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02/03/2022 | FRANCE | N°20-13272

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 02 mars 2022, 20-13272


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 2 mars 2022

Rejet

M. CATHALA, président

Arrêt n° 256 FS-B sur le moyen unique du pourvoi principal

Pourvoi n° Q 20-13.272

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 MARS 2022

Mme [K] [E], domiciliée [Adresse 2], a formé le pou

rvoi n° Q 20-13.272 contre l'arrêt rendu le 7 novembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 5), dans le litige l'opposant :

1°/...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 2 mars 2022

Rejet

M. CATHALA, président

Arrêt n° 256 FS-B sur le moyen unique du pourvoi principal

Pourvoi n° Q 20-13.272

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 MARS 2022

Mme [K] [E], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Q 20-13.272 contre l'arrêt rendu le 7 novembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 5), dans le litige l'opposant :

1°/ au Conseil national de l'enseignement agricole privé (CNEAP), dont le siège est [Adresse 3],

2°/ à Pôle emploi île-de-France, dont le siège est [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

Le Conseil national de l'enseignement agricole privé a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal et le demandeur au pourvoi incident invoquent, chacun, à l'appui de leur recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Monge, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [E], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat du Conseil national de l'enseignement agricole privé, et l'avis de M. Desplan, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 janvier 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Monge, conseiller rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, Mme Lecaplain-Morel, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, M. Desplan, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 novembre 2019), Mme [E] a été engagée en qualité de « journaliste, chargée de la rédaction déléguée de la revue Présence du Cneap » par l'association Conseil national de l'enseignement agricole privé (l'association) à compter du 1er janvier 2000.

2. Licenciée pour motif économique par lettre du 10 septembre 2014, elle a, le 2 octobre 2014, saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi principal de la salariée

Enoncé du moyen

3. La salariée fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en ce qu'il lui avait reconnu le statut de journaliste professionnelle et avait condamné l'employeur au paiement d'une certaine somme au titre de treizième mois, alors :

« 1°/ qu'est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources ; que dans le cas où l'employeur n'est pas une entreprise de presse ou une agence de presse, la qualité de journaliste professionnel peut être retenue si la personne exerce son activité dans une publication de presse disposant d'une indépendance éditoriale ; que pour s'inscrire auprès de la commission paritaire des publications et agences de presse et bénéficier du régime économique de la presse, la publication doit justifier d'un caractère d'intérêt général quant à la diffusion de la pensée sans avoir pour objet principal d'informer sur la vie interne d'un groupement, quelle que soit sa forme juridique, ou de constituer un instrument de publicité ou de propagande pour celui-ci ; que l'attribution d'un numéro d'inscription auprès de la commission paritaire des publications et agences de presse permet par conséquent de présumer que la publication dispose d'une indépendance éditoriale vis-à-vis du groupement qui l'édite ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la salariée exerçait son activité de journaliste au sein d'une publication de presse éditée par le Conseil national de l'enseignement privé agricole, qui n'était pas une entreprise de presse mais une organisation professionnelle dont l'objet est d'assurer la défense des intérêts des employeurs et chefs d'établissements d'enseignement agricole privé ; qu'en faisant peser sur celle-ci la charge de la preuve de l'indépendance éditoriale de la publication, quand elle constatait que ladite publication était inscrite auprès de la commission paritaire des publications et agences de presse, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation des articles L. 7111-3 du code du travail, 72 de l'annexe 3 du code général des impôts et D18 du code des postes et des communications électroniques ;

2°/ qu'est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources ; que dans le cas où l'employeur n'est pas une entreprise de presse ou une agence de presse, la qualité de journaliste professionnel peut être retenue si la personne exerce son activité dans une publication de presse disposant d'une indépendance éditoriale ; que l'indépendance éditoriale n'implique pas nécessairement que la publication critique les activités de l'entreprise ou de l'organisation dont elle dépend, mais seulement qu'elle n'ait pas pour objet de promouvoir les intérêts de cette dernière en étant libre dans le choix de son contenu rédactionnel sans recevoir d'instructions sur les sujets à traiter, ni faire l'objet d'un contrôle sur les projets d'article ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la salariée exerçait son activité de journaliste au sein d'une publication de presse éditée par le Conseil national de l'enseignement privé agricole, qui n'était pas une entreprise de presse mais une organisation professionnelle dont l'objet est d'assurer la défense des intérêts des employeurs et chefs d'établissements d'enseignement agricole privé ; qu'après avoir relevé qu'elle traitait de sujets d'information généraux en lien avec le monde agricole, la cour d'appel a néanmoins estimé que cette publication ne disposait pas d'une indépendance éditoriale, motifs pris qu'il n'était pas démontré qu'elle contenait des informations provenant de sources "vérifiées et recoupées" et qu'elle ne présentait pas une pluralité de points de vue sur les sujets traités en s'abstenant de critiquer l'enseignement agricole privé ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'absence d'indépendance éditoriale de la publication, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 7111-3 du code du travail ;

