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12/01/2022 | FRANCE | N°20-11948

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 janvier 2022, 20-11948


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 janvier 2022

Cassation partielle

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 40 F-D

Pourvoi n° A 20-11.948

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JANVIER 2022

La société Beijaflore

, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 20-11.948 contre l'arrêt rendu le 23 octobre 2019 par la cour d'appel d...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 janvier 2022

Cassation partielle

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 40 F-D

Pourvoi n° A 20-11.948

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JANVIER 2022

La société Beijaflore, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 20-11.948 contre l'arrêt rendu le 23 octobre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 4), dans le litige l'opposant à M. [Z] [G], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pion, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Beijaflore, de la SAS Cabinet Colin - Stoclet, avocat de M. [G], après débats en l'audience publique du 16 novembre 2021 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pion, conseiller rapporteur, Mme Van Ruymbeke, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 octobre 2019), M. [G], engagé en qualité de directeur des ressources humaines le 3 mai 2004 par la société Beijaflore, exerçait en dernier lieu les fonctions de directeur général délégué.

2. Le salarié a été licencié le 16 septembre 2014.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, et sur le second moyen, pris en sa première branche, réunis

Enoncé des moyens

4. Par son premier moyen, pris en sa seconde branche, l'employeur fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande au titre du bonus pour l'année 2011, alors « que le juge ne peut pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que l'avenant au contrat de travail applicable à compter du 1er janvier 2008, dernier document contractuel signé par les deux parties et applicable à l'exercice 2011, prévoyait que le salarié aurait droit « en 2008 », à un « bonus discrétionnaire » dont le montant pourrait aller jusqu'à 50 000 € ; que cet acte ne créait aucun droit à un bonus contractuel pour les années suivantes, de sorte que si la cour d'appel s'est fondée sur ce dernier état de la relation contractuelle des parties pour en déduire l'existence d'un bonus « convenu contractuellement » au titre de l'année 2011, elle a dénaturé l'avenant précité, en méconnaissance de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis.»

5. Par son second moyen, pris en sa première branche, l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer une somme à titre de rappel de primes pour l'année 2014, alors « que le juge ne peut pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que l'avenant au contrat de travail applicable à compter du 1er janvier 2008, dernier document contractuel signé par les deux parties, prévoyait que le salarié aurait droit « en 2008 », à un « bonus discrétionnaire » dont le montant pourrait aller jusqu'à 50 000 euros ; qu'en jugeant pourtant qu'il n'était « pas précisé » que le bonus ainsi prévu « concernait cette seule année 2008 », la cour d'appel a dénaturé l'avenant précité, en méconnaissance de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis. »
Réponse de la Cour

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :

6. Pour infirmer le jugement en ce qu'il déboute le salarié de sa demande au titre du bonus pour l'année 2011, et condamner l'employeur à payer à ce dernier une certaine somme à titre de rappel de prime pour l'année 2014, l'arrêt retient que le bonus au titre de l'année 2011 a été convenu contractuellement, qu'il n'avait pas de caractère discrétionnaire, qu'il ne peut être fait grief au salarié de ne pas l'avoir réclamé, que l'avenant n° 3 au contrat de travail du 1er décembre 2005 prévoyait un bonus discrétionnaire dont le montant pouvait aller jusqu'à 50 000 euros, que les critères généraux étaient cependant définis à savoir les résultats globaux du cabinet et ceux de sa filiale et qu'il n'était pas précisé que cela concernait cette seule année 2008.

7. En statuant ainsi, alors que l'avenant au contrat de travail n° 3 précisait « En 2008 vous pourrez être éligible à un bonus discrétionnaire dont le montant pourra aller jusqu'à 50 000 euros en fonction des résultats globaux du cabinet, de ceux de la filiale dont vous avez la responsabilité et de votre contribution personnelle », la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé.

Et sur le second moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

11. L'employeur fait le même grief à l'arrêt, alors « que le versement d'un bonus peut résulter d'une simple libéralité consentie par l'employeur, dont le salarié ne peut réclamer le renouvellement les années suivantes ; qu'en se bornant à relever qu'après 2008, l'employeur avait continué à verser des bonus ou des primes d'objectifs au salarié, motif impropre à lui seul à caractériser l'obligation de l'employeur de verser une prime au titre de l'année 2014, en l'absence de caractérisation d'un engagement contractuel, d'un engagement unilatéral de l'employeur ou encore d'un usage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

12. Aux termes de ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

13. Pour condamner l'employeur à payer au salarié une certaine somme au titre du bonus 2014, l'arrêt retient encore qu'ont été versés, en prime exceptionnelle ou bonus, 30 000 euros en 2009, 10 000 euros en 2010, 35 000 euros en 2011, 7 000 euros en 2012, 40 000 euros en 2013 et 30 000 euros en 2014, que la continuité des versements de primes ou bonus est réelle, qu'il ne peut être soutenu que le bonus discrétionnaire n'avait été envisagé qu'exclusivement au titre de l'année 2008, que les changements d'appellation de bonus en prime exceptionnelle ou encore ultérieurement prime d'objectifs n'ont pas fait l'objet d'écrits et encore moins d'avenants en précisant les modalités, et que toutes ces primes s'inscrivent dans la continuité et n'ont pas été remises en cause par l'employeur.

