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02/02/2022 | FRANCE | N°20-60262

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 02 février 2022, 20-60262


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC. / ELECT

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 2 février 2022

Annulation

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 156 F-B sur le moyen du PI

Pourvoi n° R 20-60.262

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 FÉVRIER 2022

1°/ le syndica

t CGT Fédération des bureaux d'études, dont le siège est [Adresse 10],

2°/ le comité économique et social d'établissement (CSE) Altran technologi...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC. / ELECT

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 2 février 2022

Annulation

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 156 F-B sur le moyen du PI

Pourvoi n° R 20-60.262

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 FÉVRIER 2022

1°/ le syndicat CGT Fédération des bureaux d'études, dont le siège est [Adresse 10],

2°/ le comité économique et social d'établissement (CSE) Altran technologies Ile-de-France, dont le siège est [Adresse 9],

3°/ M. [C] [G], domicilié [Adresse 5],

4°/ M. [N] [H], domicilié [Adresse 11],

5°/ M. [K] [L], domicilié [Adresse 14],

6°/ M. [R] [F], domicilié [Adresse 7],

7°/ M. [P] [D], domicilié [Adresse 2],

8°/ M. [I] [W], domicilié [Adresse 15],

ont formé le pourvoi n° R 20-60.262 contre les jugements rendus les 17 juillet 2020 par le tribunal judiciaire de Nanterre (contentieux des élections professionnelles) et 25 août 2020 par le tribunal judiciaire de Versailles (contentieux des élections professionnelles), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Altran technologies, société anonyme,
2°/ à la société Altran éducation services, société par actions simplifiée,
3°/ à la société Altran lab, société par actions simplifiée,
4°/ à la société Altran prototypes automobiles, société par actions simplifiée,

ayant toutes les quatre leur siège [Adresse 20],

5°/ à Mme [X] [E], domiciliée [Adresse 12],

6°/ à Mme [U] [S], domiciliée [Adresse 8],

7°/ à Mme [B] [O], domiciliée [Adresse 4],

8°/ à M. [A] [Y], domicilié [Adresse 19],

9°/ à M. [T] [Z], domicilié [Adresse 17],

10°/ à la Fédération conseil communication culture CFDT (F3C-CFDT), dont le siège est [Adresse 16],

11°/ à la Fédération nationale du personnel d'encadrement des sociétés de services informatiques, des études, du conseil, de l'ingénierie et de la formation (CFE CGC SNEPI), dont le siège est [Adresse 13],

12°/ au syndicat Amplitude, dont le siège est [Adresse 6],

13°/ à la Confédération française des travailleurs chrétien (CFTC), dont le siège est [Adresse 3],

14°/ à Mme le procureur de la République près le tribunal de Nanterre, domiciliée en cette qualité, [Adresse 18],

15°/ à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Île-de-France, dont le siège est [Adresse 1], représentée par Mme [V] [Y], en qualité de responsable de la deuxième unité de contrôle des Hauts-de-Seine, unité départementale des Hauts-de-Seine, DIRECCTE d'Île-de-France,

défendeurs à la cassation.

Les sociétés Altran technologies, Altran éducation services, Altran lab et Altran prototypes automobiles ont formé un pourvoi incident contre les mêmes arrêts.

Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Les demanderesses au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Les parties ou leurs mandataires ont produit des mémoires.

Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat du syndicat CGT Fédération des bureaux d'études, du CES d'établissement Altran technologies Île-de-France et de MM. [G], [H], [L], [F], [D] et [W], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat des sociétés Altran technologies, Altran éducation services, Altran lab et Altran prototypes automobiles, après débats en l'audience publique du 8 décembre 2021 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ott, conseiller rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon les jugements attaqués (tribunal judiciaire de Nanterre, 17 juillet 2020, et tribunal judiciaire de Versailles, 25 août 2020), des négociations ont été engagées en 2019 pour la mise en place de comités sociaux et économiques au sein de l'unité économique et sociale (l'UES) constituée par les sociétés Altran technologies, Altran lab, Altran éducation services et Altran prototypes automobiles (les sociétés).

2. En l'absence d'accord conclu à la double majorité au sens de l'article L. 2314-6 du code du travail, les sociétés ont saisi le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) d'Île-de-France aux fins de fixer le nombre et la répartition entre établissements des sièges au comité social et économique central. Celui-ci n'a pas statué dans le délai de deux mois de la réception, le 23 septembre 2019, de cette demande.

3. Entre-temps, les négociations ayant repris, un accord sur le dialogue social et la mise en place du comité social et économique a été signé le 28 octobre 2019 par deux organisations syndicales majoritaires. Cet accord prévoit notamment la mise en place de six comités sociaux et économiques d'établissement (CSEE) et un comité social et économique (CSE) central ainsi que la composition de ce dernier, en répartissant le nombre de sièges entre les six établissements, soit cinq titulaires et cinq suppléants pour le CSEE d'Île-de-France.

4. Suite aux élections des membres des différents CSEE les 16 et 20 décembre 2019, le CSEE d'Île-de-France a élu le 20 février 2020 ses cinq représentants, titulaires et suppléants, au CSE central selon le nombre fixé par l'accord du 28 octobre 2019.

5. Le 28 février 2020, le Direccte d'Île-de-France a retiré la décision implicite de rejet du 23 novembre 2019 et a fixé la répartition des sièges par établissement au CSE central, en attribuant au CSEE d'Île-de-France deux sièges de titulaires et deux sièges de suppléants.