3°/ que le secret des sources des journalistes est protégé dans l'exercice de leur mission d'information du public ; qu'en estimant que la publication pour laquelle la salariée écrivait ne disposait pas d'une indépendance éditoriale motifs pris qu'il n'était pas démontré qu'elle contenait des informations provenant de sources "vérifiées et recoupées", quand il ne peut en aucun cas être demandé à un journaliste de révéler ses sources, la cour d'appel a violé l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;

4°/ qu'est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources ; que dans le cas où l'employeur n'est pas une entreprise de presse ou une agence de presse, la qualité de journaliste professionnel peut être retenue si la personne exerce son activité dans une publication de presse disposant d'une indépendance éditoriale ; que le caractère payant de la publication est un élément déterminant pour apprécier son indépendance ; qu'en retenant qu'il n'était pas démontré que la publication dans laquelle écrivait la salariée disposait d'une indépendance éditoriale sans rechercher, comme elle y était invitée, si son caractère payant ne l'établissait pas, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 7111-3 du code du travail. »

Réponse de la Cour

4. Aux termes de l'article L. 7111-3, alinéa 1, du code du travail, est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources.

5. Dans le cas où l'employeur n'est pas une entreprise de presse ou une agence de presse, la qualité de journaliste professionnel peut être retenue si la personne exerce son activité dans une publication de presse disposant d'une indépendance éditoriale.

6. D'abord, l'attribution d'un numéro à la publication par la commission paritaire des publications et agences de presse, destiné uniquement à faire bénéficier la revue de tarifs postaux et d'abattements fiscaux relevant du régime économique de la presse, ne peut faire présumer que la publication dispose d'une indépendance éditoriale.

7. Ensuite, après avoir considéré que l'association n'était pas une entreprise de presse, mais une organisation professionnelle fédérant les établissements de l'enseignement agricole privé et ayant pour mission de coordonner les actions de ses organismes fondateurs et de prendre en charge les actions d'intérêt commun de l'enseignement agricole privé catholique, la cour d'appel, qui a relevé que la salariée exerçait son activité de rédactrice dans une publication périodique dont le contenu des articles ne mettait pas en perspective des points de vue divers sur les sujets présentés, faisant ainsi ressortir l'absence d'indépendance éditoriale de la publication, en a exactement déduit, sans inverser la charge de la preuve et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par le moyen pris en sa troisième branche, que la salariée ne pouvait pas se voir reconnaître la qualité de journaliste.

8. Elle a, par conséquent, justement décidé que la salariée n'étant pas fondée à se voir reconnaître le statut de journaliste professionnelle dans le cadre de sa collaboration à la revue de l'association, elle ne pouvait prétendre à un rappel de prime de treizième mois en application de la convention collective nationale des journalistes non applicable en la cause.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le moyen du pourvoi incident de l'employeur

Enoncé du moyen

10. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée une certaine somme à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de lui ordonner de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées dans la limite de six mois d'indemnités, et de le condamner au paiement d'une certaine somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens exposés en cause d'appel, alors :

