoi n° W 17-17.981 contre l'arrêt rendu le 21 février 2017 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 1), dans le litige l'opposant à la République du Kirghizistan, dont le siège est [Adresse 1]), agissant poursuites et diligences par le Center of Court Representation, défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Hascher, conseiller, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de M. [K], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la République du Kirghizistan, et l'avis de M. Poirret, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 mars 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Hascher, conseiller rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, MM. Avel, Bruyère, conseillers, M. Vitse, Mmes Kloda, Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Poirret, premier avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 février 2017), en 2007, à la suite d'un appel d'offres, M. [K], citoyen letton, a acquis la banque kirghize Insan Bank, devenue Manas Bank. A la suite du changement de régime en République du Kirghizistan en avril 2010, Manas Bank a été placée sous administration provisoire, puis sous séquestre, jusqu'au prononcé de son insolvabilité en juillet 2015.

2. M. [K] a alors engagé à [Localité 2] une procédure d'arbitrage ad hoc sur le fondement de l'Accord pour la promotion et la protection des investissements entre la République de Lettonie et celle du Kirghizistan (TBI) et du Règlement d'arbitrage de la Commission des Nations Unies pour le droit du commerce international (CNUDCI).

3. La République du Kirghizistan a formé un recours en annulation contre la sentence arbitrale du 24 octobre 2014, qui l'a condamnée à verser la somme de 15 020 000 dollars à M. [K] et a ordonné à celui-ci de lui transférer sa participation dans les actions de Manas Bank.

4. A la suite de l'arrêt qui a annulé la sentence et rejeté sa demande de dommages-intérêts, M. [K] a formé un pourvoi, qui a été radié en application de l'article 1009-1 du code de procédure civile par ordonnance du 12 juillet 2018 et a été réinscrit au rôle par ordonnance du 21 janvier 2021.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. M. [K] fait grief à l'arrêt d'annuler la sentence, alors :

« 1°/ que le juge de l'annulation est juge de la sentence pour admettre ou refuser son insertion dans l'ordre juridique français et non juge de l'affaire pour laquelle les parties ont conclu une convention d'arbitrage, de sorte qu'il ne peut procéder à une nouvelle instruction au fond de l'affaire ; qu'en statuant comme elle l'a fait, motifs pris que le juge doit "rechercher si la reconnaissance ou l'exécution de la sentence est de nature à entraver l'objectif de lutte contre le blanchiment en faisant bénéficier une partie du produit d'activités de cette nature, tel que défini par les stipulations de la convention de Mérida", que cette recherche "n'est pas limitée aux éléments de preuve produits devant les arbitres ni liée par les constatations, appréciations et qualifications opérées par ceux-ci", que les relations entre M. [K] et M. [X] [U], le fils du président de la République, "peuvent être qualifiées d'inappropriées dans la mesure où les prestations immobilières fournies par Manas Bank à M. [X] s'analysent comme des abus de biens sociaux", que "l'appel d'offres s'est déroulé dans des conditions irrégulières", que "la probité de l'auditeur externe de Manas Bank était douteuse et la régularité de ses contrôles sur la banque sujette à caution", que "Manas Bank prolongeait, dans un état doté de faibles structures de contrôle, les activités d'une banque lettone peu soucieuse des règles de vigilance anti-blanchiment", que "le volume et la structure des transactions réalisées par une banque qui était en déconfiture lors de sa reprise par M. [K] à la fin de l'été 2017, apparaissent sans rapport avec l'état de l'économie kirghize ; un succès aussi foudroyant, dans un temps aussi bref, dans un pays aussi pauvre, n'est pas explicable par des pratiques bancaires orthodoxes" et qu'"il résulte de ce qui précède des indices graves, précis et concordants de ce qu'Insan Bank était reprise par M. [K] afin de bénéficier dans un Etat où ses relations privilégiées avec le détenteur du pouvoir économique lui garantissaient l'absence de contrôle réel de ses activités, des pratiques de blanchiment qui n'avaient pu s'épanouir dans l'environnement moins favorable de la Lettonie" de sorte que "la reconnaissance ou l'exécution de la sentence entreprise, qui aurait pour effet de faire bénéficier M. [K] du produit d'activités délictueuses, viole de manière manifeste, effective et concrète l'ordre public international", la cour d'appel, qui a par ailleurs constaté que le tribunal arbitral avait écarté l'allégation de blanchiment sur laquelle reposait "toute entière" la défense de la République du Kirghizstan faute d'élément probant, a ainsi procédé à une nouvelle instruction au fond de l'affaire, en violation de l'article 1520.5° du code de procédure civile ;

2°/ que le juge de l'annulation est juge de la sentence pour admettre ou refuser son insertion dans l'ordre juridique français et non juge de l'affaire pour laquelle les parties ont conclu une convention d'arbitrage, de sorte qu'il ne peut procéder à une nouvelle instruction au fond de l'affaire ; qu'en déduisant l'existence d'indices "graves, précis et concordants de ce que Insan Bank a été reprise par M. [K] afin de développer, dans un Etat où ses relations privilégiées avec le détenteur du pouvoir économique lui garantissaient l'absence de contrôle réel de ses activités, des pratiques de blanchiment", pour décider que la reconnaissance ou l'exécution de la sentence "aurait pour effet de faire bénéficier M. [K] du produit d'activités délictueuses", de procès-verbaux d'audition de témoins devant le tribunal arbitral et de rapports d'expertise soumis aux arbitres, la cour d'appel, qui a ainsi procédé à une nouvelle instruction au fond de l'affaire et a révisé la sentence, a violé l'article 1520.5° du code de procédure civile ;

3°/ que s'agissant de la violation de l'ordre public international, seule la reconnaissance ou l'exécution de la sentence est examinée par le juge de l'annulation au regard de la compatibilité de sa solution avec cet ordre public ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans constater que la valeur de Manas Bank, telle que déterminée par le tribunal arbitral pour fixer le montant de l'indemnisation accordée à M. [K], découlait d'opérations de blanchiment auxquelles celui-ci aurait participé, directement ou indirectement, à défaut de quoi la reconnaissance ou l'exécution de la sentence n'a pas pour effet de le faire bénéficier du produit d'activités de blanchiment, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1520.5° du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. Il résulte de l'article 1520, 5°, du code de procédure civile que le juge de l'annulation doit rechercher si la reconnaissance ou l'exécution de la sentence est compatible avec l'ordre public international.

7. La cour d'appel a énoncé que la prohibition du blanchiment est au nombre des principes dont l'ordre juridique français ne saurait souffrir la violation, même dans un contexte international, et relève de l'ordre public international, la lutte contre le blanchiment d'argent provenant d'activités délictueuses faisant l'objet d'un consensus international exprimé notamment dans la Convention des Nations Unies contre la corruption conclue à Mérida le 9 décembre 2003.

8. Elle a rappelé qu'il lui appartenait, non pas de vérifier si les décisions de placement sous administration provisoire puis sous séquestre de Manas Bank avaient été ou non prises légalement au regard du droit kirghize ou si les agissements de la République du Kirghizistan constituaient des violations de l'obligation de traitement juste et équitable prévue par le TBI, mais de rechercher si la reconnaissance ou l'exécution de la sentence était de nature à entraver l'objectif de lutte contre le blanchiment en faisant bénéficier une partie du produit d'activités de cette nature, telles que définies par la convention de Mérida.

9. Elle a retenu à bon droit qu'une telle recherche, menée pour la défense de l'ordre public international, n'était ni limitée aux éléments de preuve produits devant les arbitres ni liée par les constatations, appréciations et qualifications opérées par eux, son seul office à cet égard consistant à s'assurer que la production des éléments de preuve devant elle respectait le principe de la contradiction et celui d'égalité des armes.

10. Ayant analysé successivement les relations ayant existé entre M. [K] et le président de la République du Kirghizistan en place de 2005 à 2010, les conditions d'acquisition de Manas Bank et les contrôles opérés sur la banque, les relations de Manas Bank avec la Baltic International Bank dont le capital était détenu par M. [K], ainsi que le volume et la structure des opérations réalisées par Manas Bank, la cour d'appel, qui n'a pas procédé à une nouvelle instruction ou à une révision au fond de la sentence, mais a porté une appréciation différente sur les faits au regard de la seule compatibilité de la reconnaissance ou de l'exécution de la sentence avec l'ordre public international, a estimé souverainement qu'il en résultait des indices graves, précis et concordants de ce qu'Insan Bank avait été reprise par M. [K] afin de développer, dans un Etat où ses relations privilégiées avec le détenteur du pouvoir économique lui garantissaient l'absence de contrôle réel de ses activités, des pratiques de blanchiment qui n'avaient pu s'épanouir dans l'environnement moins favorable de la Lettonie.

11. Sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, elle en a exactement déduit que la reconnaissance ou l'exécution de la sentence, qui aurait pour effet de faire bénéficier M. [K] du produit d'activités délictueuses, violait de manière caractérisée l'ordre public international, de sorte qu'il y avait lieu d'en prononcer l'annulation.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

13. M. [K] fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ qu'en se prononçant comme elle l'a fait, après avoir relevé, d'une part, que selon l'article 23 (1) de la convention de Mérida, le blanchiment s'entend, « des faits suivants lorsqu'ils sont commis intentionnellement : la conversion ou (le) transfert de biens dont celui qui s'y livre sait qu'ils sont le produit du crime, dans le but de dissimuler ou de déguiser l'origine illicite desdits biens ou d'aider toute personne qui est impliquée dans la commission de l'infraction principale à échapper aux conséquences juridiques de ses actes ; la dissimulation ou (le) déguisement de la nature véritable, de l'origine, de l'emplacement, de la disposition, du mouvement ou de la propriété de biens ou de droits y relatifs dont l'auteur sait qu'ils sont le produit du crime; (...) l'acquisition, la détention ou l'utilisation de biens dont celui qui les acquiert, les détient ou les utilise sait, au moment où il les reçoit, qu'ils sont le produit du crime; la participation à l'une des infractions établies conformément au présent article ou à toute association, entente, tentative ou complicité par fourniture d'une assistance, d'une aide ou de conseils en vue de sa commission », d'autre part, qu'il entre dans sa mission de "rechercher si la reconnaissance ou l'exécution de la sentence est de nature à entraver l'objectif de lutte contre le blanchiment en faisant bénéficier une partie du produit d'activités de cette nature, telles que définies par les stipulations précitées de la convention de Mérida" et, enfin, qu'il existe "des indices graves, précis et concordants de ce qu'Insan Bank a été reprise par M. [K] afin de développer dans un Etat où ses relations privilégiées avec le détenteur du pouvoir économique lui garantissaient l'absence de contrôle réel de ses activités, des pratiques de blanchiment qui n'avaient pu s'épanouir dans l'environnement moins favorable de la Lettonie", pour en déduire que la reconnaissance ou l'exécution de la sentence aurait pour effet de faire bénéficier M. [K] du produit d'activités délictueuses, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé que M. [K] a commis intentionnellement l'un des faits de blanchiment visés par la convention de Mérida du 9 décembre 2003, n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1520.5° du code de procédure civile ;

2°/ qu'en se prononçant comme elle l'a fait, motifs pris de relations inappropriées entre M. [K] et M. [X], les prestations et moyens fournis par Manas Bank au second s'analysant comme des abus de biens sociaux, de ce que l'appel d'offres pour l'acquisition d'Insan Bank s'est déroulé dans des conditions irrégulières, de ce que la probité de l'auditeur externe de Manas Bank était douteuse et la réalité de ses contrôles sur la banque sujette à caution, de ce que "Manas Bank prolongeait, dans un état doté de faibles structures de contrôle, des activités d'une banque Lettone peu soucieuse des règles de vigilances anti-blanchiment" et de ce que "le volume et la structure" des "transactions réalisées par une banque qui était en déconfiture lors de sa reprise par M. [K] à la fin de l'été 2007 apparaissaient sans rapport avec l'Etat de économie kirghize" et "qu'un succès aussi foudroyant dans un temps aussi bref dans un pays aussi pauvre n'est pas explicable par des pratiques bancaires orthodoxes", soit de constatations insusceptibles d'établir que M. [K] aurait participé intentionnellement à des faits de blanchiment tels que visés par la convention de Mérida, la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs inopérants, n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1520.5° du code de procédure civile ;