6. Le 4 mars 2020, les sociétés composant l'UES ont saisi le tribunal judiciaire de Versailles aux fins de contester cette élection par le CSEE d'Île-de-France de ses cinq représentants au CSE central. Lors des débats, M. [Z] a déclaré intervenir volontairement en qualité d'élu du CSEE. Le tribunal judiciaire a statué par jugement du 25 août 2020.

7. Le 15 mai 2020, le syndicat CGT Fédération des bureaux d'études (le syndicat), le CSEE d'Ile-de-France, MM. [H], [W], [D], [L], [F] et [G] ont saisi le tribunal judiciaire de Nanterre aux fins de contester la décision du Direccte d'Île-de-France du 28 février 2020, en demandant en dernier lieu d'annuler cette décision et de fixer le nombre et la répartition des sièges au CSE central dans les mêmes termes que l'accord du 28 octobre 2019. Le tribunal judiciaire a statué par jugement du 17 juillet 2020.

Recevabilité des pourvois incidents formés par M. [Z], examinée d'office, après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile

8. En application de l'article 1014, alinéa 1, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces pourvois incidents qui sont irrecevables.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi incident formé par les sociétés à l'encontre du jugement du tribunal judiciaire de Versailles du 25 août 2020, qui est préalable,

Enoncé du moyen

9. Les sociétés composant l'UES font grief au jugement de rejeter la demande d'annulation de l'élection intervenue le 20 février 2020 au sein du CSEE d'Île-de-France des membres titulaires et suppléants au CSE central et de dire n'y avoir lieu à juger sans effet et inopposables aux sociétés les sections 1 et 2 du chapitre 1 partie VI de l'accord sur le dialogue social et la mise en place du CSE au sein de l'UES en date du 28 octobre 2019, alors :

« 1°/ que selon l'article R. 2316-1 du code du travail, dans sa version issue du décret n° 2019-1548 du 30 décembre 2019 en vigueur à la date des élections contestées, en l'absence de stipulation contraire d'un accord conclu avec l'ensemble des organisations syndicales représentatives, chaque établissement peut être représenté au comité social et économique central soit par un seul délégué, titulaire ou suppléant, soit par un ou deux délégués titulaires et un ou deux délégués suppléants ; qu'en conséquence, un accord collectif qui n'a pas été conclu à l'unanimité ne peut servir de fondement à l'élection, par les membres d'un comité social et économique d'établissement, de plus de deux délégués au comité social et économique central ; qu'en l'espèce, il est constant que l'accord sur le dialogue social et la mise en place du CSE du 28 octobre 2019, qui attribue à l'établissement Île-de-France cinq délégués titulaires et cinq délégués suppléants au comité social et économique central, a été conclu par deux organisations syndicales représentatives et majoritaires, mais pas par l'ensemble des organisations syndicales représentatives ; qu'en refusant néanmoins de déclarer sans effet les dispositions de cet accord en ce qu'elles fixent à plus de deux les délégués titulaires de l'établissement Île-de-France au comité social et économique central et d'annuler en conséquence les élections des délégués de cet établissement organisées sur la base de cet accord, aux motifs tout aussi inopérants qu'erronés que « la remise en cause de cet accord ne peut se faire que par le biais d'une contestation de sa validité », que la validité de cet accord n'est pas contestée et que l'inopposabilité d'un acte ne peut être invoquée que par un tiers, le tribunal judiciaire a violé l'article R. 2316-1 du code du travail dans sa version applicable au litige ;

2°/ que selon l'article L. 2316-8 du code du travail, en l'absence d'accord conclu à la double majorité, la répartition des sièges au comité social et économique central entre les différents établissements doit être opérée par l'autorité administrative ; que, selon l'article L. 2343-3 du code des relations entre le public et l'administration, l'autorité administrative peut retirer un acte réglementaire ou un décision non-réglementaire non créateur de droits, si cet acte est illégal, dans le délai de quatre mois suivant son édiction ; qu'en l'absence d'un accord conclu à la double majorité, est illégal le refus de l'administration de procéder, à la demande de l'employeur, à la répartition des sièges entre les établissements ; qu'en conséquence, faute de recours exercé contre cette décision implicite de refus, l'autorité administrative peut la retirer dans le délai de quatre mois et prendre une nouvelle décision fixant la répartition entre les établissements des sièges au comité social et économique central conformément aux dispositions légales en vigueur ; qu'en retenant que les élections des délégués du comité social et économique de l'établissement Île-de-France au comité social et économique central avaient pu se tenir conformément aux dispositions d'un accord collectif qui ne satisfaisait pas à la condition de double majorité, au motif qu'aucun recours n'avait été formé contre la décision implicite de refus de l'administration et que le processus électoral n'était donc plus suspendu, cependant que la répartition des sièges au comité central entre les établissements ne pouvait être opérée par un accord collectif conclu à la majorité simple, que l'autorité administrative était saisie d'une demande de retrait de sa décision implicite de rejet à la date des élections litigieuses et que le retrait de sa décision, intervenue dans le délai de contestation des élections, a privé cette décision de tout effet, y compris pour le passé, le tribunal judiciaire a violé les textes précités. »

Réponse de la Cour

10. En premier lieu, ayant constaté que les sociétés avaient signé l'accord collectif du 28 octobre 2019 qui a, notamment, fixé le nombre de représentants du CSEE d'Île-de-France au CSE central, le tribunal en a déduit à bon droit que le moyen d'inopposabilité d'une partie de cet accord collectif invoqué par les sociétés au soutien de leur demande d'annulation des élections des représentants du CSEE d'Île-de-France au CSE central n'était pas recevable.

