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19/01/2022 | FRANCE | N°20-14908

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 19 janvier 2022, 20-14908


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

DB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 janvier 2022

Rejet

M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 39 F-D

Pourvoi n° T 20-14.908

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 19 JANVIER 2022

La socié

té Tréma finances, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 20-14.908 contre l'arrêt rendu le 11 dé...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

DB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 janvier 2022

Rejet

M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 39 F-D

Pourvoi n° T 20-14.908

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 19 JANVIER 2022

La société Tréma finances, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 20-14.908 contre l'arrêt rendu le 11 décembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 6), dans le litige l'opposant à la société Binckbank NV, société par actions simplifiée, venant aux droits de la société Saxo banque France, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation,

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Blanc, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Tréma finances, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Binckbank NV, venant aux droits de la société Saxo banque France, après débats en l'audience publique du 23 novembre 2021 où étaient présents M. Guérin, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Blanc, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Reprise d'instance

1. Il est donné acte à la société Binckbank NV, venant aux droits de la société Saxo banque France, de ce qu'elle reprend l'instance aux lieu et place de celle-ci.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 décembre 2019), la société Tréma finances a conclu le 15 avril 2010, avec la société Saxo banque France (la société Saxo banque), une convention d'ouverture d'un compte permettant des opérations sur le marché des changes puis, le 7 mai 2010, avec M. [I], un contrat de mandat conférant à ce dernier le pouvoir de passer des ordres sur ce compte.

3. Faisant valoir qu'elle avait subi des pertes du fait de fautes commises par son mandataire, lesquelles avaient été rendues possibles par des manquements de la société Saxo banque dans l'exécution de la convention d'ouverture de compte, la société Tréma finances a assigné cette société en indemnisation.

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens et le troisième moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. La société Tréma finances fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite sa demande d'indemnisation, alors « que la prescription de l'action en réparation du préjudice résultant de l'exécution défectueuse d'un contrat de gestion de portefeuille court à compter du jour où ce préjudice est définitivement constitué, c'est-à-dire du jour où le contrat prend fin ; qu'au cas présent, en dissimulant à sa cliente la situation de conflit d'intérêts ainsi que le défaut d'agrément de M. [I], la société Saxo banque France s'est rendue complice de l'exécution défectueuse du mandat confié à celui- ci, ayant causé la perte d'une somme de 1 584 390 euros au détriment de la société Tréma finances ; que cette perte n'est définitive que depuis qu'il a été mis fin au contrat de mandat, le 31 décembre 2011 ; que pour déclarer prescrite la demande de la société Tréma finances en réparation de son préjudice fondée sur les fautes de la société Saxo banque France, la cour d'appel a retenu, par motifs propres et adoptés, que le délai de la prescription quinquennale avait couru à compter du 21 octobre 2010, jour où la perte réalisée a été portée à la connaissance de la société Tréma finances lors du dernier transfert des fonds du compte Saxo vers un nouveau compte ouvert dans les livres de la FXCM ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 110-4 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

6. Le préjudice causé par le détournement d'un mandat de gestion consistant, pour le mandataire, à agir dans son intérêt exclusif, est constitué par les pertes financières nées des investissements réalisés par le mandataire dans de telles conditions, indépendamment de la valorisation éventuelle des autres fonds investis et de l'évolution globale du reste du portefeuille géré conformément au mandat, de sorte que ce préjudice se réalise dès le dénouement des opérations à l'origine de ces pertes.

7. Dans ses conclusions d'appel, la société Tréma finances faisait valoir que M. [I] avait exploité le mandat de gestion qu'elle lui avait confié en multipliant les ordres d'achat et de vente dans l'unique but de maximiser les commissions que lui versait la société Saxo banque au titre d'un contrat d'apporteur d'affaires, sans jamais se soucier de l'intérêt de sa mandante, et que les manquements de la société Saxo banque à ses obligations de prestataire de services d'investissement avant la conclusion et en cours d'exécution de la convention de compte avaient rendu possibles ces comportements fautifs de M. [I].

8. Dès lors que la société Tréma finances invoquait ainsi, au soutien de sa demande d'indemnisation dirigée contre la société Saxo banque, un détournement du mandat par son mandataire, commis à la connaissance de la société Saxo, la cour d'appel, qui a retenu que les positions à l'origine des pertes invoquées étaient dénouées le 21 octobre 2010 et que ces pertes étaient alors définitives, en a exactement déduit que le préjudice dont il était demandé réparation présentait un caractère certain dès cette date, laquelle constituait en conséquence le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité exercée par la société Tréma finances.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Tréma finances aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Tréma finances et la condamne à payer à la société Binckbank NV la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé, par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé en l'audience publique du dix-neuf janvier deux mille vingt-deux, et signé par M. Ponsot, conseiller qui en a délibéré, en remplacement de M. Guérin empêché.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société Tréma finances.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à la décision attaquée d'avoir déclaré irrecevables comme prescrites les demandes tendant à l'annulation de la convention de compte du 14 avril 2010 et du mandat du 7 mai 2010 ;