« 1°/ que l'employeur est libéré de l'obligation de faire des offres de reclassement au salarié dont il envisage le licenciement pour motif économique lorsque l'entreprise ne comporte aucun emploi disponible en rapport avec ses compétences, au besoin en le faisant bénéficier d'une formation d'adaptation ; qu'en l'espèce, l'employeur soulignait qu'il résultait du registre du personnel qu'aucune mesure de reclassement n'était possible au sein de l'association, les postes disponibles à l'époque du licenciement ne correspondant pas aux compétences de la salariée y compris avec une formation ; qu'en énonçant, par motifs propres et adoptés, que la salariée n'avait reçu aucune proposition de reclassement, qu'elle avait proposé de se former, de diminuer sa charge de travail et d'évoluer au sein du service de communication au sein duquel elle exerçait ses fonctions, que l'association n'expliquait pas en quoi il n'était pas possible de réaliser un effort de formation et d'adaptation en faveur de la salariée alors que la revue avait continué sous forme électronique et au sein du service auquel elle appartenait, et qu'il ne fournissait aucun élément sur la structure de ses emplois et sur les recherches effectuées pour tenter de reclasser la salariée sur un emploi équivalent, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si l'employeur ne justifiait pas, par le registre du personnel, de l'absence d'emplois disponibles dans l'entreprise en rapport avec les compétences de la salariée, y compris en la faisant bénéficier d'une formation d'adaptation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa rédaction applicable à l'espèce ;

2°/ qu'une association à but non lucratif peut se prévaloir à l'appui d'un licenciement économique d'une réorganisation effectuée pour en sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, mise en oeuvre pour prévenir des difficultés économiques prévisibles ; qu'en affirmant, par motifs éventuellement adoptés, que l'association fondait le licenciement la salariée sur la sauvegarde de la compétitivité, ce qui posait question s'agissant d'une association de loi 1901 à but non lucratif et hors secteur concurrentiel, que pour constituer un motif légitime de licenciement, les difficultés économiques devaient être suffisamment importantes et durables pour justifier la suppression du poste ou la modification du contrat de travail, que la seule baisse du résultat au cours de l'année précédant le licenciement était jugée insuffisante pour caractériser des difficultés économiques et que de même, la baisse du chiffre d'affaires n'était pas un motif suffisant, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige ;

3°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents soumis à son examen ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement, après avoir évoqué le déficit affectant l'activité de publication de la revue "Présence", mentionnait que "plus globalement, la situation économique des établissements du CNEAP et par voie de conséquence, du CNEAP lui-même puisque son budget est constitué à hauteur de près de 80 % des cotisations des établissements, est fortement impactée par une série de facteurs structurels" qu'elle énumérait successivement, en indiquant, en premier lieu, que "la réforme des baccalauréats, liée à la rénovation de la voie professionnelle, fait passer de quatre à trois classes la durée de la scolarité et donc réduit mécaniquement le nombre d'élèves présents « au même moment » au sein d'un établissement. L'anticipation faite de ce phénomène lié à la réforme de la formation initiale scolaire est indiqué dans la première hypothèse du tableau ci-après : baisse d'environ 9,5 % des effectifs scolarisés", en deuxième lieu, que "l'ouverture de formations concurrentes dans les établissements relevant du ministère de l'Éducation nationale, (bac professionnel des filières services en particulier risque de majorer ou pour le moins de confirmer cette tendance", en dernier lieu, que "la régionalisation croissante et la responsabilité accrue des régions dans leurs compétences relatives à la détermination de la carte de formation scolaire initiale et par voie d'apprentissage, imposent au CNEAP de revisiter de façon profonde sa mission" ; qu'en affirmant, par motifs éventuellement adoptés, que l'association fondait le licenciement de la salariée sur la seule activité de publication de la revue "Présence" sans prendre en compte la totalité du secteur d'activité du CNEAP, quand la lettre mentionnait des facteurs structurels concernant l'association entière, la cour d'appel a dénaturé la lettre de licenciement en violation du principe susvisé ;

4°/ que le juge ne peut se substituer à l'employeur dans le choix des mesures destinées à remédier à une menace pesant sur sa compétitivité ; qu'en l'espèce, pour déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a retenu, par motifs éventuellement adoptés, que l'activité de publication de "Présence" n'avait pas été supprimée mais poursuivie sous une autre forme que la presse, par le biais d'une lettre d'information électronique émanant du service communication du CNEAP dont la salariée faisait partie et qu'au vu du tableau fourni par l'association dans la lettre de licenciement, après déduction des frais de réalisation et de routage de cette revue "papier", l'activité n'était plus déficitaire mais bénéficiaire de 89 000 euros en 2013 et 71 000 euros en 2014 ; qu'en statuant de la sorte, quand la réalité de la suppression du poste de la salariée n'était pas contestée, la cour d'appel s'est, sous couvert d'apprécier la cause économique de licenciement, immiscée dans les choix de gestion de l'employeur et a violé l'article L. 1233-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

11. Il résulte de l'article L. 1233-4 du code du travail que le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Si le devoir de formation et d'adaptation aux emplois disponibles n'oblige pas l'employeur à assurer aux salariés une formation initiale leur faisant défaut pour occuper un poste de reclassement, il l'oblige à assurer au salarié une formation complémentaire qui lui permettrait d'être reclassé.

