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16/02/2022 | FRANCE | N°20-17863

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 16 février 2022, 20-17863


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 février 2022

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 207 F-D

Pourvoi n° E 20-17.863

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 FÉVRIER 2022

La société Ecce, société

par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 20-17.863 contre l'arrêt rendu le 27 mai 2020 par la cour d'appel de ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 février 2022

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 207 F-D

Pourvoi n° E 20-17.863

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 FÉVRIER 2022

La société Ecce, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 20-17.863 contre l'arrêt rendu le 27 mai 2020 par la cour d'appel de Versailles (17e chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [D] [L], épouse [G], domiciliée [Adresse 3],

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Mme [D] [L] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Le Lay, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société ECCE, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [L], après débats en l'audience publique du 4 janvier 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Le Lay, conseiller rapporteur, M. Barincou, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société Ecce du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Pôle emploi.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 27 mai 2020), Mme [L] engagée depuis le 31 octobre 1986 par la société Bidermann production, devenue la société Ecce, et occupant en dernier lieu les fonctions d'assistante de la direction commerciale, a été licenciée pour motif économique le 22 mars 2016.

3. Elle a saisi, le 9 mai 2016, la juridiction prud'homale pour contester cette rupture et obtenir paiement de diverses sommes à ce titre et à titre de rappel de rémunération variable.

Examen des moyens

Sur les premier, deuxième et troisième moyens du pourvoi principal, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

5. La salariée fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande au titre des gueltes correspondant aux ventes réalisées de janvier à mars 2016, alors « que lorsque le calcul de la rémunération dépend d'éléments détenus par l'employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d'une discussion contradictoire ; que l'exposante faisait valoir que les gueltes apparaissant sur ses bulletins de paie ne couvraient pas l'ensemble des commissions qui lui étaient dues en raison du décalage existant entre la date de réalisation des ventes et la date de paiement des gueltes et qu'il appartenait à l'employeur de donner les informations comptables permettant de calculer avec précision les commissions dues, notamment les tableaux récapitulant le montant des commissions avec pièces annexes, ce qu'il faisait quand elle était en poste ainsi que les bulletins de paie de Mme [Y] de juillet à décembre 2016 puisque toutes deux étaient payées à l'identique ; qu'en retenant, pour rejeter sa demande, que l'exposante n'établissait pas que d'autres gueltes, correspondant à des ventes effectuées plusieurs mois auparavant lui étaient dues en 2016 et qu'elle soutenait qu'il en était ainsi pour Mme [Y] et qu'il en était de même pour elle, sans produire d'éléments probants, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé l'article 1315 ancien du code civil devenu l'article 1353. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1353 du code civil :

6. En application de ce texte, lorsque le calcul de la rémunération dépend d'éléments détenus par l'employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d'une discussion contradictoire.

7. Pour débouter la salariée de sa demande en paiement de gueltes pour la période du mois de janvier à mars 2016, l'arrêt retient qu'il résulte des bulletins de paie communiqués par chacune des deux parties que la salariée a perçu des gueltes payées le mois suivant de la réalisation de la vente et que la salariée n'établit pas que d'autres gueltes, correspondant à des ventes effectuées plusieurs mois auparavant lui étaient dues. Il relève également qu'elle soutient qu'il en était ainsi pour une autre salariée et qu'il en était de même pour elle, sans produire d'éléments probants.

8. En statuant ainsi, alors qu'il appartenait à l'employeur de justifier des éléments permettant de déterminer la base de calcul et la rémunération variable pour les périodes en litige, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi principal ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement ayant débouté Mme [L] de sa demande en paiement au titre des gueltes correspondant aux ventes réalisées de janvier à mars 2016 et des congés payés afférents, l'arrêt rendu le 27 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Condamne la société Ecce aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Ecce et la condamne à payer à Mme [L], épouse [G], la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize février deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société ECCE, demanderesse au pourvoi principal

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les conclusions signifiées le 17 juillet 2018 (conclusions n° 2) par Mme [G] étaient recevables ;