aux motifs que « En application des articles 1304 et 1116 du code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable aux conventions d'ouverture de compte du 15 avril 2010 et de mandat du 7 mai 2010, dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans et ce temps ne court dans le cas d'erreur ou de dol, que du jour où ils ont été découverts. Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé. En l'espèce, l'attestation établie dans les formes de l'article 202 du code de procédure civile par M. [J] [B], dirigeant de la société Exelis, le 20 mai 2013, indique qu'il a rencontré M. [C] [I] par l'intermédiaire de la société P2I, conseil à [Localité 3], laquelle avait un accord avec la société Saxo banque pour le Forex, qui lui a présenté M. [C] [I] comme un expert travaillant avec la société SAXO BANK d'Amsterdam depuis des années et Saxo banque (France) depuis leur ouverture en France. M. [J] [B] y indique qu'il ne connaissait pas le marché Forex, que M. [C] [I] lui a « fait rencontrer Saxo banque (France) avec qui il travaillait » et qu'il « était d'ailleurs très ami avec le Directeur général M. [H] [W] et le PDG Mr. [U] (Dîner, achat/vente de voiture de luxe...) ». Il précise également que M. [C] [I] lui a proposé de mettre en place un contrat d'IB (contrat d'intermédiaire bancaire) par Saxo banque pour qu'il puisse offrir à ses clients intéressés par le FOREX une possibilité d'ouvrir un compte de trading. M. [J] [B] ajoute qu'il a proposé à ses clients, afin de diversifier leur façon de gérer leur patrimoine, l'ouverture d'un tel compte et que M. [C] [I] lui a proposé de « trader (de gérer les comptes) » pour ses clients et que « Ayant vu l'accueil qui lui avait été fait chez Saxo banque par [H] et toute son équipe[...] j'ai été immédiatement en confiance. De plus, [C] [I] proposait de garantir le montant que les clients déposeraient sur leurs comptes, preuve de toute sa confiance en sa stratégie de l'époque, qui lui avait permis de gagner beaucoup d'argent. [C] [I] m'a proposé dans un premier temps de percevoir la commission d'IB pendant les 3 premiers mois le temps qu'il monte un IB off avec SAXO Bank Amsterdam pour avoir les commissions en direct avec son contractant [G] [Y] [dit Mika]. Il m'aurait rétrocédé 25 % des commissions. Cependant, cette mise en place avec Amsterdam n'a pu aboutir. Il m'a donc demandé sur les clients qui avaient sa garantie de lui rétrocéder 75 % de commissions d'IB que je toucherais en plus des performances qu'il prendrait aux clients (tout ce qui est au-delà de 15 % de rendement annuel est pour lui). Étant donné que c'était lui le professionnel du trading et qu'en plus il mettait en garantie en face et prenait tous les risques, ce pourcentage 75/25 était logique. [...] Ces commissions représentent 0,001 % du capital à chaque tranche. Je trouvais que c'était très peu, n'étant pas un habitué de ces marchés. Il s'est avéré que le compte de [S] [K] (trema finance) a généré 250 000 € de commissions IB sous les trades de Mr [I]. Ces commissions étaient perçues sur un compte IB au nom de la société, [C] [I] a trader sur ce compte aussi, avec mon accord. Je lui faisais confiance et après tout 75 % de mes commissions lui appartenaient. Il a mis ce compte à zéro, les adresses IP des opérations faites de son ordinateur doivent pouvoir le prouver facilement. » La lecture de ce cette attestation en date du 20 mai 2013, établie par le dirigeant de la société Exelis, son propre conseiller en investissements financiers, ne permet nullement de retenir, comme le fait la société Tréma finances qu'ont été portés à sa connaissance à cette date seulement les faits qu'elle qualifie de manoeuvres dolosives ou de réticence dolosive imputables à la société Saxo banque (France) tenant à lui cacher que M. [C] [I] cumulait la qualité d'intermédiaire de la banque et de gestionnaire de portefeuille de sa cliente, qu'il ne disposait pas des agréments nécessaires pour exercer un mandat de gestion de portefeuille pour le compte de tiers et qu'il présentait des antécédents judiciaires, informations qui, si elles avaient été portées à sa connaissance l'auraient déterminée à ne conclure ni la convention d'ouverture du compte de trading du 15 avril 2010 ni le mandat de gestion du 7 mai 2010. En effet, en premier lieu, s'il résulte de cette attestation, comme des courriers électroniques échangés entre M. [C] [I] et M. [J] [B] qui y sont joints, que M. [C] [I] disposait de contacts privilégiés auprès de dirigeants de la société Saxo banque (France) et de la SAXO BANK d'Amsterdam et qu'il a indiqué travailler avec ces deux banques, il en résulte tout aussi clairement que M. [C] [I] en a justement fait la démonstration en 2010 à M. [J] [B] afin de gagner sa confiance et celle de ses clients, de sorte que son témoignage ne peut être tenu comme révélant à la société Tréma finances en 2013 des faits qu'elle aurait ignoré en avril et en mai 2010 sauf à établir que M. [J] [B], qui lui a conseillé l'investissement litigieux, les lui aurait cachés. En outre, il apparaît qu'aucun contrat d'intermédiaire bancaire officiel ou « off » n'a été formalisé avec la SAXO BANK d'Amsterdam ou sa filiale française et M. [C] [I], l'unique convention de courtier introducteur produite aux débats conclue, le 16 avril 2010, l'ayant été entre la société Saxo banque (France) et la société Exelis, qui