3°/ que le juge qui décide de relever d'office un moyen est tenu de respecter le principe de la contradiction en invitant les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de ce que "les prestations immobilières fournies par Manas Bank à M. [X] s'analysent comme des abus de biens sociaux", sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction, en violation de l'article 16 du code de procédure civile ;

4°/ que le juge doit préciser le fondement juridique de sa décision ; qu'en se bornant à affirmer que les relations entre M. [K] et M. [X] peuvent être qualifiées d'inappropriées "dans la mesure où les prestations immobilières fournies par Manas Bank à M. [X] s'analysent comme des abus de biens sociaux", sans préciser au regard de quelle règle de droit elle se prononçait, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile ;
5°/ que le juge ne peut statuer par voie de simple affirmation ; qu'en se bornant à affirmer, en considération des relations étroites entre la Baltic International Bank et la Manas Bank et de l'amende imposée par le Conseil de la commission des marchés financiers de capitaux de Lettonie à la Baltic International Bank et à sa présidente, pour "violation répétée des dispositions de la loi sur la prévention du blanchiment des produits d'activités criminelles", qu' "il apparaît, par conséquent, que Manas Bank prolongeait, dans un état doté de faibles structures de contrôle, les activités d'une banque lettone peu soucieuse des règles de vigilance anti-blanchiment", la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

6°/ que le juge ne peut statuer par voie de simple affirmation ; qu'en se bornant à affirmer, en considération du volume des transactions effectuées par Manas Bank en deux ans et demi, "qu'un succès aussi foudroyant dans un temps aussi bref, dans un pays aussi pauvre, n'est pas explicable par des pratiques bancaires orthodoxes", la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

14. C'est sans méconnaître le principe de la contradiction et sans statuer par voie de simples affirmations que la cour d'appel a jugé que la reconnaissance ou l'exécution de la sentence, qui aurait pour effet de faire bénéficier M. [K] du produit d'activités délictueuses, violait de manière caractérisée l'ordre public international, de sorte qu'il y avait lieu d'en prononcer l'annulation en application de l'article 1520, 5°, du code de procédure civile.

15. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [K] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. [K] et le condamne à payer la somme de 3 000 euros à la République du Khighizistan ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mars deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SARL Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour M. [K]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir annulé la sentence rendue à Paris entre les parties le 24 octobre 2014 ;