11. En second lieu, selon l'article L. 2314-6, alinéa 3, du code du travail, la saisine de l'autorité administrative, aux fins de fixer la répartition des sièges entre les différents établissements, suspend le processus électoral jusqu'à la décision administrative. Aux termes de l'article L. 2316-8 du même code, dernier alinéa, la décision administrative peut faire l'objet d'un recours devant le juge judiciaire, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux. Il en résulte que la décision implicite de rejet d'une demande de procéder à la répartition des sièges entre les différents établissements au sein du comité social et économique central ne peut être retirée.

12. Ayant d'une part relevé l'absence de tout recours formé à l'encontre de la décision de rejet implicite du 23 novembre 2019, ce dont il a exactement déduit que le processus électoral n'était plus suspendu à la décision du Direccte, d'autre part constaté qu'il n'était pas saisi du recours formé contre la décision prise le 28 février 2020 par le Direccte de retirer sa décision de rejet implicite, le tribunal, qui a rejeté la demande en annulation des élections des membres du CSEE d'Île-de-France au CSE central, a légalement justifié sa décision.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

14. Le syndicat, le CSEE d'Île-de-France et MM. [H], [W], [D], [L], [F] et [G] font grief aux jugements attaqués, pour l'un de refuser d'annuler la décision du Direccte du 28 février 2020 et d'ordonner l'élection des représentants du CSEE d'Île-de-France au CSE central conformément à cette décision et pour l'autre de rejeter la demande d'annulation de l'élection intervenue le 20 février 2020 au sein du CSEE d'Île-de-France au CSE central conformément à l'accord sur le dialogue social et la mise en place du CSE en date du 28 octobre 2019, alors « que lorsque deux décisions, même non rendues en dernier ressort et dont aucune n'est susceptible d'un recours ordinaire, sont inconciliables, elles peuvent être frappées de pourvoi, la Cour de cassation si la contrariété est constatée, annulant l'une des décisions ou, s'il y a lieu, les deux ; que le jugement du tribunal judiciaire de Nanterre du 17 juillet 2020 a rejeté la demande du syndicat CGT Fédération des bureaux d'études, du CESE Altran IDF et de 5 salariés tendant à l'annulation de la décision du Direccte du 28 février 2020 et ordonné l'élection des représentants du CESE Altran IDF au CCSE conformément à cette décision ; que le jugement du tribunal judiciaire de Versailles du 25 août 2020 a rejeté la demande d'annulation, par les sociétés composant l'UES Altran, de l'élection intervenue le 20 février 2020 au sein du CESE Altran IDF au CCSE conformément à l'accord sur le dialogue social et la mise en place du CSE en date du 28 octobre 2019 ; que la décision du Direccte prévoyant que le CESE Altran IDF désignerait au CCSE deux titulaires et deux suppléants, tandis que l'accord du 28 octobre 2019 prévoit que cet établissement désignerait cinq titulaires et cinq suppléants, les jugements attaqués sont inconciliables dans leur exécution et le premier doit être annulé en application de l'article 618 du code procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 618 du code de procédure civile :

15. Statuant par jugement du 17 juillet 2020, le tribunal judiciaire de Nanterre a rejeté la demande en annulation de la décision du 28 février 2020 du Direccte d'Île-de-France, fixant à deux le nombre de représentants du CSEE d'Île-de-France au CSE central, et a ordonné au CSEE d'Île-de-France de se conformer à la décision du Direccte et de désigner au CSE central deux membres titulaires et deux membres suppléants.

16. Statuant par jugement du 25 août 2020, le tribunal judiciaire de Versailles a rejeté la demande en annulation de l'élection intervenue le 20 février 2020 au sein du CSEE d'Île-de-France des cinq membres titulaires et suppléants au CSE central et dit n'y avoir lieu à juger sans effet et inopposables aux sociétés les sections 1 et 2 du chapitre 1 partie VI de l'accord sur le dialogue social et la mise en place du CSE au sein de l'UES relatives au nombre par établissements de représentants au CSE central.

17. Dès lors que, de leur rapprochement, il résulte tout à la fois que le CSEE d'Île-de-France est représenté au CSE central de l'UES par cinq titulaires et cinq suppléants et par deux titulaires et deux suppléants, ces décisions, dont aucune n'est susceptible d'un recours ordinaire, sont inconciliables.

18. Dès lors que la décision du tribunal judiciaire de Versailles du 25 août 2020 est conforme à la doctrine de la Cour de cassation, il convient d'annuler la décision du tribunal judiciaire de Nanterre du 17 juillet 2020.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DÉCLARE IRRECEVABLES les pourvois incidents formés par M. [Z] ;

REJETTE le pourvoi incident formé par les sociétés Altran technologies, Altran lab, Altran éducation services et Altran prototypes automobiles ;

ANNULE le jugement rendu le 17 juillet 2020, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Nanterre ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formé par les sociétés Altran technologies, Altran lab, Altran éducation services et Altran prototypes automobiles ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement annulé du 17 juillet 2020 ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux février deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour le syndicat CGT Fédération des bureaux d'études, le CES d'établissement Altran technologies Île-de-France et MM. [G], [H], [L], [F], [D] et [W], demandeurs au pourvoi principal

Il est fait grief aux jugements attaqués, d'AVOIR pour l'un refusé d'annuler la décision du Direccte du 28 février 2020 et ordonné l'élection des représentants du CESE Altran IDF au CCSE conformément à cette décision et pour l'autre rejeté la demande d'annulation de l'élection intervenue le 20 février 2020 au sein du CESE Altran IDF au CCSE conformément à l'accord sur le dialogue social et la mise en place du CSE en date du 28 octobre 2019 ;

