LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
LG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 2 février 2022
Rejet
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 160 F-B sur le premier moyen du pourvoi principal
Pourvoi n° Z 19-21.810
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 FÉVRIER 2022
La société ESGCV, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 19-21.810 contre deux arrêts rendus les 17 novembre 2017 et 26 juin 2019 par la cour d'appel de Bordeaux (5e chambre, section A), dans le litige l'opposant à Mme [O] [R], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Mme [R] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société ESGCV, de Me Ridoux, avocat de Mme [R], après débats en l'audience publique du 8 décembre 2021 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mme Pécaut-Rivolier, conseiller, Mme Laulom, avocat général, et Mme Lavigne, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon les arrêts attaqués ([Localité 3], 17 novembre 2017 et 26 juin 2019),
Mme [R] a été engagée le 29 avril 2002 en qualité de professeur de mathématiques par la société Sogedec, aux droits de laquelle vient la société ESGCV (la société). Elle s'est présentée aux élections de délégués du personnel puis au comité d'entreprise de l'UES dont dépend la société en mai et juin 2014 et a bénéficié du statut de salarié protégé du 9 juin 2014 au 9 décembre 2014. Elle a été convoquée le 14 novembre 2014 à un entretien à un éventuel licenciement économique, fixé au 25 novembre 2014. Le 29 décembre 2014, la société a adressé une demande d'autorisation de licenciement à l'inspecteur du travail qui, par décision du 27 février 2015, s'est déclaré incompétent. Le 19 mars 2015, la salariée s'est vue notifier son licenciement pour motif économique.
2. La salariée a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes liées à l'exécution de son contrat, auxquelles elle a ajouté en cours de procédure des demandes liées à la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi principal de la société
Enoncé du moyen
3. La société fait grief à l'arrêt du 17 novembre 2017 d'infirmer l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 13 septembre 2017 en ce qu'elle avait prononcé la caducité de la déclaration d'appel, de constater que les conclusions de la salariée du 4 avril 2017 avaient été régulièrement déposées au greffe dans le délai prévu par la loi et de dire en conséquence n'y avoir lieu à prononcer la caducité de l'appel, alors « que selon les articles R. 1461-1 et R. 1461-2 du code du travail, l'appel porté devant la chambre sociale de la cour d'appel est formé, instruit et jugé suivant la procédure avec représentation obligatoire et les parties doivent s'y faire représenter par un avocat ou par un défenseur syndical, ce dernier pouvant accomplir valablement les actes de la procédure d'appel qui sont mis à la charge de l'avocat ; qu'il résulte de ces textes et de l'article 930-2 du code de procédure civile que les actes de procédure et notamment les conclusions d'appel ne peuvent être remises au greffe que par le défenseur syndical et non par la partie elle-même ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »
Réponse de la Cour
4. Selon le deuxième alinéa de l'article R. 1461-1 et le 2° de l'article R. 1453-2 du code du travail, en matière prud'homale les actes de la procédure d'appel qui sont mis à la charge de l'avocat sont valablement accomplis par le défenseur syndical. Selon le second alinéa de l'article 930-2 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-1008 du 10 mai 2017, les actes de procédure effectués par le défenseur syndical peuvent être établis sur support papier et remis au greffe, la remise est constatée par la mention de sa date et le visa du greffier sur chaque exemplaire, dont l'un est immédiatement restitué.
5. Il en résulte que la remise de l'acte peut être effectuée au greffe au nom du défenseur syndical, par toute personne qu'il a mandatée à cette fin.
6. La cour d'appel, qui a relevé qu'en l'absence d'un autre formalisme plus précis les conclusions pouvaient être remises au greffe par toute personne désignée par le défenseur syndical et que tel était bien le cas en l'espèce puisque les conclusions étaient signées par celui-ci et accompagnées d'un courrier de transmission à son entête et revêtu de sa signature, a pu en déduire que les conclusions de la salariée avaient été régulièrement remises au greffe le 4 avril 2017.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le second moyen du même pourvoi
Enoncé du moyen
8. La société fait grief à l'arrêt du 26 juin 2019 de fixer le salaire mensuel de la salariée à la somme de 1 886,77 euros pour la période de juillet 2013 à mai 2015, de dire que la salariée avait le statut de cadre à compter du 1er juillet 2013, de la condamner en conséquence à payer à la salariée les sommes de 8 641,58 euros à titre de rappel de salaires et 1 886,67 euros à titre de solde de l'indemnité compensatrice de préavis, de dire que le licenciement de la salariée était sans cause réelle et sérieuse et de condamner en conséquence la société à lui payer la somme de 18 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que la cassation à intervenir sur le premier moyen de l'arrêt du 17 novembre 2017 ayant, à tort, refusé de déclarer caduc l'appel de la salariée entraînera, par voie de conséquence, l'annulation de l'arrêt du 26 juin 2019 ayant statué au fond sur ses demandes, par application de l'article 625 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