AUX MOTIFS QU'à la suite d'un appel d'offres lancé à l'été 2007, M. [B] [K], ressortissant letton, propriétaire de la banque lettonne Baltic International Bank, a fait l'acquisition de la totalité du capital d'une banque kirghize en faillite, Insan Bank, qu'il a rebaptisée Manas Bank ; que le 6 avril 2010, le président [F] [M] [X], réélu en juillet 2009 au terme d'opérations caractérisées par le bourrage généralisé des urnes, les votes multiples et l'abus des ressources publiques (rapport daté du 11 mars 2010 du bureau de la démocratie, des droits de l'homme et du travail du département d'Etat des Etats-Unis, pièce République du Kirghizstan - ci-après RK -, n° 10), a été chassé du pouvoir par une émeute populaire provoquée par le doublement du prix des services publics ; qu'un gouvernement provisoire a été constitué par les chefs de l'opposition le 7 avril 2010 (Service de recherche du Parlement européen, Kirghizstan : situation politique, avril 2015, pièce RK, n° 9) ; que le 8 avril 2010, une ordonnance n°10/1 a été prise par le conseil d'administration de la Banque Nationale de la République kirghize (BNRK), "afin de contrôler le flux de capital et conserver les actifs dans l'intérêt des déposants et autres créanciers bancaires, face à l'instabilité de la République kirghize, et compte tenu de l'importance et de l'interrelation du système, ainsi que des circonstances de vol et de menace de vol, conformément à l'article 32 de la loi de la République kirghize sur la Banque Nationale de la République kirghize et à l'article 45 de la loi de la République kirghize sur les banques et les opérations bancaires"; que cette ordonnance place cinq banques, parmi lesquelles Manas Bank, sous administration provisoire pour une durée de six mois, désigne des administrateurs, et suspend toutes transactions en devises sur les comptes de correspondants de ces banques (pièce [K], ci-après - B -, n° 38) ; que le 9 avril 2010, le parquet de Bichkek a saisi les actifs de la banque Manas sur le fondement des articles 36 et 119 du code de procédure pénale afin de "garantir la procédure civile en matière d'indemnisation des préjudices et l'exécution du jugement aux fins de confiscation des biens"; que cette décision était motivée par des "opérations suspectes de transferts de fonds à grande échelle, dont l'origine suscite des doutes quant à leur légalité, (qui) ont été réalisées entre 2006 et 2010 par l'intermédiaire des banques AsiaUniversalBank (AUB), Issyk-Kul-Invest, Manas, KyrgyzCredit et Akylinvest", opérations documentées à partir du seul cas d'AUB (pièce B, n° 39) ; que le 8 octobre 2010, la BNRK a prolongé la décision d'administration temporaire de Manas Bank au motif que M. [K] se serait abstenu de remplacer les organes dirigeants dans le délai imparti ; que le 28 janvier 2011, elle a pris une mesure de placement sous séquestre pour une durée de 18 mois, prolongée le 25 juillet 2012 pour neuf mois, suivie d'une nouvelle prolongation en juillet 2013 qui s'est achevée par le prononcé de l'insolvabilité de la banque le 6 juillet 2015 ; que le 2 août 2011, une procédure arbitrale a été engagée par M. [K] sur le fondement de l'article 9 (2) d de l'Accord pour la promotion et la protection des investissements conclu le 22 mai 2008 entre la République de Lettonie et la République du KIRGHIZSTAN (Traité bilatéral d'investissement ou TBI) et de l'article 3 du Règlement d'arbitrage de 1976 de la Commission des Nations Unies pour le droit du commerce international (CNUDCI); La sentence : que la défense du KIRGHIZSTAN dans l'instance arbitrale tenait toute entière dans l'allégation de blanchiment ; toutefois, qu'aucun jugement de condamnation pénale n'était intervenu au KIRGHIZSTAN lorsque le tribunal arbitral a statué et que tel est d'ailleurs toujours le cas ; que le Tribunal du District de Pervomayski de la ville de Bichkek a rendu deux jugements le 18 avril et le 28 décembre 2011 sur les poursuites engagées contre M. [B] [K], M. [U] [X] (fils du président [M] [X]), M.[Y] (ou [P], président du conseil de Manas Bank) et 29 autres personnes, notamment des chefs de corruption et de blanchiment; que ces jugements ont renvoyé l'affaire au bureau du Procureur Général de la République du Kirghizstan pour "éliminer les lacunes et les défaillances" de l'enquête (pièces B, n°s 26 et 27) ; que le premier jugement relève, d'une part, que 23 des 38 personnes mises en cause ont été renvoyées devant la juridiction de jugement sans que les accusations portées à leur encontre leur aient été régulièrement notifiées et sans qu'elles aient pu bénéficier de l'assistance d'un avocat, d'autre part, que les copies versées au dossier n'étaient pas certifiées par les enquêteurs et n'étaient pas numérotées; que le second jugement constate le très grand désordre du dossier, l'absence de preuve des revenus illicites perçus par les accusés et du caractère fictif de certaines transactions, ainsi que l'absence de réponse aux commissions rogatoires internationales envoyées le 7 septembre 2011 en Lettonie aux fins de notification des charges notamment à MM [K] et [Y] ; que les juges kirghizes concluent que "le dossier a été instruit de manière superficielle, les enquêteurs ayant fait preuve d'un parti -pris en défaveur des accusés" ; que postérieurement à ces deux décisions, il n'est pas démontré que la justice kirghize se soit à nouveau prononcée sur les poursuites pénales engagées contre M. [K], celui-ci faisant allusion dans ses conclusions à un nouveau renvoi du dossier au Procureur général pour complément d'enquête par un jugement du 26 juin 2015 qui n'est pas produit ; que le 30 mars 2012, le KIRGHIZSTAN a demandé la suspension de l'instance arbitrale compte tenu des poursuites pénales en cours, ce qui a été refusé, le tribunal reconnaissant néanmoins qu'une nouvelle demande pourrait être présentée si des éléments concrets démontraient que les enquêtes étaient susceptibles de fournir des preuves "imminentes, spécifiques et pertinentes" (sentence § 23); qu'une nouvelle demande fondée sur l'enquête pénale diligentée à New York contre M. [U] [X] a été également rejetée au motif que ces investigations ne présentaient pas de lien suffisant avec l'arbitrage (sentence § 24) ; que l'échange de pièces a été clôturé en décembre 2013 après l'audition des témoins, avec l'accord des parties (sentence § 165) ; qu'à l'allégation de blanchiment opposée par le KIRGHIZSTAN aux demandes indemnitaires de M. [K], le tribunal arbitral a répondu dans les termes suivants :
« 153. Comme l'indique le Groupe d'Action financière (GAFI), une organisation intergouvernementale qui regroupe, entre autres, les grandes économies mondiales dans la lutte contre la délinquance économique, y compris la corruption et le blanchiment d'argent : ‘Le blanchiment d'argent est le processus qu'utilisent ces criminels pour déguiser l'origine illégale de ces fonds. Cette étape est capitale dans la mesure où elle permet aux groupes criminels de jouir de leurs profits sans mettre en danger leur source'.
154. Trois phases séquentielles reconnues constituent le blanchiment d'argent : (i) le placement, (ii) l'empilage et (iii) l'intégration. La phase de placement concerne la période durant laquelle l'argent généré par les activités criminelles est injecté dans le système financier. La phase d'empilage a pour but de masquer son origine en le faisant transiter via des transactions souvent complexes. Enfin, la phase d'intégration permet à l'argent de "refaire surface" sous forme de fonds ou d'actifs légitimes.
155. En pratique, les groupes criminels qui cherchent à blanchir les produits de leurs activités illégales disposent d'une multitude de méthodes possibles pour ce faire. Les institutions financières jouent, volontairement ou malgré elles, un rôle central dans la plupart des montages de blanchiment de fonds.
156. Ce Tribunal a connaissance d'opérations financières et des montants en apparence importants impliqués dans ces transactions, mentionnées dans le deuxième rapport d'expertise par East Star Capital. Dans ce contexte, le Tribunal a à l'esprit les définitions et caractéristiques d'un système de blanchiment de fonds typique.
157. De plus, le Tribunal reconnaît que certaines de ces transactions pourraient justifier de plus amples investigations permettant de déterminer si des activités considérées comme du blanchiment d'argent peuvent avoir été menées, par ou via Manas Bank.
158. Si des preuves substantielles et probantes d'une implication active de Manas Bank dans des activités de blanchiment d'argent avaient été produites devant le Tribunal, la demande déposée dans le cadre du TBI aurait pu être rejetée. Il n'est pas besoin de rappeler que la protection des investissements n'a pas pour objectif de bénéficier à des criminels ou à des investissements reposant sur ou menés par des activités criminelles.
159. Le blanchiment d'argent représente un grave problème. Tout arbitre faisant face à des allégations de blanchiment d'argent doit méticuleusement examiner les éléments de preuve. Néanmoins, la gravité des faits allégués
n'implique en rien que les principes fondamentaux de respect des procédures et de charge de la preuve peuvent ou doivent être négligés lors du traitement de telles allégations.
160. Dans son mémoire postérieur à l'audience, le Défendeur suggère que les suspicions sont suffisantes : ‘Une distinction importante doit être relevée dans les cas de blanchiment d'argent: la banque doit agir non pas lorsque l'illégalité est avérée, mais dès qu'elle est suspectée. Ce devoir d'action et de signalement des suspicions relève généralement de l'obligation légale, et une absence de signalement peut représenter en elle-même une infraction pénale.'
161. La suspicion de blanchiment d'argent peut, en effet, être, en elle-même suffisante pour justifier un jugement interlocutoire de la part d'un Etat-hôte, qui offrira le temps nécessaire à une investigation approfondie des activités suspectes alléguées. Néanmoins, l'Etat-hôte reste tenu de prouver que des activités de blanchiment d'argent ont bel et bien été menées par l'institution concernée, dans le cas présent Manas Bank, et que les mesures prises l'ont été en accord avec ses obligations internationales.
162. Bien entendu, les autorités nationales peuvent être bien mieux placées qu'un organisme international pour enquêter sur l'existence d'activités criminelles alléguées, dont le blanchiment d'argent, de la part de l 'un de ses ressortissants. Mais si ces dernières, ayant été en position de déployer les pouvoirs conséquents dont elles disposent pour l'investigation des activités criminelles en reviennent les mains vides au point que les tribunaux locaux ont, plus d'une fois, exigé des investigations plus poussées, il est difficile de concevoir comment un tribunal international, en l'absence de preuves concrètes, pourrait parvenir à des conclusions différentes » ; que le tribunal arbitral, après avoir constaté l'absence d'éléments probants produits par la procédure pénale et avoir relevé les insuffisances du rapport d'expertise de la société East Star Capital (ESC) versé aux débats par le KIRGHIZSTAN, a écarté l'allégation de blanchiment et examiné les faits imputés au défendeur au regard des stipulations du TBI; qu'il a constaté que la mesure d'administration provisoire initiale n'était pas justifiée, dès lors que les menaces qui pesaient sur le système bancaire étaient, selon les propres indications données par la BNRK dans son décret n°24/2 du 28 avril 2010 en réponse aux objections de Manas Bank (sentence § 200 et 78), de nature seulement physique (risque de vols, de déprédations) et non systémique; que le renouvellement de l'administration provisoire le 8 octobre 2010 au motif que M. [K] n'aurait pas proposé les noms de nouveaux administrateurs dans le délai imparti, alors que ce délai n'était pas expiré, a été décidé en violation de la loi kirghize ; que la mise sous séquestre avait été prononcée au titre d'une procédure pénale qui s'était poursuivie pendant plusieurs années sans produire de résultats tangibles, qu'elle avait été prolongée sans que la loi le permette et qu'elle avait conduit à une gestion déplorable de la banque; que les arbitres en ont déduit que Manas Bank avait fait l'objet d'une expropriation déguisée et que cette expropriation ne poursuivait pas un but d'utilité publique; que le tribunal a estimé, en outre, que les poursuites pénales étaient arbitraires et sans relation causale avec la mise sous séquestre et qu'il y avait donc eu de ce chef, ainsi que de celui de l'administration temporaire et de la mise sous séquestre, violation de la norme de traitement juste et équitable prévue par le TBI ; que les arbitres saisis d'une demande tendant à voir condamner le KIRGHIZSTAN à payer une indemnité de l'ordre de 33 millions USD, à mettre un terme à toutes les investigations administratives et pénales à l'encontre de M. [K], et à publier dans des organes de presse une réhabilitation du nom de celui-ci et des personnes liées à Manas Bank, a prononcé une condamnation au paiement d'une indemnité de 15.020.000 USD, outre intérêts et frais de procédure, et rejeté le surplus des demandes ; * Le contrôle exercé par le juge de l'annulation : que la prohibition du blanchiment est au nombre des principes dont l'ordre juridique français ne saurait souffrir la violation même dans un contexte international; qu'elle relève, par conséquent de l'ordre public international ; en effet, que la lutte contre le blanchiment d'argent provenant d'activités délictueuses fait l'objet d'un consensus international exprimé notamment dans la Convention des Nations Unies contre la corruption faite à Mérida le 9 décembre 2003, signée par 140 Etats et entrée en vigueur le 14 décembre 2005; Que le blanchiment s'entend, selon l'article 23 (1) de cette convention, des faits suivants lorsqu'ils sont commis intentionnellement : la conversion ou (le) transfert de biens dont celui qui s'y livre sait qu'ils sont le produit du crime, dans le but de dissimuler ou de déguiser l'origine illicite desdits biens ou d'aider toute personne qui est impliquée dans la commission de l'infraction principale à échapper aux conséquences juridiques de ses actes ;la dissimulation ou (le) déguisement de la nature véritable, de l'origine, de l'emplacement, de la disposition, du mouvement ou de la propriété de biens ou de droits y relatifs dont l'auteur sait qu'ils sont le produit du crime; (...) l'acquisition, la détention ou l'utilisation de biens dont celui qui les acquiert, les détient ou les utilise sait, au moment où il les reçoit, qu'ils sont le produit du crime; la participation à l'une des infractions établies conformément au présent article ou à toute association, entente, tentative ou complicité par fourniture d'une assistance, d'une aide ou de conseils en vue de sa commission" ; la dissimulation ou (le) déguisement de la nature véritable, de l'origine, de l'emplacement, de la disposition, du mouvement ou de la propriété de biens ou de droits y relatifs dont l'auteur sait qu'ils sont le produit du crime; (...) l'acquisition, la détention ou l'utilisation de biens dont celui qui les acquiert, les détient ou les utilise sait, au moment où il les reçoit, qu'ils sont le produit du crime; la participation à l'une des infractions établies conformément au présent article ou à toute association, entente, tentative ou complicité par fourniture d'une assistance, d'une aide ou de conseils en vue de sa commission" ; en premier lieu, que si la République française et la République du KIRGHIZSTAN, toutes deux parties à cette convention, sont aussi toutes deux dotées d'incriminations pénales des faits de blanchiment, il n'entre pas dans la mission de cette cour, saisie d'un recours en annulation d'une sentence internationale, de rechercher si une partie à l'arbitrage peut être déclarée coupable du délit de blanchiment en application des dispositions pénales d'un ordre juridique national, mais seulement de rechercher si la reconnaissance ou l'exécution de la sentence est de nature à entraver l'objectif de lutte contre le blanchiment en faisant bénéficier une partie du produit d'activités de cette nature, telles que définies par les stipulations précitées de la convention de Mérida ; que l'examen de ce grief n'est pas subordonné à l'intervention préalable d'une condamnation pénale du chef de blanchiment ; qu'il en résulte que la circonstance que les poursuites engagées par les autorités kirghizes en 2010 n'aient pas encore débouché sur un procès au fond est dénuée de pertinence ; au demeurant, que la durée de l'instruction n'apparaît pas, en l'occurrence, manifestement disproportionnée, dès lors que les faits de blanchiment donnent lieu, par nature, à des montages opaques et complexes impliquant de multiples sociétés off shore et, qu'en outre, la plupart des personnes poursuivies dans le dossier pénal en cause ont quitté le territoire [F] ; qu'il n'est pas davantage avéré que le ministère public ait renoncé aux poursuites; qu'en effet le courrier adressé le 28 janvier 2016 aux avocats de M. [K] par le Service d'Etat pour la lutte contre les délits économiques près le Gouvernement de la République kirghize fait seulement état de ce que, les prévenus faisant l'objet de recherches, ses investigations étaient suspendues et le dossier transmis au Procureur général pour examen, de sorte qu'il ne lui était pas possible de satisfaire leur demande de communication de pièces (pièce B, n° 45); que ne peut pas plus s'analyser comme un abandon des poursuites la décision prise par Interpol le 6 juillet 2012 de supprimer les fiches concernant plusieurs mis en cause; que, du reste, les procès-verbaux d'interrogatoires de témoins faits sur commission rogatoire par la police estonienne le 2 mars 2016 (pièce RK, n' 83) et par la police russe le 31 mai 2016 (pièce RK, n° 76) démontrent que l'instruction est toujours en cours; en second lieu, que le contrôle exercé par le juge de l'annulation sur la sentence arbitrale en vertu de l'article 1520, 5° du code de procédure civile n'a pas pour objet de vérifier si les décisions de placement sous administration provisoire puis sous séquestre de la Manas Bank ont été prises légalement ou non au regard du droit kirghize, ni si les agissements de la République du KIRGHIZSTAN sont des violations de l'obligation de traitement juste et équitable prévue par le TBI, mais, ainsi qu'il a été dit, de s'assurer que l'exécution de la sentence n'est pas de nature à faire bénéficier une partie du produit d'activités délictueuses ; que cette recherche, menée pour la défense de l'ordre public international, n'est pas limitée aux éléments de preuve produits devant les arbitres, ni liée par les constatations, appréciations et qualifications opérées par ceux-ci ; que la cour doit seulement s'assurer que la production des éléments de preuve devant elle respecte le principe de la contradiction et celui d'égalité des armes et que chaque partie a été mise en mesure de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation substantiellement désavantageuse vis-à-vis de son adversaire ; * La demande tendant à voir écarter certaines pièces des débats : que M. [K] demande que soient écartées des débats les pièces obtenues dans le cadre de l'instruction pénale conduite au Kirghizstan et/ou grâce à l'expropriation illégale constatée par la sentence; qu'il vise les pièces n°s 30, 65, 67 à 74, 77 à 81, 82, 84 à 86, 88 à 96, 99 à 110, 113 à 115 et 117 à 124 (conclusions p. 38, note n° 142) ; en premier lieu, que pour que soient respectés les principes de loyauté des débats et d'égalité des armes, il convient que l'asymétrie résultant de la mise en oeuvre par un Etat de ses pouvoirs d'investigation dans le cadre d'une procédure d'instruction soit corrigée par un accès de la personne mise en cause à l'ensemble du dossier pénal afin qu'elle puisse s'assurer que les pièces produites dans une instance civile parallèle ne sont pas tronquées ou tendancieusement sélectionnées et qu'elle puisse obtenir la communication des documents utiles à sa défense ; que l'allégation de M. [K] selon laquelle ce droit d'accès lui a été refusé n'est pas contestée par la partie adverse ; en second lieu, que les documents litigieux (formulaires d'ouverture de comptes, relevés de comptes, certificats de constitution de sociétés) sont produits sans aucune indication de leur origine et des conditions dans lesquelles ils ont été recueillis ; qu'il résulte de ce qui précède qu'il convient de faire intégralement droit à la demande de M. [K] tendant à ce que soient écartées des débats les pièces énumérées à la page 38 de ses conclusions * L'allégation de blanchiment : que la République du KIRGHIZSTAN soutient, en substance, qu'Insan Bank, rebaptisée Manas Bank, a été acquise dans des conditions suspectes par M. [K] dans le seul but d'en faire une plate-forme de blanchiment grâce à ses liens étroits avec le fils du président [M] [X], [U] [X], lequel employait à ses fins personnelles les pouvoirs étendus que son père lui avait confiés sur l'économie du pays; 1) Les relations de M. [K] et de M. [U] [X] ; que M. [M] [X] a été élu à la présidence de la République le 10 juillet 2005 à la suite de la révolution dite "de la tulipe"; que le 29 octobre 2009, il a officialisé l'influence de son fils [U] sur le gouvernement et sur l'économie du pays en le nommant à la tête de l'Agence centrale pour le Développement, l'Investissement et l'Innovation (ACDII) ; que l'Institut Asie Centrale-Caucase donne de cet événement l'analyse suivante (pièce RK n° 20), qui n'est pas contestée par M. [K]: "Conformément à la loi relative à la création de l'agence, l'ACDII sera responsable de la ‘réorganisation structurelle de l'économie du pays, le soutien aux entreprises, attirer les investissements étrangers, et surtout, la préparation du budget et des programmes économiques nationaux du pays'. En d'autres termes, le fils du président s'occupera des investisseurs étrangers et contrôlera tous les grands projets économiques dans lesquels l'Etat intervient pour le compte du gouvernement. De plus, l'agence ayant été chargée de la gestion du Fonds de développement national (FDN), la disposition de tous les prêts étrangers, notamment le prêt de 300 millions de dollars de la Russie, ainsi les parts détenues par l'Etat dans la plus grande entreprise publique ont été confiées à l'ACDII. "; Que cette analyse souligne l'affaiblissement corrélatif de la position du gouvernement dont le premier ministre devient un simple membre du conseil de direction du FDN désormais présidé par le dirigeant de l'ACDII ; qu'il en résulte, et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté, que les pouvoirs de l'Etat sur l'économie kirghize se trouvaient ainsi - de jure, après l'avoir été de facto -, concentrés entre les mains de M. [U] [X] ; que sur les liens de ce dernier avec M. [K], le tribunal arbitral a estimé qu'il n'était "pas en position de déterminer de manière positive que la relation entre le Demandeur et le fils de M. [X], [U] [X], était inappropriée, étant donné que celle-ci était uniquement superficielle"; qu'en réalité, M. [K] et M. [U] [X] sont co-fondateurs et actionnaires chacun pour moitié de la société LLC Maval Aktivi immatriculée à Riga le 20 juin 2006 dont l'objet est la fourniture de services financiers (pièce RK n° 25) ; qu'à compter de la reprise d'Insan Bank à l'été 2007, jusqu'aux événements d'avril 2010, le quatrième étage de l'immeuble acquis par la banque pour abriter ses activités a été occupé par M. [U] [X] sans qu'aucun contrat de location ait été signé et sans que l'occupant ait acquitté de charges, le quatrième étage n'ayant pas de compteurs distincts (courrier adressé le 14 septembre 2012 par la conservatrice de Manas Bank au vice-président du conseil de la BNRK, pièce RK n° 26) ; que M. [X] était aussi un client privilégié de la banque; que M. [P] (président du conseil de Manas Bank) a, par exemple, reconnu qu'une demande de prêt de 550.000 USD, déposée le 22 décembre 2008 par une société dont M. [X] était bénéficiaire avait été satisfaite, dès le 23 décembre; qu'il a précisé qu'il n'était pas inhabituel que la banque consente des prêts aussi rapidement (procès-verbal d'audition par le tribunal arbitral , p. 64, pièce B n° 86) ; qu'il apparaît donc que les relations entre M. [K] et M. [X] n'étaient pas superficielles et qu'elles peuvent certainement être qualifiées d'"inappropriées" dans la mesure où les prestations immobilières fournies par Manas Bank à M. [X] s'analysent comme des abus de biens sociaux ; du reste, que la Manas Bank jouissait d'une confiance particulière de la part des autorités publiques kirghizes puisque le 23 septembre 2009, le Fonds de développement de la République kirghize a déposé auprès d'elle, 8 millions USD pour trois mois; que ce dépôt a été renouvelé le 26 décembre 2009 et le 26 mars 2010, et que le Fonds social de la République kirghize a également fait d'importants dépôts, de l'ordre de 14 millions USD, à compter de mai 2009 (pièce RK, n° 27); que si M. [P] allègue dans son témoignage, sans que cela soit étayé, que ce montant représenterait une petite partie des sommes placées par ce fonds auprès de diverses banques, il n'en reste pas moins qu'ainsi que le fait observer Mme [R], dans une attestation conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile versée aux débats devant cette cour, qui reproduit les termes de son témoignage écrit devant le tribunal arbitral : "En temps normal, j'aurais trouvé surprenant que le Gouvernement transfère une quantité si importante de fond publics à une banque existant depuis un an" (pièce RK, n° 57, p. 4) ; 2) Les conditions d'acquisition d'Insan Bank ; qu'il résulte des énonciations de la sentence et qu'il n'est pas contesté qu'à l'été 2007 la BNRK a publié un appel d'offres pour l'acquisition et le redressement de cet établissement; que le comité chargé d'examiner les propositions de reprises ne pouvait se prononcer que s'il était saisi d'au moins deux offres; que le 28 août 2007, deux offres ont été reçues, émanant de M. [K] et de M. [H], juriste de droit bancaire qui avait été l'avocat de M. [K]; que le comité a choisi à l'unanimité la proposition de M. [K] (sentence, § 57 à 61) ; que la République du KIRGHIZSTAN allègue l'insincérité de la procédure d'appel d'offres ; que dans son témoignage devant le tribunal arbitral, M. [P], qui était en relation d'affaires avec M. [K] depuis le début des années 1990, a déclaré qu'au milieu de l'été 2007, M. [H], avait indiqué à M. [K] et à lui-même que leur collaboration devait cesser car il entendait participer à l'appel d'offres concernant Insan Bank et que, par la suite, il n'avait rencontré M. [H] que pour finaliser des documents juridiques dans des affaires qu'ils avaient précédemment eu en commun (procès-verbal d'audition du 10 décembre 2013, p. 17 à 20, pièce B., n° 86) ; que, toutefois, la suite de l'audition a fait apparaître, d'une part, qu'en 2007 M. [P] était, avec l'aval de M. [K] ( procès-verbal p.26), directeur général de plusieurs sociétés fondées ou contrôlées par M. [H] : V. Innovation (procès-verbal, p. 20), ZAO Innovatsia, (procès- verbal, p. 21), OsOO Technologia (fondée par VIP Consulting, elle-même fondée par M. [H], procès-verbal, p. 28 et 29, M. [P] étant resté directeur général jusqu'en janvier 2008), d'autre part, que plusieurs sociétés fondées par M. [H] avaient le même siège social que Manas Bank (ZAO Innovatsia, procès-verbal, p. 21 et 22, OsOO V Tchnologia, procès-verbal, p. 27), enfin que la collaboration de M. [H] avec M. [K] et M. [P] portait précisément sur le projet de reprise d'Insan Bank et que les dispositions prises avant même le résultat de l'appel d'offres démontraient le faible aléa de la procédure puisque la société V. Innovation dont M. [H] était fondateur et détenteur du capital avait déjà, pour le compte de M. [K], entrepris les travaux d'aménagement des futurs locaux et signé le contrat de fourniture de logiciel informatique (procès-verbal, p. 30 et p. 50 et 5 1) ; qu'en ce qui concerne la portée de ce témoignage, si M. [P] s'est plaint à plusieurs reprises au cours de son audition de n'avoir pas les pièces sous les yeux, ce n'était que pour des précisions de dates ou de sommes d'argent, mais non pas sur les points ci-dessus qui n'appelaient d'ailleurs pas d'effort de mémoire particulier ; qu'à l'issue de cette audition, le tribunal arbitral a estimé qu'il n'était "pas en mesure d'établir une détermination positive concernant les allégations du Défendeur (selon lesquelles l'appel d'offres était truqué), étant donné qu'aucune preuve concordante ne lui a été fournie. La simple relation entre le Demandeur et M. [H] est insuffisante pour prouver une fraude en lien avec l'investissement. En particulier, le Tribunal constate que le comité d'Insan Bank semblait très impressionné par l'offre du Demandeur pour l'acquisition d'Insan Bank. En outre, le tribunal convient que même en l'absence d'offre de M. [H], le Demandeur aurait très bien pu obtenir une licence bancaire en République du KIRGHIZSTAN" (sentence, § 62) ; que la cour estime, pour sa part, que les faits rapportés ci- dessus établissent suffisamment que l'appel d'offres s'est déroulé dans des conditions irrégulières, la circonstance que M. [K] aurait pu créer un établissement bancaire au Kirghizstan par d'autres moyens étant sans influence sur cette constatation ; 3) Les contrôles exercés sur Manas Bank ; que M. [K] fait valoir que la gestion de Manas Bank n'avait suscité avant 2010 aucune critique de la part des autorités régulatrices et que, "ainsi que le rappelle M. [P], la BNRK dépêchait des auditeurs chez Manas Bank, lesquels faisaient preuve de rigueur dans l'appréciation des documents, et ne s'étaient jamais plaints d'un manque d'accès à quelque document que ce fût. Au terme de ces audits, aucune violation des dispositifs anti-blanchiment n'avait été constatée" (conclusions, p. 94, citant le second témoignage écrit de M [P] devant le tribunal arbitral daté du 15 octobre 2012 ) ; que M. [P] reconnaît, dans ce témoignage, que Mme [S] [C], dirigeante de la société kirghize Top Audit KG, chargée de l'audit externe de Manas Bank, était titulaire d'un coffre-fort dans cette banque, mais affirme que cette circonstance était sans influence sur l'impartialité de l'intéressée et ne violait donc pas la législation kirghize (pièce B, n° 75 § 34);
Considérant, toutefois, qu'il résulte du "rapport d'inspection des pratiques de la SPAF Manas Bank en matière de location de coffres", établi le 2 juin 2011 par le conservateur de la banque, que Mme [A] possédait en réalité sept coffres qui contenaient, pour quatre d'entre eux des devises en espèces : 1.350.000 USD, 1.419.800 USD, 1.619.000 USD et 1.959.900 USD et pour le cinquième, plusieurs tampons de sociétés commerciales dont l'une immatriculée aux Iles Vierges britanniques, ainsi que huit tampons de services régionaux d'inspection fiscale (Pervomayskyi District, Octjabrskyi District, Sverdlovskyi District, etc.) (pièce RK, n° 31); que cette pièce n'est pas commentée par M. [K]; qu'elle ne l'a pas été davantage par le tribunal arbitral auquel elle avait été communiquée en annexe à la déclaration de témoin de Mme [W] [R], inspectrice en chef de la division d'inspection des banques de la BNRK (pièce A-46 annexée au témoignage de Mme [R], pièce RK, n° 57); que, du reste, si la sentence mentionne au paragraphe 34 que ce témoignage a été versé aux débats, elle n'y fait par la suite aucune allusion ; que le contenu des coffres de Mme [A] accrédite la thèse du KIRGHIZSTAN selon laquelle la probité de l'auditeur externe de Manas Bank était douteuse et la réalité de ses contrôles sur la banque sujette à caution ; par ailleurs, que cette même [S] [C], directrice générale de la CJSC "Top-Audit KG", a été enregistrée par un décret du 3 mai 2009 de la Commission centrale des élections et référendum de la République kirghize comme représentante autorisée disposant du pouvoir de signature de documents financiers du candidat à l'élection présidentielle K. S. [X] (pièce RK, n° 28) ; 4) Les relations de Manas Bank avec la Baltic International Bank ; que Manas Bank entretenait des relations étroites avec la Baltic International Bank (BIB) dont le capital appartient à M. [K]; que cet aspect sur lequel M. [K] est discret devant la cour avait été au contraire mis en exergue dans l'instance arbitrale, la sentence relevant d'ailleurs qu'en "tirant parti du savoir-faire et des ressources humaines de la Baltic International Bank, Manas Bank a vite été performante" (sentence, § 3) ; que le 10 mars 2016 la Commission des marchés financiers et de capitaux de Lettonie a publié une décision de son conseil infligeant à la BIB et à sa présidente, Mme [L] [V] des amendes d'un montant respectif de 1.100.000 euros et 25.000 euros, aux motifs suivants : "au cours d'inspection menées au sein de la Baltic International Bank, la CMFC avait identifié des violations répétées de dispositions de la loi sur la prévention du blanchiment des produits d'activités criminelles (...) Alors qu'elle était impliquée dans des transactions soumettant la banque à des risques importants de blanchiment d'argent et de réputation. La banque n'a pas apporté une attention suffisante à des opérations complexes et liées entre elles réalisées par des clients, n'a pas identifié l'origine des fonds et n'a pas détecté en temps voulu des schémas suspects de transactions continues de spot forex. Les activités de la banque étant concentrées sur des marchés étrangers susceptibles de les soumettre à des risques accrus de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme, la CMFC souligne l'importance de mettre en oeuvre des audits appropriés des clients, une supervision et un système de contrôle interne efficace. Lors de l'appréciation de la responsabilité de la Présidente de la Baltic International Bank, [L] [V], la CMFC a pris en compte le fait que, au cours de la période 2003-2015, elle était responsable des questions de lutte contre le blanchiment" (pièce RK, n° 36) ; que le commentaire de cette décision, envoyé le 21 septembre 2016 par la société BIB, dont le capital est détenu par M. [K], à la société JSC "[K] HOLDINGS" appartenant également à M. [K], ne peut être considéré comme probant lorsqu'il affirme, sans aucun élément matériel, que le contrôle ne portait que sur la période 2011 à 2015 - donc postérieure à la saisie de Manas Bank (pièce B, n° 87) ; qu'il apparaît, par conséquent, que Manas Bank prolongeait, dans un Etat doté de faibles structures de contrôle, les activités d'une banque lettone peu soucieuse des règles de vigilance anti-blanchiment ; 5) Le volume et la structure des opérations réalisées par Manas Bank ; que le KIRGHIZSTAN a produit dans l'instance arbitrale deux rapports d'une société d'experts indépendants East Star Capital (ESC); que le tribunal arbitral relève que ces rapports ont été préparés par deux consultants occidentaux en quelques semaines, qu'ils ne prétendent pas contenir de preuves, mais se bornent à faire allusion à des faits dont ils allèguent qu'ils devraient faire l'objet d'investigations plus approfondies (sentence § 164 et 165), que le second contiendrait, en outre, des erreurs d'évaluation des débits et des crédits, ainsi que des erreurs de dénomination des transactions (sentence § 176) ; toutefois, que ne sont pas contestées les données suivantes figurant dans le second rapport ESC (pièce B, n° 68) : qu'en deux ans et huit mois, la valeur totale des transactions de Manas Bank s'élevait à 5,2 milliards 20. USD, soit un peu plus que le Produit Intérieur Brut total annuel de la République kirghize en 2008, et que sur la valeur totale des transactions, 80 %, soit 4,2 milliards USD impliquaient des sociétés non- résidentes (rapport, p. 7); que ces données sont d'ailleurs confirmées par un rapport établi le 10 août 2016 par l'Agence de la République Kirghize pour la Réorganisation des Banques et la Restructuration de la dette (DEBRA) établissement public exerçant les fonctions d'administrateur judiciaire des banques en situation de faillite (pièce RK n° 64 non contestée par M. [K]) qui fait ressortir que le chiffre global des mouvements de crédit sur la totalité des comptes clients de CJSC Manas Bank entre le 1er janvier 2008 et le 7 avril 2010 s'élevait à 5.923.825.731 USD (au taux moyen en vigueur au moment du calcul) dont 561.997.922 som (monnaie kirghize), 2.896.574.489 USD, 1.786.110.525 euros et le reste dans d'autres devises; que le volume et la structure de ces transactions réalisées par une banque qui était en déconfiture lors de sa reprise par M. [K] à la fin de l'été 2007 apparaissent sans rapport avec l'état de l'économie kirghize; qu'un succès aussi foudroyant, dans un temps aussi bref, dans un pays aussi pauvre, n'est pas explicable par des pratiques bancaires orthodoxes ; qu'il résulte de ce qui précède des indices graves, précis et concordants de ce qu' Insan Bank a été reprise par M. [K] afin de développer dans un Etat où ses relations privilégiées avec le détenteur du pouvoir économique lui garantissaient l'absence de contrôle réel de ses activités, des pratiques de blanchiment qui n'avaient pu s'épanouir dans l'environnement moins favorable de la Lettonie ; que la reconnaissance ou l'exécution de la sentence entreprise, qui aurait pour effet de faire bénéficier M. [K] du produit d'activités délictueuses, viole de manière manifeste, effective et concrète l'ordre public international; qu'il convient donc de prononcer l'annulation sollicitée ;