AUX MOTIFS D'UNE PART QUE Sur la demande aux fins d'annulation de la décision de l'administration. Que pour soutenir que la décision administrative déférée du 28 février 2020 doit être jugée nulle, les demandeurs soutiennent à titre principal que la décision implicite de rejet du 23 novembre 2019 ne pouvait pas être retirée. Ils se fondent sur les dispositions de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration et considèrent qu'il ne s'agit pas d'une décision créatrice de droit puisqu'elle n'est pas une décision implicite d'acceptation et sur celles de l'article L. 243-3 du même code et considèrent que cette décision du 23 novembre 2019 n'est pas illégale ; que les défendeurs répondent que toute décision administrative qu'elle soit ou non créatrice de droit peut être retirée et d'autre part que cette décision du 23 novembre 2019 était illégale ce qui autorisait qu'elle soit retirée ; que les dispositions de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration énoncent que « L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision » ; que l'article L. 243-3 du même code énonce que « L'administration ne peut retirer un acte réglementaire ou un acte non réglementaire non créateur de droits que s'il est illégal et si le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant son édiction » ; qu'en visant dans leurs dernières conclusions soutenues à l'audience exclusivement ce dernier article L. 243-3, les requérants ont nécessairement abandonné le précédent moyen figurant dans leur requête fondée sur les dispositions de l'article L. 242-1, selon lequel la décision implicite de rejet n'est pas créatrice de droit ; qu'en toute hypothèse, cette décision implicite de rejet du 23 novembre 2019 est un acte non règlementaire qui n'a créé aucun droit au sens prévu par l'article L. 243-3 du code des relations entre le public et l'administration ; qu'il est constant que la direction a saisi le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi à propos de la répartition des sièges au sein du CSE central ; qu'aux termes de l'article L. 2316-8 alinéa un et deux du code du travail : « Dans chaque entreprise, la répartition des sièges entre les différents établissements et les différents collèges fait l'objet d'un accord entre l'employeur et les organisations syndicales intéressées, conclu selon les conditions de l'article L. 2314-6 du code du travail. En cas de désaccord sur la répartition des sièges, l'autorité administrative dans le ressort de laquelle se trouve le siège de l'entreprise décide de cette répartition » ; que l'article 2314-6 du code du travail énonce que : « Sauf dispositions législatives contraires, la validité du protocole d'accord préélectoral conclu entre l'employeur et les organisations syndicales intéressées est subordonnée à sa signature par la majorité des organisations syndicales ayant participé à sa négociation, dont les organisations syndicales représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles ou, lorsque ces résultats ne sont pas disponibles, la majorité des organisations représentatives dans l'entreprise. » ; que l'article R. 2316-2 du code du travail issu du décret du 29 décembre 2017 dispose que : « Le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du siège de l'entreprise est compétent pour la répartition des sièges entre les différents établissements et les différentes catégories prévue au premier alinéa de l'article L. 2316-8. Le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi prend sa décision dans un délai deux mois à compter de sa saisine » ; qu'en l'espèce, si un accord d'entreprise a été finalement conclu le 28 octobre 2019 entre la direction et des organisations syndicales représentatives, il n'a pas été signé, en ce qu'il constitue un protocole d'accord préélectoral, par l'ensemble des organisations syndicales ni même par la majorité des organisations syndicales ayant participé à sa négociation dont les organisations syndicales représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles. Cet accord a donc été conclu à la majorité simple des organisations syndicales représentatives et non à la double majorité nécessaire à la validité du protocole électoral, double majorité exigée par les dispositions de l'article L. 2316-8 du code du travail. C'est pourquoi l'employeur, comme il en avait l'obligation, a saisi l'autorité administrative afin qu'elle se prononce sur les aspects de l'élection relevant de sa compétence, à savoir la répartition des sièges entre les établissements et les collèges pour la mise en place du comité social économique central ; qu'il en découle que l'administration était tenue de prendre une décision conformément aux dispositions précitées de l'article L. 2316-8 du code du travail. C'est pourquoi, en présence d'un accord non valide, la décision implicite de rejet du 23 novembre 2019 était illégale, et par voie de conséquence susceptible d'être retirée dans les conditions prévues à l'article L. 243-3 du code des relations entre le public et l'administration ; qu'à titre subsidiaire, pour soutenir leur demande d'annulation de la décision du 28 février 2020, les requérants considèrent que la décision implicite de rejet était bien fondée et par voie de conséquence que son retrait ne l'est pas, au motif qu'il n'y a pas eu de contestation de la décision implicite de rejet et que l'accord majoritaire du 28 octobre 2019 même illégal, s'impose dans la mesure où il n'a pas fait l'objet d'une action en nullité dans le délai de deux mois ; que l'article L. 2262-14 du code du travail dispose : « Toute action en nullité de tout ou partie d'une convention ou d'un accord collectif doit, à peine d'irrecevabilité, être engagée dans un délai de deux mois à compter : 1° De la notification de l'accord d'entreprise prévue à l'article L. 2231-5, pour les organisations disposant d'une section syndicale dans l'entreprise ; 2° De la publication de l'accord prévue à l'article L. 2231-5-1 dans tous les autres cas » ; que dans la mesure où l'accord collectif en ce qu'il porte sur la répartition des sièges entre les établissements et les collèges pour la mise en place du CSE central ne remplit pas la condition de signature à une double majorité, cet accord n'était pas valide et il n'existe aucune autre alternative que la décision de l'autorité administrative. C'est pourquoi, les dispositions issues de l'accord collectif même non contestées dans les conditions de l'article L. 2262-14, relative à cette répartition n'ont pas force obligatoire. Le moyen est par conséquent rejeté ; que pour soutenir à titre subsidiaire une demande de réformation de la décision administrative du 28 février 2020, s'agissant du nombre de sièges au sein du CSE central, les requérants soutiennent que ce sont les dispositions en vigueur lors de la naissance de cette instance qui trouvent application, en l'espèce les dispositions de l'article R. 2316-1 du code du travail issues du décret du 29 décembre 2017 qui dispose que : « sauf accord conclu entre l'employeur et l'ensemble des organisations syndicales représentatives, le nombre des membres du CSE central ne peut dépasser 25 titulaires et 25 suppléants » ; que les défendeurs répondent que les dispositions applicables sont celles en vigueur au moment où la décision a été rendue le 28 février 2020, à savoir celles prévues par le décret 2019-1548 du 30 décembre 2019 qui a modifié l'article R. 2316-1 du code du travail qui ajoute désormais à l'alinéa deux de cet article que : « sauf stipulation de l'accord mentionné au premier alinéa organisant cette représentation et dans les limites fixées à cet alinéa, chaque établissement peut être représenté au CSE central soit par un délégué titulaire ou suppléant, soit par un délégué titulaire et un ou deux délégués suppléants » ; que les dispositions légales et réglementaires sur lesquelles l'administration devait se fonder pour prendre la décision objet du présent recours, sont celles qui ont été en vigueur à la date de cette décision. C'est donc à juste titre que l'autorité administrative a motivé sa décision rendue le 28 février 2020 en se fondant sur les dispositions de l'article R. 2316-1 alinéa deux du code du travail dans sa version issue du décret du 30 décembre 2019, indiquant que chaque établissement peut être représenté au CSE central soit par un délégué titulaire ou suppléant, soit par un délégué titulaire et un ou deux délégués suppléants ; que pour demander la réformation de cette décision s'agissant de la répartition des sièges et du nombre d'élus par comité d'établissement, les requérants considèrent que ce sont les dispositions de l'article R. 2316-1 du code du travail issu du décret du 29 décembre 2017, en vigueur au jour des élections le 20 décembre 2019 qui trouvent à s'appliquer, raison pour laquelle ils demandent une répartition des sièges, conformément à ce qui avait été convenu entre les parties dans l'accord. S'il n'est pas contesté que le CSE est doté de la personnalité juridique s'agissant d'une instance dans une entreprise d'au moins cinquante salariés, celle-ci ne s'exerce qu'à travers la constitution de l'instance collégiale qu'il représente, c'est-à-dire à l'issue des élections de ses membres. Or il est constant qu'elles ont toutes eu lieu après le 30 décembre 2019 ; que par conséquent la décision de l'administration, qui a appliqué les dispositions issues du décret 2019-1548 du 30 décembre 2019 pour fixer la répartition des sièges par établissement au CSE central, doit trouver application. C'est pourquoi les demandes du Syndicat CGT fédération des bureaux d'études, du Comité social et économique d'établissement Altran Technologies Ile-de-France de la société Altran Technologies, et de Messieurs [N] [H], [I] [W], [P] [D], [K] [L], [R] [F] et [C] [G] sont intégralement rejetées ; qu'il convient de faire droit aux demandes reconventionnelles des défendeurs et d'autoriser le Président du Comité économique et social d'établissement Altran Ile-de-France à inscrire à l'ordre du jour d'une réunion extraordinaire du CESE Altran Ile-de-France le point suivant « Elections des 2 membres titulaires et de deux membres suppléants du CESE Altran Ile-de-France au Comité Economique et Social Central de l'UES en application de la décision de la Direccte du 28 février 2020 » et d'ordonner au Comité économique et social d'établissement Altran Ile-de-France de se conformer à la décision de la Direccte du 28 février 2020 et de désigner deux membres titulaires et deux membres suppléants pour le représenter au Comité central économique et social de l'UES » (cf. jugement du tribunal judiciaire de Nanterre du 17 juillet 2020 p. 6, dernier § à 9) ;