14 . En se déterminant ainsi, sans caractériser l'existence d'un engagement unilatéral de l'employeur ou d'un usage, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Portée et conséquences de la cassation

15. La cassation prononcée n'atteint pas les chefs du dispositif relatifs à la condamnation de la société aux dépens et au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiée par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que qu'il infirme le jugement qui déboute le salarié de sa demande au titre du bonus pour l'année 2011, qu'il condamne la société Beijaflore à payer à M. [G] la somme de 49 000 euros à titre de prime pour l'année 2014, l'arrêt rendu le 23 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne M. [G] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze janvier deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Beijaflore

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR infirmé le jugement déféré en ce qu'il avait débouté M. [G] de sa demande au titre du bonus pour l'année 2011,

AUX MOTIFS QU'en ce qui concerne le bonus au titre de l'année 2011, celle-ci a été convenue contractuellement et qu'il ne saurait être fait grief au salarié de ne pas l'avoir réclamé et que ce bonus n'avait aucun caractère discrétionnaire ; que faute pour l'employeur de produire tous les éléments permettant le calcul exact, et au vu néanmoins des résultats obtenus par M. [G], la cour infirme le jugement de première instance, et condamne donc la société Beijaflore à verser au salarié la somme de 28 333 € au titre de sa prime variable annuelle 2011, ce montant correspondant à la moyenne des primes versées au cours des trois précédents exercices,

1- ALORS QUE le juge ne peut pas statuer par voie de pure affirmation ; qu'en se bornant à affirmer que le bonus au titre de l'année 2011 avait été « convenu contractuellement », ce qui était contesté, l'employeur soulignant qu'aucun bonus n'avait été prévu par le contrat après 2008, sans indiquer sur quelles pièces elle se fondait pour retenir l'existence de l'accord contractuel dont elle affirmait l'existence, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

2- ALORS QUE le juge ne peut pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que l'avenant au contrat de travail applicable à compter du 1er janvier 2008, dernier document contractuel signé par les deux parties et applicable à l'exercice 2011, prévoyait que le salarié aurait droit « en 2008 », à un « bonus discrétionnaire » dont le montant pourrait aller jusqu'à 50 000 € ; que cet acte ne créait aucun droit à un bonus contractuel pour les années suivantes, de sorte que si la cour d'appel s'est fondée sur ce dernier état de la relation contractuelle des parties pour en déduire l'existence d'un bonus « convenu contractuellement » au titre de l'année 2011, elle a dénaturé l'avenant précité, en méconnaissance de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Beijaflore à verser à M. [G] la somme de 49 000 euros à titre de rappel de prime pour l'année 2014,

AUX MOTIFS PROPRES QU'en ce qui concerne le bonus 2014, les moyens soutenus par la société Beijaflore ne font que réitérer, sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels, se livrant à une exacte appréciation des faits de la cause, et à une juste application des règles de droit s'y rapportant, ils ont répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation,

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'avenant n° 3 au contrat de travail du 1er décembre 2005 prévoyait un bonus discrétionnaire dont le montant pouvait aller jusqu'à 50 000 €, que les critères généraux étaient cependant définis à savoir les résultats globaux du cabinet et ceux de sa filiale ; qu'il n'était pas précisé que cela concernait cette seule année 2008 ; qu'ont été versés, en prime exceptionnelle ou bonus 30 000 € en 2009, 10 000 € en 2010, 35 000 € en 2011 ; qu'il ne peut être soutenu que le bonus discrétionnaire n'avait été envisagé qu'exclusivement au titre de l'année 2008 ; que les changements d'appellation de bonus en prime exceptionnelle ou encore ultérieurement prime d'objectifs n'ont pas fait l'objet d'écrits et encore moins d'avenants en précisant les modalités ; que toutes ces primes s'inscrivent dans la continuité et n'ont pas été remises en cause par la société Beijaflore ; [?] ; qu'au titre de l'année 2014, ont été versés 40 000 € en 2013 au titre de 2012, 30 000 € e, 2014 au titre de 2014, que la continuité des versements de primes ou bonus est réelle ; qu'un bonus d'un montant de 30 000 € versé au titre de l'année 2013 ne peut l'avoir été au seul titre d'être un « encouragement pour un salarié en difficulté » ; que la dispense de préavis ne peut avoir pour conséquence de priver le salarié d'avantages dont il aurait bénéficié en exécutant ledit préavis ; que 98% de l'objectif de marge brute avait été atteint lors du départ de la société ; qu'il est légitime, à défaut d'autre critère, de verser en proportion la prime de 2014, soit 98% de 50 000 € soit 49 000 €,

1- ALORS QUE le juge ne peut pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que l'avenant au contrat de travail applicable à compter du 1er janvier 2008, dernier document contractuel signé par les deux parties, prévoyait que le salarié aurait droit « en 2008 », à un « bonus discrétionnaire » dont le montant pourrait aller jusqu'à 50 000 € ; qu'en jugeant pourtant qu'il n'était « pas précisé » que le bonus ainsi prévu « concernait cette seule année 2008 », la cour d'appel a dénaturé l'avenant précité, en méconnaissance de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis.