1°) ALORS QUE le juge de l'annulation est juge de la sentence pour admettre ou refuser son insertion dans l'ordre juridique français et non juge de l'affaire pour laquelle les parties ont conclu une convention d'arbitrage, de sorte qu'il ne peut procéder à une nouvelle instruction au fond de l'affaire ; qu'en statuant comme elle l'a fait, motifs pris que le juge doit « rechercher si la reconnaissance ou l'exécution de la sentence est de nature à entraver l'objectif de lutte contre le blanchiment en faisant bénéficier une partie du produit d'activités de cette nature, tel que défini par les stipulations de la convention de Mérida » (arrêt attaqué p. 9 § 3), que cette recherche « n'est pas limitée aux éléments de preuve produits devant les arbitres ni liée par les constatations, appréciations et qualifications opérées par ceux-ci » (arrêt attaqué p. 10 § 2), que les relations entre M. [K] et M. [X] [U], le fils du président de la République, « peuvent être qualifiées d'inappropriées dans la mesure où les prestations immobilières fournies par Manas Bank à M. [X] s'analysent comme des abus de biens sociaux » (arrêt attaqué p. 12 § 2), que « l'appel d'offres s'est déroulé dans des conditions irrégulières » (arrêt attaqué, p. 13 § 4), que « la probité de l'auditeur externe de Manas Bank était douteuse et la régularité de ses contrôles sur la banque sujette à caution » (arrêt attaqué p. 14 § 2), que « Manas Bank prolongeait, dans un état doté de faibles structures de contrôle, les activités d'une banque lettone peu soucieuse des règles de vigilance anti-blanchiment » (arrêt attaqué p. 15 § 1), que « le volume et la structure des transactions réalisées par une banque qui était en déconfiture lors de sa reprise par M. [K] à la fin de l'été 2017, apparaissent sans rapport avec l'état de l'économie kirghize ; un succès aussi foudroyant, dans un temps aussi bref, dans un pays aussi pauvre, n'est pas explicable par des pratiques bancaires orthodoxes » (arrêt attaqué p. 15 § 5) et qu'« il résulte de ce qui précède des indices graves, précis et concordants de ce qu'Insan Bank était reprise par M. [K] afin de bénéficier dans un Etat où ses relations privilégiées avec le détenteur du pouvoir économique lui garantissaient l'absence de contrôle réel de ses activités, des pratiques de blanchiment qui n'avaient pu s'épanouir dans l'environnement moins favorable de la Lettonie » (arrêt attaqué p. 15 § 6) de sorte que « la reconnaissance ou l'exécution de la sentence entreprise, qui aurait pour effet de faire bénéficier M. [K] du produit d'activités délictueuses, viole de manière manifeste, effective et concrète l'ordre public international » (arrêt attaqué p. 15 § 7), la cour d'appel, qui a par ailleurs constaté que le tribunal arbitral avait écarté l'allégation de blanchiment sur laquelle reposait « toute entière » la défense de la République du Kirghizstan (arrêt attaqué p. 6 § 3) faute d'élément probant (arrêt attaqué p. 7-8), a ainsi procédé à une nouvelle instruction au fond de l'affaire, en violation de l'article 1520.5° du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE le juge de l'annulation est juge de la sentence pour admettre ou refuser son insertion dans l'ordre juridique français et non juge de l'affaire pour laquelle les parties ont conclu une convention d'arbitrage, de sorte qu'il ne peut procéder à une nouvelle instruction au fond de l'affaire ; qu'en déduisant l'existence d'indices « graves, précis et concordants de ce que Insan Bank a été reprise par M. [K] afin de développer, dans un Etat où ses relations privilégiées avec le détenteur du pouvoir économique lui garantissaient l'absence de contrôle réel de ses activités, des pratiques de blanchiment », pour décider que la reconnaissance ou l'exécution de la sentence « aurait pour effet de faire bénéficier M. [K] du produit d'activités délictueuses », de procès-verbaux d'audition de témoins devant le tribunal arbitral (arrêt attaqué p. 12 § 1 et 5, p. 13 § 1, 5 et 6, p. 14 § 1) et de rapports d'expertise soumis aux arbitres (p. 15), la cour d'appel, qui a ainsi procédé à une nouvelle instruction au fond de l'affaire et a révisé la sentence, a violé l'article 1520.5° du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE s'agissant de la violation de l'ordre public international, seule la reconnaissance ou l'exécution de la sentence est examinée par le juge de l'annulation au regard de la compatibilité de sa solution avec cet ordre public ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans constater que la valeur de Manas Bank, telle que déterminée par le tribunal arbitral pour fixer le montant de l'indemnisation accordée à M. [K] (sentence, § 312), découlait d'opérations de blanchiment auxquelles celui-ci aurait participé, directement ou indirectement, à défaut de quoi la reconnaissance ou l'exécution de la sentence n'a pas pour effet de le faire bénéficier du produit d'activités de blanchiment, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1520.5° du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir annulé la sentence rendue à Paris entre les parties le 24 octobre 2014 ;

