La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/10/2020 | FRANCE | N°19/05270

France | France, Cour d'appel de Rennes, 6ème chambre a, 26 octobre 2020, 19/05270


6ème Chambre A





ARRÊT N° 498



N° RG 19/05270

N° Portalis DBVL-V-B7D-QADE













M. [O] [K]

M. [D] [K]



C/



Mme [F] [K] épouse [S]

Mme [W] [A]

































Copie exécutoire délivrée

le :



à :

Me Totin léonid GNINAFON





















REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 26 OCTOBRE 2020





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Cécile MORILLON-DEMAY, Présidente de chambre,

Assesseur : Monsieur Yves LE NOAN, Conseiller,

Assesseur : Madame Sylvie ALAVOINE, Conseillère,



GREFFIER :



Madame Patricia IBAR...

6ème Chambre A

ARRÊT N° 498

N° RG 19/05270

N° Portalis DBVL-V-B7D-QADE

M. [O] [K]

M. [D] [K]

C/

Mme [F] [K] épouse [S]

Mme [W] [A]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Totin léonid GNINAFON

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 26 OCTOBRE 2020

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Cécile MORILLON-DEMAY, Présidente de chambre,

Assesseur : Monsieur Yves LE NOAN, Conseiller,

Assesseur : Madame Sylvie ALAVOINE, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Patricia IBARA, lors des débats et lors du prononcé

MINISTERE PUBLIC :

Monsieur Laurent FICHOT, auquel l'affaire a été régulièrement communiquée et qui a déposé un avis écrit

DÉBATS :

En chambre du conseil du 14 septembre 2020

ARRÊT :

Rendue par défaut, prononcé publiquement le 26 octobre 2020 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTS :

Monsieur [O] [K]

[Adresse 4]

[Localité 9]

Représenté par Me Totin léonid GNINAFON de la SELARL LKJ AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

Représenté par Me Alice THERSIQUEL, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Monsieur [D] [K]

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représenté par Me Totin léonid GNINAFON de la SELARL LKJ AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

Représenté par Me Alice THERSIQUEL, Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉES :

Madame [F] [K] épouse [S]

[Adresse 8]

[Localité 5]

Assignée par exploit d'huissier laissé en dépôt à l'étude d'huissier, n'ayant pas constitué,

Madame [W] [A]

[Adresse 4]

[Localité 9]

Non assignée, n'ayant pas constitué,

*****

L'acte de naissance de Monsieur [O] [K] mentionne qu'il est né le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 9] (Loire-Atlantique) de [N] [K] et de [W] [A].

Par actes d'huissier en date des 27 et 28 février 2017, Monsieur [O] [K] et Monsieur [D] [K] ont fait assigner Madame [F] [K] épouse [S] et Madame [W] [A] veuve [K], devant le tribunal de grande instance de Nantes, en contestation de paternité.

Par un jugement en date du 25 avril 2019, le tribunal de grande instance de NANTES a déclaré irrecevable l'action en contestation de paternité engagée par Monsieur [O] [K] et Monsieur [D] [K] à l'encontre de Madame [F] [K] épouse [S] et Madame [W] [A] veuve [K] et les a condamnés aux dépens.

Par déclaration du 2 août 2019, Monsieur [O] [K] et Monsieur [D] [K] ont fait appel de cette décision en ce qu'elle a déclaré leur action irrecevable.

Aux termes de leurs dernières écritures notifiées le 3 novembre 2019, Monsieur [O] [K] et Monsieur [D] [K] demandent à la cour de :

- recevoir Monsieur [O] [K] dans sa demande et le déclarer bien fondé,

- en conséquence, y faire droit et déclarer que Monsieur [N] [K] né le [Date naissance 1] 1926 à [Localité 9] est décédé le [Date décès 6] 2002 n'est pas le père de Monsieur [O] [K],

- voir transcrire le jugement à intervenir sur les registres de l'état civil, et dire que mention en sera faite en marge de l'acte de naissance de Monsieur [O] [K].

à titre subsidiaire,

- ordonner toute expertise génétique, laquelle est de droit.

Monsieur [O] [K] et Monsieur [D] [K] ont fait signifier à Madame [F] [K] épouse [S] leur déclaration d'appel par acte d'huissier du 1er octobre 2019. Leurs conclusions du 3 novembre 2019 ont été signifiées par actes d'huissier du 18 et 20 novembre 2019 à Madame [W] [A] veuve [K] par dépôt à étude et à Madame [K] épouse [S] par procès-verbal de recherche infructueuse.

Madame [W] [A] veuve [K] et Madame [F] [K] ép. [S] n'ont pas constitué avocat.

Le 17 juillet 2020, le Ministère public a indiqué être d'avis de confirmer la décision de première instance.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 10 septembre 2020.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En application de l'article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

Sur la recevabilité de l'action en contestation de paternité

Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Le jugement de première instance pour déclarer l'action en contestation de paternité diligentée par Monsieur [O] [K] irrecevable, a considéré que cette action était prescrite.

- Sur la suspension du délai de prescription

Monsieur [K] soutient avoir été dans l'impossibilité d'agir en raison d'une situation familiale qu'il qualifie de complexe, évoquant la pathologie psychiatrique de sa mère ainsi que des pressions économiques de Monsieur [J] sur les époux [K].

Il indique ainsi avoir attendu une confirmation verbale de sa mère sur sa filiation intervenue après le décès de Monsieur [J], pour contester la filiation de son père légitime.

Les appelants soutiennent dans leurs écritures que Monsieur [O] [K] a eu connaissance de son lien de filiation avec Monsieur [E] [J] lorsqu'il a été en âge de comprendre la situation. Il est précisé qu'il a entretenu des relations régulières avec ce dernier pendant trente années et que cette paternité était de notoriété publique, ainsi que l'établissent les diverses attestations circonstanciées produites ainsi que le faire-part de décès publié dans la presse.

Cependant, Monsieur [O] [K] ne peut simultanément admettre qu'il avait acquis la conviction que Monsieur [J] était son père biologique, en établissement abondamment que la paternité de celui-ci était connue de tous, et dire qu'il ne pouvait entamer une action sans confirmation verbale de sa mère, et ce d'autant plus que celle-ci souffre de difficultés d'ordre psychiatrique.

En outre, ces troubles anciens, puisqu'il est indiqué qu'ils sont antérieurs à la naissance de Monsieur [O] [K], ne sauraient constituer une circonstance l'ayant mis dans l'impossibilité d'agir, étant relevé que la présente action est engagée du vivant de Madame [W] [K] et alors que sa pathologie n'a pas évolué.

Enfin, le courrier adressé par le conseil de Monsieur [E] [J] à Monsieur [O] [K] le 28 mai 2009 démontre que dès cette époque, la question de l'établissement en justice d'un lien de filiation entre eux s'était posée, avec recours, le cas échéant, à des 'techniques scientifiques'.

Ces éléments établissent suffisamment que Monsieur [O] [K] n'a jamais été empêché d'exercer une action tendant à faire établir sa filiation biologique, mais s'est abstenu volontairement de le faire dans le délai légal pour des raisons qui lui sont propres et qui ne sont pas clairement explicitées.

- Sur la conformité à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

Les appelants soutiennent que l'application des délais prévus au code civil au cas d'espèce porterait atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale de Monsieur [O] [K], garanti par l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Aux termes de ce texte, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.

Ces dispositions sont applicables en matière de contestation de paternité, dès lors que, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, le droit à l'identité, dont relève le droit de connaître et de faire reconnaître son ascendance, fait partie intégrante de la notion de vie privée.

Si l'impossibilité pour une personne de faire reconnaître son lien de filiation paternelle constitue une ingérence dans l'exercice du droit au respect de sa vie privée, cette ingérence résulte, en droit interne, de l'application des textes précités du code civil, qui définissent de manière claire et précise les conditions de prescription des actions relatives à la filiation. Cette base légale est accessible aux justiciables et prévisible dans ses effets et elle poursuit un but légitime, au sens du second paragraphe de l'article 8 précité, en ce qu'elle tend à protéger les droits des tiers et la sécurité juridique.

Les délais de prescription des actions en contestation de paternité ainsi fixés par la loi, qui laissent subsister un délai raisonnable pour permettre à l'enfant d'agir après sa majorité, constituent des mesures nécessaires pour parvenir au but poursuivi et adéquates au regard de cet objectif.

Il appartient au juge d'apprécier si, concrètement, dans l'affaire qui lui est soumise, la mise en oeuvre de ces délais légaux de prescription ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de l'intéressé, au regard du but légitime poursuivi et, en particulier, si un juste équilibre est ménagé entre les intérêts publics et privés concurrents en jeu.

Monsieur [O] [K] prétend qu'aucun intérêt financier n'était en jeu qui aurait nécessité une protection. Ce faisant, il n'établit pas en quoi l'application des règles de prescriptions applicables au cas d'espèce porte une atteinte disproportionnée à droit au respect de sa vie privée et familiale, alors que son action intentée très tardivement est de nature a entaché gravement la réputation d'autrui et a salir la mémoire de son père légitime. Né en 1967, il était en mesure de faire valoir ses droits depuis sa majorité légale en 1985, soit depuis 35 ans.

Le délai de prescription qui lui est opposé opère donc un juste équilibre et ne porte pas, au regard du but légitime poursuivi, une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale.

- sur le délai de prescription

Il résulte des dispositions des articles 332 et suivants du code civil que la filiation légalement établie peut être contestée en rapportant la preuve que le mari ou l'auteur de la reconnaissance n'est pas le père.

Selon l'article 333 de ce même code, l'action en contestation de paternité se prescrit par cinq ans à compter du jour où la possession d'état a cessé ou du décès du parent dont le lien de filiation est contesté. Nul ne peut contester la filiation, à l'exception du ministère public, lorsque la possession d'état conforme au titre a duré au moins 5 ans depuis la naissance ou la reconnaissance.

En application de l'article 334 du même code, à défaut de possession d'état conforme au titre, l'action en contestation peut être intentée par toute personne qui y a intérêt dans le délai prévu à l'article 321 de ce code, à savoir dix ans, ce délai étant suspendu pendant la minorité de l'enfant.

Ces délais pour agir en contestation de paternité ont été introduits par l'ordonnance n°2005-759 du 4 juillet 2005, entrée en vigueur le 1er juillet 2006, l'ancien article 2262 du code civil prévoyant un délai de trente ans. Il résulte de l'article 2222, alinéa 2, du code civil qu'en cas de réduction de la durée du délai de prescription, le nouveau délai court à compter de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

En l'espèce, il n'est pas contesté que [N] [K] inscrit comme le père de Monsieur [O] [K] à l'état civil par le jeu de la présomption de paternité du mari de la mère, a élevé [O] [K] comme son fils depuis sa naissance. Il lui a en outre confié la gestion de l'exploitation familiale, confiant ainsi son patrimoine à son plus jeune fils en 1986.

La rumeur publique dont fait état Monsieur [O] [K] sur une possible paternité de Monsieur [E] [J] est insuffisante à priver la possession d'état de père de Monsieur [N] [K] de son caractère continu, paisible et non équivoque ce dernier ayant toujours agi et s'étant toujours présenté comme le père de Monsieur [O] [K].

Il en résulte que les dispositions de l'article 333 du code civil trouve à s'appliquer.

Le délai de cinq ans applicable à l'action en contestation de paternité de Monsieur [O] [K], qui a couru à compter du 1er juillet 2006, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance précitée, ne peut donc excéder la durée de trente ans, courant à compter de la majorité, prévue par la loi antérieure.

Monsieur [O] [K], né le [Date naissance 2] 1967, est devenu majeur le [Date naissance 2] 1985, de sorte que le délai prévu par la loi antérieure pour agir en contestation de paternité expirait le [Date naissance 2] 2015.

Monsieur [N] [K] étant décédé le [Date décès 6] 2002, le délai pour agir en contestation de paternité en application des dispositions de l'article 333 du code de procédure civile expirait le [Date décès 6] 2007. Ce nouveau délai n'excédant pas la durée de 30 ans prévue par la loi antérieure, c'est cette date qui doit être prise en considération pour apprécier la prescription de l'action.

L'action en contestation de paternité ayant été engagée en février 2017, soit après l'expiration du délai de prescription survenue le [Date décès 6] 2007, il s'ensuit qu'elle est irrecevable.

Sur les frais et dépens

Monsieur [O] [K] et Monsieur [D] [K] succombant en leur demande, il seront condamnés in solidum aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant dans les limites de l'appel,

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions,

Condamne [O] [K] et [D] [K] in solidum aux dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 6ème chambre a
Numéro d'arrêt : 19/05270
Date de la décision : 26/10/2020

Références :

Cour d'appel de Rennes 06, arrêt n°19/05270 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-10-26;19.05270 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award