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26/06/2019 | FRANCE | N°17/03760

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 26 juin 2019, 17/03760


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 26 JUIN 2019



(Rédacteur : Madame Annie CAUTRES, conseillère)



PRUD'HOMMES



N° RG 17/03760 - N° Portalis DBVJ-V-B7B-J4U2







SAS FIDUCIAL PRIVATE SECURITY



c/



Monsieur [Z] [O]



SAS PROSEGUR SÉCURITÉ HUMAINE

















Nature de la décision : AU FOND



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Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 mai 2017 (R.G. n°F 15/02629) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 22 juin 2017,





APPEL...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 26 JUIN 2019

(Rédacteur : Madame Annie CAUTRES, conseillère)

PRUD'HOMMES

N° RG 17/03760 - N° Portalis DBVJ-V-B7B-J4U2

SAS FIDUCIAL PRIVATE SECURITY

c/

Monsieur [Z] [O]

SAS PROSEGUR SÉCURITÉ HUMAINE

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 mai 2017 (R.G. n°F 15/02629) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 22 juin 2017,

APPELANTE :

SAS FIDUCIAL PRIVATE SECURITY agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 1]

N° SIRET : 381 162 197

assistée de Me Claire LE BARAZER de la SCP CLAIRE LE BARAZER & LAURÈNE D'AMIENS, avocat au barreau de BORDEAUX,

représentée par Me Claudine THOMAS, avocat au barreau d'ANGERS

INTIMÉS :

Monsieur [Z] [O]

né le [Date naissance 1] 1980 de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

assisté de Me Christophe CHATARD, avocat au barreau de BORDEAUX

SAS PROSEGUR SÉCURITÉ HUMAINE prise en la personne de son représentant légal,demeurant en cette qualité audit siège [Adresse 3]

N° SIRET : 338 246 317

assistée de Me Annie TAILLARD de la SCP ANNIE TAILLARD AVOCAT, avocat au barreau de BORDEAUX,

représentée par Me Hugues PELISSIER, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 mars 2019 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Nathalie Pignon, présidente

Madame Annie Cautres, conseillère

Madame Sylvie Heras de Pedro, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Anne-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile,

- prorogé au 26 juin 2019 en raison de la charge de travail de la cour.

***

EXPOSE DU LITIGE

M. [Z] [O] a travaillé au sein du site de l'Atelier Industriel de l'Aéronautique de [Localité 1] (AIA) pour le compte de la SAS Fiducial Private Security.

Suite à une procédure d'appel d'offres relatif à l'exécution de prestations de gardiennage, de protection contre les risques d'incendie, de pollution et d'interventions de premier secours au profit de l'AIA, la SAS Prosegur Sécurité humaine a emporté le marché et a ainsi succédé à la SAS Fiducial Private Security à compter du premier novembre 2014.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 17 octobre 2014, La SAS Prosegur Sécurité Humaine a adressé à Monsieur [O], ainsi qu'à 24 autres salariés de la société Fiducial, une proposition de reprise accompagnée d'un contrat de travail, en application des dispositions conventionnelles de branche issue d'un avenant en date du 28 janvier 2011.

Monsieur [O], ainsi que d'autres salariés, a refusé de signer le contrat proposé.

Le 7 novembre 2014, la SAS Fiducial Private Security a rompu le contrat de travail du salarié.

Le 7 novembre 2014, Monsieur [O], a saisi le conseil de prud'hommes en sa formation référé en vue d'enjoindre à la SAS Prosegur Sécurité Humaine de lui fournir du travail.

Suivant ordonnance de référé en date du 16 février 2015, le juge a rejeté les demandes formulées par M. [O].

Par arrêt en date du 16 avril 2015, la cour d'appel de Bordeaux a confirmé les dispositions de l'ordonnance susvisée.

Le 17 décembre 2015, Monsieur [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux en vue de contester la rupture de son contrat de travail.