a seule perçues des commissions à ce titre et les a rétrocédées à M. [C] [I] à concurrence de 75 % en vertu d'un accord oral dont il n'est pas établi que la banque en ait jamais eu connaissance au moment de la convention d'ouverture de compte de trading le 15 mai 2010 comme du mandat du 7 mai 2010 et ultérieurement. En second lieu, dans une autre attestation en date du 16 octobre 2013, produite aux débats par la société Tréma finances, M. [J] [B] confirmant qu'il s'est laissé convaincre par l'expertise en trading de M. [C] [I] et qu'il a mis en relation M. [C] [I] avec M. [S] [K] ajoute que : « il était convenu entre les parties que les gains dégagés par les opérations de trading de Mr [I] [C] pour le compte de Tréma finances seraient attribuées à hauteur de 15 % du capital initial géré à celle-ci et au-delà, sans limite à M. [I]. Cet accord de répartition des bénéfices ne fut pas formalisé dans le mandat chacun se satisfaisant initialement de la parole donnée. ». Ainsi, dès l'origine du mandat litigieux du 7 mai 2010, la société Tréma finances a convenu avec la société Exelis et M. [C] [I] d'une rémunération occulte de celui-ci pour une activité de « trading » pour son compte, laquelle n'a pourtant pris officiellement la forme que d'un document préimprimé à l'en-tête de la société Saxo banque (France) dénommé « Mandat simple » signé par M. [S] [K] donnant mandat à M. [C] [I] : « d'exécuter, en son nom et pour son compte, tout ordre donné par celui-ci, selon toutes modalités préalablement convenues entre le Client et le Mandataire, aux fins de conclure, dénouer ou proroger toutes transactions (notamment l'achat ou la vente d'instruments financiers ou de devises, la prorogation ou la fermeture d'une ou plusieurs positions ouvertes du Client) pouvant être réalisée sur les plateformes électroniques de négociation de Saxo banque (France) [...]. », ce document précisant que la banque pourra accepter tout ordre d'achat ou de vente effectué par le mandataire sur l'ensemble des produits offerts par Saxo banque sur le compte mais qu'en revanche elle n'acceptera du mandataire aucun ordre de virement de fonds ou d'instruments financiers au débit ou au crédit du compte du client. Ainsi, la société Tréma finances ne démontre nullement avoir découvert tardivement que la société Saxo banque (France) lui aurait caché que M. [C] [I] ne disposait pas des agréments nécessaires pour se livrer à une activité de gestion de portefeuille pour le compte de tiers alors même qu'elle ne justifie pas que la banque ait jamais été informée qu'elle avait confié à M. [C] [I] et rémunéré un autre mandat que le seul « mandat simple » ou procuration, établi le 7 mai 2010 et modifié par avenant du 20 août 2010. En troisième lieu, la société Tréma finances produit des articles de presse datant de 2013 et 2016 impliquant M. [C] [I] dans des faits d'escroquerie tenant à des opérations de défiscalisation sur des emplacements de parking, vendus par son épouse à des particuliers, à rénover et à louer lesquels ont fait l'objet d'une plainte classée sans suite par le procureur de la République de Paris le 2 juin 2010 puis d'une plainte avec constitution de partie civile le 2 juin 2011 ayant abouti à une ordonnance de non-lieu du juge d'instruction du tribunal de grande instance de Paris en date du 4 novembre 2014, partiellement infirmée par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris par ordonnance du 12 décembre 2016, requalifiant une partie des faits en abus de confiance aggravé et renvoyant M. [C] [I] de ce chef devant le tribunal correctionnel de Paris pour y être jugé. Outre qu'il n'est donné aucune précision sur l'issue de cette affaire, ces pièces ni aucun autre élément versé aux débats ne démontrent que la société Saxo banque (France) avait connaissance en avril et mai 2010 de ces démêlées judiciaires, d'autant qu'à cette époque toute poursuite pénale à l'encontre de M. [C] [I] avait été arrêtée, ni qu'elle aurait délibérément caché cette information à sa cliente, la société Tréma finances. Dans ces conditions, la société Tréma finances ne justifie pas avoir découvert à l'occasion du témoignage écrit du 20 mai 2013 établi par M. [J] [B], des faits constitutifs d'une réticence dolosive imputable à la société Saxo banque (France) consistant à lui avoir caché un « conflit d'intérêts » lié à l'intervention de M. [C] [I] en sa double qualité d'intermédiaire bancaire et de gestionnaire de portefeuille, son absence d'agrément pour se livrer à cette dernière activité et l'existence d'antécédents judiciaires le concernant, M. [J] [B] n'attestant en outre d'aucune implication de la banque à quelque titre que ce soit pour conduire la société Tréma finances à ouvrir un compte de trading et confier un mandat simple d'exécution d'ordres d'achat et de vente sur ce compte à M. [C] [I], son témoignage démontrant qu'elle a contracté sur les seuls conseils de la société Exelis dont le dirigeant reconnait avoir été abusé par ce dernier. Le point de départ du délai de cinq ans de prescription de l'action en nullité pour dol de la convention d'ouverture de compte du 15 mai 2010 comme du mandat du 7 mai 2010 de la société Tréma finances n'a donc pas lieu d'être fixé à une date postérieure à la conclusion de ces contrats et cette action, introduite par voie d'assignation du 1er août 2016, est irrecevable car prescrite » ;