9. Le rejet du premier moyen rend sans objet le second qui tend à une cassation par voie de conséquence.
Sur le moyen du pourvoi incident de la salariée
Enoncé du moyen
10. La salariée fait grief à l'arrêt du 26 juin 2019 de la débouter de sa demande tendant à voir déclarer nul son licenciement et de ses demandes subséquentes en réintégration et en paiement des salaires échus jusqu'à sa réintégration effective, alors :
« 1°/ que le licenciement d'un salarié protégé, prononcé en violation du statut protecteur, est nul ; que l'employeur est tenu de demander l'autorisation administrative de licencier un salarié lorsque ce dernier bénéficie du statut protecteur à la date de l'envoi de la convocation à l'entretien préalable au licenciement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que la salariée bénéficiait du statut de salarié protégé lorsqu'elle avait été convoquée, le 14 novembre 2014, à un entretien préalable à un éventuel licenciement économique ; qu'elle a encore constaté que la demande d'autorisation de rompre le contrat de travail avait été rejetée par l'inspection du travail, par décision du 27 février 2015 ; que dès lors, en refusant de déclarer nul le licenciement de la salariée, la cour d'appel a violé l'article L. 2411-10 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige ;
2°/ que le juge a l'obligation d'analyser les éléments de preuve qui lui sont soumis ; qu'en l'espèce, dans ses écritures d'appel, la salariée faisait valoir que l'employeur avait sciemment retardé la procédure de licenciement pour saisir l'inspection du travail après l'expiration de la période de protection ; qu'à l'appui de sa démonstration, elle produisait les ordres du jour et les procès-verbaux des comités d'entreprise des 7 novembre 2014 et 5 décembre 2014, dont il résultait que la consultation portant sur le projet de licenciement, bien que mise à l'ordre du jour, avait été reportée à deux reprises sans raison légitime ; que lors du comité d'entreprise du 5 décembre 2014 -postérieur à l'entretien préalable et contemporain de la période de protection-, la directrice des ressources humaines, Mme [G], avait reconnu que « le comité d'entreprise [devait] donner un avis mais que cette procédure ne [pouvait] s'effectuer maintenant car elle n'[avait] pas adressé dans les délais requis les documents d'information aux membres du comité » ; que la salariée produisait encore le procès-verbal du comité d'entreprise extraordinaire du 18 décembre 2014, ayant permis la consultation du comité après la fin de la période de protection ; que dès lors, en s'abstenant d'analyser, même sommairement, les éléments de preuve précités, de nature à établir les manoeuvres dilatoires de l'employeur invoquées par la salariée, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que le juge est tenu de répondre aux moyens formulés par les parties dans leurs conclusions ; que dans ses écritures d'appel, la salariée faisait valoir, éléments de preuve à l'appui, que l'employeur n'avait procédé qu'à une recherche de reclassement factice, en lui faisant des offres qu'il savait inacceptables et en s'abstenant de lui proposer les postes disponibles qu'elle aurait pu accepter, ces prétendues démarches, dépourvues de sérieux, ayant pour objectif de retarder la procédure de licenciement pour laisser expirer la période de protection ; que l'employeur avait reconnu le manque de sérieux des offres proposées ; que dès lors, en se bornant à faire état des « démarches effectuées par l'employeur », et en jugeant que la preuve n'était pas rapportée de ce que l'employeur aurait volontairement attendu l'issue de la période de protection pour entamer la procédure de licenciement, sans répondre aux conclusions précitées, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que dans ses conclusions d'appel, la salariée invoquait un faisceau d'éléments dont la conjonction était de nature à établir que l'employeur avait volontairement laissé épuiser la période de protection avant de saisir l'inspection du travail d'une demande d'autorisation de licenciement, sachant qu'il ne pourrait justifier d'un motif économique ; que la salariée faisait valoir qu'elle avait refusé la modification de son contrat de travail dès le 24 juillet 2014, que des démarches de reclassement factices avait permis à l'employeur de repousser l'entretien préalable jusqu'au 25 novembre 2014, que la consultation du comité d'entreprise sur le projet de licenciement, dont l'employeur connaissait la nécessité dès octobre 2014, avait été reportée sans raison valable à deux reprises, que la consultation avait notamment été reportée lors de la réunion du 5 décembre 2014 parce que l'employeur s'était opportunément abstenu de transmettre les éléments nécessaires aux membres du comité, qu'un comité d'entreprise extraordinaire avait finalement été réuni le 18 décembre 2014, que cette opération montée de toutes pièces avait permis la saisine de l'inspection du travail après l'expiration de la période de protection, et que l'employeur avait, avec une célérité tranchant avec sa lenteur et ses atermoiements depuis l'été 2014, licencié la salariée dès le lendemain de la réception de la décision de refus de l'inspecteur ; que dès lors, en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si l'ensemble des éléments précités n'établissait pas que l'employeur avait manoeuvré pour laisser expirer le délai de protection avant de saisir l'inspection du travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2411-10 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige. »
Réponse de la Cour
11. En premier lieu, en l'état d'une décision d'incompétence de l'inspecteur du travail, intervenant après la demande faite par l'employeur d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, au motif que celui-ci n'était plus protégé au jour où il statue, décision à l'encontre de laquelle aucun recours n'a été exercé, le juge judiciaire ne peut analyser le licenciement prononcé par l'employeur en un licenciement nul intervenu en violation du statut protecteur.