Par jugement en date du 19 mai 2017, notifié le 22 mai 2017 à M. [O], le conseil de prud'hommes de Bordeaux a :

dit que les dispositions conventionnelles de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité étaient applicables au transfert du marché du site de l'AIA au 1er novembre 2014,

mis hors cause la société Prosegur Sécurité Humaine,

rejeté la demande de mise hors cause de la société Fiducial Private Security,

dit que la rupture du contrat de travail à durée indéterminée de Monsieur [O] s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

condamné la société Fiducial Private Security à verser à Monsieur [O] les sommes de :

-3 648,88 euros en brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

-364,88 euros en brut à titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente,

-1 309,55 euros à titre d'indemnité de licenciement,

-15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-500 euros à titre d'indemnité sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

ordonné à la société Fiducial Private Security de rembourser à Pôle emploi la somme équivalente de trois mois des indemnités journalières versées à Monsieur [O],

débouté Monsieur [O] de ses autres demandes,

débouté la SAS Fiducial Private Security de sa demande d'appel en garantie,

débouté les SAS Prosegur Sécurité Humaine et Fiducial Private Security de leurs demandes reconventionnelles respectives,

condamné la société Fiducial Private Security aux dépens d'instance et frais éventuels d'exécution.

Par déclaration en date du 22 juin 2017, la SAS Fiducial Private Security a relevé appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas discutées.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par RPVA au greffe de la Cour d'appel de Bordeaux le 20 décembre 2017, la SAS Fiducial Private Security sollicite :

que le jugement du conseil de prud'hommes soit confirmé en ce qu'il a débouté M. [O] de sa demande de rappel de salaire,

qu'elle soit mise hors cause à titre principal et qu'il soit jugé que la SAS Prosegur Sécurité Humaine est l'employeur de Monsieur [O],

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où il ne serait pas fait application de l'article L 1224-1 du Code du Travail, qu'elle soit mise hors de cause et qu'il soit jugé que la SAS Prosegur Sécurité Humaine est devenue l'employeur de M. [O],

que la SAS Prosegur Sécurité Humaine soit condamnée à la garantir à hauteur de la totalité des condamnations.

Par ordonnance en date du 10 janvier 2018 le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions de M. [O], faute d'avoir respecté les délais de la loi.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par RPVA au greffe de la Cour d'appel de Bordeaux le 16 janvier 2019, la SAS Prosegur Sécurité Humaine sollicite la confirmation du jugement et que la SAS Fiducial Private Security soit condamnée à lui verser la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 24 janvier 2019 et le conseiller de la mise en état a fixé l'affaire à l'audience du 25 mars 2019.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le transfert du contrat de travail

Attendu que conformément à l'article L.1224-1 du code du travail lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ;

Attendu que le préambule de l'avenant en date du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel au sein des entreprises de prévention et de sécurité dispose dans son préambule 'cet accord emporte ainsi révision des accords conclus les 18 octobre 1995 et 5 mars 2002 auxquels il se substitue intégralement et ne s'inscrit ni dans le cadre de l'article L.1224-1 du code du travail, ni dans celui d'une application volontaire de cet article mais exclusivement dans le cadre d'un transfert de marché d'un prestataire à un autre' ;

Attendu que la seule perte d'un marché ne suffit pas à justifier l'application exclusive de l'accord collectif susvisé dans la mesure où, l'article L.1224-1 du code du travail, d'ordre public, a matière à s'appliquer lorsque la perte du marché s'accompagne du transfert d'une entité économique autonome ;

Attendu que constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif économique propre ;

Que le transfert d'une telle entité se réalise si des moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l'exploitation de l'entité sont repris, directement ou indirectement par un nouvel exploitant ;

Attendu qu'il convient au préalable de dire que l'AIA est un établissement du service industriel de l'aéronautique qui a pour mission de procéder à la maintenance et à la réparation des moteurs d'aéronefs au profit des armées ;

