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26/01/2022 | FRANCE | N°20-21636

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 26 janvier 2022, 20-21636


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 janvier 2022

Cassation partielle

M. CATHALA, président

Arrêt n° 124 FS-B

Pourvoi n° F 20-21.636

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [S].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 15 septembre 2020.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 JANVIER 2022

M. [Y] [S], domicilié [Adresse 3], a formé le ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 janvier 2022

Cassation partielle

M. CATHALA, président

Arrêt n° 124 FS-B

Pourvoi n° F 20-21.636

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [S].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 15 septembre 2020.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 JANVIER 2022

M. [Y] [S], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° F 20-21.636 contre l'arrêt rendu le 28 mars 2019 par la cour d'appel d'Orléans (chambre sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Ludo express, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à l'union départementale des syndicats Force ouvrière d'Indre-et-Loire, dont le siège est [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de Me [O], avocat de M. [S], de Me Soltner, avocat de la société Ludo express, et l'avis de Mme Wurtz, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er décembre 2021 où étaient présents M. Cathala, président, M. Flores, conseiller rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mmes Cavrois, Monge, MM. Sornay, Rouchayrole, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, Mme Wurtz, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 28 mars 2019), M. [S] a été engagé, le 19 juin 2015, en qualité de chauffeur livreur par la société Ludo express.

2. La période d'essai a été rompue par l'employeur, le 19 août 2015, en raison d'une insuffisance de résultats.

3. L'employeur a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes en remboursement de salaire trop-perçu et en paiement de dommages-intérêts. L'union départementale des syndicats Force ouvrière d'Indre-et-Loire est intervenue à l'instance.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en dommages-intérêts pour violation de la durée maximale du travail, alors « que le dépassement de la durée maximale de travail hebdomadaire cause nécessairement au salarié un préjudice qu'il appartient aux juges du fond de réparer, dans le respect des principes d'équivalence et d'effectivité, par l'octroi soit de temps de repos supplémentaire soit de dommages-intérêts ; qu'en considérant, après avoir constaté un dépassement de la durée maximale de travail hebdomadaire, que ce manquement n'avait été la source d'aucun préjudice pour le salarié, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 6 b) de la directive n° 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, ensemble l'article L. 3125-35 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3121-35, alinéa 1er, du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, interprété à la lumière de l'article 6 b) de la directive n° 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 :

5. Aux termes du texte susvisé, au cours d'une même semaine, la durée du travail ne peut dépasser quarante-huit heures.

6. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le dépassement de la durée moyenne maximale de travail hebdomadaire fixée à l'article 6, sous b), de la directive 2003/88 constitue, en tant que tel, une violation de cette disposition, sans qu'il soit besoin de démontrer en outre l'existence d'un préjudice spécifique (CJUE, 14 octobre 2010, C-243/09, Fuß c. Stadt Halle, point 53). Cette directive poursuivant l'objectif de garantir la sécurité et la santé des travailleurs par la prise d'un repos suffisant, le législateur de l'Union a considéré que le dépassement de la durée moyenne maximale de travail hebdomadaire, en ce qu'il prive le travailleur d'un tel repos, lui cause, de ce seul fait, un préjudice dès lors qu'il est ainsi porté atteinte à sa sécurité et à sa santé (CJUE,14 octobre 2010, C-243/09, Fuß c. Stadt Halle, point 54). La Cour de justice de l'Union européenne a précisé que c'est au droit national des États membres qu'il appartient, dans le respect des principes d'équivalence et d'effectivité, d'une part, de déterminer si la réparation du dommage causé à un particulier par la violation des dispositions de la directive 2003/88 doit être effectuée par l'octroi de temps libre supplémentaire ou d'une indemnité financière et, d'autre part, de définir les règles portant sur le mode de calcul de cette réparation (CJUE, 25 novembre 2010, Fuß c. Stadt Halle, C-429/09, point 94).

7. Pour débouter le salarié de sa demande en dommages-intérêts pour violation de la durée maximale du travail, l'arrêt, après avoir constaté que le salarié avait travaillé 50,45 heures durant la semaine du 6 au 11 juillet 2015, retient que celui-ci doit démontrer très exactement en quoi ces horaires chargés lui ont porté préjudice et, qu'en l'état des éléments soumis, ce préjudice n'est pas suffisamment démontré.

8. En statuant ainsi, alors que le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à la réparation, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [S] de sa demande en dommages-intérêts pour violation de la durée maximale de travail, l'arrêt rendu le 28 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;

Condamne la société Ludo express aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Ludo express à payer à Me [O] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me [O], avocat aux Conseils, pour M. [S]

M. [S] fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, de L'AVOIR débouté de sa demande de dommages-intérêts pour violation de la durée maximale du travail ;

ALORS QUE le dépassement de la durée maximale de travail hebdomadaire cause nécessairement au salarié un préjudice qu'il appartient aux juges du fond de réparer, dans le respect des principes d'équivalence et d'effectivité, par l'octroi soit de temps de repos supplémentaire soit de dommages-intérêts ; qu'en considérant, après avoir constaté un dépassement de la durée maximale de travail hebdomadaire, que ce manquement n'avait été la source d'aucun préjudice pour le salarié, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 6 b) de la directive n° 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, ensemble l'article L. 3125-35 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-21636
Date de la décision : 26/01/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Analyses

TRAVAIL REGLEMENTATION, DUREE DU TRAVAIL - Durée maximale - Dépassement - Effets - Droit à réparation - Conditions - Preuve d'un préjudice - Exclusion - Portée

TRAVAIL REGLEMENTATION, DUREE DU TRAVAIL - Durée maximale - Dépassement - Effets - Droit à réparation - Office du juge - Détermination - Portée

Le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à la réparation


Références :

Article L. 3121-35, alinéa 1, du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016

article 6b) de la directive n° 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménage
ment du temps de travail.

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 28 mars 2019

Sur d'autres cas d'indemnisation d'un préjudice nécessairement causé au salarié par l'inobservation d'obligations légales ou procédurales, à rapprocher : Soc., 17 octobre 2018, pourvoi n° 17-14392, Bull., (cassation partielle), et les arrêts cités. Sur l'absence de nécessité de rechercher l'existence d'un préjudice en cas de dépassement de la durée maximale de travail, cf : CJUE, arrêt du 14 octobre 2010, Fuss, C-243/09.


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 26 jan. 2022, pourvoi n°20-21636, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Cathala
Avocat(s) : Me Haas, Me Soltner

Origine de la décision
Date de l'import : 15/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.21636
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