Aux motifs que l'employeur expose dans les motifs de ses écritures que son appel incident datant du 23 avril 2018, Mme [G] devait conclure avant le 23 juin 2018 ; or les conclusions de Mme [G] ont été signifiées le 17 juillet 2018 ; la société ECCE estime donc que ces conclusions sont irrecevables car le premier alinéa de l'article 910 du code de procédure civile, dans sa version applicable du 1er janvier 2011 au 1er septembre 2017, précisait : « L'intimé à un appel incident ou à un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de deux mois à compter de la notification qui lui en est faite pour conclure » ; cependant, c'est à juste titre que Mme [G] soutient que le dossier ayant été traité selon la procédure résultant de l'article 905 du code de procédure dans sa version en vigueur avant le 1er septembre 2017, les délais de l'article 910 du code de procédure ne sont pas applicables ; il convient donc de rejeter l'exception d'irrecevabilité des conclusions de l'appelante déposées le 17 juillet 2018 ;

Alors que selon l'article 910 alinéa 1er du code de procédure civile dans sa version applicable du 1er janvier 2011 au 1er septembre 2017, « l'intimé à un appel incident ou à un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de deux mois à compter de la notification qui lui en est faite pour conclure » ; qu'il est constant que le 8 juin 2017, Mme [G] a interjeté appel du jugement du conseil de prud'hommes ; que la société ECCE ayant interjeté appel incident le 23 avril 2018, Mme [G] devait conclure avant le 23 juin 2018 ; qu'en jugeant recevables les conclusions d'intimée à l'appel incident de Mme [G], signifiées le 17 juillet 2018, la cour d'appel a violé l'article 910 alinéa 1er du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable en l'espèce.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit la demande nouvelle de Mme [G] recevable ;

Aux motifs que la société ECCE expose que, Mme [G] s'est aperçue de l'erreur qu'elle avait commise en limitant son appel principal à sa demande concernant le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; l'employeur conteste la possibilité de l'appelante d'« interjeter elle-même un appel incident », comme elle l'a fait dans ses conclusions du 17 juillet 2018 ; Mme [G] réplique qu'elle a conclu le 17 juillet 2018 (conclusions n° 2, pièce 83) et qu'elle est recevable, tant dans son argumentaire en réponse au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement que dans son « appel incident à l'appel incident », soit dans sa demande subsidiaire de dommages-intérêts pour non-respect des critères d'ordre ; le 8 juin 2017, elle a interjeté un appel partiel du jugement rendu par le conseil de prud'hommes le 18 mai 2017 ; dans ses conclusions du 23 février 2018 (conclusions n° 1), elle a formulé les demandes suivantes : - l'augmentation du quantum de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 142 560 euros, - le versement de la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 6321-1 du code du travail ; - le montant dû au titre des gueltes pour le travail réalisé de janvier à mars 2016, - la condamnation de la société ECCE au versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; concernant le licenciement, Mme [G] limitait donc son appel au montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le conseil ayant jugé le licenciement sans cause réelle est sérieuse ; le 17 juillet 2018, Mme [G] a signifié ses « conclusions n° 2 » à l'intimé dans lesquelles elle répondait notamment à l'appel incident formulé par l'employeur et formait elle-même « un appel incident à l'appel incident », demandant à la cour à titre subsidiaire, si celle-ci infirmait le jugement sur l'absence de cause réelle et sérieuse, de juger que la société n'avait pas respecté les critères d'ordre de licenciement (sa pièce 83) ; cette prétention qui ne tend pas à critiquer un chef du jugement ne peut être qualifiée d'appel incident ; l'appelante principale n'ayant pas présenté, même à titre subsidiaire, cette demande devant le conseil de prud'hommes elle est constitutive d'une demande nouvelle, laquelle est recevable dès lors que la salariée avait saisi le conseil de prud'hommes avant le 1er août 2016 ;

