LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 19 janvier 2022
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 57 F-D
Pourvoi n° C 20-13.951
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 JANVIER 2022
M. [X] [P], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 20-13.951 contre l'arrêt rendu le 24 janvier 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 1), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [C] [V], domiciliée [Adresse 1],
2°/ à la société IDM Conseil, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Abgrall, conseiller, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de M. [P], de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [V], après débats en l'audience publique du 30 novembre 2021 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Abgrall, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à M. [P] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société IDM conseil.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 janvier 2020), par acte authentique du 5 octobre 2011, Mme [V] a consenti une promesse unilatérale de vente à M. [P] portant sur cinq lots d'un immeuble en copropriété, moyennant le prix de 1 100 000 euros, la vente devant être réalisée au plus tard le 12 janvier 2012.
3. La promesse précisait que les lots avaient été donnés à bail à usage d'habitation à M. [L] en vertu d'un contrat du 16 février 1998.
4. L'acte authentique de vente a été conclu le 17 janvier 2012, aux conditions convenues dans la promesse.
5. Ayant appris l'existence d'un accord de résiliation amiable du bail avec indemnité de départ, conclu le 23 novembre 2011 entre M. [L] et M. [P] et la revente par celui-ci, le 26 avril 2012, de deux des cinq lots, libres de toute occupation, au prix de 130 000 euros, Mme [V] a assigné M. [P] en paiement de dommages-intérêts.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexé
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui est irrecevable.
Sur le moyen, pris en ses première, deuxième et quatrième branches
Enoncé du moyen
7. M. [P] fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au vendeur la somme de 300 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors :
« 1°/ que le consentement du promettant à la vente est acquis dès la conclusion de la promesse unilatérale de vente ; qu'en estimant que le consentement de Madame [V] à la vente n'avait été donné que le 17 janvier 2012 de sorte qu'il convenait d'apprécier à cette date la réticence imputée à Monsieur [P] et sa bonne foi dans ses rapports avec Madame [V], et en retenant une telle réticence motif pris qu'un accord prévoyant la libération des lieux avait été conclu le 23 novembre 2011, postérieurement à la promesse unilatérale de vente en date du 5 octobre 2011, et qu'il n'en avait pas été fait état lors de la signature de l'acte de vente en date du 17 janvier 2012, la cour a violé l'article 1116 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble l'article 1589 du même code ;
2°/ que la promesse unilatérale de vente précisait sans ambiguïté que Madame [V] donnait son consentement à la vente et qu'elle ne pouvait se rétracter, le bénéficiaire pouvant poursuivre la réalisation forcée de la vente en cas de refus du promettant de signer l'acte de vente ; qu'en estimant que le consentement de Madame [V] à la vente n'avait été donné que le 17 janvier 2012 de sorte qu'il convenait d'apprécier à cette date la réticence imputée à Monsieur [P] et sa bonne foi dans ses rapports avec Madame [V], la cour a dénaturé cet écrit clair et précis et violé l'article 1103 (anciennement 1134) du code civil ;
4°/ que la promesse unilatérale de vente précisait sans ambiguïté que Madame [V] donnait son consentement à la vente aux conditions prévues par la promesse et qu'elle ne pouvait se rétracter, le bénéficiaire pouvant poursuivre la réalisation forcée de la vente en cas de refus du promettant de signer l'acte de vente ; qu'en estimant que le bien aurait pu être vendu à un prix correspondant à un bien libre d'occupation le 17 janvier 2012 si Madame [V] avait été informée de l'accord du 23 novembre 2011, quand Madame [V], qui avait définitivement consenti à vendre le bien dans les conditions prévues par la promesse unilatérale de vente en date du 5 octobre 2011, n'aurait pu refuser de signer l'acte de vente auxdites conditions quand bien même elle aurait alors été informée de l'existence de l'accord du 23 novembre 2011, sauf à démontrer que le consentement donné aux termes de la promesse, et à l'occasion de celle-ci, avait été surpris par une réticence dolosive, la cour a derechef dénaturé cet écrit clair et précis et violé l'article 1103 (anciennement 1134) du code civil. »
Réponse de la Cour
8. La cour d'appel a exactement retenu que l'obligation de loyauté, de bonne foi et de sincérité s'imposait en matière contractuelle.
9. Elle a rappelé que, dans le cas d'une promesse unilatérale de vente, seul le promettant s'engageait à vendre et que le bénéficiaire ne contractait pas l'obligation d'acheter, de sorte que l'acte authentique de vente qui suivait une promesse unilatérale de vente n'était pas une réitération de vente, mais la réalisation de celle-ci.
