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02/02/2022 | FRANCE | N°20-17912

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 02 février 2022, 20-17912


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

SG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 2 février 2022

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 121 F-D

Pourvoi n° G 20-17.912

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 2 FÉVRIER 2022

La société immobilière de la [Adresse 4], (société anonyme

), dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 20-17.912 contre l'arrêt rendu le 3 juin 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

SG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 2 février 2022

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 121 F-D

Pourvoi n° G 20-17.912

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 2 FÉVRIER 2022

La société immobilière de la [Adresse 4], (société anonyme), dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 20-17.912 contre l'arrêt rendu le 3 juin 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 2), dans le litige l'opposant au Centre régional des oeuvres universitaires de [Localité 3], dont le siège est [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Champ, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société immobilière de la [Adresse 4], de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat du Centre régional des oeuvres universitaires de [Localité 3], après débats en l'audience publique du 7 décembre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Champ, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 juin 2020), par acte notarié du 22 octobre 1962, la société immobilière de la [Adresse 4] (le bailleur) a donné à bail au Centre régional des oeuvres universitaires de [Localité 3] (le Crous) un immeuble dont la destination était un foyer d'étudiantes.

2. Le 31 décembre 2014, la SCP Valliot Le Guernevé et Abitbol, devenue la SCP d'administrateurs judiciaires Abitbol et Rousselet, a, en qualité de mandataire ad hoc du bailleur, assigné le Crous en paiement de loyers.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Le bailleur fait grief à l'arrêt de déclarer le tribunal de grande instance incompétent pour connaître du litige au profit du tribunal administratif et de renvoyer les parties à mieux se pourvoir, « alors que ne présente pas un caractère administratif le contrat dont l'objet ne constitue pas l'exécution même d'un service public et qui ne fait pas participer directement le cocontractant privé à son exécution ; qu'en retenant, pour juger que le bail d'immeuble, conclu le 22 octobre 1962 entre le bailleur et le Crous, revêt le caractère d'un contrat administratif et en déduire l'incompétence de la juridiction de l'ordre judiciaire, que « le lien entre la prestation fournie par le bailleur et le service public dont la gestion était confiée au Crous était particulièrement étroit puisque la destination de logement d'étudiantes correspondait à l'exécution même du service public confié au Crous », que ce contrat « a été conclu pour les besoins du service public confié au Crous et que par ce contrat, le bailleur a fourni au Crous les moyens nécessaires au bon accomplissement du service public », qu'« en organisant la fourniture à un établissement public d'un immeuble privé dont la destination correspond à l'exécution même du service public, ce contrat entraîne la coopération du bailleur au fonctionnement du service public » et que « par là-même ce contrat entraîne la participation du bailleur à l'exécution du service public », tout en constatant que le Crous « conservait l'entière maîtrise » du fonctionnement du service public, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait qu'en l'absence de participation directe du cocontractant privé de l'administration à l'exécution même du service public, le contrat litigieux a seulement été conclu pour les besoins du service public, sans que la société bailleresse soit associée à l'organisation et au fonctionnement du service public dont est chargé le preneur, de sorte qu'il ne présente pas le caractère d'un contrat administratif, violant ainsi la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III :

4. Il résulte de ces textes que le juge judiciaire est compétent pour connaître d'un contrat de bail qui a été conclu entre une personne morale de droit privé et une personne morale de droit public pour les besoins du service public et n'a pas pour objet de faire participer le cocontractant à l'exécution même du service public.

5. Pour écarter la compétence de la juridiction judiciaire, après avoir énoncé que le Crous est un établissement public et que la destination de l'immeuble ne peut être modifiée, l'arrêt relève que le lien entre la prestation fournie par le bailleur et le service public dont la gestion est confiée au Crous est particulièrement étroit, dès lors que la destination de logement d'étudiantes correspond à l'exécution même du service public confié au Crous, et qu'en organisant la fourniture à un établissement public d'un immeuble privé ayant une telle destination, le contrat entraîne la coopération du bailleur au fonctionnement du service public dont le Crous conserve l'entière maîtrise et sa participation à l'exécution du service public revêt le caractère d'un contrat administratif.

6. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que le bail, permettant au Crous d'exercer lui-même sa mission de service public, avait seulement été conclu pour les besoins de ce service et ne faisait pas directement participer le bailleur à son exécution, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne le Centre régional des oeuvres universitaires de [Localité 3] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux février deux mille vingt-deux.

Le conseiller referendaire rapporteur le president

Le greffier de chambre

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société immobilière de la [Adresse 4]

La société immobilière de la [Adresse 4] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré le tribunal de grande instance de Paris incompétent pour connaître du litige au profit du tribunal administratif de Paris et d'AVOIR renvoyé les parties à mieux se pourvoir ;

ALORS QUE ne présente pas un caractère administratif le contrat dont l'objet ne constitue pas l'exécution même d'un service public et qui ne fait pas participer directement le cocontractant privé à son exécution ; qu'en retenant, pour juger que le bail d'immeuble, conclu le 22 octobre 1962 entre la société immobilière de la [Adresse 4] et le Crous de [Localité 3], revêt le caractère d'un contrat administratif et en déduire l'incompétence de la juridiction de l'ordre judiciaire, que « le lien entre la prestation fournie par la société immobilière de la [Adresse 4] et le service public dont la gestion était confiée au Crous de [Localité 3] était particulièrement étroit puisque la destination de logement d'étudiantes correspondait à l'exécution même du service public confié au Crous de [Localité 3] », que ce contrat « a été conclu pour les besoins du service public confié au Crous de [Localité 3] et que par ce contrat, la société immobilière de la [Adresse 4] a fourni au Crous de [Localité 3] les moyens nécessaires au bon accomplissement du service public », qu'« en organisant la fourniture à un établissement public d'un immeuble privé dont la destination correspond à l'exécution même du service public, ce contrat entraîne la coopération de la société immobilière de la [Adresse 4] au fonctionnement du service public » et que « par là-même ce contrat entraîne la participation de la société immobilière de la [Adresse 4] à l'exécution du service public », tout en constatant que le Crous de [Localité 3] « conservait l'entière maîtrise » du fonctionnement du service public, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait qu'en l'absence de participation directe du cocontractant privé de l'administration à l'exécution même du service public, le contrat litigieux a seulement été conclu pour les besoins du service public, sans que la société bailleresse soit associée à l'organisation et au fonctionnement du service public dont est chargé le preneur, de sorte qu'il ne présente pas le caractère d'un contrat administratif, violant ainsi la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III.

Le greffier de chambre


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 20-17912
Date de la décision : 02/02/2022
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 03 juin 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 02 fév. 2022, pourvoi n°20-17912


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.17912
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