Alors 1°) que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motif ; qu'en ne répondant pas aux conclusions de la société ECCE soutenant que Mme [G], qui n'avait formulé aucune demande de dommages-intérêts pour non-respect des critères de l'ordre des licenciements dans le cadre de son appel principal, avait « ainsi de toute évidence renoncé à cette demande » (concl. p. 12, antépénultième §), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Alors 2°) qu'en ne répondant pas aux conclusions de la société ECCE soutenant que Mme [G] ayant la qualité d'appelant principal, elle ne pouvait, pour réparer la limitation de son appel principal, interjeter appel incident à l'appel incident de la société ECCE, pour présenter une demande de dommages-intérêts pour non-respect des critères d'ordre des licenciements, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société ECCE à payer à Mme [G] la somme de 75 000 euros pour rupture abusive du contrat de travail ;

Aux motifs propres que le 22 mars 2016, Mme [G] a été licenciée pour motif économique : « Comme suite à l'entretien préalable en date du 14 mars 2016, nous avons le regret de vous confirmer la mesure de licenciement économique que nous avions envisagée. Cette décision est motivée par la nécessité où nous sommes de resserrer l'architecture de nos équipes administratives, compte tenu de la baisse du Chiffre d'Affaires de la société et des pertes d'exploitation importantes enregistrées pour l'exercice 2015, sans que les perspectives pour l'année 2016 ne permettent d'inverser cette tendance. Dans ces conditions, la société ECCE a été obligé d'envisager la suppression de votre poste de travail, et, par la même, votre licenciement pour motif économique. Après analyse conjointe, il s'avère malheureusement que nous n'avons aucun poste en interne pour effectuer votre reclassement. En conséquence, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour motif économique. La date de première présentation de la présente lettre constituera le point de départ du préavis de 2 mois au terme duquel votre contrat de travail sera définitivement rompu. Nous vous rappelons que vous avez la possibilité de bénéficier d'un Contrat de Sécurisation Professionnelle (« CSP ») aux conditions définies dans le document d'information remis lors de l'entretien préalable. Vous disposez d'un délai de 21 jours pour nous faire part de votre décision d'opter ou non à ce contrat en nous retournant le bulletin d'adhésion figurant dans le dossier - qu'en cas d'adhésion, votre contrat de travail se trouvera réputé rompu d'un commun accord des parties, aux conditions qui figurent dans le document d'information remis, à la date du 14 mars 2016.