Que l'AIA de [Localité 1] est implanté sur deux sites très protégés, soit [Localité 2] et [Localité 3] dont la superficie totale est très importante, soit au total 46 hectares contenant 64 bâtiments ;

Attendu que le marché concerne des prestations sur les deux sites ;

Attendu qu'au vu du cahier des pièces particulières en date du 25 juin 2014 relatif à l'exécution des prestations de gardiennage, de protection contre les risques d'incendie, de pollution et d'intervention de premier secours au profit de l'AIA les éléments suivants sont à souligner :

l'AIA met à la disposition du titulaire du marché les locaux, des installations (un système centralisé de veille périmétrique, de vidéo surveillance, de report d'alarme, un système de contrôle des points de passage, un système informatique de gestion des accès, des systèmes de sécurité incendie, des extincteurs portatifs, des douches de sécurité portatives, un système d'alarme intrusion, un système de commande à distance de portails et de vanne-égout, des poteaux incendie), des véhicules (5 sur les deux sites), des matériels (tenue d'apiculteur, un système portatif d'inventaire des dispositifs mobiles de sécurité, des épandeuses de sable et sel, des moyens de pompage et stockage, un système d'obturateur pneumatique des canalisations, des ventilateurs, des tapis obturateurs, des appareils de mesure de valeurs explosives, des trousseaux de clés, des barrières de balisage) ;

Attendu que ce même cahier prévoit que le titulaire du marché assurera l'entretien du matériel précité et doit mettre en place les moyens de transmission et communication, les EPI et vêtements adaptés, les fournitures de bureau et de consommables nécessaires,

Attendu que la lecture attentive du cahier des clauses techniques particulières du 26 janvier 2010 concernant l'exercice des missions de gardiennage de la SAS Fiducial Private Security démontre que l'AIA a mis à disposition de l'entreprise les même locaux, installations et matériels que lors du marché de 2014;

Qu'au vu du descriptif susvisé il est incontestable que le titulaire du marché devait mettre en place des moyens résiduels (vêture, communication et consommables) alors que le donneur d'ordre a mis à disposition un matériel technique sophistiqué, lourd et indispensable à l'exercice des missions de prévention et surveillance ;

Attendu que si aucun document produit au dossier ne permet d'établir que les moyens corporels propres de la SAS Fiducial Private Security ont été transférés à la SAS Prosegur Sécurité humaine il est par ailleurs démontré par le descriptif susvisé que le donneur d'ordre, en l'espèce l'AIA, a mis à la disposition des prestataires successifs des éléments corporels d'exploitation nécessaires et significatifs ;

Attendu que, concernant le personnel, la SAS Fiducial Private Security produit au dossier :

l'organigramme du service de sécurité au sein de l'AIA mentionnant M. [Y] comme chef de site, 10 chefs de poste et adjoints, 12 équipiers et 5 hôtesses d'accueil, soit au total 28 salariés ;

le courrier de la SAS Fiducial Private Security remis en main propre le 9 octobre 2014 à la SAS Prosegur Sécurité humaine mentionnant le nom de tous les salariés transférables suite à la perte de marché du premier novembre 2014. Ce courrier dénombre 27 salariés ;

un tableau des personnels affectés à l'AIA détaillant les matricules, noms et prénoms, coefficient, date d'entrée et affectation au sein de l'AIA. Ce tableau comporte le nom de 27 salariés figurant dans l'organigramme à l'exception de M. [P]. La différence s'explique par l'ancienneté de l'organigramme dont l'édition remonte au temps où l'entreprise Néo détenait le marché de l'AIA ;