12. En second lieu, l'arrêt constate qu'il ressort des différents échanges de courriels qu'avant d'entamer la procédure, l'employeur à la suite du refus de celle-ci de subir une baisse de son volume horaire annuel, a recherché des possibilités de reclassement, lesquelles n'ont pas abouti et que le délai qui s'est écoulé entre le refus de la salariée fin août 2014 et la convocation à l'entretien préalable, lequel s'est déroulé le 25 novembre 2014, ne paraît pas excessif au regard des démarches effectuées par l'employeur entre temps,
de sorte qu'il n'est pas démontré que la société ait sciemment retardé la mise en oeuvre de la procédure de licenciement à l'encontre de la salariée.
13. Il en résulte que la cour d'appel, qui en a déduit l'absence de déloyauté de l'employeur par une décision motivée et qui n'était pas tenue d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties, n'encourt pas les griefs du moyen.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Laisse à chacune des parties la charge de dépens par elle exposés ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux février deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société ESGCV, demanderesse au pourvoi principal
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué du 17 novembre 2017 (RG 17/05459) d'AVOIR infirmé l'ordonnance en ce qu'elle avait prononcé la caducité de la déclaration d'appel, d'AVOIR constaté que les conclusions de Mme [R] du 4 avril 2017 avaient été régulièrement déposées au greffe dans le délai prévu par la loi, et d'AVOIR dit en conséquence n'y avoir lieu à prononcer la caducité de l'appel,
AUX MOTIFS QUE « Mme [R] maintient que l'article 930-2 du code de procédure civile n'a jamais indiqué que les documents devaient être remis personnellement au greffe par le défenseur syndical. Elle affirme qu'ils peuvent donc être remis par un tiers. En outre elle fait valoir que l'article 930-2 du code de procédure civile modifié par le décret du 10 mai 2017 applicable immédiatement prévoit que les actes de procédure peuvent être adressés au greffe par lettre recommandée avec avis de réception et qu'une loi procédurale nouvelle peut également affecter, le cas échéant, des situations en cours dès lors qu'elles n'ont pas fait l'objet d'une décision juridictionnelle irrévocable. La société ESGCV fait valoir quant à elle :
- qu'il résulte des mentions portées par le greffe que la remise des conclusions de l'appelante a été effectuée par l'intéressée en personne,
- qu'il n'est pas prétendu que M. [B] se serait déplacé en personne, que le dépôt des conclusions par l'appelant ne vaut pas remise par le représentant, que même en suivant le raisonnement de Mme [R] sur l'application de la loi de procédure dans le temps, la solution de la caducité demeure puisqu'il n'est pas soutenu que les conclusions ont été envoyées en recommandé ;
- qu'en aucune hypothèse ni avant, ni après l'entrée en [v]igueur du décret du 10 mai 2017 la remise des conclusions au greffe par la partie elle-même n'est admise en matière de procédure avec représentation obligatoire.
Il convient de rappeler que les dispositions des articles 930-1 et 930-2 du code de procédure civile dans leur version antérieure à l'entrée en vigueur du décret du 6 mai 2017 ne prévoient pas la remise au greffe des actes de procédure par le défenseur syndical lui-même mais seulement la remise au greffe de ces derniers. En l'absence d'un autre formalisme plus précis il doit être considéré que les conclusions peuvent être remises au greffe par toute personne désignée par le défenseur syndical. Tel est bien le cas en l'espèce puisque les conclusions signées par le défenseur syndical sont en outre accompagnées d'un courrier de transmission à l'entête de ce dernier revêtu de sa signature. En conséquence, les conclusions de Mme [R] ont été régulièrement remises au greffe le 4 avril 2017 et ce dans les 3 mois de la déclaration d'appel. Il y a lieu d'infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a prononcé la caducité de la déclaration d'appel » ;
ALORS QUE selon les articles R. 1461-1 et R. 1461-2 du code du travail, l'appel porté devant la chambre sociale de la cour d'appel est formé, instruit et jugé suivant la procédure avec représentation obligatoire et les parties doivent s'y faire représenter par un avocat ou par un défenseur syndical, ce dernier pouvant accomplir valablement les actes de la procédure d'appel qui sont mis à la charge de l'avocat ; qu'il résulte de ces textes et de l'article 930-2 du code de procédure civile que les actes de procédure et notamment les conclusions d'appel ne peuvent être remises au greffe que par le défenseur syndical et non par la partie elle-même ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué du 26 juin 2019 (RG 17/06445) d'AVOIR fixé le salaire mensuel de Mme [R] à la somme de 1 886,77 euros pour la période juillet 2013 à mai 2015, d'AVOIR dit que Mme [R] avait le statut de cadre à compter du 1er juillet 2013, d'AVOIR condamné en conséquence la société ESGCV à payer à Mme [O] [R] les sommes de 8 641,58 euros à titre de rappel de salaires et 1 886,67 euros à titre de solde de l'indemnité compensatrice de préavis, d'AVOIR dit que le licenciement de Mme [R] était sans cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné en conséquence la société ESGCV à lui payer la somme de 18 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné la société ESGCV à payer à Mme [R] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel,
