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02/03/2022 | FRANCE | N°20-23282

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 02 mars 2022, 20-23282


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 2 mars 2022

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 192 F-D

Pourvoi n° V 20-23.282

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 2 MARS 2022

M. [O] [K], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 20-23.282 con

tre l'arrêt rendu le 26 octobre 2020 par la cour d'appel de Rennes (6e chambre A), dans le litige l'opposant :

1°/ au procureur général près de ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 2 mars 2022

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 192 F-D

Pourvoi n° V 20-23.282

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 2 MARS 2022

M. [O] [K], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 20-23.282 contre l'arrêt rendu le 26 octobre 2020 par la cour d'appel de Rennes (6e chambre A), dans le litige l'opposant :

1°/ au procureur général près de la cour d'appel de Rennes, domicilié en son parquet général, [Adresse 4],

2°/ à Mme [F] [K], épouse [S], domiciliée [Adresse 3],

3°/ à Mme [W] [A], domiciliée [Adresse 2],

4°/ à M. [D] [K], domicilié [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Fulchiron, conseiller, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de M. [O] [K], et l'avis de Mme Caron-Déglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 janvier 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 26 octobre 2020),d'après les mentions de son acte de naissance, M. [D] [K] est né, le 21 avril 1967, de Mme [W] [A] et de [N] [K], son époux, décédé le 5 février 2002.

2. Par acte des 27 et 28 février 2017, il a, conjointement avec son frère [D], assigné sa mère et sa soeur [F] en contestation de la paternité de [N] [K] à son égard.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

4. M. [O] [K] fait grief à l'arrêt de dire irrecevable son action en contestation de paternité, alors :

« 1°/ que, selon l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ; qu'il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; qu'il s'ensuit que les juges, doivent, pour statuer sur une action relative à la filiation fondée sur les articles 320 et suivants du code civil, apprécier si concrètement, dans l'affaire qui leur est soumise, la mise en oeuvre d'une prescription ne porte pas au droit au respect de la vie privée et familiale conventionnellement garanti, une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi ; qu'ayant relevé que l'exposant prétend qu'aucun intérêt financier n'était en jeu qui aurait nécessité une protection, pour en déduire que ce faisant, il n'établit pas en quoi l'application des règles de prescriptions applicables au cas d'espèce porte une atteinte disproportionnée à droit au respect de sa vie privée et familiale, alors que son action intentée très tardivement est de nature a entaché gravement la réputation d'autrui et à salir la mémoire de son père légitime la cour d'appel qui n'a pas recherché si, concrètement, dans l'affaire qui lui était soumise, la mise en oeuvre des délais légaux de prescription n'était pas disproportionnée au regard du but légitime poursuivi et, en particulier, si un juste équilibre était ménagé entre les intérêts publics et privés concurrents en jeu, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 321 du code civil ;