une attestation de M. [G] [T], responsable d'agence de la SAS Fiducial Private Security qui indique 'j'atteste que la planification des agents de sécurité affectés au site AIA [Localité 2] et [Localité 3] était de l'entière responsabilité de M. [Y], chef de site pour Fiducial Private Security. La communication des plannings auprès des agents s'organisait par affichage mensuel dans les locaux dédiés à la prestation . M. [Y] avait tous les moyens mis à sa disposition, un bureau individuel, un ordinateur portable et un téléphone portable pour gérer indépendamment son site des autres sites de l'agence. Il répondait directement à toutes demandes client ou salariés pour la gestion de la mission et à toute heure. Il remettait mensuellement les éléments de salaire à saisir par l'exploitation de [Localité 1]'. Cette attestation est confirmée par la fiche de management d'affaire 2 remplie le 19 novembre 2012 et non réellement contredite par l'attestation de M. [Y] produite au dossier par la SAS Prosegur Sécurité Humaine. En effet M. [Y] ne précise nullement qu'il ne réalisait pas les plannings et fait seulement état que M. [D] s'occupait des plannings sur le logiciel en place ;

un certain nombre d'évaluations des connaissances de salariés affectés sur le site de l'AIA, toutes effectuées par le chef de site M. [Y] ;

un courrier de la SAS Prosegur Sécurité humaine en date du 17 octobre 2014 adressé à la SAS Fiducial Private Security faisant état de la proposition de reprise des personnels dans le cadre du marché de l'AIA. 25 salariés sont concernés, et en particulier le chef de site ainsi que les agents techniques et d'accueil. 2 salariés ne feront pas l'objet d'une proposition de reprise faisant partie du personnel technique, ce qui est justifié dans le courrier 'au titre des 85%'. Enfin il résulte du courrier en date du 29 octobre 2014 produit au dossier que la SAS Prosegur Sécurité Humaine a accepté la reprise des deux derniers salariés visés ;

Attendu qu'il résulte de ces éléments que :

le site de l'AIA était géré sur le plan du personnel affecté de façon très autonome et indépendante ;

l'encadrement était assuré par une personne affectée sur le site et exerçant ses missions dans les locaux de l'AIA, même s'il n'est pas contesté que M. [Y] devait rendre des comptes à sa hiérarchie et respecter les ordres donnés ;

l'ensemble des salariés affectés à l'AIA travaillait exclusivement sur les deux sites dédiés et disposait d'une expérience certaine des lieux. Ce constat est d'ailleurs en adéquation avec les deux cahiers des charges de 2010 (page 24) et 2014 (page 34) qui prévoient 'le personnel intervenant sur le site devra connaître parfaitement l'établissement. Dans le cas de personnel nouveau, et jusqu'à acquisition d'une bonne connaissance du site il devra être accompagné par un personnel expérimenté sur ce site' ;

les salariés étaient affectés exclusivement à l'AIA et disposaient tous d'une certaine technicité (emplois des catégories d'agent de maîtrise, agents d'exploitation) d'ailleurs requise par les deux cahiers des charge ;

Attendu que les attestations produites par la SAS Prosegur Sécurité Humaine, notamment celles de messieurs [J] et [Q], volontairement imprécises quant à la réalité des tâches accomplies par le chef de site, ne font état que des ressources et moyens mis à la disposition par l'agence aux salariés ;

Attendu qu'il est donc démontré que le personnel affecté au sein de l'AIA, disposant de compétences spécifiques et d'ancienneté, était géré selon une organisation qui lui était propre (au niveau des plannings, des évaluations de connaissance, de la technicité des emplois) ;

Attendu que si les cahiers des charges de 2010 et 2014 prévoient que le titulaire du marché 'mettra en place l'organisation ainsi que la qualité des effectifs qu'il jugera nécessaires pour atteindre les objectifs de résultats', il ne s'agit que d'une clause usuelle de prestation de service signifiant l'autonomie du prestataire dans son domaine de compétence particulier ;

Attendu que la SAS Prosegur Sécurité Humaine s'est engagée à reprendre la quasi totalité du personnel (l'encadrement et les salariés affectés à l'AIA) sur les deux mêmes sites, avec le même matériel mis à disposition ;