alors 1/ que le délai quinquennal de la prescription de l'action en nullité fondée sur le dol court, non pas du jour de la conclusion du contrat, mais du jour où le contractant victime a découvert les faits qui lui ont été dissimulés et qui, s'il les avait connus, l'auraient dissuadé de contracter ; que pour déclarer irrecevable comme prescrite l'action en nullité pour dol introduite par la société Tréma Finances, la cour d'appel a retenu que le point de départ du délai de prescription n'avait pas lieu d'être reporté à une date postérieure à la conclusion des contrats litigieux (arrêt, p. 12, § 1) ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a considéré que la prescription de l'action en nullité pour dol courait par principe du jour du contrat, sauf report à une date ultérieure, a violé les articles 1116 et 1304 du code civil, en leur rédaction applicable en la cause ;

alors 2/ qu'il appartient au défendeur qui se prévaut de la prescription d'établir la date à laquelle elle a commencé à courir ; que pour déclarer irrecevable comme prescrite l'action en nullité pour dol introduite par la société Tréma Finances, les juges d'appel ont énoncé qu'elle ne rapportait pas la preuve de ce qu'elle n'avait eu connaissance qu'au 20 mai 2013 du conflit d'intérêts affectant M. [I] et qu'elle ne démontrait pas avoir découvert tardivement que M. [I] ne disposait pas de l'agrément nécessaire pour exercer l'activité de gestion sous mandat, ni qu'il avait des antécédents judiciaires ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, violant ainsi l'article 1315, devenu 1353, du code civil, ensemble les articles 1116 et 1304 du code civil, en leur rédaction applicable en la cause ;

alors 3/ subsidiairement que le juge ne peut tout à la fois déclarer une demande irrecevable et statuer au fond sur celle-ci ; qu'au cas présent, la cour d'appel a retenu qu'il n'était pas établi que la société Saxo Banque France ait dissimulé un conflit d'intérêts affectant M. [I] ainsi que l'absence d'agrément de ce dernier pour se livrer à l'activité de gestion de portefeuille, ni qu'elle ait été informée de ses antécédents judiciaires ; qu'en statuant ainsi sur le fond de la demande en annulation tout en la déclarant prescrite, la cour d'appel a violé l'article 122 du code de procédure civile, ensemble les articles 1116 et 1304 du code civil, en leur rédaction applicable en la cause.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à la décision attaquée d'avoir déclaré irrecevables comme prescrites les demandes tendant à l'annulation de la convention de compte et du mandat ;