2°/ que, selon l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales le droit à l'identité, dont relève le droit de connaître et de faire reconnaître son ascendance, fait partie intégrante de la notion de vie privée ; que, si l'impossibilité pour une personne de faire reconnaître son lien de filiation paternelle constitue une ingérence dans l'exercice du droit au respect de sa vie privée, cette ingérence est, en droit interne, prévue par la loi, dès lors qu'elle résulte de l'application des articles 321 et suivants du code civil, qui définissent de manière claire et précise les conditions de prescription des actions relatives à la filiation ; que cette base légale est accessible aux justiciables et prévisible dans ses effets ; qu'elle poursuit un but légitime en ce qu'elle tend à protéger les droits des tiers et la sécurité juridique ; que les délais de prescription des actions en contestation de paternité ainsi fixés par la loi, qui laissent subsister un délai raisonnable pour permettre à l'enfant d'agir après sa majorité, constituent des mesures nécessaires pour parvenir au but poursuivi et adéquates au regard de cet objectif ; que, cependant, il appartient au juge d'apprécier si, concrètement, dans l'affaire qui lui est soumise, la mise en oeuvre de ces délais légaux de prescription ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de l'intéressé, au regard du but légitime poursuivi et, en particulier, si un juste équilibre est ménagé entre les intérêts publics et privés concurrents en jeu ; que l'exposant faisait valoir que la prescription décennale ne saurait lui être opposée, la prescription de l'action en contestation de paternité étant suspendue du fait de son impossibilité d'agir, caractérisée par l'état psychiatrique très aggravé de sa mère, les pressions exercées sur elle sous menace d'hospitalisation psychiatrique et les pressions financières subies par le couple parental en raison de leur dépendance économique à l'égard des établissements de vente de matériel agricole tenus par M. [J], père biologique de l'exposant, outre l'opposition de M. [J] à l'établissement de tout lien de filiation eu égard à son statut social et politique ; qu'il ajoutait qu'il avait connaissance de son lien de filiation, lequel était de notoriété publique, qu'il voyait régulièrement son père biologique à son bureau ; qu'en opposant à l'exposant qu'il prétend qu'aucun intérêt financier n'était en jeu qui aurait nécessité une protection, pour en déduire que ce faisant, il n'établit pas en quoi l'application des règles de prescriptions applicables au cas d'espèce porte une atteinte disproportionnée à droit au respect de sa vie privée et familiale, alors que son action intentée très tardivement est de nature à entacher gravement la réputation d'autrui et à salir la mémoire de son père légitime tout en relevant qu'il a entretenu des relations régulières avec ce dernier pendant trente années, et que cette paternité était de notoriété publique, ainsi que l'établissent les diverses attestations circonstanciées produites et le faire-part de décès publié dans la presse, la cour d'appel qui n'a pas pris en compte la situation de l'exposant mais seulement le fait que l'action est de nature a entaché gravement la réputation d'autrui et à salir la mémoire de son père légitime, a privé sa décision de base au regard de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 321 du code civil. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel a énoncé que, si l'impossibilité pour une personne de faire reconnaître son lien de filiation paternelle constituait une ingérence dans l'exercice de son droit au respect de la vie privée protégé par l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, cette ingérence résultait, en droit interne, de l'application des articles 332, 333, 334 et 321 du code civil, qui définissaient de manière claire et précisaient les conditions de prescription des actions relatives à la filiation.

6. Elle a retenu que ces règles poursuivaient un but légitime en ce qu'elles tendaient à protéger les droits des tiers et la sécurité juridique.

7. Elle a rappelé qu'il appartenait cependant au juge d'apprécier si, concrètement, dans l'affaire qui lui était soumise, la mise en oeuvre de ces délais légaux de prescription ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de l'intéressé, au regard du but légitime poursuivi et, en particulier, si un juste équilibre était ménagé entre les intérêts publics et privés en jeu.

8. Après avoir relevé que M. [O] [K] avait engagé l'action en contestation de paternité de son père légal trente cinq ans après sa majorité, sans pouvoir justifier de sa tardiveté, quand bien même, selon ses dires, les circonstances ayant entouré sa naissance étaient connues de tous, notamment de lui-même, la cour d'appel a retenu que cette action était de nature à entacher gravement la réputation de son père prétendu et à porter atteinte à la mémoire de son père légitime.

9. La cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise et a pris en considération les intérêts en présence, a pu en déduire que le délai de prescription opposé à M. [O] [K] respectait un juste équilibre et qu'il ne portait pas, au regard du but légitime poursuivi, une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale.

10. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [O] [K] aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du deux mars deux mille vingt-deux et signé par lui, par le conseiller rapporteur, et par Mme Berthomier, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils, pour M. [O] [K]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT ATTAQUE D'AVOIR confirmé le jugement ayant dit irrecevable l'action en contestation de paternité engagée à l'encontre de Madame [F] [K] épouse [S] et Madame [W] [A] veuve [K],