Attendu que cette activité de prestation de gardiennage, de protection contre les risques d'incendie, de pollution et d'intervention de premier secours au profit de l'AIA a été poursuivie par le repreneur sans qu'aucune modification n'intervienne quant aux objectifs et aux contenus des missions ;

Que les modifications alléguées par la SAS Prosegur Sécurité Humaine ne concernent que les modalités d'organisation du temps de travail et n'ont aucune incidence sur la réalité de la poursuite d'activité ;

Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces développements que l'affectation exclusive de 28 salariés formés et dédiés à la mission de sûreté de l'AIA, y compris un chef de site et le transfert indirect de la majeure partie des moyens d'exploitation indispensables à l'exécution de ce type d'activité caractérisent l'existence d'un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels permettant l'exercice d'une activité économique poursuivant un objectif propre et que cette entité économique autonome a conservé son identité après la reprise d'activité par la SAS Prosegur Sécurité Humaine,

Attendu que le transfert du marché de prestation de gardiennage, de protection contre les risques d'incendie, de pollution et d'interventions de premier secours au profit de l'AIA de la SAS Fiducial Private Security à la SAS Prosegur Sécurité Humaine doit s'analyser en un transfert d'une entité économique autonome ;

Que les contrats de travail des salariés affectés par la SAS Fiducial Private Security à l'exécution du marché susvisé devaient se poursuivre de plein droit avec la SAS Prosegur Sécurité Humaine ;

Attendu que cependant la SAS Prosegur Sécurité Humaine, en proposant des avenants au contrats de travail des salariés intégrant une clause nouvelle de mobilité, a dérogé au principe posé par l'article 1224-1 du code du travail selon lequel les contrats de travail en cours sont maintenus dans les conditions mêmes où ils étaient exécutés au moment de la modification ;

Que cette clause de mobilité nouvelle, modifiant le contrat de travail des salariés, les a conduits à refuser de signer l'avenant de transfert ;

Attendu que pour autant les salariés se sont présentés sur leurs lieux de travail sans que la SAS Prosegur Sécurité Humaine ne leur fournisse de travail, ce qui n'est en l'espèce pas contesté ;

Qu'ils ont même saisi le juge des référés à cette fin ;

Attendu qu'il est démontré par les différents échanges entre les salariés et la SAS Prosegur Sécurité Humaine que celle-ci, par l'insertion de la clause de mobilité avant même le commencement d'exécution des contrats, a réalisé un détournement de procédure destiné à faire échec au transfert de plein droit des contrats de travail ;

Que la SAS Prosegur Sécurité Humaine ne peut s'exonérer de ses obligations légales en mettant en avant l'application des dispositions conventionnelles ;

Attendu qu'il n'est nullement contesté que M. [O] était affecté en qualité d'agent des services de sécurité incendie de l'AIA ;

Qu'en application des dispositions d'ordre public de l'article L.1224-1 du code du travail le contrat de travail de M. [O] a été transféré de plein droit à la SAS Prosegur Sécurité Humaine, et son licenciement, postérieur par la SAS Fiducial Private Security, est sans effet ;

Attendu qu'en refusant de reprendre le contrat de travail de M. [O] , malgré le transfert de plein droit, la SAS Prosegur Sécurité Humaine a pris l'initiative de rompre son contrat de travail ;

Que le licenciement de M. [O] , sans cause réelle et sérieuse, lui est imputable,

Attendu qu'à compter du premier novembre 2014 la SAS Fiducial Private Security, qui n'avait plus aucune activité au sein de l'AIA n'a pu poursuivre l'exécution des contrats de travail des salariés ;

Attendu qu'aucun élément au dossier ne permet d'établir l'existence d'une collusion frauduleuse entre le cédant et le cessionnaire en vue de faire échec aux dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail ;

Que la Sas Fiducial Private Security n'ayant commis aucune faute, la rupture du contrat de travail de M. [O] ne peut lui être imputée ;

Attendu que le jugement du conseil de prud'hommes de Bordeaux en date du 19 mai 2017 sera donc infirmé sur ce point ;