AUX MOTIFS QUE « Sur la fixation du salaire mensualisé à compter du changement de convention collective : Mme [R] fait valoir que son employeur n'a pas pris en compte son temps de travail conformément aux principes de la convention collective de branche applicable à son contrat de travail à compter du 1er juillet 2013. Il ressort des pièces versées aux débats qu'à l'occasion de l'absorption de la société SOGEDEC par la société ESGCV, la convention collective applicable à compter du 1er juillet 2013 au contrat de travail de Mme [R] est la convention collective de l'enseignement privé hors contrat. Antérieurement à cette date, le contrat de travail de Mme [R] était soumis à la convention collective des organismes de formation. L'article 10.3 de cette Convention collective relatif au temps de travail effectif prévoit : "- Durée du travail des formateurs D et E Pour les formateurs des niveaux D et E, titulaires de contrats à durée indéterminée ou de contrats à durée déterminée, à plein temps ou à temps partiel au sens des dispositions légales applicables, les accords d'entreprise ou le contrat de travail doivent apprécier et fixer le temps de travail qui est globalement consacré aux diverses fonctions des formateurs. Des accords d'entreprise ou les contrats individuels peuvent prévoir des dispositions analogues pour les formateurs des niveaux supérieurs. Le temps de travail se répartit entre l'acte de formation (AF), les temps de préparation et recherche liées à l'acte de formation (PR) et les activités connexes (AC). Par acte de formation, il faut entendre toute action à dominante pédagogique, nécessitant un temps de préparation et de recherche, concourant à un transfert de connaissance, à l'animation de séquences de formation en présence, individuelle ou collective, directe ou médiatisée, sur place ou à distance, de stagiaire(s) ou apprenant(s). Par PR, il faut entendre, à titre d'exemple, les activités de conception, de recherche, de préparation personnelle ou matérielle des stages, les réunions et l'ingénierie, quand ces activités sont directement liées à la mise en oeuvre de l'AF. Par activités connexes, il faut entendre, à titre d'exemple non exhaustif, selon les organisations mises en oeuvre dans l'entreprise, les activités de conception, d'ingénierie, quand elles ne sont pas directement liées à la mise en oeuvre de l'AF et les activités complémentaires : information, accueil, orientation, bilan, placement, réponse aux appels d'offre, suivi, relations « tutorales », réunion dont l'objet n'est pas directement lié à l'AF, permanence, commercialisation et relation avec les prescripteurs ou partenaires. Le temps d'AF, selon la définition ci-dessus, ne peut excéder 72 % de la totalité de la durée de travail effectif consacrée à l'AF et à la PR, l'AC étant préalablement déduite de la durée de travail effectif. La durée moyenne hebdomadaire d'AF est de 25,20 heures sur l'année pour un salarié à plein temps. Les temps de travail consacrés à l'AF, à la PR et aux AC sont aussi modulables sur l'année." L'article 7.6 de la convention collective nationale de l'enseignement privé hors contrat, applicable au contrat de travail de Mme [R] à compter du 1er juillet 2013 est rédigé comme suit : « a) Le taux de base horaire est déterminé en divisant la rémunération annuelle de l'enseignant : - par 151,67 heures × 12 mois, soit 1 820 heures pour un salarié à temps plein (le temps plein de travail annuel étant de 1 534 heures) ; - par une fraction de cette durée annuelle déterminée proportionnellement au temps de travail pour un salarié à temps partiel. b) Pour la valorisation des heures de cours, ce taux de base est multiplié par le nombre d'heures de travail (temps d'activité de cours et d'activités induites correspondantes) calculé en multipliant le nombre d'heures de cours par le coefficient correspondant à la catégorie de l'enseignant et mentionné dans l'annexe II B, colonne 1, de la convention collective nationale. c) Les heures passées dans le cadre du contrat de travail qui ne sont pas des activités de cours et qui ne supposent ni préparation ni correction seront rémunérées au taux de base horaire défini au paragraphe a ci-dessus. d) Il sera procédé ainsi tant pour les heures complémentaires ou supplémentaires à rémunérer que pour le calcul des retenues à opérer sur la rémunération d'un enseignant, notamment au titre d'heures d'activité de cours non effectuées (en dehors des cas de maintien de la rémunération prévus par la convention collective ou par le code du travail). e) Les heures supplémentaires ou complémentaires seront majorées conformément aux dispositions légales ou conventionnelles. Pour le décompte et la rémunération des heures supplémentaires, un tableau précisant les modalités propres à chaque niveau d'enseignement figure à l'annexe II. Il prévoit notamment le déclenchement des taux conventionnels et légaux de majoration en tenant compte des heures induites. f) L'employeur veillera, en application de l'article L. 3141-22 du code du travail, à ce que la somme calculée ci-dessus soit bien intégrée dans l'assiette de détermination des droits à congés payés. » Ainsi que le fait justement observer Mme [R], le mode de calcul du temps de travail est différent de celui qui était posé sous l'empire de la convention collective des organismes de formation. Par application de l'article 7. 6 de ladite convention qui renvoie à l'annexe II B, colonne 1, une heure de cours correspond à 1,7755 heure de travail (compte tenu du temps de préparation appelé 'heures induites') pour les enseignements à Bac + 2 et une heure de cours correspond à 2,0453 heures de travail (compte tenu du temps de préparation appelé "heures induites") pour les enseignements à Bac + 3. Ainsi, conformément à ce que soutient l'appelante, et au regard de l'avis d'interprétation émis par la commission paritaire nationale d'interprétation et de conciliation le 15 octobre 2014, il convient de considérer que pour atteindre une rémunération du travail constante, le nombre d'heures de face à face pédagogique de Mme [R] aurait dû être réduit au prorata pour tenir compte du ratio d'heures induites résultant des coefficients de la convention de l'enseignement privé hors contrat. De fait, ce ratio n'a pas été appliqué par l'employeur qui a continué à appliquer celui résultant de la convention collective des organismes de formation. Par ailleurs, la convention collective de l'enseignement privé prévoit 7 semaines de congés payés (6 semaines + 5 jours ouvrés mobiles), soit 14 % d'indemnité, au lieu de 12 % avec la convention collective des organismes de formation. De l'ensemble de ces éléments, la cour déduit que Mme [R] aurait dû percevoir pour une heure de face-à-face pédagogique la somme de 34,85 euros à bac+2 et celle de 40,17 euros à bac+3. L'appelante est en conséquence fondée à solliciter que son salaire mensualisé soit fixé à la somme de 1886,77 euros, congés payés inclus. En infirmant la décision déférée, la cour condamne la société ESGCV à payer à Mme [R] la somme de 8641,58 euros, congés payés inclus, à titre de rappel de salaire, et celle de 1144,32 euros à titre de complément d'indemnité de licenciement.