12. Ayant, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, retenu qu'existaient des postes disponibles dans l'entreprise et relevé, par motifs propres, que l'employeur ne démontrait pas en quoi ces postes disponibles dans l'entreprise lors du licenciement n'étaient pas adaptés aux compétences et aptitudes de la salariée, même avec une formation complémentaire, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux mars deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme [E], demanderesse au pourvoi principal

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR informé le jugement en ce qu'il a reconnu le statut de journalise professionnelle à la salariée et en ce qu'il a condamné le CNEAP à payer à celle-ci une somme au titre du treizième mois.

AUX MOTIFS QUE dans le cas où l'employeur n'est pas une entreprise de presse ou une agence de presse, la qualité de journaliste professionnel peut être retenue si la personne exerce son activité dans une publication de presse disposant d'une indépendance éditoriale ; que [K] [E] exerçait son activité dans une publication périodique de presse, la revue Présence du Cneap, diffusée essentiellement auprès des familles, élèves et établissements de l'enseignement agricole privé ; qu'il n'est pas contesté que [K] [E] est porteuse d'une carte de presse ; que produisant ses déclarations de revenus, [K] [E] indique qu'elle collabore régulièrement à différentes revues de presse et qu'elle tire ses revenus du produit de ces différentes collaborations, ce que le Cneap ne conteste pas ; que toutefois, il convient d'examiner si dans le cadre particulier de sa collaboration à la revue Présence du Cneap, [K] [E] exerce une activité lui permettant de se voir reconnaître le statut de journaliste professionnelle ; qu'il ressort de l'examen des exemplaires de la revue Présence du Cneap produits aux dossiers que certains articles de cette revue traitent de sujets d'information généraux en lien avec le monde agricole ; que cependant, il n'est pas apporté la démonstration que les informations contenues dans ces articles proviennent de sources vérifiées et recoupées ; qu'en outre, ces articles ne mettent pas en perspective des points de vue divers sur les sujets présentés, comme par exemple des points de vue critiques sur tel ou tel aspect de l'enseignement agricole privé ; que sur ce dernier point en particulier, [K] [E] ne fournit aucune argumentation contredisant cette constatation ; que le fait, comme le soutient [K] [E] que la revue Présence du Cneap, bénéficie d'un numéro attribué par la commission paritaire des publications et agences de presse, est indifférent dans la mesure où cette immatriculation permet de bénéficier du régime économique de la presse indépendamment de toute appréciation quant au statut juridique de journaliste professionnel susceptible d'être attribué à des collaborateurs des entreprises et administrations concernées ; qu'il en résulte que le critère tiré de l'indépendance éditoriale de la publication nécessaire à caractériser l'activité de journaliste professionnelle de [K] [E] dans le cadre de sa collaboration à la revue Présence du Cneap n'est pas démontré.

1° ALORS QU'est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources ; que dans le cas où l'employeur n'est pas une entreprise de presse ou une agence de presse, la qualité de journaliste professionnel peut être retenue si la personne exerce son activité dans une publication de presse disposant d'une indépendance éditoriale ; que pour s'inscrire auprès de la commission paritaire des publications et agences de presse et bénéficier du régime économique de la presse, la publication doit justifier d'un caractère d'intérêt général quant à la diffusion de la pensée sans avoir pour objet principal d'informer sur la vie interne d'un groupement, quelle que soit sa forme juridique, ou de constituer un instrument de publicité ou de propagande pour celui-ci ; que l'attribution d'un numéro d'inscription auprès de la commission paritaire des publications et agences de presse permet par conséquent de présumer que la publication dispose d'une indépendance éditoriale vis-à-vis du groupement qui l'édite ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la salariée exerçait son activité de journaliste au sein d'une publication de presse éditée par le Conseil national de l'enseignement privé agricole, qui n'était pas une entreprise de presse mais une organisation professionnelle dont l'objet est d'assurer la défense des intérêts des employeurs et chefs d'établissements d'enseignement agricole privé ; qu'en faisant peser sur celle-ci la charge de la preuve de l'indépendance éditoriale de la publication, quand elle constatait que ladite publication était inscrite auprès de la commission paritaire des publications et agences de presse, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation des articles L. 7111-3 du code du travail, 72 de l'annexe 3 du code général des impôts et D18 du code des postes et des communications électroniques.