aux motifs que « En application des articles 1304 et 1116 du code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable aux conventions d'ouverture de compte du 15 avril 2010 et de mandat du 7 mai 2010, dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans et ce temps ne court dans le cas d'erreur ou de dol, que du jour où ils ont été découverts. Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé. En l'espèce, l'attestation établie dans les formes de l'article 202 du code de procédure civile par M. [J] [B], dirigeant de la société Exelis, le 20 mai 2013, indique qu'il a rencontré M. [C] [I] par l'intermédiaire de la société P2I, conseil à [Localité 3], laquelle avait un accord avec la société Saxo banque pour le Forex, qui lui a présenté M. [C] [I] comme un expert travaillant avec la société SAXO BANK d'Amsterdam depuis des années et Saxo banque (France) depuis leur ouverture en France. M. [J] [B] y indique qu'il ne connaissait pas le marché Forex, que M. [C] [I] lui a « fait rencontrer Saxo banque (France) avec qui il travaillait » et qu'il « était d'ailleurs très ami avec le Directeur général M. [H] [W] et le PDG Mr. [U] (Dîner, achat/vente de voiture de luxe...) ». Il précise également que M. [C] [I] lui a proposé de mettre en place un contrat d'IB (contrat d'intermédiaire bancaire) par Saxo banque pour qu'il puisse offrir à ses clients intéressés par le FOREX une possibilité d'ouvrir un compte de trading. M. [J] [B] ajoute qu'il a proposé à ses clients, afin de diversifier leur façon de gérer leur patrimoine, l'ouverture d'un tel compte et que M. [C] [I] lui a proposé de « trader (de gérer les comptes) » pour ses clients et que « Ayant vu l'accueil qui lui avait été fait chez Saxo banque par [H] et toute son équipe[...] j'ai été immédiatement en confiance. De plus, [C] [I] proposait de garantir le montant que les clients déposeraient sur leurs comptes, preuve de toute sa confiance en sa stratégie de l'époque, qui lui avait permis de gagner beaucoup d'argent. [C] [I] m'a proposé dans un premier temps de percevoir la commission d'IB pendant les 3 premiers mois le temps qu'il monte un IB off avec SAXO Bank Amsterdam pour avoir les commissions en direct avec son contractant [G] [Y] [dit Mika]. Il m'aurait retrocédé 25 % des commissions. Cependant, cette mise en place avec Amsterdam n'a pu aboutir. Il m'a donc demandé sur les clients qui avaient sa garantie de lui rétrocéder 75 % de commissions d'IB que je toucherais en plus des performances qu'il prendrait aux clients (tout ce qui est au-delà de 15 % de rendement annuel est pour lui). Étant donné que c'était lui le professionnel du trading et qu'en plus il mettait en garantie en face et prenait tous les risques, ce pourcentage 75/25 était logique. [...] Ces commissions représentent 0,001 % du capital à chaque tranche. Je trouvais que c'était très peu, n'étant pas un habitué de ces marchés. Il s'est avéré que le compte de [S] [K] (trema finance) a généré 250 000 € de commissions IB sous les trades de Mr [I]. Ces commissions étaient perçues sur un compte IB au nom de la société, [C] [I] a trader sur ce compte aussi, avec mon accord. Je lui faisais confiance et après tout 75 % de mes commissions lui appartenaient. Il a mis ce compte à zéro, les adresses IP des opérations faites de son ordinateur doivent pouvoir le prouver facilement. » La lecture de ce cette attestation en date du 20 mai 2013, établie par le dirigeant de la société Exelis, son propre conseiller en investissements financiers, ne permet nullement de retenir, comme le fait la société Tréma finances qu'ont été portés à sa connaissance à cette date seulement les faits qu'elle qualifie de manoeuvres dolosives ou de réticence dolosive imputables à la société Saxo banque (France) tenant à lui cacher que M. [C] [I] cumulait la qualité d'intermédiaire de la banque et de gestionnaire de portefeuille de sa cliente, qu'il ne disposait pas des agréments nécessaires pour exercer un mandat de gestion de portefeuille pour le compte de tiers et qu'il présentait des antécédents judiciaires, informations qui, si elles avaient été portées à sa connaissance l'auraient déterminée à ne conclure ni la convention d'ouverture du compte de trading du 15 avril 2010 ni le mandat de gestion du 7 mai 2010. En effet, en premier lieu, s'il résulte de cette attestation, comme des courriers électroniques échangés entre M. [C] [I] et M. [J] [B] qui y sont joints, que M. [C] [I] disposait de contacts privilégiés auprès de dirigeants de la société Saxo banque (France) et de la SAXO BANK d'Amsterdam et qu'il a indiqué travailler avec ces deux banques, il en résulte tout aussi clairement que M. [C] [I] en a justement fait la démonstration en 2010 à M. [J] [B] afin de gagner sa confiance et celle de ses clients, de sorte que son témoignage ne peut être tenu comme révélant à la société Tréma finances en 2013 des faits qu'elle aurait ignoré en avril et en mai 2010 sauf à établir que M. [J] [B], qui lui a conseillé l'investissement litigieux, les lui aurait cachés. En outre, il apparaît qu'aucun contrat d'intermédiaire bancaire officiel ou « off » n'a été formalisé avec la SAXO BANK d'Amsterdam ou sa filiale française et M. [C] [I], l'unique convention de courtier introducteur produite aux débats conclue, le 16 avril 2010, l'ayant été entre la société Saxo banque (France) et la société Exelis, qui a seule perçues des commissions à ce titre et les a rétrocédées à M. [C] [I] à concurrence de 75 % en vertu d'un accord oral dont il n'est pas établi que la banque en ait jamais eu connaissance au moment de la convention d'ouverture de compte de trading le 15 mai 2010 comme du mandat du 7 mai 2010 et ultérieurement. En second lieu, dans une autre attestation en date du 16 octobre 2013, produite aux débats par la société Tréma finances, M. [J] [B] confirmant qu'il s'est laissé convaincre par l'expertise en trading de M. [C] [I] et qu'il a mis en relation M. [C] [I] avec M. [S] [K] ajoute que : « il était convenu entre les parties que les gains dégagés par les opérations de trading de Mr [I] [C] pour le compte de Tréma finances seraient attribuées à hauteur de 15 % du capital initial géré à celle-ci et au-delà, sans limite à M. [I]. Cet accord de répartition des bénéfices ne fut pas formalisé dans le mandat chacun se satisfaisant initialement de la parole donnée. ». Ainsi, dès l'origine du mandat litigieux du 7 mai 2010, la société Tréma finances a convenu avec la société Exelis et M. [C] [I] d'une rémunération occulte de celui-ci pour une activité de « trading » pour son compte, laquelle n'a pourtant pris officiellement la forme que d'un document préimprimé à l'en-tête de la société Saxo banque (France) dénommé « Mandat simple » signé par M. [S] [K] donnant mandat à M. [C] [I] : « d'exécuter, en son nom et pour son compte, tout ordre donné par celui-ci, selon toutes modalités préalablement convenues entre le Client et le Mandataire, aux fins de conclure, dénouer ou proroger toutes transactions (notamment l'achat ou la vente d'instruments financiers ou de devises, la prorogation ou la fermeture d'une ou plusieurs positions ouvertes du Client) pouvant être réalisée sur les plateformes électroniques de négociation de Saxo banque (France) [...]. », ce document précisant que la banque pourra accepter tout ordre d'achat ou de vente effectué par le mandataire sur l'ensemble des produits offerts par Saxo banque sur le compte mais qu'en revanche elle n'acceptera du mandataire aucun ordre de virement de fonds ou d'instruments financiers au débit ou au crédit du compte du client. Ainsi, la société Tréma finances ne démontre nullement avoir découvert tardivement que la société Saxo banque (France) lui aurait caché que M. [C] [I] ne disposait pas des agréments nécessaires pour se livrer à une activité de gestion de portefeuille pour le compte de tiers alors même qu'elle ne justifie pas que la banque ait jamais été informée qu'elle avait confié à M. [C] [I] et rémunéré un autre mandat que le seul « mandat simple » ou procuration, établi le 7 mai 2010 et modifié par avenant du 20 août 2010. En troisième lieu, la société Tréma finances produit des articles de presse datant de 2013 et 2016 impliquant M. [C] [I] dans des faits d'escroquerie tenant à des opérations de défiscalisation sur des emplacements de parking, vendus par son épouse à des particuliers, à rénover et à louer lesquels ont fait l'objet d'une plainte classée sans suite par le procureur de la République de Paris le 2 juin 2010 puis d'une plainte avec constitution de partie civile le 2 juin 2011 ayant abouti à une ordonnance de non-lieu du juge d'instruction du tribunal de grande instance de Paris en date du 4 novembre 2014, partiellement infirmée par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris par ordonnance du 12 décembre 2016, requalifiant une partie des faits en abus de confiance aggravé et renvoyant M. [C] [I] de ce chef devant le tribunal correctionnel de Paris pour y être jugé. Outre qu'il n'est donné aucune précision sur l'issue de cette affaire, ces pièces ni aucun autre élément versé aux débats ne démontrent que la société Saxo banque (France) avait connaissance en avril et mai 2010 de ces démêlées judiciaires, d'autant qu'à cette époque toute poursuite pénale à l'encontre de M. [C] [I] avait été arrêtée, ni qu'elle aurait délibérément caché cette information à sa cliente, la société Tréma finances. Dans ces conditions, la société Tréma finances ne justifie pas avoir découvert à l'occasion du témoignage écrit du 20 mai 2013 établi par M. [J] [B], des faits constitutifs d'une réticence dolosive imputable à la société Saxo banque (France) consistant à lui avoir caché un « conflit d'intérêts » lié à l'intervention de M. [C] [I] en sa double qualité d'intermédiaire bancaire et de gestionnaire de portefeuille, son absence d'agrément pour se livrer à cette dernière activité et l'existence d'antécédents judiciaires le concernant, M. [J] [B] n'attestant en outre d'aucune implication de la banque à quelque titre que ce soit pour conduire la société Tréma finances à ouvrir un compte de trading et confier un mandat simple d'exécution d'ordres d'achat et de vente sur ce compte à M. [C] [I], son témoignage démontrant qu'elle a contracté sur les seuls conseils de la société Exelis dont le dirigeant reconnait avoir été abusé par ce dernier. Le point de départ du délai de cinq ans de prescription de l'action en nullité pour dol de la convention d'ouverture de compte du 15 mai 2010 comme du mandat du 7 mai 2010 de la société Tréma finances n'a donc pas lieu d'être fixé à une date postérieure à la conclusion de ces contrats et cette action, introduite par voie d'assignation du 1er août 2016, est irrecevable car prescrite » ;