Sur la classification (...) Après le 1er juillet 2013 : À la lecture des bulletins de salaire de Mme [R], il apparaît qu'à partir du 1er octobre 2013, a été appliqué la convention collective de l'enseignement privé hors contrat. La classification mentionnée sur lesdits bulletins de salaire pour Mme [R] est : « technicien C », catégorie « employé ». L'article 6.5.1. de la convention collective définie comme suit les catégories professionnelles des enseignants : « Pour les enseignants, indépendamment des niveaux et des échelons définis ci-dessus, 2 catégories sont retenues : technicien et cadre. a) Catégorie professionnelle Technicien. Le technicien est un collaborateur qualifié à très qualifié, justifiant ou non d'une formation supérieure et/ou d'une expérience significative et ne satisfaisant pas aux conditions requises pour bénéficier du statut de cadre tel que défini ci-dessous. Tout enseignant intervenant au niveau préélémentaire et primaire (niveau I) est classé dans la catégorie Technicien sauf décision de l'employeur de le positionner comme cadre. Dans cette catégorie figurent les moniteurs techniques qui occupent des fonctions nécessitant des connaissances pratiques et/ou manuelles acquises par formation spécifique et/ou expérience professionnelle. Ces fonctions correspondent à l'animation, à la transmission de la technicité et du savoir-faire professionnel. Les fonctions du moniteur technique nécessitent des capacités d'adaptation au regard des publics constitués ; elles sont assumées sous l'autorité, le contrôle et l'évaluation d'un responsable pédagogique ou d'un enseignant ; elles ne se traduisent, en aucun cas, dans un enseignement de type magistral et ne donnent pas lieu à correction différée. À titre indicatif, sont notamment concernés par l'emploi de moniteur technique, les activités telles que esthétique-cosmétique, coiffure, prothèse dentaire, cuisine, hygiène-propreté, ainsi que les laborantin (e) s et, d'une manière générale, tous les chargé (e) s de travaux pratiques. b) Catégorie professionnelle Cadre. Dans l'enseignement secondaire, technique et supérieur tels que définis dans le champ d'application de la présente convention collective, l'enseignant cadre est un salarié qui, par sa formation, ses compétences et son expérience confirmées, exerce des responsabilités réelles. À cet égard, le statut de cadre est attribué à un enseignant dès lors qu'il satisfait aux 4 critères cumulatifs cidessous : 1° La possession d'un diplôme ou d'un titre de niveau minimum bac + 4 ; 2° Une expérience d'enseignement d'au minimum 3 années scolaires complètes dans un ou plusieurs établissements relevant du champ d'application de la présente convention collective ; 3° Une charge de travail dans l'établissement correspondant au minimum à 2/3 de la durée conventionnelle de sa catégorie ; 4° L'initiative et la liberté d'agir et de faire sont ainsi définies : avoir la possibilité d'adapter le programme des cours soit dans ses grandes lignes par une approche différente, soit d'après le niveau des élèves ou des étudiants ; avoir la possibilité de choisir les sujets, le rythme des contrôles de connaissances et des examens internes quand la structure le permet. Cependant, tout enseignant ne disposant pas de la totalité des critères précités peut être reconnu cadre par son employeur. » Pour disposer de plein droit du statut de cadre, le salarié doit réunir les 4 critères prévus par cet article. En l'espèce, Mme [R] qui est titulaire d'un doctorat en mécanique physique dispose du diplôme du niveau suffisant requis pour être classée en qualité de cadre. Elle bénéficiait en octobre 2013 d'une expérience professionnelle de plus de 11 ans. Le temps de travail du personnel enseignant fait l'objet d'une définition spécifique prévue à l'article 4. 4 de la convention collective : « Article 4.4 Durée du travail, jours fériés et congés du personnel enseignant 4.4.1. Définition du temps de travail du personnel enseignant : Le travail d'un enseignant ne se limite pas au seul face-à-face pédagogique. L'activité normalement attendue d'un enseignant comprend les heures de cours et, forfaitairement, les activités induites déployées à l'intérieur ou à l'extérieur de l'établissement, durant les semaines de cours ou en dehors de celles-ci. Les heures d'activités induites découlent forfaitairement et proportionnellement des heures d'activité de cours effectuées. Cette proportionnalité est calculée sur la seule base des activités de cours.... Les modalités de la rémunération sont définies à l'article 7.6...." L'article 4. 