ET AUX MOTIFS D'AUTRE PART QUE sur la demande d'annulation des élections du 20 février 2020 : L'article L. 2316-8 du code du travail dispose que : « Dans chaque entreprise, la répartition des sièges entre les différents établissements et les différents collèges fait l'objet d'un accord entre l'employeur et les organisations syndicales intéressées, conclu selon les conditions de l'article L. 2314-6. En cas de désaccord sur la répartition des sièges, l'autorité administrative dans le ressort de laquelle se trouve le siège de l'entreprise décide de cette répartition. La saisine de l'autorité administrative suspend le processus électoral jusqu'à la décision administrative et entraîne la prorogation des mandats en cours des élus concernés jusqu'à la proclamation des résultats du scrutin. Même si elles interviennent alors que le mandat de certains membres n'est pas expiré, la détermination du nombre d'établissements distincts et la répartition des sièges entre les établissements et les différentes catégories sont appliquées sans qu'il y ait lieu d'attendre la date normale de renouvellement de toutes les délégations des comités sociaux et économiques d'établissement ou de certaines d'entre elles » ; que l'article L. 2314-6 auquel il est fait référence dispose quant à lui : « Sauf dispositions législatives contraires, la validité du protocole d'accord préélectoral conclu entre l'employeur et les organisations syndicales intéressées est subordonnée à sa signature par la majorité des organisations syndicales ayant participé à sa négociation, dont les organisations syndicales représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles ou, lorsque ces résultats ne sont pas disponibles, la majorité des organisations représentatives dans l'entreprise » ; que le non-respect de cette double majorité ne rend pas le protocole d'accord irrégulier mais permet à la partie qui y a intérêt de demander au juge de fixer les modalités d'organisation et de déroulement du scrutin ; qu'en l'espèce, il apparaît que l'accord du 28 octobre 2019 a été contesté judiciairement. Plusieurs procédures sont toujours en cours ; que l'UES soutient que dès lors qu'elle ne sollicite pas l'annulation de l'accord dans sa totalité mais uniquement l'inopposabilité d'une partie de l'accord, elle n'est pas tenue d'attendre l'issue de ces recours ; qu'il convient alors de rechercher si elle est en droit d'obtenir l'inopposabilité de la partie de l'accord relative à la répartition des sièges entre les différents établissements à l'occasion de l'élection des membres du CCSE ; que le CESE d'Altran Technologies Ile-de-France souligne à juste titre que l'accord du 28 octobre 2019 intitulé « accord sur la dialogue social et la mise en place du CSE » est un accord global, fruit de concessions réciproques, formant un tout indissociable ; que surtout, il est admis que le tribunal compétent pour statuer sur la régularité des élections contestées est compétent, par voie d'exception, pour apprécier la validité d'un l'accord collectif, la demande de l'UES ne vise pas à invalider l'accord dans sa totalité mais à lui déclarer une partie de cet accord inopposable ; que l'inopposabilité peut être prononcée judiciairement mais relativement à des actes ou des décisions dans lesquelles un tiers n'est pas partie ; qu'en l'espèce, il convient de relever que les sociétés composant l'UES ont signé cet accord ; que rien ne justifie qu'elles puissent prétendre qu'une partie de cet accord, et une partie seulement, leur soit déclaré inopposable. La jurisprudence citée par l'UES, relative à des contentieux prud'homaux, est sans rapport avec le litige ; que la remise en cause de cet accord ne peut se faire que par le biais d'une contestation de sa validité en son entier ; qu'il convient d'ailleurs de relever que la direction d'Altran, qui conteste le nombre d'élus au CCSE, avait pourtant fait une proposition au Direccte conforme aux élections qui se sont déroulées, en référence à la répartition opérée dans le précédent comité central ; qu'elle a également tenté d'obtenir la signature d'un accord par l'ensemble des organisations syndicales, postérieurement à la décision du Direccte, pour maintenir le nombre d'élus au CCSE venant du CESE d'Altran Ile-de-France à cinq titulaires et cinq suppléants ; que son recours en justice pour voir annuler ces élections apparaît dès lors surprenant ; que l'UES a également fait valoir que le Direccte étant à nouveau saisi d'une demande de répartition des sièges, par courriel qui lui avait été adressé le 23 décembre 2019, cette saisine, conformément à l'article L. 2316-8 sus-visé, devait suspendre le processus électoral jusqu'à la décision administrative et qu'en conséquence, aucune élection ne pouvait être organisée, ce qui doit entraîner la nullité des élections du 20 février 2020 ; que ce courriel (pièce 19) ne saurait être interprété comme une nouvelle saisine du Direccte, au vu de la généralité des termes employés : « S'agissant du CSE central, vous aviez rendu une décision tacite de rejet de notre demande d'arbitrage notamment en raison de l'absence de parution du décret relatif à la composition de cette instance en l'absence d'accord. Quand pensez-vous être en mesure de revenir vers nous svp ? Je vous remercie par avance de votre retour sur le sujet » ; que sans qu'il soit nécessaire de s'interroger sur le point de savoir si le Direccte était en droit de retirer une décision implicite de rejet, ce point devant être tranché par le tribunal judiciaire de Nanterre, il convient de souligner que la décision du Direccte du 28 février 2020 ne vise pas cette nouvelle saisine du 23 décembre 2019 mais uniquement la décision implicite de rejet intervenue le 23 novembre 2019 ; qu'il s'en déduit que, en l'absence de recours formé contre la décision implicite de rejet du 23 novembre 2019, le processus électoral n'était plus suspendu à la décision du Direccte ; qu'il ne peut donc être fait état de cette suspension du processus électoral pour annuler les élections ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, la demande d'annulation des élections des membres du CESE d'Altran Technologies Ile-de-France au CCSE sera rejetée (cf. jgt du tribunal judiciaire de Versailles du 25 août 2020 pp. 9 et 10).

ALORS QUE lorsque deux décisions, même non rendues en dernier ressort et dont aucune n'est susceptible d'un recours ordinaire, sont inconciliables, elles peuvent être frappées de pourvoi, la Cour de cassation si la contrariété est constatée, annulant l'une des décisions ou, s'il y a lieu, les deux ; que le jugement du tribunal judiciaire de Nanterre du 17 juillet 2020 a rejeté la demande du syndicat CGT Fédération des bureaux d'études, du CESE Altran IDF et de 5 salariés tendant à l'annulation de la décision du Direccte du 28 février 2020 et ordonné l'élection des représentants du CESE Altran IDF au CCSE conformément à cette décision ; que le jugement du tribunal judiciaire de Versailles du 25 août 2020 a rejeté la demande d'annulation, par les sociétés composant l'UES Altran, de l'élection intervenue le 20 février 2020 au sein du CESE Altran IDF au CCSE conformément à l'accord sur le dialogue social et la mise en place du CSE en date du 28 octobre 2019 ; que la décision du Direccte prévoyant que le CESE Altran IDF désignerait au CCSE deux titulaires et deux suppléants, tandis que l'accord du 28 octobre 2019 prévoit que cet établissement désignerait cinq titulaires et cinq suppléants, les jugements attaqués sont inconciliables dans leur exécution et le premier doit être annulé en application de l'article 618 du code procédure civile. Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour les sociétés Altran technologies, Altran éducation services, Altran lab et Altran prototypes automobiles, demanderesses au pourvoi incident