AUX MOTIFS QU'à la suite d'un appel d'offres lancé à l'été 2007, M. [B] [K], ressortissant letton, propriétaire de la banque lettonne Baltic International Bank, a fait l'acquisition de la totalité du capital d'une banque kirghize en faillite, Insan Bank, qu'il a rebaptisée Manas Bank ; que le 6 avril 2010, le président [F] [M] [X], réélu en juillet 2009 au terme d'opérations caractérisées par le bourrage généralisé des urnes, les votes multiples et l'abus des ressources publiques (rapport daté du 11 mars 2010 du bureau de la démocratie, des droits de l'homme et du travail du département d'Etat des Etats-Unis, pièce République du Kirghizstan - ci-après RK -, n° 10), a été chassé du pouvoir par une émeute populaire provoquée par le doublement du prix des services publics ; qu'un gouvernement provisoire a été constitué par les chefs de l'opposition le 7 avril 2010 (Service de recherche du Parlement européen, Kirghizstan : situation politique, avril 2015, pièce RK, n° 9) ; que le 8 avril 2010, une ordonnance n°10/1 a été prise par le conseil d'administration de la Banque Nationale de la République kirghize (BNRK), "afin de contrôler le flux de capital et conserver les actifs dans l'intérêt des déposants et autres créanciers bancaires, face à l'instabilité de la République kirghize, et compte tenu de l'importance et de l'interrelation du système, ainsi que des circonstances de vol et de menace de vol, conformément à l'article 32 de la loi de la République kirghize sur la Banque Nationale de la République kirghize et à l'article 45 de la loi de la République kirghize sur les banques et les opérations bancaires"; que cette ordonnance place cinq banques, parmi lesquelles Manas Bank, sous administration provisoire pour une durée de six mois, désigne des administrateurs, et suspend toutes transactions en devises sur les comptes de correspondants de ces banques (pièce [K], ci-après - B -, n° 38) ; que le 9 avril 2010, le parquet de Bichkek a saisi les actifs de la banque Manas sur le fondement des articles 36 et 119 du code de procédure pénale afin de "garantir la procédure civile en matière d'indemnisation des préjudices et l'exécution du jugement aux fins de confiscation des biens"; que cette décision était motivée par des "opérations suspectes de transferts de fonds à grande échelle, dont l'origine suscite des doutes quant à leur légalité, (qui) ont été réalisées entre 2006 et 2010 par l'intermédiaire des banques AsiaUniversalBank (AUB), Issyk-Kul-Invest, Manas, KyrgyzCredit et Akylinvest", opérations documentées à partir du seul cas d'AUB (pièce B, n° 39) ; que le 8 octobre 2010, la BNRK a prolongé la décision d'administration temporaire de Manas Bank au motif que M. [K] se serait abstenu de remplacer les organes dirigeants dans le délai imparti ; que le 28 janvier 2011, elle a pris une mesure de placement sous séquestre pour une durée de 18 mois, prolongée le 25 juillet 2012 pour neuf mois, suivie d'une nouvelle prolongation en juillet 2013 qui s'est achevée par le prononcé de l'insolvabilité de la banque le 6 juillet 2015 ; que le 2 août 2011, une procédure arbitrale a été engagée par M. [K] sur le fondement de l'article 9 (2) d de l'Accord pour la promotion et la protection des investissements conclu le 22 mai 2008 entre la République de Lettonie et la République du KIRGHIZSTAN (Traité bilatéral d'investissement ou TBI) et de l'article 3 du Règlement d'arbitrage de 1976 de la Commission des Nations Unies pour le droit du commerce international (CNUDCI); La sentence : que la défense du KIRGHIZSTAN dans l'instance arbitrale tenait toute entière dans l'allégation de blanchiment ; toutefois, qu'aucun jugement de condamnation pénale n'était intervenu au KIRGHIZSTAN lorsque le tribunal arbitral a statué et que tel est d'ailleurs toujours le cas ; que le Tribunal du District de Pervomayski de la ville de Bichkek a rendu deux jugements le 18 avril et le 28 décembre 2011 sur les poursuites engagées contre M. [B] [K], M. [U] [X] (fils du président [M] [X]), M.[Y] (ou [P], président du conseil de Manas Bank) et 29 autres personnes, notamment des chefs de corruption et de blanchiment; que ces jugements ont renvoyé l'affaire au bureau du Procureur Général de la République du Kirghizstan pour "éliminer les lacunes et les défaillances" de l'enquête (pièces B, n°s 26 et 27) ; que le premier jugement relève, d'une part, que 23 des 38 personnes mises en cause ont été renvoyées devant la juridiction de jugement sans que les accusations portées à leur encontre leur aient été régulièrement notifiées et sans qu'elles aient pu bénéficier de l'assistance d'un avocat, d'autre part, que les copies versées au dossier n'étaient pas certifiées par les enquêteurs et n'étaient pas numérotées; que le second jugement constate le très grand désordre du dossier, l'absence de preuve des revenus illicites perçus par les accusés et du caractère fictif de certaines transactions, ainsi que l'absence de réponse aux commissions rogatoires internationales envoyées le 7 septembre 2011 en Lettonie aux fins de notification des charges notamment à MM [K] et [Y] ; que les juges kirghizes concluent que "le dossier a été instruit de manière superficielle, les enquêteurs ayant fait preuve d'un parti -pris en défaveur des accusés" ; que postérieurement à ces deux décisions, il n'est pas démontré que la justice kirghize se soit à nouveau prononcée sur les poursuites pénales engagées contre M. [K], celui-ci faisant allusion dans ses conclusions à un nouveau renvoi du dossier au Procureur général pour complément d'enquête par un jugement du 26 juin 2015 qui n'est pas produit ; que le 30 mars 2012, le KIRGHIZSTAN a demandé la suspension de l'instance arbitrale compte tenu des poursuites pénales en cours, ce qui a été refusé, le tribunal reconnaissant néanmoins qu'une nouvelle demande pourrait être présentée si des éléments concrets démontraient que les enquêtes étaient susceptibles de fournir des preuves "imminentes, spécifiques et pertinentes" (sentence § 23); qu'une nouvelle demande fondée sur l'enquête pénale diligentée à New York contre M. [U] [X] a été également rejetée au motif que ces investigations ne présentaient pas de lien suffisant avec l'arbitrage (sentence § 24) ; que l'échange de pièces a été clôturé en décembre 2013 après l'audition des témoins, avec l'accord des parties (sentence § 165) ; qu'à l'allégation de blanchiment opposée par le KIRGHIZSTAN aux demandes indemnitaires de M. [K], le tribunal arbitral a répondu dans les termes suivants : "
153. Comme l'indique le Groupe d'Action financière (GAFI), une organisation intergouvernementale qui regroupe, entre autres, les grandes économies mondiales dans la lutte contre la délinquance économique, y compris la corruption et le blanchiment d'argent : ‘Le blanchiment d'argent est le processus qu'utilisent ces criminels pour déguiser l'origine illégale de ces fonds. Cette étape est capitale dans la mesure où elle permet aux groupes criminels de jouir de leurs profits sans mettre en danger leur source'.
154.Trois phases séquentielles reconnues constituent le blanchiment d'argent : (i) le placement, (ii) l'empilage et (iii) l'intégration. La phase de placement concerne la période durant laquelle l'argent généré par les activités criminelles est injecté dans le système financier. La phase d'empilage a pour but de masquer son origine en le faisant transiter via des transactions souvent complexes. Enfin, la phase d'intégration permet à l'argent de "refaire surface" sous forme de fonds ou d'actifs légitimes.
155. En pratique, les groupes criminels qui cherchent à blanchir les produits de leurs activités illégales disposent d'une multitude de méthodes possibles pour ce faire. Les institutions financières jouent, volontairement ou malgré elles, un rôle central dans la plupart des montages de blanchiment de fonds.