4. 2 fixe le temps plein de travail du personnel enseignant à 1 534 heures par an incluant les cours et les activités induites. Dans l'enseignement supérieur, pour les enseignants n'effectuant pas d'activités de recherche, la convention collective prévoit : « a) Le temps plein dans l'enseignement post bac + 3 menant à un diplôme national, à un titre visé ou certifié, est fixé à 1 534 heures de travail annuel, dont 750 heures d'activité de cours et 784 heures forfaitaires d'activités induites. Les heures d'activité de cours sont calculées sur une base maximale de 35 semaines et d'un horaire hebdomadaire moyen de 25 heures. » Lorsque l'enseignement est dispensé dans l'enseignement technique secondaire et technique supérieur, le temps plein est de 1 534 heures, dont 864 heures d'activité de cours et 670 heures forfaitaires d'activités induites. En l'espèce, l'avenant à son contrat de travail signé le 1er octobre 2013 par Mme [R] pour l'année scolaire 2013/2014 prévoit au titre de la durée du travail : « la durée annuelle minimale du travail de l'enseignante est fixée pour la période de référence à : -563,50 heures de cours, se décomposant comme suit : ... (est inclus un tableau détaillant les sections, les matières enseignées, et le nombre d'heures pour chacune d'entre elles) -447,77 heures induites découlant forfaitairement et proportionnellement des heures de cours. Cette proportionnalité est calculée, conformément aux dispositions de ladite convention (convention collective de l'enseignement privé hors contrat), sur la seule base des activités de cours. » Du tableau détaillant les cours dispensés par Mme [R], il ressort qu'elle enseignait en BTS à hauteur de 523,50 heures et au niveau bac+3 pour 40 heures. Il en résulte que pour le calcul de son temps partiel par rapport à un temps plein, au titre des seules heures de cours, Mme [R] bénéficiait pour son enseignement en BTS de 62,90 % d'un temps plein, et pour son enseignement en Bachelor de 5 % d'un temps plein. Elle était donc bien employée à plus des 2/3 d'un temps plein et c'est à tort que le conseil de prud'hommes a estimé que Mme [R] ne remplissait pas le 3e critère exigé pour se voir attribuer le statut de cadre. Enfin, s'agissant du 4e critère, Mme [R] démontre par la production de 2 attestations qu'elle assurait ses cours en totale autonomie, organisait les contrôles durant son cours selon la progression pédagogique en toute liberté, choisissait ellemême les sujets des devoirs, sans avoir à justifier de ses choix, et s'est toujours appuyée sur les référentiels du BTS pour organiser sa progression pédagogique. Dès lors, il convient, en infirmant la décision déférée, de dire que c'est à juste titre que Mme [R] revendique le statut de cadre à compter du 1er juillet 2013. Il sera ordonné l'affiliation de Mme [R] à la caisse de retraite complémentaire avec paiement de toutes les cotisations afférentes à compter du 1er juillet 2013, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette condamnation d'une astreinte. Elle est donc bien fondée à solliciter d'une part la condamnation de la SASU ESGCV à un rappel de salaire de 8641,58 euros, congés payés inclus, pour la période juillet 2013-mai 2015, outre un complément d'indemnité compensatrice de préavis, et l'intimée sera condamnée à lui régler la somme de 1886,67 euros à ce titre. Sur l'absence de cause et sérieuse du licenciement : Aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou d'une transformation d'emploi ou d'une modification refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. Une réorganisation de l'entreprise, lorsqu'elle n'est pas liée à des difficultés économiques ou des mutations technologiques, peut justifier un licenciement pour cause économique consécutif à une suppression d'emploi si elle est effectuée pour sauvegarder la compétitivité. L'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa version applicable au présent litige, dispose : 'Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. À défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.
Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.' Le manquement par l'employeur à son obligation de reclassement préalable au licenciement prive celui-ci de cause réelle et sérieuse et ouvre droit au profit du salarié au paiement de dommages- intérêts. C'est à l'employeur de démontrer qu'il s'est acquitté de son obligation de reclassement, laquelle est de moyens. Il en résulte que lorsque l'employeur invoque un motif économique pour rompre le contrat de travail, la lettre de licenciement doit énoncer à la fois la raison économique qui fonde sa décision mais aussi ses conséquences précises sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié. La situation économique invoquée s'apprécie en fonction de l'activité globale de l'entreprise. Lorsqu'elle est simplement partielle, la cessation d'activité ne constitue pas en soi un motif économique de licenciement, l'employeur devant alors justifier sa décision en invoquant des difficultés économiques ou une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité. Le refus par le salarié d'une proposition de modification de son contrat de travail, qui ne constitue pas une offre de reclassement, ne libère pas l'employeur de son obligation de reclassement, qui doit être mise en 'oeuvre préalablement au licenciement. En l'espèce, les motifs énoncés dans la lettre de licenciement de Mme [R] sont les suivants : « comme rappelé par LRAR du 9 décembre 2014, lors de cet entretien, nous vous avions exposé les raisons pour lesquelles nous étions dans l'obligation d'envisager votre licenciement pour motif économique lié à un impératif de sauvegarde de notre compétitivité en vue de la rentrée de septembre 2014, nous avons été contraints de vous proposer par LRAR du 22 juillet 2014, une diminution de votre volume horaire annuel de travail dans le respect des dispositions légales de l'article L. 1222-6 du code du travail et conventionnel en vigueur. Cette proposition de modification de votre contrat de travail était la conséquence des fermetures des classes chef de projet informatique (CPI 4e année) et services informatiques aux organisations (SIO premières années), et de la diminution importante du nombre d'heures de cours dans votre discipline. Ces fermetures avaient été rendues nécessaires au regard de la baisse répétée des effectifs inscrits au cours de ces dernières années. Ainsi, pour la formation CPI, les effectifs inscrits étaient passés de 20 étudiants à la rentrée 2009 à 6 étudiants à la rentrée 2012. Et, avant la décision de fermeture définitive de la classe CPI 3e année à la rentrée 2013 (induisant la fermeture de la 4e année de la rentrée suivante), nous avions eu durant 3 années successifs une classe à effectif réduit. Ensuite, concernant la formation SIO, le constat fut malheureusement le même. Les effectifs inscrits étaient passés de 22 étudiants à la rentrée 2009 à 13 étudiants à la rentrée 2013. Là encore, durant 4 années, nous ne sommes jamais parvenus à maintenir un effectif de 22 étudiants ou plus. Or, s'agissant des formations ses PI et SIO, il s'agit de formations BTS qui sont encadrées très strictement par des référentiels d'État. À ce titre, nous sommes donc tenus de dispenser le nombre d'heures exactes prévues par lesdits référentiels, et ce quel que soit l'effectif réel inscrit. Dès le lendemain de la réception de notre proposition, vous nous avez fait part par LRAR du 24 juillet 2014, de votre refus d'accepter notre proposition de volume horaire prévisionnel.... malgré les contraintes liées à vos souhaits de reclassement, nous vous avons tout mis en oeuvre pour rechercher toutes les possibilités de reclassement compte tenu de vos refus successifs d'accepter notre proposition de volume horaire du 22 juillet 2014 et nos propositions de reclassement des 4 septembre et 2 octobre dernier, et à défaut d'autre poste disponible et conforme à vos souhaits et à vos compétences, nous vous avons informé par LRAR du 31 octobre 2014 de notre impossibilité de vous reclasser et de l'engagement à venir d'une procédure de licenciement pour motif économique à votre égard.' » En l'espèce, la société ESGCV invoque à l'appui du licenciement de Mme [R] un impératif de sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise. À l'appui de cette allégation, l'employeur se contente de faire état de la fermeture de 2 classes en raison d'une baisse importante du nombre d'étudiants inscrits, mais n'explique pas en quoi le nombre d'étudiants en mesure de suivre lesdites formations serait insuffisant pour garantir le maintien de la compétitivité de l'entreprise. En outre, la société prétend que les formations BTS sont encadrées très strictement par des référentiels d'État, et qu'à ce titre l'école est tenue de dispenser le nombre d'heures exact prévues par lesdits référentiels, et ce quel que soit l'effectif réel inscrit. Cependant, Mme [R] verse aux débats une attestation de Mme [Y], directrice pédagogique de l'école écran de 2006 à 2012 dans laquelle enseignait Mme [R], qui indique notamment : « L'école ne respectait pas les référentiels de l'éducation nationale prévus pour les divers BTS préparés par les étudiants, ce qui permettait à l'école de réaliser des économies et entraînait pour les enseignants une baisse de leur charge de travail. Au cours des années, la tendance a été à l'accentuation de ces baisses d'heures d'enseignement au détriment de la qualité pédagogique de l'enseignement. » Même si les difficultés économiques ne sont pas avancées par l'employeur pour justifier le licenciement, la cour constate que le compte de résultat versé aux débats démontre au contraire que l'entreprise est particulièrement saine sur un plan financier. Ainsi, ni de quelconques difficultés économiques, ni la nécessité d'une sauvegarde de la compétitivité ne sont démontrées pour justifier le licenciement de Mme [R] qui sera dès lors jugé abusif, le jugement déféré étant infirmé. Tel qu'il résulte des pièces et explications fournies, prenant en compte le nombre de salariés dans l'entreprise, supérieur à 11, l'âge de 56 ans de Mme [R], son ancienneté de 13 années, sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, des circonstances de la rupture, du montant de sa rémunération, il y a lieu de lui allouer une somme de 18.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. » ;
ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen de l'arrêt du 17 novembre 2017 ayant, à tort, refusé de déclarer caduc l'appel de Mme [R] entraînera, par voie de conséquence, l'annulation de l'arrêt du 26 juin 2019 ayant statué au fond sur ses demandes, par application de l'article 625 du code de procédure civile. Moyen produit par Me Ridoux, avocat aux Conseils, pour Mme [R], demanderesse au pourvoi incident
Mme [O] [R] FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de la cour d'appel de Bordeaux du 26 juin 2019 de L'AVOIR déboutée de sa demande tendant à voir déclarer nul son licenciement, et de L'AVOIR déboutée de ses demandes subséquentes en réintégration et en paiement des salaires échus jusqu'à sa réintégration effective ;
1°) ALORS QUE le licenciement d'un salarié protégé, prononcé en violation du statut protecteur, est nul ; que l'employeur est tenu de demander l'autorisation administrative de licencier un salarié lorsque ce dernier bénéficie du statut protecteur à la date de l'envoi de la convocation à l'entretien préalable au licenciement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que Mme [R] bénéficiait du statut de salarié protégé lorsqu'elle avait été convoquée, le 14 novembre 2014, à un entretien préalable à un éventuel licenciement économique ; qu'elle a encore constaté que la demande d'autorisation de rompre le contrat de travail avait été rejetée par l'inspection du travail, par décision du 27 février 2015 (arrêt attaqué, p. 3 ; production n° 2) ; que dès lors, en refusant de déclarer nul le licenciement de Mme [R], la cour d'appel a violé l'article L. 2411-10 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige ;
2°) ALORS, en tout état de cause, QUE le juge a l'obligation d'analyser les éléments de preuve qui lui sont soumis ; qu'en l'espèce, dans ses écritures d'appel, Mme [R] faisait valoir que l'employeur avait sciemment retardé la procédure de licenciement pour saisir l'inspection du travail après l'expiration de la période de protection (conclusions d'appel, p. 20 à 23, et p. 28 dernier § à p. 30) ; qu'à l'appui de sa démonstration, elle produisait les ordres du jour et les procès-verbaux des comités d'entreprise des 7 novembre 2014 et 5 décembre 2014, dont il résultait que la consultation portant sur le projet de licenciement, bien que mise à l'ordre du jour, avait été reportée à deux reprises sans raison légitime (productions n° 4 et 5 ; conclusions d'appel, p. 21) ; que lors du comité d'entreprise du 5 décembre 2014 -postérieur à l'entretien préalable et contemporain de la période de protection-, la directrice des ressources humaines, Mme [G], avait reconnu que « le comité d'entreprise [devait] donner un avis mais que cette procédure ne [pouvait] s'effectuer maintenant car elle n'[avait] pas adressé dans les délais requis les documents d'information aux membres du comité » (production n° 5, p. 4 in fine ; conclusions d'appel, p. 21 § 4) ; que Mme [R] produisait encore le procès-verbal du comité d'entreprise extraordinaire du 18 décembre 2014, ayant permis la consultation du comité après la fin de la période de protection (production n° 6 ; conclusions d'appel, p. 21 § 5) ; que dès lors, en s'abstenant d'analyser, même sommairement, les éléments de preuve précités, de nature à établir les manoeuvres dilatoires de l'employeur invoquées par la salariée, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS, en outre, QUE le juge est tenu de répondre aux moyens formulés par les parties dans leurs conclusions ; que dans ses écritures d'appel, Mme [R] faisait valoir, éléments de preuve à l'appui, que l'employeur n'avait procédé qu'à une recherche de reclassement factice, en lui faisant des offres qu'il savait inacceptables et en s'abstenant de lui proposer les postes disponibles qu'elle aurait pu accepter, ces prétendues démarches, dépourvues de sérieux, ayant pour objectif de retarder la procédure de licenciement pour laisser expirer la période de protection (conclusions d'appel, p. 20 dernier §, et p. 28 dernier § à p. 30) ; que l'employeur avait reconnu le manque de sérieux des offres proposées (conclusions d'appel, p. 29 § 2 ; production n° 5, p. 5) ; que dès lors, en se bornant à faire état des « démarches effectuées par l'employeur », et en jugeant que la preuve n'était pas rapportée de ce que l'employeur aurait volontairement attendu l'issue de la période de protection pour entamer la procédure de licenciement, sans répondre aux conclusions précitées, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°) ET ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, Mme [R] invoquait un faisceau d'éléments dont la conjonction était de nature à établir que l'employeur avait volontairement laissé épuiser la période de protection avant de saisir l'inspection du travail d'une demande d'autorisation de licenciement, sachant qu'il ne pourrait justifier d'un motif économique (conclusions d'appel, p. 20 à 23, et p. 28 dernier § à p. 30) ; que la salariée faisait valoir qu'elle avait refusé la modification de son contrat de travail dès le 24 juillet 2014, que des démarches de reclassement factices avait permis à l'employeur de repousser l'entretien préalable jusqu'au 25 novembre 2014, que la consultation du comité d'entreprise sur le projet de licenciement, dont l'employeur connaissait la nécessité dès octobre 2014, avait été reportée sans raison valable à deux reprises, que la consultation avait notamment été reportée lors de la réunion du 5 décembre 2014 parce que l'employeur s'était opportunément abstenu de transmettre les éléments nécessaires aux membres du comité, qu'un comité d'entreprise extraordinaire avait finalement été réuni le 18 décembre 2014, que cette opération montée de toutes pièces avait permis la saisine de l'inspection du travail après l'expiration de la période de protection, et que l'employeur avait, avec une célérité tranchant avec sa lenteur et ses atermoiements depuis l'été 2014, licencié la salariée dès le lendemain de la réception de la décision de refus de l'inspecteur ; que dès lors, en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si l'ensemble des éléments précités n'établissait pas que l'employeur avait manoeuvré pour laisser expirer le délai de protection avant de saisir l'inspection du travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2411-10 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige.