LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CDS
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 12 janvier 2022
Cassation partielle
M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 70 F-D
Pourvoi n° Z 20-17.904
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [O].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 18 juin 2020.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JANVIER 2022
M. [K] [O], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 20-17.904 contre l'arrêt rendu le 28 mars 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-5), dans le litige l'opposant :
1°/ à l'association Centre de gestion et d'étude AGS (AGS-CGEA) de [Localité 4], dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à la société Taddei-Funel, dont le siège est [Adresse 3], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société La Générale de peinture et rénovation,
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de Me Soltner, avocat de M. [O], après débats en l'audience publique du 17 novembre 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 28 mars 2019), M. [O] a été engagé par la société La Générale de peinture et rénovation (la société), suivant contrat à durée déterminée, pour la période du 1er septembre au 30 novembre 2014, en qualité de carreleur peintre.
2. Le 6 novembre 2014, le salarié a été victime d'un accident du travail. Il a bénéficié d'un arrêt de travail prolongé jusqu'au 30 novembre 2014.
3. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 29 février 2016 de diverses demandes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.
4. La société a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 6 juillet 2016 et la société Taddei-Funel a été désignée en qualité de liquidatrice judiciaire.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement n'est pas nul et de le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement nul, alors « que lorsqu'un contrat à durée déterminée est requalifié après l'arrivée de son terme en contrat à durée indéterminée, la seule survenance du terme ne peut être considérée comme un motif légitime de rupture mais s'analyse en un licenciement, lequel, s'il intervient alors que le salarié se trouvait au cours d'une période de suspension de son contrat en raison d'une maladie professionnelle ou d'un accident du travail, est frappé de nullité ; qu'en l'espèce, pour débouter le salarié de sa demande tendant au prononcé de la nullité de son licenciement et à l'allocation des sommes dues en cas de licenciement nul, l'arrêt se contente d'énoncer qu' [K] [O] ne justifie pas être en arrêt maladie pour accident du travail après le 30 novembre 2014 et en conséquence le licenciement sera qualifié de licenciement abusif et non de licenciement nul ; qu'en statuant ainsi, cependant que la date du 30 novembre 2014 correspondait, selon les constatations de l'arrêt, non à la cessation de la pathologie dont souffrait le salarié, mais à l'arrivée du terme du contrat à durée déterminée requalifié, ce dont il résultait que M. [O], dont le contrat était réputé se poursuivre au-delà de cette date, bénéficiait toujours de la protection prévue par l'article L. 1226-9 le jour où la rupture est survenue, et n'avait pas à établir que sa maladie avait perduré après le 30 novembre 2014, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient et a violé les articles L. 1232-6, L. 1226-9, L. 1226-13, L. 122-32-2 et L. 122-14-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1226-9 et L. 1226-13 du code du travail :
6. Selon ces textes, au cours des périodes de suspension du contrat de travail du salarié consécutives à un accident du travail ou une maladie professionnelle, l'employeur ne peut rompre ce contrat que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie, toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance de ces dispositions étant nulle.
7. Pour dire que la rupture constitue un licenciement abusif et non un licenciement nul comme le soutenait le salarié, l'arrêt retient que ce dernier ne justifie pas être en arrêt maladie pour accident du travail après le 30 novembre 2014.
8. En statuant ainsi, après avoir requalifié le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, la cour d'appel, qui a constaté que le salarié avait été placé en arrêt de travail dès la survenance de son accident du travail jusqu'au 30 novembre 2014, en sorte qu'à la date de la rupture, le contrat de travail était suspendu, ce dont elle aurait dû déduire que la cessation de la relation contractuelle au cours de la période de suspension s'analysait en un licenciement nul, a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
9. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée entraîne la cassation, par voie de conséquence, des chefs de dispositif relatifs à la délivrance de documents de fin de contrat rectifiés, aux dépens et aux frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement ayant dit que M. [O] a fait l'objet d'un licenciement régulier et ayant débouté ce dernier de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement irrégulier, en ce qu'il déboute M. [O] de ses demandes de nullité du licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement nul, en ce qu'il ordonne la délivrance de bulletins de salaire, d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle emploi rectifiés conformes à l'arrêt et en ce qu'il dit que chacune des parties conservera la charge des frais irrépétibles et des dépens par elle exposés, l'arrêt rendu le 28 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;
Condamne la société Taddei-Funel, ès qualités, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Taddei-Funel, ès qualités, à payer à Me Soltner la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze janvier deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Soltner, avocat aux Conseils, pour M. [O]
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement dont M. [O] a fait l'objet ne constitue pas un licenciement nul, et de l'AVOIR en conséquence débouté de sa demande en paiement d'une indemnité de 4 336, 14 euros nets à titre de dommages intérêts pour licenciement nul ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE Sur les demandes relatives à la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée. L'article L. 1242-12 du code du travail dispose : " Le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée L'article LI 245-2 alinéa 2 dispose : « Lorsque le conseil des prud'hommes fait droit à la demande du salarié (requalification), il lui accorde une indemnité à la charge de l'employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. Cette disposition s'applique sans préjudice de I 'application des dispositions du tiffe III du présent livre relatives aux règles de rupture du contrat de travail à durée indéterminée. En l'espèce, le contrat à durée déterminée ne comporte pas la définition de son motif. En conséquence, le contrat à durée déterminée sera requalifié en contrat à durée indéterminée et il sera alloué à [K] [O] la somme de 722,6 euros à titre d'indemnité de requalification. Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail. Si la relation contractuelle est requalifiée en contrat à durée indéterminée après le terme du contrat à durée déterminée, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse. En l'espèce, il n'est pas contesté que c'est après le terme du contrat à durée déterminée que celui-ci a été requalifié en contrat à durée indéterminée rendant la rupture sans cause réelle et sérieuse ou abusive. [K] [O] ne justifie pas être en arrêt maladie pour accident du travail après le 30 novembre 2014 et en conséquence, le licenciement sera qualifié de licenciement abusif et non de licenciement nul. Sur les conséquences du licenciement. En application des articles L 1234-1 et suivants du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit, s'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus inférieure à 6 mois, à un préavis dont la durée est déterminée par la loi la convention ou l'accord collectif de travail. Aux termes de I ' article 10.1 de la convention collective des entreprises du bâtiment, le salarié justifiant d'une ancienneté de trois à six mois bénéficie d'un préavis de deux semaines. [K] [O] justifie d'une ancienneté de trois mois, il lui sera allouée la somme de 361,34 euros outre la somme de 36,13 euros de congés payés y afférents ».