Sur l'indemnisation du salarié

Sur l'indemnité compensatrice de préavis

Attendu qu'aux termes de l'article L.1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit à un préavis dont le point de départ est fixé par la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement ;

Que les premiers juges ont opéré un calcul de l'indemnité de préavis conforme aux dispositions de l'article L.1234-5 du code du travail et aux pièces salariales de M. [O] qui n'est pas contesté en son quantum par les parties ;

Attendu que dans ces conditions la SAS Prosegur Sécurité Humaine sera condamnée à payer à M. [O] la somme de 3 648,88 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et celle de 364,88 euros au titre des congés payés afférents ;

Sur l'indemnité de licenciement

Attendu que selon l'article L.1234-9 du code du travail le salarié a droit à une indemnité de licenciement ;

Que les premiers juges ont opéré un calcul de l'indemnité de licenciement aux pièces salariales de M. [O] qui n'est pas contesté en son quantum par les parties ;

Attendu que dans ces conditions la SAS Prosegur Sécurité Humaine sera condamnée à payer à M. [O] la somme de 1 309,55 euros au titre de l'indemnité de licenciement;

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Attendu qu'aux termes de l'article L.1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas de réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois,

Attendu que compte tenu de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [O], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-3 du code du travail, la somme de

15 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Que le jugement du conseil des prud'hommes de Bordeaux en date du 19 mai 2017 sera confirmé sur ce point en ce qui concerne la somme allouée ;

Sur l'application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail

Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail que lorsque le juge condamne l'employeur à payer au salarié une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement des dispositions de l'article L.1235-3 du même code, il ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la

limité de six mois d'indemnités de chômage ;

Qu'il résulte des mêmes dispositions que lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées, le juge doit ordonner ce remboursement d'office, sans pour autant liquider le montant de la créance de l'organisme intéressé, dès lors que celle-ci n'est pas connue ;

Attendu que c'est par une juste appréciation du droit applicable aux éléments de l'espèce que les premiers juges ont condamné l'employeur à rembourser à Pôle Emploi les sommes dues à ce titre, dans la limite de trois mois d'indemnités ;

Que le jugement du conseil des prud'hommes de Bordeaux en date du 19 mai 2017 sera confirmé sur ce point, sauf à mettre à la charge de la SAS Prosegur Sécurité Humaine ces indemnités ;

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Attendu qu'il apparaît équitable en l'espèce de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles non compris dans les dépens ;

PAR CES MOTIFS

INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Bordeaux en date du 19 mai 2017 sauf en ce qui concerne les sommes allouées à M. [Z] [O] au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l'application de l'article L.1235-4 du code du travail ;

Et statuant à nouveau sur les autres points,

DIT que le contrat de travail de M. [Z] [O] conclu avec la SAS Fiducial Private Security a été transféré de plein droit à la SAS Prosegur Sécurité Humaine ;

MET la SAS Fiducial Private Security hors de cause ;

DIT que le licenciement de M. [Z] [O] est dépourvu de cause réelle et

sérieuse ;

CONDAMNE la SAS Prosegur Sécurité Humaine à payer à M. [Z] [O] l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés sur préavis, l'indemnité de licenciement et les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse dont le quantum a été fixé par le conseil de prud'hommes de Bordeaux par jugement en date du 19 mai 2017 ;

DIT que les dispositions du jugement du conseil de prud'hommes de Bordeaux en date du 19 mai 2017 concernant l'application de l'article L. 1235-4 du code du travail seront à la charge de la SAS Prosegur Sécurité Humaine ;

CONDAMNE la SAS Prosegur Sécurité Humaine aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

DIT n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Signé par Madame Annie Cautres, conseillère en l'empêchement de Madame Nathalie Pignon, présidente et par Anne-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Anne-Marie Lacour-Rivière Annie Cautres


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 17/03760
Date de la décision : 26/06/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-06-26;17.03760 ?
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