10. Sans dire que le consentement de Mme [V] n'avait été donné que le 17 janvier 2012, elle a retenu que, la vente entre Mme [V] et M. [P] ayant été réalisée, non le 5 octobre 2011, date de la promesse unilatérale de vente, mais le 17 janvier 2012, c'est à cette dernière date qu'il convenait d'apprécier la loyauté, la bonne foi et la sincérité des contractants.
11. Elle a constaté qu'au 17 janvier 2012, la rencontre des volontés du vendeur et de l'acquéreur s'était faite sur un bien immobilier occupé, vendu en tant que tel, au prix de 1 100 000 euros, alors que, depuis le 23 novembre 2011, M. [P] avait obtenu du locataire en titre, M. [L], l'engagement de restituer l'appartement en contrepartie d'une indemnité de 100 000 euros et que Mme [V] n'avait pas connaissance de cet accord.
12. Elle a pu déduire de ces seuls motifs que la dissimulation de la libération des lieux par l'occupant en titre, de nature à augmenter de façon significative la valeur du bien, manifestait l'absence de loyauté, de bonne foi et de sincérité de l'acquéreur, ouvrant droit à dommages-intérêts pour le vendeur.
13. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [P] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf janvier deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour M. [P]
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef D'AVOIR condamné l'acquéreur (Monsieur [P]) d'un bien immobilier à verser au vendeur (Madame [V]) la somme de 300 000 € à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE l'obligation de loyauté, de bonne foi et de sincérité s'impose en matière contractuelle ; que la vente, qui est un contrat synallagmatique, est formée par la rencontre des volontés du vendeur et de l'acquéreur ; que tel n'est pas le cas d'une promesse unilatérale de vente où seul le promettant s'engage à vendre et ou le bénéficiaire ne contracte pas l'obligation d'acheter ; qu'aussi, l'acte authentique de vente, qui suit une promesse unilatérale de vente, n'est pas une réitération de vente, mais la réalisation de celle-ci ; qu'au cas d'espèce, la vente entre Madame [V] et Monsieur [P] ayant été réalisée non le 5 octobre 2011, date de la promesse unilatérale de vente, mais le 17 janvier 2012, c'est à cette dernière date qu'il convient d'apprécier la loyauté, la bonne foi et la sincérité des contractants ; qu'au 17 janvier 2012, la rencontre des volontés du vendeur et de l'acquéreur s'est faite sur un bien immobilier occupé vendu, en tant que tel, au prix de 1 100 000 € ; que depuis le 23 novembre 2011, Monsieur [P] avait obtenu du locataire en titre, Monsieur [L], l'engagement de restituer l'appartement en contrepartie d'une indemnité de 100 000 €, sous la condition suspensive de la réalisation de la vente, de sorte qu'au 17 janvier 2012, le bien aurait pu être vendu libre d'occupation ; que Madame [V], qui n'était pas partie à l'accord du 23 novembre 2011, n'en avait pas connaissance le 17 janvier 2012, cet accord ne lui en ayant pas été révélé par Monsieur [P] ; que cette dissimulation de la libération des lieux par l'occupant en titre, de nature à augmenter de façon significative la valeur du bien, qui manifeste l'absence de loyauté, de bonne foi et de sincérité de l'acquéreur, est constitutive d'une réticence dolosive ouvrant droit à dommages-intérêts pour le vendeur ; que s'agissant du préjudice subi par Madame [V] qu'elle décrit comme la « différence entre le prix qu'elle a perçu et le prix qu'elle aurait dû percevoir » (conclusions, p. 21), le 11 janvier 2012, la chambre des notaires de Paris avait évalué le bien occupé au prix de 1 400 000 € ; que le 27 mai 2015, ce même organisme l'a évalué, libre de toute occupation en octobre 2011, au prix de 1 650 000 € ; que toutefois, l'appelante n'établit pas qu'elle aurait pu vendre le bien à ce dernier prix dès le 17 janvier 2012 ; qu'en effet, tout indique que Madame [V] était pressée de vendre : alors qu'elle avait donné, d'abord, le 20 juillet 2011, un mandat de vente sans exclusivité à la société Dynagest à un prix « à déterminer (12 00 et 15 000 € / m² », elle n'a pas attendu les offres de cet agent immobilier, mais a confié la vente par mandat non exclusif du 30 août 2011 à la société IDM conseil, déjà titulaire d'un mandat de gestion du bien, au prix de 