- qu'à défaut d'adhésion de votre part, la présente lettre constituera alors la notification de votre licenciement, sa date de première présentation fixera le point de départ du préavis de 2 mois au terme duquel votre contrat de travail sera définitivement rompu. Nous vous informons que, conformément à l'article L 321.14 du Code du travail, vous pourrez bénéficier d'une priorité de ré embauchage durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de votre contrat de travail. Pour ce faire, vous devrez nous faire part de votre désir d'user de cette priorité. Cette priorité concerne les emplois compatibles avec votre qualification actuelle ou avec celles que vous viendriez à acquérir sous réserve que vous nous ayez informés de cellesci. Conformément aux dispositions de l'article 14 de l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008, vous aurez la faculté de conserver le bénéfice de la garantie de prévoyance applicable aux salariés de l'entreprise. Ce droit est subordonné à votre inscription au « Pôle emploi » et à l'indemnisation au titre de l'assurance chômage. Sa durée est égale à la durée du contrat de travail, appréciée en mois entiers dans la limite de neuf mois. Les droits cesseront, en tout état de cause, dès que vous aurez repris un emploi, ou en cas de radiation « Pôle emploi ». Vous pourrez utilement contacter la DRH pour toute information complémentaire relative aux conditions d'application de cette portabilité. » ; sur le motif économique du licenciement, Mme [G] soutient qu'un motif économique s'apprécie au niveau du secteur d'activité du groupe et que « la jurisprudence de la Cour de cassation en date du 16 novembre 2016 (n°15-19927), sur la notion de groupe, moins favorable que la jurisprudence antérieure, ne peut être rétroactive » ; selon la salariée, qui produit des articles de presse, les sociétés ECCE, SIMM, [Z] SA, Armand Thierry et Jacqueline Riu sont des sociétés détenues par M. [Z], qui détient également la société ECCE, et possède plus de 70 % des droits de vote de ces différentes sociétés ; Mme [G] estime que ces sociétés constituent un groupe au sens de l'article L.2331-1 ; la société ECCE expose avoir rencontré en 2015 d'importantes difficultés économiques liées notamment, à la crise qui a touché le textile en Europe, compte tenu de la concurrence des produits indiens, asiatiques et maghrébins ; elle précise qu'elle a connu en 2015 une très importante baisse de son chiffre d'affaires, une chute importante du résultat d'exploitation, une baisse importante du résultat courant avant impôts et une baisse cruciale du résultat net ; qu'elle a signé le 23 mars 2017 avec la CGT un accord majoritaire valant Plan de Sauvegarde de l'Emploi, validé le 18 avril 2017 par la DIRECCTE (pièce 35 de l'employeur), ce qui légitime les motifs économiques du licenciement de Mme [G] ; elle conteste appartenir à un groupe et affirme qu'elle n'être détenue par aucune autre société mais par une personne physique, M. [Z], qui détient en effet plusieurs autres sociétés, mais ne permet pas de conclure à l'existence d'un groupe l'article L. 1233-3 du code du travail dans sa version en vigueur du 27 juin 2008 au 1er décembre 2016, lors du licenciement de Mme [G], prévoyait : « Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques » ; il appartient aux juges du fond d'apprécier la réalité des difficultés économiques invoquées à l'appui d'un licenciement pour motif économique ; selon la lettre de licenciement : « la nécessité où nous sommes de resserrer l'architecture de nos équipes administratives, compte tenu de la baisse du Chiffre d'Affaires de la société et des pertes d'exploitation importantes enregistrées pour l'exercice 2015, sans que les perspectives pour l'année 2016 ne permettent d'inverser cette tendance. Dans ces conditions, la société ECCE a été obligé d'envisager la suppression de votre poste de travail (...) » ; l'employeur invoque donc des difficultés économiques comme motif du licenciement ; concernant ces difficultés économiques, il n'est pas exigé, que la situation de l'entreprise soit catastrophique ; il suffit que les difficultés rencontrées soient réelles et sérieuses ; les difficultés pouvant justifier un licenciement sont caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés ; les difficultés économiques de l'entreprise doivent être établies de façon objective, notamment par la production des bilans, de documents comptables officiels, de liasses fiscales (...) ; en l'espèce, selon les pièces 16 