1°) ALORS QUE, si l'action en contestation et en recherche de paternité se prescrit par dix ans courant depuis la majorité de l'enfant, ce délai est susceptible de suspension dans les conditions de l'article 2234 du code civil ; que l'exposant faisait valoir que la prescription décennale ne saurait lui être opposée, la prescription de l'action en contestation de paternité étant suspendue du fait de son impossibilité d'agir, caractérisée par l'état psychiatrique très aggravé de sa mère, des pressions exercées sur elle sous menace d'hospitalisation psychiatrique et des pressions financières subies par le couple parental en raison de leur dépendance économique à l'égard des établissements de vente de matériel agricole tenus par M. [J], père biologique de l'exposant, outre l'opposition de M. [J] à l'établissement de tout lien de filiation eu égard à son statut social et politique ; qu'en retenant que l'exposant ne peut simultanément admettre qu'il avait acquis la conviction que Monsieur [J] était son père biologique, en établissant abondamment que la paternité de celui-ci était connue de tous, et dire qu'il ne pouvait entamer une action sans confirmation verbale de sa mère, et ce d'autant plus que celle-ci souffre de difficultés d'ordre psychiatrique, qu'en outre, ces troubles anciens, puisqu'il est indiqué qu'ils sont antérieurs à la naissance de l'exposant, ne sauraient constituer une circonstance l'ayant mis dans l'impossibilité d'agir, étant relevé que la présente action est engagée du vivant de sa mère et alors que sa pathologie n'a pas évolué, que lecourrier adressé par le conseil de Monsieur [E] [J] à l'exposant le 28 mai 2009 démontre que dès cette époque, la question de l'établissement en justice d'un lien de filiation entre eux s'était posée, avec recours, le cas échéant, à des "techniques scientifiques", la cour d'appel qui n'a pas porté une appréciation d'ensemble ainsi que l'y invitait l'exposant, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 321 et suivants et 2234 du code civil ;

2°) ALORS QUE, si l'action en contestation et en recherche de paternité se prescrit par dix ans courant depuis la majorité de l'enfant, ce délai est susceptible de suspension dans les conditions de l'article 2234 du code civil ; que l'exposant faisait valoir que la prescription décennale ne saurait lui être opposée, la prescription de l'action en contestation de paternité étant suspendue du fait de son impossibilité d'agir, caractérisée par l'état psychiatrique très aggravé de sa mère, des pressions exercées sur elle sous menace d'hospitalisation psychiatrique et des pressions financières subies par le couple parental en raison de leur dépendance économique à l'égard des établissements de vente de matériel agricole tenus par M. [J], père biologique de l'exposant, outre l'opposition de M. [J] à l'établissement de tout lien de filiation eu égard à son statut social et politique ; qu'en retenant que l'exposant ne peut simultanément admettre qu'il avait acquis la conviction que Monsieur [J] était son père biologique, en établissant abondamment que la paternité de celui-ci était connue de tous, et dire qu'il ne pouvait entamer une action sans confirmation verbale de sa mère, et ce d'autant plus que celle-ci souffre de difficultés d'ordre psychiatrique, qu'en outre, ces troubles anciens, puisqu'il est indiqué qu'ils sont antérieurs à la naissance de l'exposant, ne sauraient constituer une circonstance l'ayant mis dans l'impossibilité d'agir, étant relevé que la présente action est engagée du vivant de sa mère et alors que sa pathologie n'a pas évolué, que le courrier adressé par le conseil de Monsieur [E] [J] à l'exposant le 28 mai 2009 démontre que dès cette époque, la question de l'établissement en justice d'un lien de filiation entre eux s'était posée, avec recours, le cas échéant, à des "techniques scientifiques", quand l'exposant faisait valoir les menaces d'internement faites à sa mère, la dépendance financière de sa mère et de son mari, père présumé de l'exposant envers son père biologique, M. [J], outre l'opposition de ce dernier à l'établissement de tout lien de filiation, la cour d'appel qui n'a pas pris en considération ces éléments de nature à établir l'impossibilité dans laquelle il se trouvait d'agir du vivant de son père biologique, comme elle y était invitée, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 321 et suivants et 2234 du code civil ;

SECOND MOYEN DE CASSATION :

LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT ATTAQUE D'AVOIR confirmé le jugement ayant dit irrecevable l'action en contestation de paternité engagée par les exposants à l'encontre de Madame [F] [K] épouse [S] et Madame [W] [A] veuve [K],

1°) ALORS QUE selon l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale; qu'il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; qu'il s'ensuit que les juges, doivent, pour statuer sur une action relative à la filiation fondée sur les articles 320 et suivants du code civil, apprécier si concrètement, dans l'affaire qui leur est soumise, la mise en oeuvre d'une prescription ne porte pas au droit au respect de la vie privée et familiale conventionnellement garanti, une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi ; qu'ayant relevé que l'exposant prétend qu'aucun intérêt financier n'était en jeu qui aurait nécessité une protection, pour en déduire que ce faisant, il n'établit pas en quoi l'application des règles de prescriptions applicables au cas d'espèce porte une atteinte disproportionnée à droit au respect de sa vie privée et familiale, alors que son action intentée très tardivement est de nature a entaché gravement la réputation d'autrui et à salir la mémoire de son père légitime la cour d'appel qui n'a pas recherché si, concrètement, dans l'affaire qui lui était soumise, la mise en oeuvre des délais légaux de prescription n'était pas disproportionnée au regard du but légitime poursuivi et, en particulier, si un juste équilibre était ménagé entre les intérêts publics et privés concurrents en jeu, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales , ensemble l'article 321 du code civil.

2°) ALORS QUE selon l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales le droit à l'identité, dont relève le droit de connaître et de faire reconnaître son ascendance, fait partie intégrante de la notion de vie privée ; que, si l'impossibilité pour une personne de faire reconnaître son lien de filiation paternelle constitue une ingérence dans l'exercice du droit au respect de sa vie privée, cette ingérence est, en droit interne, prévue par la loi, dès lors qu'elle résulte de l'application des articles 321 et suivants du code civil, qui définissent de manière claire et précise les conditions de prescription des actions relatives à la filiation ; que cette base légale est accessible aux justiciables et prévisible dans ses effets ; qu'elle poursuit un but légitime en ce qu'elle tend à protéger les droits des tiers et la sécurité juridique ; que les délais de prescription des actions en contestation de paternité ainsi fixés par la loi, qui laissent subsister un délai raisonnable pour permettre à l'enfant d'agir après sa majorité, constituent des mesures nécessaires pour parvenir au but poursuivi et adéquates au regard de cet objectif ; que, cependant, il appartient au juge d'apprécier si, concrètement, dans l'affaire qui lui est soumise, la mise en oeuvre de ces délais légaux de prescription ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de l'intéressé, au regard du but légitime poursuivi et, en particulier, si un juste équilibre est ménagé entre les intérêts publics et privés concurrents en jeu ; que l'exposant faisait valoir que la prescription décennale ne saurait lui être opposée, la prescription de l'action en contestation de paternité étant suspendue du fait de son impossibilité d'agir, caractérisée par l'état psychiatrique très aggravé de sa mère, les pressions exercées sur elle sous menace d'hospitalisation psychiatrique et les pressions financières subies par le couple parental en raison de leur dépendance économique à l'égard des établissements de vente de matériel agricole tenus par M. [J], père biologique de l'exposant, outre l'opposition de M. [J] à l'établissement de tout lien de filiation eu égard à son statut social et politique ; qu'il ajoutait qu'il avait connaissance de son lien de filiation, lequel était de notoriété publique, qu'il voyait régulièrement son père biologique à son bureau ; qu'en opposant à l'exposant qu'il prétend qu'aucun intérêt financier n'était en jeu qui aurait nécessité une protection, pour en déduire que ce faisant, il n'établit pas en quoi l'application des règles de prescriptions applicables au cas d'espèce porte une atteinte disproportionnée à droit au respect de sa vie privée et familiale, alors que son action intentée très tardivement est de nature à entacher gravement la réputation d'autrui et à salir la mémoire de son père légitime tout en relevant qu'il a entretenu des relations régulières avec ce dernier pendant trente années, et que cette paternité était de notoriété publique, ainsi que l'établissent les diverses attestations circonstanciées produites et le faire-part de décès publié dans la presse, la cour d'appel qui n'a pas pris en compte la situation de l'exposant mais seulement le fait que l'action est de nature a entaché gravement la réputation d'autrui et à salir la mémoire de son père légitime, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 321 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 20-23282
Date de la décision : 02/03/2022
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 26 octobre 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 02 mar. 2022, pourvoi n°20-23282


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Bouzidi et Bouhanna

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.23282
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