Il est fait grief au jugement rendu le 25 août 2020 par le tribunal judiciaire de Versailles d'AVOIR rejeté la demande d'annulation de l'élection intervenue le 20 février 2020 au sein du CSE d'établissement Altran Ile-de-France des membres titulaires et suppléants Au CSE central et d'AVOIR dit n'y avoir lieu à juger sans effet et inopposables aux sociétés Altran Technologies, Altran Education Services, Altran Lab et Altran Prototypes Automobiles les sections 1 et 2 du chapitre 1 partie VI de l'accord sur le dialogue social et la mise en place du CSE au sein de l'UES Altran Technologies, Altran Education Services, Altran Lab et Altran Prototypes Automobiles en date du 28 octobre 2019 ;

AUX MOTIFS QUE « L'article L. 2316-8 du code du travail dispose que : "Dans chaque entreprise, la répartition des sièges entre les différents établissements et les différents collèges fait l'objet d'un accord entre l'employeur et les organisations syndicales intéressées, conclu selon les conditions de l'article L. 2314-6.
En cas de désaccord sur la répartition des sièges, l'autorité administrative dans le ressort de laquelle se trouve le siège de l'entreprise décide de cette répartition.
La saisine de l'autorité administrative suspend le processus électoral jusqu'à la décision administrative et entraîne la prorogation des mandats en cours des élus concernés jusqu'à la proclamation des résultats du scrutin.
Même si elles interviennent alors que le mandat de certains membres n'est pas expiré, la détermination du nombre d'établissements distincts et la répartition des sièges entre les établissements et les différentes catégories sont appliquées sans qu'il y ait lieu d'attendre la date normale de renouvellement de toutes les délégations des comités sociaux et économiques d'établissement ou de certaines d'entre elles."
L'article L. 2314-6 auquel il est fait référence dispose quant à lui : "Sauf dispositions législatives contraires, la validité du protocole d'accord préélectoral conclu entre l'employeur et les organisations syndicales intéressées est subordonnée à sa signature par la majorité des organisations syndicales ayant participé à sa négociation, dont les organisations syndicales représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles ou, lorsque ces résultats ne sont pas disponibles, la majorité des organisations représentatives dans l'entreprise."
Le non-respect de cette double majorité ne rend pas le protocole d'accord irrégulier mais permet à la partie qui y a intérêt de demander au juge de fixer les modalités d'organisations et de déroulement du scrutin.
En l'espèce, il apparaît que l'accord du 28 octobre 2019 a été contesté judiciairement. Plusieurs procédures sont toujours en cours.
L'UES soutient que dès lors qu'elle ne sollicite pas l'annulation de l'accord dans sa totalité mais uniquement l'inopposabilité d'une partie de l'accord, elle n'est pas tenue d'attendre l'issue de ces recours.
Il convient alors de rechercher si elle est en droit d'obtenir l'inopposabilité de la partie de l'accord relative à la répartition des sièges entre les différents établissements à l'occasion de l'élection des membres du CCSE.
Le CESE d'Altran Technologies Ile de France souligne à juste titre que l'accord du 28 octobre 2019 intitulé "accord sur le dialogue social et la mise en place du CSE" est un accord global, fruit de concessions réciproques, formant un tout indissociable.
Mais surtout, s'il est admis que le tribunal compétent pour statuer sur la régularité des élections contestées est compétent, par voie d'exception, pour apprécier la validité d'un accord collectif, la demande de PUES ne vise pas à invalider l'accord dans sa totalité mais à lui déclarer une partie de cet accord inopposable.
L'inopposabilité peut être prononcée judiciairement mais relativement à des actes ou des décisions dans lesquelles un tiers n'est pas partie.
En l'espèce, il convient de relever que les sociétés composant l'UES ont signé cet accord.
Rien ne justifie qu'elles puissent prétendre qu'une partie de cet accord, et une partie seulement, leur soit déclaré inopposable. La jurisprudence citée par PUES, relative à des contentieux prud'homaux, est sans rapport avec le litige.
La remise en cause de cet accord ne peut se faire que par le biais d'une contestation de sa validité en son entier.
Il convient d'ailleurs de relever que la direction d'ALTRAN, qui conteste le nombre d'élus au CCSE, avait pourtant fait une proposition au DIRECCTE conforme aux élections qui se sont déroulées, en référence à la répartition opérée dans le précédent comité central.
Elle a également tenté d'obtenir la signature d'un accord par l'ensemble des organisations syndicales, postérieurement à la décision du DIRECCTE, pour maintenir le nombre d'élus au CCSE venant du CESE d'ALTRAN Ile de France à cinq titulaires et cinq suppléants.
Son recours en justice pour voir annuler ces élections apparaît dès lors surprenant.
L'UES a également fait valoir que le DIRECCTE étant à nouveau saisi d'une demande de répartition des sièges, par courriel qui lui avait été adressé le 23 décembre 2019, cette saisine, conformément à l'article L. 2316-8 sus-visé, devait suspendre le processus électoral jusqu'à la décision administrative et qu'en conséquence, aucune élection ne pouvait être organisée, ce qui doit entraîner la nullité des élections du 20 février 2020.
Ce courriel (pièce 19) ne saurait être interprété comme une nouvelle saisine du DIRECCTE, au vu de la généralité des termes employés : "S'agissant du CSE central, vous aviez rendu une décision tacite de rejet de notre demande d'arbitrage notamment en raison de l'absence de parution du décret relatif à la composition de cette instance en l'absence d'accord. Quand pensez-vous être en mesure de revenir vers nous svp ? Je vous remercie par avance de votre retour sur le sujet."
Sans qu'il soit nécessaire de s'interroger sur le point de savoir si le DIRECCTE était en droit de retirer une décision implicite de rejet, ce point devant être tranché par le tribunal judiciaire de Nanterre, il convient de souligner que la décision du DIRECCTE du 28 février 2020 ne vise pas cette nouvelle saisine du 23 décembre 2019 mais uniquement la décision implicite de rejet intervenue le 23 novembre 2019.
Il s'en déduit que, en l'absence de recours formé contre la décision implicite de rejet du 23 novembre 2019, le processus électoral n'était plus suspendu à la décision du DIRECCTE.
Il ne peut donc être fait état de cette suspension du processus électoral pour annuler les élections.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, la demande d'annulation des élections des membres du CESE d'Altran Technologies He de France au CCSE sera rejetée »