1 200 000 €, pour enfin s'engager à vendre le bien au prix de 1 100 000 € ; que le 6 janvier 2012, Madame [V] a écrit à Monsieur [L], locataire en place, pour lui signaler une erreur affectant la signification de la vente qui lui avait été délivrée par le notaire, lui indiquant que « la date de signature définitive étant prévue le 16 janvier, je suis très inquiète » ; que ces éléments montrent que Mme [V] n'a pas pris le temps d'attendre de trouver un acquéreur à un meilleur prix ; qu'au vu de ces éléments, le préjudice subi par Madame [V], qui consiste à n'avoir pas vendu le bien libre d'occupation, doit être évalué à la somme de 300 000 € au paiement de laquelle il convient de condamner Monsieur [P] ;
1°) ALORS QUE le consentement du promettant à la vente est acquis dès la conclusion de la promesse unilatérale de vente ; qu'en estimant que le consentement de Madame [V] à la vente n'avait été donné que le 17 janvier 2012 de sorte qu'il convenait d'apprécier à cette date la réticence imputée à Monsieur [P] et sa bonne foi dans ses rapports avec Madame [V], et en retenant une telle réticence motif pris qu'un accord prévoyant la libération des lieux avait été conclu le 23 novembre 2011, postérieurement à la promesse unilatérale de vente en date du 5 octobre 2011, et qu'il n'en avait pas été fait état lors de la signature de l'acte de vente en date du 17 janvier 2012, la Cour a violé l'article 1116 du Code civil dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble l'article 1589 du même Code ;
2°) ALORS QUE la promesse unilatérale de vente précisait sans ambiguïté que Madame [V] donnait son consentement à la vente et qu'elle ne pouvait se rétracter, le bénéficiaire pouvant poursuivre la réalisation forcée de la vente en cas de refus du promettant de signer l'acte de vente ; qu'en estimant que le consentement de Madame [V] à la vente n'avait été donné que le 17 janvier 2012 de sorte qu'il convenait d'apprécier à cette date la réticence imputée à Monsieur [P] et sa bonne foi dans ses rapports avec Madame [V], la Cour a dénaturé cet écrit clair et précis et violé l'article 1103 (anciennement 1134) du Code civil ;
3°) ALORS QUE le consentement du promettant à la vente est acquis dès la conclusion de la promesse unilatérale de vente ; qu'en estimant que le bien aurait pu être vendu à un prix correspondant à un bien libre d'occupation le 17 janvier 2012 si Madame [V] avait été informée de l'accord du 23 novembre 2011, quand Madame [V], qui avait définitivement consenti à vendre le bien dans les conditions prévues par la promesse unilatérale de vente en date du 5 octobre 2011, n'aurait pu refuser de signer l'acte de vente auxdites conditions quand bien même elle aurait alors été informée de l'existence de l'accord du 23 novembre 2011, sauf à démontrer que le consentement donné aux termes de la promesse, et à l'occasion de celle-ci, avait été surpris par une réticence dolosive, la Cour, qui n'a pas caractérisé le lien de causalité entre les faits qu'elle a relevé et le prétendu préjudice subi par Madame [V], a derechef violé l'article 1116 du Code civil dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble l'article 1589 du même Code ;
4°) ALORS QUE la promesse unilatérale de vente précisait sans ambiguïté que Madame [V] donnait son consentement à la vente aux conditions prévues par la promesse et qu'elle ne pouvait se rétracter, le bénéficiaire pouvant poursuivre la réalisation forcée de la vente en cas de refus du promettant de signer l'acte de vente ; qu'en estimant que le bien aurait pu être vendu à un prix correspondant à un bien libre d'occupation le 17 janvier 2012 si Madame [V] avait été informée de l'accord du 23 novembre 2011, quand Madame [V], qui avait définitivement consenti à vendre le bien dans les conditions prévues par la promesse unilatérale de vente en date du 5 octobre 2011, n'aurait pu refuser de signer l'acte de vente auxdites conditions quand bien même elle aurait alors été informée de l'existence de l'accord du 23 novembre 2011, sauf à démontrer que le consentement donné aux termes de la promesse, et à l'occasion de celle-ci, avait été surpris par une réticence dolosive, la Cour a derechef dénaturé cet écrit clair et précis et violé l'article 1103 (anciennement 1134) du Code civil.