LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 19 janvier 2022
Cassation
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 73 FS-B
Pourvoi n° K 20-20.467
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 19 JANVIER 2022
La Société générale, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 20-20.467 contre l'arrêt rendu le 22 juin 2020 par la cour d'appel de Colmar (1re chambre civile, section A), dans le litige l'opposant à M. [O] [R], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Serrier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Société générale, de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de M. [R], et l'avis de M. Lavigne, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 novembre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Serrier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Avel, MM. Mornet, Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, M. Bruyère, conseillers, M. Vitse, Mmes Dazzan, Le Gall, Kloda, Mmes Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Lavigne, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 22 juin 2020), par actes des 27 mai 2014 et 26 mars 2015, M. [R] (la caution), marié sous le régime de la séparation de biens, s'est porté caution solidaire à concurrence de 139 750 euros d'un prêt de 215 000 euros et à concurrence de 15 600 euros d'un découvert en compte courant de 12 000 euros, qui avaient été consentis par la Société générale (la banque) à la société Pâtisserie [O] [R].
2. Celle-ci ayant été mise en liquidation judiciaire, la banque a assigné en paiement la caution qui a opposé, en appel, la disproportion de ses engagements.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. La banque fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que la disproportion éventuelle de l'engagement d'une caution mariée sous le régime de la séparation des biens s'apprécie au regard de ses revenus et patrimoine personnels, comprenant sa quote-part dans les biens indivis, s'il en existe ; que, partant, la proportionnalité des engagements de caution de M. [R], marié sous le régime de la séparation des biens, devait s'apprécier en tenant compte de sa quote-part dans la maison indivise achetée avec son épouse, nonobstant la circonstance indifférente que cette dernière n'ait pas donné son accord aux cautionnements ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, ensemble l'article 1538 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 341-4, devenu L. 332-1, du code de la consommation, et 1538 du code civil :
4. La disproportion éventuelle de l'engagement d'une caution mariée sous le régime de la séparation de biens s'apprécie au regard de ses revenus et biens personnels, comprenant sa quote-part dans les biens indivis.
5. Pour dire les engagements de la caution manifestement disproportionnés à ses biens et revenus et rejeter les demandes de la banque, l'arrêt retient que la caution a acquis en indivision avec son épouse une maison, qui constitue un bien « commun » n'entrant pas dans son patrimoine dès lors qu'elle est mariée sous le régime de la séparation de biens et que l'épouse n'a pas donné son accord au cautionnement.
6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne M. [R] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf janvier deux mille vingt-deux.
Le conseiller referendaire rapporteur le president
Le greffier de chambre
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la Société générale.
La Société Générale fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR rejeté ses demandes en paiement dirigées contre M. [O] [R] en raison du caractère disproportionné des cautionnements consentis par celui-ci ;
1) ALORS, D'UNE PART, QUE la disproportion éventuelle de l'engagement d'une caution mariée sous le régime de la séparation des biens s'apprécie au regard de ses revenus et patrimoine personnels, comprenant sa quote-part dans les biens indivis, s'il en existe ; que, partant, la proportionnalité des engagements de caution de M. [R], marié sous le régime de la séparation des biens, devait s'apprécier en tenant compte de sa quote-part dans la maison indivise achetée avec son épouse, nonobstant la circonstance indifférente que cette dernière n'ait pas donné son accord aux cautionnements ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, ensemble l'article 1538 du code civil ;
2) ALORS, D'AUTRE PART, QUE le créancier est en droit de se fier aux informations fournies par la caution sur ses biens, revenus et charges, qu'il n'est pas tenu de vérifier en l'absence d'anomalies apparentes ; que la cour d'appel a elle-même constaté que sur la fiche de renseignements qu'il avait signée, M. [R] n'avait pas déclaré les dettes garanties par les inscriptions hypothécaires inscrites sur la maison achetée indivisément avec son épouse (arrêt p. 4 § 8) ; qu'il s'en déduisait que ces dettes ne pouvaient pas être prises en compte pour apprécier si l'engagement de caution de M. [R] était proportionné à ses biens, revenus et charges lors de sa conclusion ; qu'à supposer que la cour d'appel ait retenu que la maison achetée indivisément par les époux [R] ne pouvait pas permettre à M. [R] de garantir le paiement de son engagement de caution au motif qu'elle faisait l'objet de plusieurs inscriptions hypothécaires qui en grevaient substantiellement la valeur (arrêt p. 4 §§ 4-6), elle n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ;
3) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU' après avoir retenu que la maison achetée avec son épouse était un bien commun qui ne rentrait pas dans le patrimoine de la caution (arrêt p. 4 § 2), la cour d'appel ne pouvait retenir que cette dernière supportait l'intégralité du montant des mensualités du prêt souscrit pour financer l'achat de cette maison (arrêt p. 4 § 8), sans s'en expliquer, quand ce point était contesté par l'exposante, qui soutenait au contraire que les mensualités de ce prêt étaient partagées entre la caution et son épouse (conclusions p. 5 § 3) ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Le greffier de chambre