1. ALORS QUE selon l'article R. 2316-1 du code du travail, dans sa version issue du décret n° 2019-1548 du 30 décembre 2019 en vigueur à la date des élections contestées, en l'absence de stipulation contraire d'un accord conclu avec l'ensemble des organisations syndicales représentatives, chaque établissement peut être représenté au comité social et économique central soit par un seul délégué, titulaire ou suppléant, soit par un ou deux délégués titulaires et un ou deux délégués suppléants ; qu'en conséquence, un accord collectif qui n'a pas été conclu à l'unanimité ne peut servir de fondement à l'élection, par les membres d'un comité social et économique d'établissement, de plus de deux délégués au comité social et économique central ; qu'en l'espèce, il est constant que l'accord sur le dialogue social et la mise en place du CSE du 28 octobre 2019, qui attribue à l'établissement Ile-de-France cinq délégués titulaires et cinq délégués suppléants au comité social et économique central, a été conclu par deux organisations syndicales représentatives et majoritaires, mais pas par l'ensemble des organisations syndicales représentatives ; qu'en refusant néanmoins de déclarer sans effet les dispositions de cet accord en ce qu'elles fixent à plus de deux les délégués titulaires de l'établissement Ile-de-France au comité social et économique central et d'annuler en conséquence les élections des délégués de cet établissement organisées sur la base de cet accord, aux motifs tout aussi inopérants qu'erronés que « la remise en cause de cet accord ne peut se faire que par le biais d'une contestation de sa validité », que la validité de cet accord n'est pas contestée et que l'inopposabilité d'un acte ne peut être invoquée que par un tiers, le tribunal judiciaire a violé l'article R. 2316-1 du code du travail dans sa version applicable au litige ;

2. ALORS QUE selon l'article L. 2316-8 du code du travail, en l'absence d'accord conclu à la double majorité, la répartition des sièges au comité social et économique central entre les différents établissements doit être opérée par l'autorité administrative ; que, selon l'article L. 2343-3 du code des relations entre le public et l'administration, l'autorité administrative peut retirer un acte réglementaire ou un décision non-réglementaire non créateur de droits, si cet acte est illégal, dans le délai de quatre mois suivant son édiction ; qu'en l'absence d'un accord conclu à la double majorité, est illégal le refus de l'administration de procéder, à la demande de l'employeur, à la répartition des sièges entre les établissements ; qu'en conséquence, faute de recours exercé contre cette décision implicite de refus, l'autorité administrative peut la retirer dans le délai de quatre mois et prendre une nouvelle décision fixant la répartition entre les établissements des sièges au comité social et économique central conformément aux dispositions légales en vigueur ; qu'en retenant que les élections des délégués du comité social et économique de l'établissement Ile-de-France au comité social et économique central avaient pu se tenir conformément aux dispositions d'un accord collectif qui ne satisfaisait pas à la condition de double majorité, au motif qu'aucun recours n'avait été formé contre la décision implicite de refus de l'administration et que le processus électoral n'était donc plus suspendu, cependant que la répartition des sièges au comité central entre les établissements ne pouvait être opérée par un accord collectif conclu à la majorité simple, que l'autorité administrative était saisie d'une demande de retrait de sa décision implicite de rejet à la date des élections litigieuses et que le retrait de sa décision, intervenue dans le délai de contestation des élections, a privé cette décision de tout effet, y compris pour le passé, le tribunal judiciaire a violé les textes précités.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-60262
Date de la décision : 02/02/2022
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Sociale

Analyses

ELECTIONS PROFESSIONNELLES


Références :

Articles L. 2314-6, alinéa 3, et L. 2316-8, dernier alinéa, du code du travail.

Décision attaquée : Tribunal judiciaire de Versailles, 25 août 2020

Sur le cas d'un recours devant le tribunal judiciaire d'une décision de retrait, fixant en se substituant à la décision initiale, la répartition du personnel et des sièges entre les collèges électoraux : Soc., 22 janvier 2020, pourvoi n° 19-12896, Bull., (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 02 fév. 2022, pourvoi n°20-60262, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.60262
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