156. Ce Tribunal a connaissance d'opérations financières et des montants en apparence importants impliqués dans ces transactions, mentionnées dans le deuxième rapport d'expertise par East Star Capital. Dans ce contexte, le Tribunal a à l'esprit les définitions et caractéristiques d'un système de blanchiment de fonds typique.
157.De plus, le Tribunal reconnaît que certaines de ces transactions pourraient justifier de plus amples investigations permettant de déterminer si des activités considérées comme du blanchiment d'argent peuvent avoir été menées, par ou via Manas Bank.
158.Si des preuves substantielles et probantes d'une implication active de Manas Bank dans des activités de blanchiment d'argent avaient été produites devant le Tribunal, la demande déposée dans le cadre du TBI aurait pu être rejetée. Il n'est pas besoin de rappeler que la protection des investissements n'a pas pour objectif de bénéficier à des criminels ou à des investissements reposant sur ou menés par des activités criminelles.
159.Le blanchiment d'argent représente un grave problème. Tout arbitre faisant face à des allégations de blanchiment d'argent doit méticuleusement examiner les éléments de preuve. Néanmoins, la gravité des faits allégués n'implique en rien que les principes fondamentaux de respect des procédures et de charge de la preuve peuvent ou doivent être négligés lors du traitement de telles allégations.
160.Dans son mémoire postérieur à l'audience, le Défendeur suggère que les suspicions sont suffisantes : ‘Une distinction importante doit être relevée dans les cas de blanchiment d'argent: la banque doit agir non pas lorsque
l'illégalité est avérée, mais dès qu'elle est suspectée. Ce devoir d'action et de signalement des suspicions relève généralement de l'obligation légale, et une absence de signalement peut représenter en elle-même une infraction pénale.'
161. La suspicion de blanchiment d'argent peut, en effet, être, en elle-même suffisante pour justifier un jugement interlocutoire de la part d'un Etat-hôte, qui offrira le temps nécessaire à une investigation approfondie des activités suspectes alléguées. Néanmoins, l'Etat-hôte reste tenu de prouver que des activités de blanchiment d'argent ont bel et bien été menées par l'institution concernée, dans le cas présent Manas Bank, et que les mesures prises l'ont été en accord avec ses obligations internationales.
162. Bien entendu, les autorités nationales peuvent être bien mieux placées qu'un organisme international pour enquêter sur l'existence d'activités criminelles alléguées, dont le blanchiment d'argent, de la part de l 'un de ses ressortissants. Mais si ces dernières, ayant été en position de déployer les pouvoirs conséquents dont elles disposent pour l'investigation des activités criminelles en reviennent les mains vides au point que les tribunaux locaux ont, plus d'une fois, exigé des investigations plus poussées, il est difficile de concevoir comment un tribunal international, en l'absence de preuves concrètes, pourrait parvenir à des conclusions différentes."; que le tribunal arbitral, après avoir constaté l'absence d'éléments probants produits par la procédure pénale et avoir relevé les insuffisances du rapport d'expertise de la société East Star Capital (ESC) versé aux débats par le KIRGHIZSTAN, a écarté l'allégation de blanchiment et examiné les faits imputés au défendeur au regard des stipulations du TBI; qu'il a constaté que la mesure d'administration provisoire initiale n'était pas justifiée, dès lors que les menaces qui pesaient sur le système bancaire étaient, selon les propres indications données par la BNRK dans son décret n°24/2 du 28 avril 2010 en réponse aux objections de Manas Bank (sentence § 200 et 78), de nature seulement physique (risque de vols, de déprédations) et non systémique; que le renouvellement de l'administration provisoire le 8 octobre 2010 au motif que M. [K] n'aurait pas proposé les noms de nouveaux administrateurs dans le délai imparti, alors que ce délai n'était pas expiré, a été décidé en violation de la loi kirghize ; que la mise sous séquestre avait été prononcée au titre d'une procédure pénale qui s'était poursuivie pendant plusieurs années sans produire de résultats tangibles, qu'elle avait été prolongée sans que la loi le permette et qu'elle avait conduit à une gestion déplorable de la banque; que les arbitres en ont déduit que Manas Bank avait fait l'objet d'une expropriation déguisée et que cette expropriation ne poursuivait pas un but d'utilité publique; que le tribunal a estimé, en outre, que les poursuites pénales étaient arbitraires et sans relation causale avec la mise sous séquestre et qu'il y avait donc eu de ce chef, ainsi que de celui de l'administration temporaire et de la mise sous séquestre, violation de la norme de traitement juste et équitable prévue par le TBI ; que les arbitres saisis d'une demande tendant à voir condamner le KIRGHIZSTAN à payer une indemnité de l'ordre de 33 millions USD, à mettre un terme à toutes les investigations administratives et pénales à l'encontre de M. [K], et à publier dans des organes de presse une réhabilitation du nom de celui-ci et des personnes liées à Manas Bank, a prononcé une condamnation au paiement d'une indemnité de 15.020.000 USD, outre intérêts et frais de procédure, et rejeté le surplus des demandes ; * Le contrôle exercé par le juge de l'annulation : que la prohibition du blanchiment est au nombre des principes dont l'ordre juridique français ne saurait souffrir la violation même dans un contexte international; qu'elle relève, par conséquent de l'ordre public international ; en effet, que la lutte contre le blanchiment d'argent provenant d'activités délictueuses fait l'objet d'un consensus international exprimé notamment dans la Convention des Nations Unies contre la corruption faite à Mérida le 9 décembre 2003, signée par 140 Etats et entrée en vigueur le 14 décembre 2005; Que le blanchiment s'entend, selon l'article 23 (1) de cette convention, des faits suivants lorsqu'ils sont commis intentionnellement : la conversion ou (le) transfert de biens dont celui qui s'y livre sait qu'ils sont le produit du crime, dans le but de dissimuler ou de déguiser l'origine illicite desdits biens ou d'aider toute personne qui est impliquée dans la commission de l'infraction principale à échapper aux conséquences juridiques de ses actes ; la dissimulation ou (le) déguisement de la nature véritable, de l'origine, de l'emplacement, de la disposition, du mouvement ou de la propriété de biens ou de droits y relatifs dont l'auteur sait qu'ils sont le produit du crime; (...) l'acquisition, la détention ou l'utilisation de biens dont celui qui les acquiert, les détient ou les utilise sait, au moment où il les reçoit, qu'ils sont le produit du crime; la participation à l'une des infractions établies conformément au présent article ou à toute association, entente, tentative ou complicité par fourniture d'une assistance, d'une aide ou de conseils en vue de sa commission" ; en premier lieu, que si la République française et la République du KIRGHIZSTAN, toutes deux parties à cette convention, sont aussi toutes deux dotées d'incriminations pénales des faits de blanchiment, il n'entre pas dans la mission de cette cour, saisie d'un recours en annulation d'une sentence internationale, de rechercher si une partie à l'arbitrage peut être déclarée coupable du délit de blanchiment en application des dispositions pénales d'un ordre juridique national, mais seulement de rechercher si la reconnaissance ou l'exécution de la sentence est de nature à entraver l'objectif de lutte contre le blanchiment en faisant bénéficier une partie du produit d'activités de cette nature, telles que définies par les stipulations précitées de la convention de Mérida ; que l'examen de ce grief n'est pas subordonné à l'intervention préalable d'une condamnation pénale du chef de blanchiment ; qu'il en résulte que la circonstance que les poursuites engagées par les autorités kirghizes en 2010 n'aient pas encore débouché sur un procès au fond est dénuée de pertinence ; au demeurant, que la durée de l'instruction n'apparaît pas, en l'occurrence, manifestement disproportionnée, dès lors que les faits de blanchiment donnent lieu, par nature, à des montages opaques et complexes impliquant de multiples sociétés off shore et, qu'en outre, la plupart des personnes poursuivies dans le dossier pénal en cause ont quitté le territoire [F] ; qu'il n'est pas davantage avéré que le ministère public ait renoncé aux poursuites; qu'en effet le courrier adressé le 28 janvier 2016 aux avocats de M. [K] par le Service d'Etat pour la lutte contre les délits économiques près le Gouvernement de la République kirghize fait seulement état de ce que, les prévenus faisant l'objet de recherches, ses investigations étaient suspendues et le dossier transmis au Procureur général pour examen, de sorte qu'il ne lui était pas possible de satisfaire leur demande de communication de pièces (pièce B, n° 45); que ne peut pas plus s'analyser comme un abandon des poursuites la décision prise par Interpol le 6 juillet 2012 de supprimer les fiches concernant plusieurs mis en cause; que, du reste, les procès-verbaux d'interrogatoires de témoins faits sur commission rogatoire par la police estonienne le 2 mars 2016 (pièce RK, n' 83) et par la police russe le 31 mai 2016 (pièce RK, n° 76) démontrent que l'instruction est toujours en cours; en second lieu, que le contrôle exercé par le juge de l'annulation sur la sentence arbitrale en vertu de l'article 1520, 5° du code de procédure civile n'a pas pour objet de vérifier si les décisions de placement sous administration provisoire puis sous séquestre de la Manas Bank ont été prises légalement ou non au regard du droit kirghize, ni si les agissements de la République du KIRGHIZSTAN sont des violations de l'obligation de traitement juste et équitable prévue par le TBI, mais, ainsi qu'il a été dit, de s'assurer que l'exécution de la sentence n'est pas de nature à faire bénéficier une partie du produit d'activités délictueuses ; que cette recherche, menée pour la défense de l'ordre public international, n'est pas limitée aux éléments de preuve produits devant les arbitres, ni liée par les constatations, appréciations et qualifications opérées par ceux-ci ; que la cour doit seulement s'assurer que la production des éléments de preuve devant elle respecte le principe de la contradiction et celui d'égalité des armes et que chaque partie a été mise en mesure de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation substantiellement désavantageuse vis-à-vis de son adversaire ; * La demande tendant à voir écarter certaines pièces des débats : que M. [K] demande que soient écartées des débats les pièces obtenues dans le cadre de l'instruction pénale conduite au Kirghizstan et/ou grâce à l'expropriation illégale constatée par la sentence; qu'il vise les pièces n°s 30, 65, 67 à 74, 77 à 81, 82, 84 à 86, 88 à 96, 99 à 110, 113 à 115 et 117 à 124 (conclusions p. 38, note n° 142) ; en premier lieu, que pour que soient respectés les principes de loyauté des débats et d'égalité des armes, il convient que l'asymétrie résultant de la mise en oeuvre par un Etat de ses pouvoirs d'investigation dans le cadre d'une procédure d'instruction soit corrigée par un accès de la personne mise en cause à l'ensemble du dossier pénal afin qu'elle puisse s'assurer que les pièces produites dans une instance civile parallèle ne sont pas tronquées ou tendancieusement sélectionnées et qu'elle puisse obtenir la communication des documents utiles à sa défense ; que l'allégation de M. [K] selon laquelle ce droit d'accès lui a été refusé n'est pas contestée par la partie adverse ; en second lieu, que les documents litigieux (formulaires d'ouverture de comptes, relevés de comptes, certificats de constitution de sociétés) sont produits sans aucune indication de leur origine et des conditions dans lesquelles ils ont été recueillis ; qu'il résulte de ce qui précède qu'il convient de faire intégralement droit à la demande de M. [K] tendant à ce que soient écartées des débats les pièces énumérées à la page 38 de ses conclusions * L'allégation de blanchiment : que la République du KIRGHIZSTAN soutient, en substance, qu'Insan Bank, rebaptisée Manas Bank, a été acquise dans des conditions suspectes par M. [K] dans le seul but d'en faire une plate-forme de blanchiment grâce à ses liens étroits avec le fils du président [M] [X], [U] [X], lequel employait à ses fins personnelles les pouvoirs étendus que son père lui avait confiés sur l'économie du pays; 1) Les relations de M. [K] et de M. [U] [X] ; que M. [M] [X] a été élu à la présidence de la République le 10 juillet 2005 à la suite de la révolution dite "de la tulipe"; que le 29 octobre 2009, il a officialisé l'influence de son fils [U] sur le gouvernement et sur l'économie du pays en le nommant à la tête de l'Agence centrale pour le Développement, l'Investissement et l'Innovation (ACDII) ; que l'Institut Asie Centrale-Caucase donne de cet événement l'analyse suivante (pièce RK n° 20), qui n'est pas contestée par M. [K]: "Conformément à la loi relative à la création de l'agence, l'ACDII sera responsable de la ‘réorganisation structurelle de l'économie du pays, le soutien aux entreprises, attirer les investissements étrangers, et surtout, la préparation du budget et des programmes économiques nationaux du pays'. En d'autres termes, le fils du président s'occupera des investisseurs étrangers et contrôlera tous les grands projets économiques dans lesquels l'Etat intervient pour le compte du gouvernement. De plus, l'agence ayant été chargée de la gestion du Fonds de développement national (FDN), la disposition de tous les prêts étrangers, notamment le prêt de 300 millions de dollars de la Russie, ainsi les parts détenues par l'Etat dans la plus grande entreprise publique ont été confiées à l'ACDII. "; Que cette analyse souligne l'affaiblissement corrélatif de la position du gouvernement dont le premier ministre devient un simple membre du conseil de direction du FDN désormais présidé par le dirigeant de l'ACDII ; qu'il en résulte, et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté, que les pouvoirs de l'Etat sur l'économie kirghize se trouvaient ainsi - de jure, après l'avoir été de facto -, concentrés entre les mains de M. [U] [X] ; que sur les liens de ce dernier avec M. [K], le tribunal arbitral a estimé qu'il n'était "pas en position de déterminer de manière positive que la relation entre le Demandeur et le fils de M. [X], [U] [X], était inappropriée, étant donné que celle-ci était uniquement superficielle"; qu'en réalité, M. [K] et M. [U] [X] sont co-fondateurs et actionnaires chacun pour moitié de la société LLC Maval Aktivi immatriculée à Riga le 20 juin 2006 dont l'objet est la fourniture de services financiers (pièce RK n° 25) ; qu'à compter de la reprise d'Insan Bank à l'été 2007, jusqu'aux événements d'avril 2010, le quatrième étage de l'immeuble acquis par la banque pour abriter ses activités a été occupé par M. [U] [X] sans qu'aucun contrat de location ait été signé et sans que l'occupant ait acquitté de charges, le quatrième étage n'ayant pas de compteurs distincts (courrier adressé le 14 septembre 2012 par la conservatrice de Manas Bank au vice-président du conseil de la BNRK, pièce RK n° 26) ; que M. [X] était aussi un client privilégié de la banque; que M. [P] (président du conseil de Manas Bank) a, par exemple, reconnu qu'une demande de prêt de 550.000 USD, déposée le 22 décembre 2008 par une société dont M. [X] était bénéficiaire avait été satisfaite, dès le 23 décembre; qu'il a précisé qu'il n'était pas inhabituel que la banque consente des prêts aussi rapidement (procès-verbal d'audition par le tribunal arbitral , p. 64, pièce B n° 86) ; qu'il apparaît donc que les relations entre M. [K] et M. [X] n'étaient pas superficielles et qu'elles peuvent certainement être qualifiées d' "inappropriées" dans la mesure où les prestations immobilières fournies par Manas Bank à M. [X] s'analysent comme des abus de biens sociaux ; du reste, que la Manas Bank jouissait d'une confiance particulière de la part des autorités publiques kirghizes puisque le 23 septembre 2009, le Fonds de développement de la République kirghize a déposé auprès d'elle, 8 millions USD pour trois mois; que ce dépôt a été renouvelé le 26 décembre 2009 et le 26 mars 2010, et que le Fonds social de la République kirghize a également fait d'importants dépôts, de l'ordre de 14 millions USD, à compter de mai 2009 (pièce RK, n° 27); que si M. [P] allègue dans son témoignage, sans que cela soit étayé, que ce montant représenterait une petite partie des sommes placées par ce fonds auprès de diverses banques, il n'en reste pas moins qu'ainsi que le fait observer Mme [R], dans une attestation conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile versée aux débats devant cette cour, qui reproduit les termes de son témoignage écrit devant le tribunal arbitral : "En temps normal, j'aurais trouvé surprenant que le Gouvernement transfère une quantité si importante de fond publics à une banque existant depuis un an" (pièce RK, n° 57, p. 4) ; 2) Les conditions d'acquisition d'Insan Bank ; qu'il résulte des énonciations de la sentence et qu'il n'est pas contesté qu'à l'été 2007 la BNRK a publié un appel d'offres pour l'acquisition et le redressement de cet établissement; que le comité chargé d'examiner les propositions de reprises ne pouvait se prononcer que s'il était saisi d'au moins deux offres; que le 28 août 2007, deux offres ont été reçues, émanant de M. [K] et de M. [H], juriste de droit bancaire qui avait été l'avocat de M. [K]; que le comité a choisi à l'unanimité la proposition de M. [K] (sentence, § 57 à 61) ; que la République du KIRGHIZSTAN allègue l'insincérité de la procédure d'appel d'offres ; que dans son témoignage devant le tribunal arbitral, M. [P], qui était en relation d'affaires avec M. [K] depuis le début des années 1990, a déclaré qu'au milieu de l'été 2007, M. [H], avait indiqué à M. [K] et à lui-même que leur collaboration devait cesser car il entendait participer à l'appel d'offres concernant Insan Bank et que, par la suite, il n'avait rencontré M. [H] que pour finaliser des documents juridiques dans des affaires qu'ils avaient précédemment eu en commun (procès-verbal d'audition du 10 décembre 2013, p. 17 à 20, pièce B., n° 86) ; que, toutefois, la suite de l'audition a fait apparaître, d'une part, qu'en 2007 M. [P] était, avec l'aval de M. [K] ( procès-verbal p.26), directeur général de plusieurs sociétés fondées ou contrôlées par M. [H] : V. Innovation (procès-verbal, p. 20), ZAO Innovatsia, (procès- verbal, p. 21), OsOO Technologia (fondée par VIP Consulting, elle-même fondée par M. [H], procès-verbal, p. 28 et 29, M. [P] étant resté directeur général jusqu'en janvier 2008), d'autre part, que plusieurs sociétés fondées par M. [H] avaient le même siège social que Manas Bank (ZAO Innovatsia, procès-verbal, p. 21 et 22, OsOO V Tchnologia, procès-verbal, p. 27), enfin que la collaboration de M. [H] avec M. [K] et M. [P] portait précisément sur le projet de reprise d'Insan Bank et que les dispositions prises avant même le résultat de l'appel d'offres démontraient le faible aléa de la procédure puisque la société V. Innovation dont M. [H] était fondateur et détenteur du capital avait déjà, pour le compte de M. [K], entrepris les travaux d'aménagement des futurs locaux et signé le contrat de fourniture de logiciel informatique (procès-verbal, p. 30 et p. 50 et 5 1) ; qu'en ce qui concerne la portée de ce témoignage, si M. [P] s'est plaint à plusieurs reprises au cours de son audition de n'avoir pas les pièces sous les yeux, ce n'était que pour des précisions de dates ou de sommes d'argent, mais non pas sur les points ci-dessus qui n'appelaient d'ailleurs pas d'effort de mémoire particulier ; qu'à l'issue de cette audition, le tribunal arbitral a estimé qu'il n'était "pas en mesure d'établir une détermination positive concernant les allégations du Défendeur (selon lesquelles l'appel d'offres était truqué), étant donné qu'aucune preuve concordante ne lui a été fournie. La simple relation entre le Demandeur et M. [H] est insuffisante pour prouver une fraude en lien avec l'investissement. En particulier, le Tribunal constate que le comité d'Insan Bank semblait très impressionné par l'offre du Demandeur pour l'acquisition d'Insan Bank. En outre, le tribunal convient que même en l'absence d'offre de M. [H], le Demandeur aurait très bien pu obtenir une licence bancaire en République du KIRGHIZSTAN" (sentence, § 62) ; que la cour estime, pour sa part, que les faits rapportés ci- dessus établissent suffisamment que l'appel d'offres s'est déroulé dans des conditions irrégulières, la circonstance que M. [K] aurait pu créer un établissement bancaire au Kirghizstan par d'autres moyens étant sans influence sur cette constatation ; 3) Les contrôles exercés sur Manas Bank ; que M. [K] fait valoir que la gestion de Manas Bank n'avait suscité avant 2010 aucune critique de la part des autorités régulatrices et que, "ainsi que le rappelle M. [P], la BNRK dépêchait des auditeurs chez Manas Bank, lesquels faisaient preuve de rigueur dans l'appréciation des documents, et ne s'étaient jamais plaints d'un manque d'accès à quelque document que ce fût. Au terme de ces audits, aucune violation des dispositifs anti-blanchiment n'avait été constatée" (conclusions, p. 94, citant le second témoignage écrit de M [P] devant le tribunal arbitral daté du 15 octobre 2012 ) ; que M. [P] reconnaît, dans ce témoignage, que Mme [S] [C], dirigeante de la société kirghize Top Audit KG, chargée de l'audit externe de Manas Bank, était titulaire d'un coffre-fort dans cette banque, mais affirme que cette circonstance était sans influence sur l'impartialité de l'intéressée et ne violait donc pas la législation kirghize (pièce B, n° 75 § 34); toutefois, qu'il résulte du "rapport d'inspection des pratiques de la SPAF Manas Bank en matière de location de coffres", établi le 2 juin 2011 par le conservateur de la banque, que Mme [A] possédait en réalité sept coffres qui contenaient, pour quatre d'entre eux des devises en espèces : 1.350.000 USD, 1.419.800 USD, 1.619.000 USD et 1.959.900 USD et pour le cinquième, plusieurs tampons de sociétés commerciales dont l'une immatriculée aux Iles Vierges britanniques, ainsi que huit tampons de services régionaux d'inspection fiscale (Pervomayskyi District, Octjabrskyi District, Sverdlovskyi District, etc.) (pièce RK, n° 31); que cette pièce n'est pas commentée par M. [K]; qu'elle ne l'a pas été davantage par le tribunal arbitral auquel elle avait été communiquée en annexe à la déclaration de témoin de Mme [W] [R], inspectrice en chef de la division d'inspection des banques de la BNRK (pièce A-46 annexée au témoignage de Mme [R], pièce RK, n° 57); que, du reste, si la sentence mentionne au paragraphe 34 que ce témoignage a été versé aux débats, elle n'y fait par la suite aucune allusion ; que le contenu des coffres de Mme [A] accrédite la thèse du KIRGHIZSTAN selon laquelle la probité de l'auditeur externe de Manas Bank était douteuse et la réalité de ses contrôles sur la banque sujette à caution ; par ailleurs, que cette même [S] [C], directrice générale de la CJSC "Top-Audit KG", a été enregistrée par un décret du 3 mai 2009 de la Commission centrale des élections et référendum de la République kirghize comme représentante autorisée disposant du pouvoir de signature de documents financiers du candidat à l'élection présidentielle K. S. [X] (pièce RK, n° 28) ; 4) Les relations de Manas Bank avec la Baltic International Bank ; que Manas Bank entretenait des relations étroites avec la Baltic International Bank (BIB) dont le capital appartient à M. [K]; que cet aspect sur lequel M. [K] est discret devant la cour avait été au contraire mis en exergue dans l'instance arbitrale, la sentence relevant d'ailleurs qu'en "tirant parti du savoir-faire et des ressources humaines de la Baltic International Bank, Manas Bank a vite été performante" (sentence, § 3) ; que le 10 mars 2016 la Commission des marchés financiers et de capitaux de Lettonie a publié une décision de son conseil infligeant à la BIB et à sa présidente, Mme [L] [V] des amendes d'un montant respectif de 1.100.000 euros et 25.000 euros, aux motifs suivants : "au cours d'inspection menées au sein de la Baltic International Bank, la CMFC avait identifié des violations répétées de dispositions de la loi sur la prévention du blanchiment des produits d'activités criminelles (...) Alors qu'elle était impliquée dans des transactions soumettant la banque à des risques importants de blanchiment d'argent et de réputation. La banque n'a pas apporté une attention suffisante à des opérations complexes et liées entre elles réalisées par des clients, n'a pas identifié l'origine des fonds et n'a pas détecté en temps voulu des schémas suspects de transactions continues de spot forex. Les activités de la banque étant concentrées sur des marchés étrangers susceptibles de les soumettre à des risques accrus de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme, la CMFC souligne l'importance de mettre en oeuvre des audits appropriés des clients, une supervision et un système de contrôle interne efficace. Lors de l'appréciation de la responsabilité de la Présidente de la Baltic International Bank, [L] [V], la CMFC a pris en compte le fait que, au cours de la période 2003-2015, elle était responsable des questions de lutte contre le blanchiment" (pièce RK, n° 36) ; que le commentaire de cette décision, envoyé le 21 septembre 2016 par la société BIB, dont le capital est détenu par M. [K], à la société JSC "[K] HOLDINGS" appartenant également à M. [K], ne peut être considéré comme probant lorsqu'il affirme, sans aucun élément matériel, que le contrôle ne portait que sur la période 2011 à 2015 - donc postérieure à la saisie de Manas Bank (pièce B, n° 87) ; qu'il apparaît, par conséquent, que Manas Bank prolongeait, dans un Etat doté de faibles structures de contrôle, les activités d'une banque lettone peu soucieuse des règles de vigilance anti-blanchiment ; 5) Le volume et la structure des opérations réalisées par Manas Bank ; que le KIRGHIZSTAN a produit dans l'instance arbitrale deux rapports d'une société d'experts indépendants East Star Capital (ESC); que le tribunal arbitral relève que ces rapports ont été préparés par deux consultants occidentaux en quelques semaines, qu'ils ne prétendent pas contenir de preuves, mais se bornent à faire allusion à des faits dont ils allèguent qu'ils devraient faire l'objet d'investigations plus approfondies (sentence § 164 et 165), que le second contiendrait, en outre, des erreurs d'évaluation des débits et des crédits, ainsi que des erreurs de dénomination des transactions (sentence § 176) ; toutefois, que ne sont pas contestées les données suivantes figurant dans le second rapport ESC (pièce B, n° 68) : qu'en deux ans et huit mois, la valeur totale des transactions de Manas Bank s'élevait à 5,2 milliards USD, soit un peu plus que le Produit Intérieur Brut total annuel de la République kirghize en 2008, et que sur la valeur totale des transactions, 80 %, soit 4,2 milliards USD impliquaient des sociétés non- résidentes (rapport, p. 7); que ces données sont d'ailleurs confirmées par un rapport établi le 10 août 2016 par l'Agence de la République Kirghize pour la Réorganisation des Banques et la Restructuration de la dette (DEBRA) établissement public exerçant les fonctions d'administrateur judiciaire des banques en situation de faillite (pièce RK n° 64 non contestée par M. [K]) qui fait ressortir que le chiffre global des mouvements de crédit sur la totalité des comptes clients de CJSC Manas Bank entre le 1er janvier 2008 et le 7 avril 2010 s'élevait à 5.923.825.731 USD (au taux moyen en vigueur au moment du calcul) dont 561.997.922 som (monnaie kirghize), 2.896.574.489 USD, 1.786.110.525 euros et le reste dans d'autres devises; que le volume et la structure de ces transactions réalisées par une banque qui était en déconfiture lors de sa reprise par M. [K] à la fin de l'été 2007 apparaissent sans rapport avec l'état de l'économie kirghize; qu'un succès aussi foudroyant, dans un temps aussi bref, dans un pays aussi pauvre, n'est pas explicable par des pratiques bancaires orthodoxes ; qu'il résulte de ce qui précède des indices graves, précis et concordants de ce qu'Insan Bank a été reprise par M. [K] afin de développer dans un Etat où ses relations privilégiées avec le détenteur du pouvoir économique lui garantissaient l'absence de contrôle réel de ses activités, des pratiques de blanchiment qui n'avaient pu s'épanouir dans l'environnement moins favorable de la Lettonie ; que la reconnaissance ou l'exécution de la sentence entreprise, qui aurait pour effet de faire bénéficier M. [K] du produit d'activités délictueuses, viole de manière manifeste, effective et concrète l'ordre public international; qu'il convient donc de prononcer l'annulation sollicitée ;