ET AUX MOTIFS A LES SUPPOSER ADOPTER QUE le contrat de travail de Monsieur [K] [O] était conclu avec un terme précis incluant une date de début et de fin pour la période allant du 1er septembre 2014 au 30 novembre. Attendu que le dernier arrêt de travail versé aux débats fait état d'un arrêt de travail jusqu'au 30 novembre 2014, date de fin de contrat de travail à durée déterminée de Monsieur [K] [O]. En conséquence le conseil dit et juge que Monsieur [K] [O] a fait l'objet d'un licenciement régulier et le déboute de la somme de 722,69 € ainsi que de la somme de 4.336, 4 € pour les dommages et intérêts afférents.
1°) ALORS QUE lorsqu'un contrat à durée déterminée est requalifié après l'arrivée de son terme en contrat à durée indéterminée, la seule survenance du terme ne peut être considérée comme un motif légitime de rupture mais s'analyse en un licenciement, lequel, s'il intervient alors que le salarié se trouvait au cours d'une période de suspension de son contrat en raison d'une maladie professionnelle ou d'un accident du travail, est frappé de nullité ; qu'en l'espèce, pour débouter le salarié de sa demande tendant au prononcé de la nullité de son licenciement et à l'allocation des sommes dues en cas de licenciement nul, l'arrêt se contente d'énoncer qu'« [K] [O] ne justifie pas être en arrêt maladie pour accident du travail après le 30 novembre 2014 et en conséquence le licenciement sera qualifié de licenciement abusif et non de licenciement nul » ; qu'en statuant ainsi, cependant que la date du 30 novembre 2014 correspondait, selon les constatations de l'arrêt, non à la cessation de la pathologie dont souffrait le salarié, mais à l'arrivée du terme du contrat à durée déterminée requalifié, ce dont il résultait que Monsieur [O], dont le contrat était réputé se poursuivre au-delà de cette date, bénéficiait toujours de la protection prévue par l'article L 1226-9 le jour où la rupture est survenue, et n'avait pas à établir que sa maladie avait perduré après le 30 novembre 2014, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient et a violé les articles L 1232-6, L 1226-9, L. 1226-13, L 122-32-2 et L. 122-14-4 du code du travail ;
2°) ALORS QU'en outre la période de protection du salarié prévue par l'article L 1226-9 du code du travail ne cesse qu'après que le salarié ait été soumis à une visite de reprise concluant à l'aptitude de l'intéressé à reprendre son emploi ; qu'en fixant pourtant le terme de la période de protection de l'exposant au jour de l'arrivée du terme du contrat à durée déterminée qu'elle avait requalifié, sans constater qu'à cette date, M. [O] avait été soumis à une visite de reprise seule susceptible de marquer le terme de la période de protection prévue par l'article L 1226-9 du code du travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1232-6, L 1226-9, L. 1226-13, L 122-32-2 et L. 122-14-4 du code du travail ;
3°) ALORS en tout état cause QUE Monsieur [O] soutenait, sans être contredit, que la CPAM avait reconnu la réalité de son accident du travail et pris une décision fixant la date de guérison au 19 octobre 2015, décision qu'il produisait à l'appui de ses conclusions, ce dont il déduisait que son licenciement était bien intervenu au cours de la période de protection prévue par l'article L 1226-9 du contrat du travail, de sorte qu'il devait être frappé de nullité. (concl. p. 2 § 4) ; que la cour d'appel, qui énonce que « Monsieur [O] ne justifie par être en arrêt maladie pour accident du travail après le 30 novembre 2014, sans répondre aux conclusions de l'intéressé qui démontrait, pièce à l'appui, le contraire et indiquait à la Cour quel était le terme prévisible de sa période de suspension, la cour d'appel a violé l'article 455 du CPC ;