alors 1/ que le délai quinquennal de la prescription de l'action en nullité fondée sur le dol court du jour où le contractant victime a eu connaissance des faits qui lui ont été dissimulés et qui, s'il les avait connus, l'auraient dissuadé de contracter ; que pour déclarer prescrite l'action en nullité fondée sur la dissimulation du conflit d'intérêts de M. [I], la cour d'appel a dit que l'attestation de M. [B] du 20 mai 2013 ne pouvait être tenue pour ayant révélé ces faits à la société Tréma Finances, sauf à établir que M. [B], qui lui a conseillé l'investissement litigieux, les lui aurait également cachés ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si tel n'était pas précisément le cas, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1116 et 1304 du code civil, dans leur rédaction applicable en la cause ;

alors 2/ que les tiers peuvent rapporter par tous moyens la preuve des contrats qu'ils invoquent au soutien de leurs prétentions ; qu'au cas présent, la société Tréma Finances, qui invoquait la relation contractuelle d'apporteur d'affaires unissant M. [I] et la société Saxo Banque, pouvait en rapporter la preuve par tous moyens sans être tenue de produire un acte écrit ; que pour déclarer prescrite l'action en nullité fondée sur la dissimulation du conflit d'intérêts de M. [I], la cour d'appel a relevé qu'aucun contrat d'intermédiaire bancaire n'a été formalisé entre ce dernier et la Saxo Bank ou sa filiale française ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 110-3 du code de commerce ;

alors 3/ que tenu de s'assurer que les opérations passées sur le compte-titre sont conformes aux limites du mandat conféré par son client au prestataire de services d'investissement, le teneur de compte ne peut se prévaloir de ce qu'il ignorait que le mandataire passait les ordres de sa propre initiative, sans aucune intervention du mandant ; que pour déclarer prescrite l'action en nullité fondée sur la dissimulation du défaut d'agrément de M. [I], la cour d'appel a retenu que la société Saxo Banque France n'avait connaissance que du mandat simple aux termes duquel M. [I] s'engageait seulement à exécuter les ordres de son client, qu'elle ignorait qu'il accomplissait des opérations de trading en tant que gérant sous mandat pour le compte de la société Tréma Finances, et donc qu'il ne pouvait lui être reproché de n'avoir pas informé celle-ci que M. [I] ne disposait pas de l'agrément nécessaire pour exercer un mandat de gestion de portefeuille au sens de l'article D. 321-1 4° du code monétaire et financier ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 322-6 du règlement général de l'autorité des marchés financiers, ensemble les articles L. 531-1, L. 321-1 4° et D. 321-1 4° du code monétaire et financier, 1116 et 1304 du code civil, dans leur rédaction applicable en la cause ;

alors 4/ en toute hypothèse que le service d'exécution d'ordres au sens de l'article D. 321-1 2° du code monétaire et financier constitue un service d'investissement soumis à agrément ; qu'à supposer donc que la société Saxo Banque France puisse se prévaloir de ce qu'elle n'avait connaissance que du mandat simple aux termes duquel M. [I] s'engageait seulement à exécuter les ordres de son client, elle n'en était pas moins tenue d'informer la société Tréma Finances de ce que M. [I] ne disposait d'aucun agrément à cette fin ; que pour déclarer prescrite l'action en nullité introduite par la société Tréma Finances, la cour d'appel a retenu qu'il ne pouvait être reproché à la société Saxo Banque France d'avoir dissimulé que M. [I] ne disposait pas de l'agrément nécessaire pour exercer un mandat de gestion de portefeuille au sens de l'article D. 321-1 4° du code monétaire et financier dans la mesure où elle n'avait connaissance que du mandat simple d'exécution d'ordres ; qu'en statuant ainsi, par un motif inopérant, la cour d'appel a violé les articles L. 531-1, L. 321-1 2° et D. 321-1 2° du code monétaire et financier, 1116 et 1304 du code civil, dans leur rédaction applicable à la cause.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à la décision confirmative attaquée d'avoir déclaré irrecevable comme prescrite la demande de la société Tréma Finances en indemnisation de son préjudice fondée sur les fautes de la société Saxo Banque France ;