2° ALORS QU'est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources ; que dans le cas où l'employeur n'est pas une entreprise de presse ou une agence de presse, la qualité de journaliste professionnel peut être retenue si la personne exerce son activité dans une publication de presse disposant d'une indépendance éditoriale ; que l'indépendance éditoriale n'implique pas nécessairement que la publication critique les activités de l'entreprise ou de l'organisation dont elle dépend, mais seulement qu'elle n'ait pas pour objet de promouvoir les intérêts de cette dernière en étant libre dans le choix de son contenu rédactionnel sans recevoir d'instructions sur les sujets à traiter, ni faire l'objet d'un contrôle sur les projets d'article ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la salariée exerçait son activité de journaliste au sein d'une publication de presse éditée par le Conseil national de l'enseignement privé agricole, qui n'était pas une entreprise de presse mais une organisation professionnelle dont l'objet est d'assurer la défense des intérêts des employeurs et chefs d'établissements d'enseignement agricole privé ; qu'après avoir relevé qu'elle traitait de sujets d'information généraux en lien avec le monde agricole, la cour d'appel a néanmoins estimé que cette publication ne disposait pas d'une indépendance éditoriale, motifs pris qu'il n'était pas démontré qu'elle contenait des informations provenant de sources « vérifiées et recoupées » et qu'elle ne présentait pas une pluralité de points de vue sur les sujets traités en s'abstenant de critiquer l'enseignement agricole privé ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'absence d'indépendance éditoriale de la publication, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 7111-3 du code du travail.

3° ALORS à cet égard QUE le secret des sources des journalistes est protégé dans l'exercice de leur mission d'information du public ; qu'en estimant que la publication pour laquelle la salariée écrivait ne disposait pas d'une indépendance éditoriale motifs pris qu'il n'était pas démontré qu'elle contenait des informations provenant de sources « vérifiées et recoupées », quand il ne peut en aucun cas être demandé à un journaliste de révéler ses sources, la cour d'appel a violé l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

4° ALORS QU'est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources ; que dans le cas où l'employeur n'est pas une entreprise de presse ou une agence de presse, la qualité de journaliste professionnel peut être retenue si la personne exerce son activité dans une publication de presse disposant d'une indépendance éditoriale ; que le caractère payant de la publication est un élément déterminant pour apprécier son indépendance ; qu'en retenant qu'il n'était pas démontré que la publication dans laquelle écrivait la salariée disposait d'une indépendance éditoriale sans rechercher, comme elle y était invitée, si son caractère payant ne l'établissait pas, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 7111-3 du code du travail. Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour le Conseil national de l'enseignement agricole privé, demandeur au pourvoi incident

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné l'association Conseil national de l'enseignement agricole privé (CNEAP) à payer à Mme [E] la somme de 20 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts, d'AVOIR ordonné à l'association Conseil national de l'enseignement agricole privé (CNEAP) de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à Mme [E] du jour du licenciement au jour du présent arrêt dans la limite de six mois d'indemnités, et d'AVOIR condamné l'association Conseil national de l'enseignement agricole privé (CNEAP) à payer à Mme [E] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens exposés en cause d'appel,