à 20 de l'employeur, le chiffre d'affaires de la société ECCE a diminué en 2015 (de 25 766 000 euros en 2014 à 21 792 000 en 2015) ; le résultat d'exploitation, qui mesure la capacité de l'entreprise à générer des ressources avec son activité principale, sans prendre en compte les éléments financiers et exceptionnels, était déjà mauvais en 2014 puisque l'entreprise subissait des pertes d'exploitation de - 235 000 euros ; en 2015, cette chute devenait très inquiétante, puisque les pertes d'exploitation étaient de 2 141 000 euros ; le résultat net qui caractérise l'enrichissement ou l'appauvrissement de l'entreprise au cours d'une période considérée puisqu'il s'agit de la part résiduelle d'exploitation revenant aux actionnaires après que les créanciers de l'état aient perçu leur part, a considérablement chuté entre 2014 (324.000 euros) et 2015 ( - 2 690 000 euros), chiffres non contestés par la salariée ; les difficultés économiques de la société ECCE sont établies ; cependant, la cause économique d'un licenciement s'apprécie au niveau de l'entreprise ou, si celle-ci fait partie d'un groupe, au niveau du secteur d'activité du groupe dans lequel elle intervient ; le périmètre du groupe à prendre en considération est l'ensemble des entreprises unies par le contrôle ou l'influence d'une entreprise dominante dans les conditions définies à l'article L. 2331-1 du code du travail, qui institue le comité de groupe, sans qu'il y ait lieu de réduire le groupe aux entreprises situées sur le territoire national ; le groupe est formé par une entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle au sens défini par les articles L 233-1, L 233-33, I et II, et L 233-16 du code de commerce ; le secteur d'activité permettant d'apprécier la cause économique est caractérisé, notamment, par la nature des produits, biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché ; en cas de contestation, il appartient à l'employeur de communiquer au juge les éléments nécessaires à la délimitation du secteur d'activité ; Mme [G] produit des articles de presse et des extraits de sites internet selon lesquels, par exemple, « ECCE est le pôle français du groupe Bidermann, racheté en 1995 par [E] [Z], qui détient A. THIERY et ECCE » (pièces 45 et 50 de la salariée), ou « [E] [Z] est propriétaire d'Armand Thierry et Jacqueline Riu » (pièce 47 article du Figaro, 27 septembre 2016) ; la détention par la même personne physique de la majorité des parts de plusieurs entreprises d'un même secteur d'activité peut caractériser l'appartenance à un groupe, même si, selon l'article L2331-1 dans sa version en vigueur, précise qu'un groupe est « formé par une entreprise appelée entreprise dominante, dont le siège social est situé sur le territoire français, et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce » ; que la participation au capital d'une personne physique, plutôt que d'une ou plusieurs sociétés, peut caractériser l'appartenance d'une société à un groupe ; Il n'est pas contesté que M. [Z] détient 70 % des droits de vote des sociétés ECCE, SIMM, [Z] SA, Armand Thierry et Jacqueline Riu, qui appartiennent au même secteur d'activité, celui de la création, de la production et de la vente de vêtements de prêt à porter ; il n'est versé aux débats aucun élément comptable ou financier concernant les sociétés SIMM, [Z] SA, Armand Thierry et Jacqueline Riu seuls des éléments concernant la société ECCE étant communiqués ; il appartenait pourtant à la société ECCE, dans la mesure où Mme [G] soutient que toutes ces sociétés forment un groupe, de communiquer les éléments nécessaires à la délimitation du secteur d'activité, afin de permettre à la cour de juger si la cause économique de ce licenciement devait s'apprécier au niveau de l'entreprise ou d'un groupe, ce que la société ECCE ne fait pas ; le fait que la DIRRECTE ait autorisé le plan de sauvegarde de l'emploi proposé par la société ECCE ne suffit pas à établir la réalité du motif économique et ne dédouane pas l'employeur de cette obligation de communication des pièces comptables de ses autres sociétés ; en conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse ; sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (?) la cour condamne la société ECCE à verser à Mme [G] la somme de 75 000 euros au titre de la rupture abusive du contrat de travail ; il convient en application de l'article L. 1235-4 d'ordonner à l'employeur de rembourser à pôle emploi les indemnités de chômage versées à hauteur de 4 287,44 euros ;