aux motifs propres que « L'action en responsabilité pour manquement de la banque à ses obligations contractuelles est soumise à la prescription désormais quinquennale de l'article L.110-4 du code de commerce tel que modifié par la loi du 17 juin 2008. Le délai court à compter de la réalisation du dommage et, depuis l'entrée en vigueur de cette loi, à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La société Tréma finances, reprenant les mêmes griefs que ceux développés au soutien de son action en nullité fondée sur le dol, reproche à la société Saxo banque (France), en qualité de prestataire de services d'investissement, d'avoir, en phase d'exécution de la convention d'ouverture de compte de trading et de son accessoire, le contrat de mandat, manqué à ses obligations légales, contractuelles et réglementaires, en n'appliquant pas les exigences du Règlement général de l'AMF en matière de prévention et de traitement des conflits d'intérêts ni les règles de bonne conduite exigées par l'article L.533-11 du code monétaire et financier, en ne respectant pas son obligation générale de conseil, d'information et de mise en garde à l'égard d'un client non professionnel comme l'obligation d'exécution de bonne foi des conventions prévue par l'article 1134 du code civil ni ses propres valeurs communes de rationalité, indépendance, intégrité, honnêteté, justice, productivité et fierté. Or, comme l'ont retenu les premiers juges par de justes motifs que la cour adopte, le caractère dommageable des fautes reprochées à la banque tenant aux pertes financières subies sur son compte de trading a été porté à la connaissance de la société Tréma finances au plus tard le 21 octobre 2010, lors du dernier transfert des fonds du compte Saxo vers un nouveau compte ouvert dans les livres de la société FXCM, pour un montant total de 500 000 dollars américains, le solde restant sur le compte Saxo s'élevant à un montant de 4 013,37 dollars américains alors que son investissement, au 7 juin 2010, avait atteint la somme de 2 000 000 euros. Contrairement à ce que soutient la société Tréma finances, dont le gérant M. [S] [K] a reçu directement par courriels des messages d'alerte de la banque en juillet 2010 et en août 2010, présentant les pertes importantes enregistrées sur le compte Saxo sous forme de graphique puis faisant état d'une utilisation de marge de trading excessive en raison de l'insuffisance de capital avec un avis de fermeture de ses positions et de ses ordres sur le marché, ce dommage présentait bien un caractère certain dès le 21 octobre 2010, les pertes subies étant définitives dès lors que ses positions sur les marchés étaient dénouées et le solde des fonds transféré vers une autre banque, la société Tréma finances ne démontrant ni ne soutenant qu'une évolution favorable pouvait encore être attendue des 4 013,37 dollars américains restant au crédit du compte Saxo, lequel a d'ailleurs été clôturé par la banque en janvier 2011 en position faiblement débitrice. Enfin, les premiers juges ont retenu à juste titre que l'inefficacité des garanties dont la société Tréma finances disposait à l'encontre de M. [C] [I] et de son épouse, qui ne lui aurait été révélée qu'à la fin du mandat de celui-ci le 31 décembre 2011, est sans effet sur le caractère certain de la perte de son investissement sur le compte de trading Saxo et la connaissance qu'elle en a eu le 21 octobre 2010. La société Tréma finances était donc en mesure de rechercher, dès cette date, la responsabilité civile de la société Saxo banque (France) pour des manquements à ses obligations contractuelles, de sorte qu'en introduisant son action par voie d'assignation en date du 1er août 2016, alors que le délai de prescription de cinq ans était acquis, ses demandes de résiliation de la convention d'ouverture de compte du 15 avril 2010 comme du mandat simple du 7 mai 2010 ainsi que d'indemnisation sont irrecevables car prescrites. Le jugement entrepris est donc confirmé en toutes ses dispositions » ;

aux motifs adoptes que « le 15 avril 2010, Monsieur [K], en sa qualité de gérant de la sociéte TREMA FINANCES, a conclu une convention d'ouverture de compte de trading auprès de SAXO BANQUE, qu'il est stipulé dans cette convention section 4 : « FINALITE DU COMPTE SAXO BANQUE ET NATURE DES TRANSACTIONS PROJETEES (OBLIGATOIRE) :
Couverture du capital I garantie (réduire au minimum le risque de perte du capital)
Croissance (accroître avec le temps la valeur d'investissement tout en acceptant les fluctuations de taux)
Spéculation (assumer le risque maximal pour réaliser un bénéfice potentiellement plus élevé) » ;
Que la société TREMA FINANCES a coché la case spéculation et reconnaît ainsi assumer un risque élevé pour lequel elle est clairement mise en garde section 6 :
« RECONNAISSANCE DES RISQUES ENCOURUS » qui stipule :
« Le client reconnaît par la présente :