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Le Cneap fait valoir que le licenciement est bien fondé ; que ses difficultés économiques étaient réelles et ont nécessité, afin de préserver sa compétitivité économique, une réorganisation entraînant la suppression du poste occupé par [K] [E] ; qu'aucune solution de reclassement n'a été possible ; qu'il ne fait pas partie d'un groupe et n'avait donc pas à chercher un reclassement à l'extérieur de l'association. [K] [E] fait valoir que l'employeur ne présentait pas de difficultés économiques, le média ayant poursuivi son activité par la voie de l'internet et l'association exerçant son activité dans un secteur non lucratif peu exposé au risque concurrentiel ; que l'employeur n'a effectué aucune recherche de reclassement, ni aucun effort de formation ou d'adaptation ; que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse. L'article L. 1233-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige dispose que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. L'article L. 1233-4 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige dispose que le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient ; que le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assortie d'une rémunération équivalente ; qu'à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure ; que les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises. Il appartient à l'employeur de démontrer qu'il a rempli son obligation de reclassement. Force est de constater que [K] [E] n'a fait l'objet d'aucune proposition de reclassement. Il ressort du compte-rendu de l'entretien préalable du 9 juillet 2014 que celle-ci produit, non contesté par le Cneap, que la salariée a proposé de se former, de diminuer sa charge de travail et d'évoluer au sein du service de communication du Cneap au sein duquel elle exerçait ses fonctions. Produisant son registre des entrées et sorties du personnel, le Cneap fait valoir qu'aucune mesure de reclassement n'a été possible en son sein quand bien même une formation préalable aurait été mise en oeuvre, sans toutefois expliquer en quoi il n'était pas possible de réaliser un effort de formation et d'adaptation en faveur de la salariée afin d'éviter son licenciement pour un motif économique. Le Cneap ne fournit aucun élément sur la structure de ses emplois et sur les recherches effectuées pour tenter de reclasser la salariée sur un emploi équivalent. Sans qu'il soit besoin de répondre aux moyens tirés de l'absence de difficultés économiques et du périmètre, extérieur à l'association, de la recherche de reclassement, il en résulte que l'employeur ne justifie pas avoir satisfait à son obligation de reclassement. Le licenciement est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse »,

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « l'article L. 1233-3 du code du travail, en sa rédaction antérieure au 8 août 2016, applicable au présent litige, « Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ». Les difficultés économiques invoquées par l'employeur doivent, à l'instar de tout motif de licenciement, être réelles et sérieuses. De plus, l'article L. 1233-4 du code du travail dispose que « Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie. Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. À défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises. ». En l'espèce, dans sa lettre de licenciement du 10 septembre 2014, l'employeur se place sur le terrain de la sauvegarde de la compétitivité. En effet, aux termes de ladite lettre, la suppression du poste de Mme [E] aurait été rendue « indispensable par un contexte économique difficile », le journal « Présence » auquel elle consacrait l'intégralité de son activité au sein du CNEAP ayant « vu son nombre d'abonnés diminuer très régulièrement ces dernières années ». La lettre poursuit sur les éléments économiques de la manière suivante : « Ainsi, alors que le produit des abonnements au journal s'élevait à 296 k€ en 2010, ce montant est descendu à 201 k€ en 2013. Dans le même temps, les charges salariales liées à cette activité n'ont pas diminué et les dépens liées à la fabrication et au routage du journal n'ont baissé que dans une faible proportion (passage de 118 k€ à 106 k€). Ainsi, alors que cette activité était économiquement équilibrée, et même excédentaire jusqu'à un passé récent, elle est devenue déficitaire en 2013 (...) Le budget prévisionnel 2014 fait ainsi apparaître un doublement du déficit de l'activité (...) Plus globalement, la situation économique des établissements du CNEAP, et par voie de conséquence du CNEAP lui-même puisque son budget est constitué à hauteur de près de 80 % des cotisations des établissements, est fortement impactée par une série de facteurs structurels (...) Tel que cela ressort de nos estimations, si aucune mesure ne devait être prise, le CNEAP ne manquerait pas à très court terme d'être confrontée à des difficultés économiques sérieuses. La décision d'arrêter la parution du journal Présence et par voie de conséquence le projet de suppression de votre poste de journaliste/rédactrice, que vous êtes la seule à occuper, est consécutif à la nouvelle organisation que nous souhaitons mettre en place afin de prévenir le CNEAP de difficultés économiques à venir et ainsi d'assurer la sauvegarde de sa compétitivité (...) aucune possibilité de formation, d'adaptation, ou de reclassement dans un emploi relevant de votre catégorie ou d'une catégorie inférieure n'a pu être identifiée (...) Dans ces conditions, compte tenu de la réorganisation mise en place afin de sauvegarder la compétitivité et la pérennité de notre institution, de la suppression de votre poste de travail et de l'absence de toute possibilité de reclassement, nous sommes au regret de vous notifier par la présente votre licenciement pour motif économique ». Tout d'abord, l'association CNEAP fonde le licenciement de Mme [E] sur la sauvegarde de la compétitivité, ce qui pose question s'agissant d'une association de loi 1901, à but non lucratif et hors secteur concurrentiel. Ensuite, pour constituer un motif légitime de licenciement, les difficultés économiques doivent être suffisamment importantes et durables pour justifier la suppression du poste ou la modification du contrat de travail. Or, la seule baisse du résultat au cours de l'année précédant le licenciement est jugé insuffisante pour caractériser des difficultés économiques. De même, la baisse du chiffre d'affaires, bien que réelle, n'est pas un motif suffisant pour constituer une cause sérieuse de licenciement. De plus, l'association base le licenciement de Mme [E] sur la seule activité de publication de la revue « Présence » sans prendre en compte la totalité du secteur d'activité du CNEAP, ce qui contrevient aux dispositions en la matière. En effet, la publication de cette revue n'est qu'une des nombreuses activités exercées par le CNEAP. Enfin, l'activité de publication de « Présence » n'a pas été supprimée mais a été poursuivie sous une autre forme que la presse, par le biais d'une lettre d'information électronique émanant du service communication du CNEAP duquel Mme [E] faisait partie. Or, au vu du tableau fourni par l'association elle-même et inséré dans la lettre de licenciement, lorsqu'on déduit les frais de réalisation et de routage de cette revue « papier » (puisqu'on passe à un format électronique) qui s'élèvent à 105 530 € en 2013 et à 103 460 € en 2014, l'activité n'est plus déficitaire mais bénéficiaire de 89 000 € en 2013 et 71 000 € en 2014. Au surplus, l'employeur ne démontre pas avoir recherché le reclassement au sein du CNEAP en vue d'éviter le licenciement de Mme [E], aucun effort de formation, d'adaptation n'a été réalisé et aucune offre écrite et précise n'a été transmise à la salariée, alors même que la revue a continué sous forme électronique et au sein du service auquel elle appartenait. Cette violation de l'obligation de reclassement prive également le licenciement de cause réelle et sérieuse » ;