1°) ALORS QU'en se prononçant comme elle l'a fait, après avoir relevé, d'une part, que selon l'article 23 (1) de la convention de Mérida, le blanchiment s'entend, « des faits suivants lorsqu'ils sont commis intentionnellement : la conversion ou (le) transfert de biens dont celui qui s'y livre sait qu'ils sont le produit du crime, dans le but de dissimuler ou de déguiser l'origine illicite desdits biens ou d'aider toute personne qui est impliquée dans la commission de l'infraction principale à échapper aux conséquences juridiques de ses actes ; la dissimulation ou (le) déguisement de la nature véritable, de l'origine, de l'emplacement, de la disposition, du mouvement ou de la propriété de biens ou de droits y relatifs dont l'auteur sait qu'ils sont le produit du crime; (...) l'acquisition, la détention ou l'utilisation de biens dont celui qui les acquiert, les détient ou les utilise sait, au moment où il les reçoit, qu'ils sont le produit du crime; la participation à l'une des infractions établies conformément au présent article ou à toute association, entente, tentative ou complicité par fourniture d'une assistance, d'une aide ou de conseils en vue de sa commission », d'autre part, qu'il entre dans sa mission de « rechercher si la reconnaissance ou l'exécution de la sentence est de nature à entraver l'objectif de lutte contre le blanchiment en faisant bénéficier une partie du produit d'activités de cette nature, telles que définies par les stipulations précitées de la convention de Mérida » (arrêt attaqué p. 9 § 3) et, enfin, qu'il existe « des indices graves, précis et concordants de ce qu'Insan Bank a été reprise par M. [K] afin de développer dans un Etat où ses relations privilégiées avec le détenteur du pouvoir économique lui garantissaient l'absence de contrôle réel de ses activités, des pratiques de blanchiment qui n'avaient pu s'épanouir dans l'environnement moins favorable de la Lettonie », pour en déduire que la reconnaissance ou l'exécution de la sentence aurait pour effet de faire bénéficier M. [K] du produit d'activités délictueuses (arrêt attaqué p. 15 § 6), la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé que M. [K] a commis intentionnellement l'un des faits de blanchiment visés par la convention de Mérida du 9 décembre 2003, n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1520.5° du code de procédure civile ;