. être pleinement conscient des risques inhérents aux transactions sur les instruments à effet de levier (de type CFD ou Forex - i.e. change au comptant de devises à effet de levier) et autres instruments financiers à terme (notamment les options, fowards, futures et autres contrats à terme) et notamment du risque de perte de l'ensemble de ses investissements réalises auprès de Saxo Banque.
. Avoir pris connaissance et compris l'ensemble des avertissements figurant sur le site www.saxobanque.fr et avoir tout particulièrement pris connaissance et compris les avertissements concernant les risques inhérents aux transactions sur instruments à effet de levier et autres instruments financiers à terme.
. Reconnaît que Saxo Banque l'a informé, oralement ou par écrit, que les effets de levier proposés notamment sur les CFD et le Forex représentaient un risque important et qu'ils devaient être utilisés de façon avisée.
. Reconnaît que Saxo Banque l'a incité, oralement ou par écrit, a s'entraîner, sur la plateforme de négociation de démonstration avant d'effectuer un dépôt sur un compte de négociation réel.
Par la présente convention, le client assume pleinement les risques inhérents à ou résultant des opérations sur les instruments et produits financiers proposés sur la plateforme de négociation (notamment les opérations dites sur marge ou à effet de levier) » ; Attendu qu'à plusieurs reprises, Monsieur [K] a été informé directement des pertes résultant des opérations de trading, notamment :
Courriel du 29 juillet 2010 à Monsieur [K] indiquant :
« Subject : Situation de votre compte trading chez Saxo Banque France Importance : High
Cher Monsieur, Veuillez trouver ci-joint le graphique des résultats dégagés par les opérations effectuées par Trema Finance depuis /ouverture de son compte début Mai 2010. Nous restons à votre disposition pour tous renseignements complémentaires. Signé Yijun Fan/ Head of Backoffice (France) » ; Ce graphique montre très explicitement une perte d'environ un million de dollars entre le 7 juin 2010 et le 29 juillet 2010 et la société TREMA FINANCES n'a jamais réagi à ce courriel ; Courriel du 26 août 2010 à Monsieur [K] indiquant : « Appel de marge - Stop out Cher(e) Trader, En raison de l'insuffisance de capital et d'une utilisation de marge de trading excessive sur votre compte, le système de sécurité a entamé la fermeture de vos positions et de vos ordres sur le marché. Nous vous signalons que toutes les positions et tous les ordres seront fermés pendant les heures d'ouverture de la Bourse de référence. Pour voir les détails de l'opération, allez dans la rubrique "Relevé de compte" pour visualiser te solde du compte et dans "Registre des activités" pour avoir le détail de la position clôturée. Si vous avez la moindre question, n'hésitez pas à contacter votre conseiller ou notre service client au +33 800 914 101 » ; Ce courriel montre très explicitement que le compte ne fonctionnait pas normalement, néanmoins la société TREMA FINANCES n'a pas davantage réagi à ce courriel ; Attendu qu'ainsi, il est patent que la société TREMA FINANCES ne pouvait ignorer d'une part, dès juillet 2010, les pertes anormalement élevées que la nature même des tradings sur le Forex ne peut expliquer, de plus, elle avait libre accès a la plateforme de négociation et aux relevés de compte l'informant de la situation de son compte de trading ; Attendu d'autre part que dès août 2010, les dysfonctionnements du compte étaient portés à la connaissance de la société TREMA FINANCES ; Attendu qu'à la date du 21 octobre 2010, à l'issue de trois virements du compte SAXO BANQUE vers le compte FXCM (300.000 USD le 13 septembre 2010, 150.000 USD le 30 septembre 2010 et 100.000 USD le 21 octobre 2010), soit un total de 550.000 USD, équivalents à 415.610 €, qu'il ne demeurait sur le compte SAXO BANQUE que la somme de 4.013,37 USD, ainsi la disparition de l'investissement initial pour de près de 1.600.000 € était matérialisée ; Attendu que l'article 2224 ancien du Code civil dispose : « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant de l'exercer ». Et l'article L.110-4 du Code de commerce dispose : « Les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes. » ; Attendu qu'ainsi la prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; Qu'en l'espèce, la société TREMA FINANCES aurait dû constater que le caractère dommageable des faits s'était révélé â elle au plus tard le 21 octobre 2010, avec la perte de l'investissement initial résultant des opérations de trading ; Attendu que le fait que la société TREMA FINANCES ait été garantie contre d'éventuelles pertes ne saurait effacer l'existence même de ces pertes ; l'inefficacité de l'engagement de couverture et du cautionnement hypothécaire consentis par Monsieur [I] et son épouse ne saurait servir de point de départ de la connaissance par la société TREMA FINANCES des pertes qu'elle a subies sur son compte SAXO BANQUE ; Attendu que l'assignation est intervenue le 1er août 2016, soit plus de cinq ans après la date à laquelle la société TREMA FINANCES a connu ou aurait dû connaître les faits à l'origine de son préjudice ; En conséquence de ce qui précède, le tribunal dira la société TREMA FINANCES irrecevable en ses demandes et l'en déboutera » ;

alors 1/ que la prescription de l'action en réparation du préjudice résultant de l'exécution défectueuse d'un contrat de gestion de portefeuille court à compter du jour où ce préjudice est définitivement constitué, c'est-à-dire du jour où le contrat prend fin ; qu'au cas présent, en dissimulant à sa cliente la situation de conflit d'intérêts ainsi que le défaut d'agrément de M. [I], la société Saxo Banque France s'est rendue complice de l'exécution défectueuse du mandat confié à celui-ci, ayant causé la perte d'une somme de 1 584 390 euros au détriment de l'exposante ; que cette perte n'est définitive que depuis qu'il a été mis fin au contrat de mandat, le 31 décembre 2011 ; que pour déclarer prescrite la demande de la société Tréma Finances en réparation de son préjudice fondée sur les fautes de la société Saxo Banque France, la cour d'appel a retenu, par motifs propres et adoptés, que le délai de la prescription quinquennale avait couru à compter du 21 octobre 2010, jour où la perte réalisée a été portée à la connaissance de la société Tréma Finances lors du dernier transfert des fonds du compte Saxo vers un nouveau compte ouvert dans les livres de la FXCM ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 110-4 du code de commerce ;

alors 2/ qu'un portefeuille de titres constitue une universalité de fait, de sorte que le préjudice tiré de la perte de valeur des éléments qui le composent n'est définitif qu'au jour de sa liquidation ; qu'en disant que les pertes subies par la société Tréma Finances étaient définitives depuis le 21 octobre 2010 dans la mesure où, à cette date, ses positions sur les marchés étaient dénouées, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, en sa rédaction applicable à la cause.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 20-14908
Date de la décision : 19/01/2022
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 11 décembre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 19 jan. 2022, pourvoi n°20-14908


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.14908
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