1. ALORS QUE l'employeur est libéré de l'obligation de faire des offres de reclassement au salarié dont il envisage le licenciement pour motif économique lorsque l'entreprise ne comporte aucun emploi disponible en rapport avec ses compétences, au besoin en le faisant bénéficier d'une formation d'adaptation ; qu'en l'espèce, l'employeur soulignait qu'il résultait du registre du personnel qu'aucune mesure de reclassement n'était possible au sein du CNEAP, les postes disponibles à l'époque du licenciement ne correspondant pas aux compétences de Mme [E] y compris avec une formation (conclusions d'appel, p. 42-43) ; qu'en énonçant, par motifs propres et adoptés, que Mme [E] n'avait reçu aucune proposition de reclassement, qu'elle avait proposé de se former, de diminuer sa charge de travail et d'évoluer au sein du service de communication au sein duquel elle exerçait ses fonctions, que le CNEAP n'expliquait pas en quoi il n'était pas possible de réaliser un effort de formation et d'adaptation en faveur de la salariée alors que la revue avait continué sous forme électronique et au sein du service auquel elle appartenait, et qu'il ne fournissait aucun élément sur la structure de ses emplois et sur les recherches effectuées pour tenter de reclasser la salariée sur un emploi équivalent, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si l'employeur ne justifiait pas, par le registre du personnel, de l'absence d'emplois disponibles dans l'entreprise en rapport avec les compétences de la salariée, y compris en la faisant bénéficier d'une formation d'adaptation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa rédaction applicable à l'espèce ;

2. ALORS QU'une association à but non lucratif peut se prévaloir à l'appui d'un licenciement économique d'une réorganisation effectuée pour en sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, mise en oeuvre pour prévenir des difficultés économiques prévisibles ; qu'en affirmant, par motifs éventuellement adoptés, que l'association CNEAP fondait le licenciement de Mme [E] sur la sauvegarde de la compétitivité, ce qui posait question s'agissant d'une association de loi 1901 à but non lucratif et hors secteur concurrentiel, que pour constituer un motif légitime de licenciement, les difficultés économiques devaient être suffisamment importantes et durables pour justifier la suppression du poste ou la modification du contrat de travail, que la seule baisse du résultat au cours de l'année précédant le licenciement était jugée insuffisante pour caractériser des difficultés économiques et que de même, la baisse du chiffre d'affaires n'était pas un motif suffisant, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige ;

3. ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents soumis à son examen ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement, après avoir évoqué le déficit affectant l'activité de publication de la revue « Présence », mentionnait que « plus globalement, la situation économique des établissements du CNEAP et par voie de conséquence, du CNEAP lui-même puisque son budget est constitué à hauteur de près de 80 % des cotisations des établissements, est fortement impactée par une série de facteurs structurels » qu'elle énumérait successivement, en indiquant, en premier lieu, que « la réforme des baccalauréats, liée à la rénovation de la voie professionnelle, fait passer de quatre à trois classes la durée de la scolarité et donc réduit mécaniquement le nombre d'élèves présents « au même moment » au sein d'un établissement. L'anticipation faite de ce phénomène lié à la réforme de la formation initiale scolaire est indiqué dans la première hypothèse du tableau ci-après : baisse d'environ 9,5 % des effectifs scolarisés », en deuxième lieu, que « l'ouverture de formations concurrentes dans les établissements relevant du ministère de l'Éducation nationale, (bac professionnel des filières services en particulier risque de majorer ou pour le moins de confirmer cette tendance », en dernier lieu, que « la régionalisation croissante et la responsabilité accrue des régions dans leurs compétences relatives à la détermination de la carte de formation scolaire initiale et par voie d'apprentissage, imposent au CNEAP de revisiter de façon profonde sa mission » ; qu'en affirmant, par motifs éventuellement adoptés, que l'association fondait le licenciement de Mme [E] sur la seule activité de publication de la revue « Présence » sans prendre en compte la totalité du secteur d'activité du CNEAP, quand la lettre mentionnait des facteurs structurels concernant l'association entière, la cour d'appel a dénaturé la lettre de licenciement en violation du principe susvisé ;

4. ALORS QUE le juge ne peut se substituer à l'employeur dans le choix des mesures destinées à remédier à une menace pesant sur sa compétitivité ; qu'en l'espèce, pour déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a retenu, par motifs éventuellement adoptés, que l'activité de publication de « Présence » n'avait pas été supprimée mais poursuivie sous une autre forme que la presse, par le biais d'une lettre d'information électronique émanant du service communication du CNEAP dont Mme [E] faisait partie et qu'au vu du tableau fourni par l'association dans la lettre de licenciement, après déduction des frais de réalisation et de routage de cette revue « papier », l'activité n'était plus déficitaire mais bénéficiaire de 89 000 € en 2013 et 71 000 € en 2014 ; qu'en statuant de la sorte, quand la réalité de la suppression du poste de la salariée n'était pas contestée, la cour d'appel s'est, sous couvert d'apprécier la cause économique de licenciement, immiscée dans les choix de gestion de l'employeur et a violé l'article L. 1233-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-13272
Date de la décision : 02/03/2022
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

STATUTS PROFESSIONNELS PARTICULIERS - Journaliste professionnel - Statut - Application - Conditions - Activité principale de l'employeur - Activité autre qu'une entreprise ou une agence de presse - Edition d'une publication - Indépendance éditoriale - Caractérisation - Nécessité - Preuve - Inscription auprès de la commission paritaire des publications et agences de presse - Caractère suffisant (non) - Portée

PRESSE - Journal - Journaliste professionnel - Statut - Application - Condition

Dans le cas où l'employeur n'est pas une entreprise de presse ou une agence de presse, la qualité de journaliste professionnel peut être retenue si la personne exerce son activité dans une publication de presse disposant d'une indépendance éditoriale. L'attribution d'un numéro à la publication par la commission paritaire des publications et agences de presse, destiné uniquement à faire bénéficier la revue de tarifs postaux et d'abattements fiscaux relevant du régime économique de la presse, ne peut faire présumer que la publication dispose d'une indépendance éditoriale


Références :

Article L. 7111-3, alinéa 1, du code du travail.

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 07 novembre 2019

Sur la nécessité d'une indépendance éditoriale de la publication pour l'attribution de la qualité de journaliste alors que l'employeur n'est pas une entreprise ou une agence de presse, à rapprocher : Soc., 1er décembre 2016, pourvoi n° 15-19177, Bull. 2016, V, n° 229 (cassation)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 02 mar. 2022, pourvoi n°20-13272, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Cathala
Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 15/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.13272
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