2°) ALORS QU'en se prononçant comme elle l'a fait, motifs pris de relations inappropriées entre M. [K] et M. [X], les prestations et moyens fournis par Manas Bank au second s'analysant comme des abus de biens sociaux (arrêt attaqué, p. 12 § 2), de ce que l'appel d'offres pour l'acquisition d'Insan Bank s'est déroulé dans des conditions irrégulières (arrêt attaqué p. 13 § 4), de ce que la probité de l'auditeur externe de Manas Bank était douteuse et la réalité de ses contrôles sur la banque sujette à caution (arrêt attaqué, p. 14 § 2), de ce que « Manas Bank prolongeait, dans un état doté de faibles structures de contrôle, des activités d'une banque Lettone peu soucieuse des règles de vigilances anti-blanchiment » (arrêt attaqué, p. 15 § 1) et de ce que « le volume et la structure » des « transactions réalisées par une banque qui était en déconfiture lors de sa reprise par M. [K] à la fin de l'été 2007 apparaissaient sans rapport avec l'Etat de économie kirghize » et « qu'un succès aussi foudroyant dans un temps aussi bref dans un pays aussi pauvre n'est pas explicable par des pratiques bancaires orthodoxes » (arrêt attaqué, p. 15, § 5), soit de constatations insusceptibles d'établir que M. [K] aurait participé intentionnellement à des faits de blanchiment tels que visés par la convention de Mérida, la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs inopérants, n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1520.5° du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE le juge qui décide de relever d'office un moyen est tenu de respecter le principe de la contradiction en invitant les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de ce que « les prestations immobilières fournies par Manas Bank à M. [X] s'analysent comme des abus de biens sociaux », sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction, en violation de l'article 16 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE le juge doit préciser le fondement juridique de sa décision ; qu'en se bornant à affirmer que les relations entre M. [K] et M. [X] peuvent être qualifiées d'inappropriées « dans la mesure où les prestations immobilières fournies par Manas Bank à M. [X] s'analysent comme des abus de biens sociaux », sans préciser au regard de quelle règle de droit elle se prononçait, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile ;

5°) ALORS QUE le juge ne peut statuer par voie de simple affirmation ; qu'en se bornant à affirmer, en considération des relations étroites entre la Baltic International Bank et la Manas Bank et de l'amende imposée par le Conseil de la commission des marchés financiers de capitaux de Lettonie à la Baltic International Bank et à sa présidente, pour « violation répétée des dispositions de la loi sur la prévention du blanchiment des produits d'activités criminelles », qu'« il apparaît, par conséquent, que Manas Bank prolongeait, dans un état doté de faibles structures de contrôle, les activités d'une banque lettone peu soucieuse des règles de vigilance anti-blanchiment », la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

6°) ALORS QUE le juge ne peut statuer par voie de simple affirmation ; qu'en se bornant à affirmer, en considération du volume des transactions effectuées par Manas Bank en deux ans et demi, « qu'un succès aussi foudroyant dans un temps aussi bref, dans un pays aussi pauvre, n'est pas explicable par des pratiques bancaires orthodoxes », la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

ARBITRAGE - Arbitrage international - Sentence - Recours en annulation - Reconnaissance ou exécution de la sentence - Compatibilité avec l'ordre public international - Recherche - Office du juge de l'annulation

ARBITRAGE - Arbitrage international - Sentence - Recours en annulation - Reconnaissance ou exécution de la sentence - Compatibilité avec l'ordre public international - Recherche effectuée par le juge de l'annulation - Applications diverses

Il résulte de l'article 1520, 5°, du code de procédure civile que le juge de l'annulation doit rechercher si la reconnaissance ou l'exécution de la sentence est compatible avec l'ordre public international. Cette recherche n'est ni limitée aux éléments de preuve produits devant les arbitres ni liée par les constatations, appréciations et qualifications opérées par eux, son seul office à cet égard consistant à s'assurer que la production des éléments de preuve devant lui respecte le principe de la contradiction et celui d'égalité des armes


Références :

Article 1520, 5°, du code de procédure civile.

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 21 février 2017


Publications
Proposition de citation: Cass. Civ. 1re, 23 mar. 2022, pourvoi n°17-17981, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles
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Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin
Avocat(s) : SARL Ortscheidt, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Formation : Chambre civile 1
Date de la décision : 23/03/2022
Date de l'import : 26/04/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 17-17981
Numéro NOR : JURITEXT000045470063 ?
Numéro d'affaire : 17-17981
Numéro de décision : 12200338
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2022-03-23;17.17981 ?
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