Aux motifs éventuellement adoptés que l'employeur est tenu, dans le cas d'un licenciement pour motif économique, à une obligation de reclassement ; que la recherche de reclassement doit être sérieuse et effective suivant l'article L 1233-4 alinéa 3 du code du travail, qui précise que « les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises » ; que l'employeur ne démontre pas avoir respecté cette obligation de reclassement ; en conséquence, le non-respect par l'employeur de son obligation de reclassement prive le licenciement de cause réelle et sérieuse ;

Alors 1°) que la cause économique d'un licenciement s'apprécie au niveau de l'entreprise ou, si celle-ci fait partie d'un groupe, au niveau du secteur d'activité du groupe dans lequel elle intervient ; que le périmètre du groupe à prendre en considération à cet effet est l'ensemble des entreprises unies par le contrôle ou l'influence d'une entreprise dominante dans les conditions définies à l'article L. 2331-1 du code du travail, sans qu'il y ait lieu de réduire le groupe aux entreprises situées sur le territoire national ; que selon l'article L. 2331-1 dans sa version applicable, un groupe est « formé par une entreprise appelée entreprise dominante, dont le siège social est situé sur le territoire français, et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce » ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que M. [Z] détenait 70 % des droits de vote des sociétés ECCE, SIMM, [Z] SA, Armand Thiery et Jacqueline Riu, appartenant au même secteur d'activité de la création, production et vente de vêtements de prêtà-
porter, la cour d'appel en a déduit l'existence d'un groupe au sein duquel devaient s'apprécier les difficultés économiques rencontrées par la société ECCE ; qu'en statuant sans avoir caractérisé l'existence d'un ensemble d'entreprises unies par le contrôle ou l'influence d'une entreprise dominante dans les conditions définies à l'article L.2331-1 du code du travail, justifiant la mise en place d'un comité de groupe, ce dont il résultait que les difficultés économiques ne devaient s'apprécier qu'au sein de la société ECCE, qui avait licencié la salariée, la cour d'appel a violé ensemble les articles L. 1223-3 et L. 2331-1 du code du travail ;

Alors 2°) que l'employeur exécute son obligation de reclassement en justifiant l'absence de poste disponible, à la date du licenciement, dans l'entreprise, compatible avec les compétences du salarié ; que Mme [G] ayant soutenu que la société ECCE n'avait pas exécuté, en son sein, son obligation de reclassement pour ne pas lui avoir proposé deux postes d'attachés commerciaux (conclusions d'appel de la salariée, p. 19 et 20), la cour d'appel, qui n'a pas recherché, ainsi qu'elle y était invitée par la société ECCE (conclusions d'appel p. 24 et 25), si ces deux postes n'étaient pas indisponibles au moment du licenciement notifié le 31 mars 2016 mais n'étaient vacants que le 1er juin 2016 et si, en tout état de cause, ils n'étaient pas incompatibles avec les compétences professionnelles de Mme [G], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail ;

Alors 3°) que l'employeur recherche les possibilités de reclassement en interne et, le cas échéant, dans le groupe dont il relève, parmi les entreprises dont l'activité, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent une permutation de tout ou partie du personnel ; qu'en n'ayant pas caractérisé l'appartenance de la société ECCE à un groupe au sein duquel les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettaient d'effectuer entre elles une permutation de tout ou partie du personnel, de sorte que la société ECCE n'avait aucune obligation de rechercher des postes de reclassement en externe, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme [L], épouse [G], demanderesse au pourvoi incident

Mme [G] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR rejeté sa demande au titre des gueltes correspondantes aux ventes réalisées de janvier à mars 2016 et des congés payés afférents.

ALORS QUE lorsque le calcul de la rémunération dépend d'éléments détenus par l'employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d'une discussion contradictoire ; que l'exposante faisait valoir (v. ses concl. pp.32-33) que les gueltes apparaissant sur ses bulletins de paie ne couvraient pas l'ensemble des commission qui lui étaient dues en raison du décalage existant entre la date de réalisation des ventes et la date de paiement des gueltes et qu'il appartenait à l'employeur de donner les informations comptables permettant de calculer avec précision les commissions dues, notamment les tableaux récapitulant le montant des commissions avec pièces annexes, ce qu'il faisait quand elle était en poste (pièces 28 et suivantes) ainsi que les bulletins de paie de Mme [Y] de juillet à décembre 2016 puisque toutes deux étaient payées à l'identique ; qu'en retenant, pour rejeter sa demande, que l'exposante n'établissait pas que d'autres gueltes, correspondant à des ventes effectuées plusieurs mois auparavant lui étaient dues en 2016 et qu'elle soutenait qu'il en était ainsi pour Mme [Y] et qu'il en était de même pour elle, sans produire d'éléments probants, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé l'article 1315 ancien du code civil devenu l'article 1353


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-17863
Date de la décision : 16/02/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 27 mai 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 16 fév. 2022, pourvoi n°20-17863


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Cabinet Rousseau et Tapie, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.17863
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