2- ALORS QUE le versement d'un bonus peut résulter d'une simple libéralité consentie par l'employeur, dont le salarié ne peut réclamer le renouvellement les années suivantes ; qu'en se bornant à relever qu'après 2008, l'employeur avait continué à verser des bonus ou des primes d'objectifs au salarié, motif impropre à lui seul à caractériser l'obligation de l'employeur de verser une prime au titre de l'année 2014, en l'absence de caractérisation d'un engagement contractuel, d'un engagement unilatéral de l'employeur ou encore d'un usage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR considéré que le licenciement de M. [G] est sans cause réelle et sérieuse, d'AVOIR porté le montant les dommages et intérêts alloués au salarié sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail à la somme nette de 300 000 euros et d'AVOIR condamné la société Beijaflore à payer à M. [G] ladite somme, avec intérêts,

AUX MOTIFS PROPRES QU'en application de l'article L. 1235-1 du code du travail, il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur et de former sa conviction au vu des éléments fournis par les parties ; que si l'appréciation des aptitudes professionnelles à l'emploi incombe à l'employeur, l'insuffisance professionnelle et l'insuffisance de résultat, dès lors qu'elles sont soutenues, doivent reposer sur des éléments concrets et des griefs suffisamment pertinents pour justifier le licenciement ; que force est de constater que le motif d'insuffisance professionnelle qui lui est reproché à M. [Z] [G], après plus de 10 années de collaboration, est contredit par les décisions de la société Beijaflore, à savoir : - 5 promotions significatives en 10 années de collaboration, - 5 augmentations substantielles de son salaire fixe, lequel est passé de 91 469 € en 2004 à 187 000 € en 2013, soit un salaire plus que doublé en 9 ans, - les bonus annuels, pour un montant moyen annuel de 31 250 €, versés tous les ans à M. [G] au titre des exercices 2005 à 2013 (sauf pour 2011, année où la société a fait état de difficultés), - les bonus très importants, pour des montants de 40 000 € au titre de l'exercice 2012 et 30 000 € au titre de l'exercice 2013, respectivement versés en février 2013 et mars 2014, soit à peine 5 mois avant le licenciement de M. [Z] [G] ; que par ailleurs, la société Beijaflore ne peut donc valablement reprocher à M. [G] une insuffisance de résultats alors que la filiale Beijaflore MSI qu'il dirigeait affichait des résultats meilleurs que ceux du groupe auquel elle appartient ainsi que de la plupart des filiales, preuve que la baisse des résultats de Beijaflore MSI n'était pas imputable à M. [G] mais bien à un contexte général impactant négativement la quasi-totalité des filiales du groupe ; que s'agissant du management des équipes reproché à M. [Z] [G], en premier lieu il convient de relever que l'employeur qui, bien qu'informé de l'ensemble des faits reprochés au salarié, choisit de lui notifier un avertissement seulement pour certains d'entre eux, épuise son pouvoir disciplinaire et ne peut prononcer un licenciement pour des faits antérieurs à la sanction prononcée ; qu'en l'espèce, la chronologie est la suivante : - le 4 juillet, la société Beijaflore a sanctionné M. [G] au moyen d'un avertissement, - malgré la contestation formelle de M. [G] dès le 21 juillet, l'employeur a maintenu sa sanction par lettre du 30 janvier suivant, - après cet échange, M. [G] est parti en congés payés en août 2014 et, dès son retour, a été convoqué à un entretien préalable de licenciement le 2 septembre 2014 ; que la société Beijaflore, faute d'aucune précision de lieu, de date et de noms, des manquements imputables à M. [G] s'agissant de sa capacité managériale au sein de sa filiale a épuisé son pouvoir disciplinaire le 4 juillet 2014 ; qu'en outre, aucun élément ne démontre le grief reproché au salarié, qui au contraire verse un nombre important d'attestations de collaborateurs ayant apprécié son management ; que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et a néanmoins rejeté la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral spécifique faute de circonstances vexatoires établies ; que s'agissant des dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, leur montant sera porté à la somme de 300 000 euros compte tenu des justificatifs apportés par le salarié en cause d'appel,

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la lettre de licenciement énonce de façon précise les motifs du licenciement ; que sur le motif du management des équipes, il est avancé que la société « a dû constater votre manque de considération et de respect vis-à-vis des membres de votre équipe » et que des « insatisfactions de vos collaborateurs quant à votre management » ont été remontées aux équipes gestion des carrières ; qu'aucun élément justificatif n'est apporté ni dans le dossier, ni à la barre, ce motif n'est pas fondé ; que sur des propos discourtois qui auraient été tenus, un avertissement a déjà sanctionné cette faute et qu'aucun autre fait ne vient à l'appui de l'affirmation écrite dans la lettre de licenciement ; que l'argument ne peut pas être retenu ; que, sur le motif de mauvaise performance, pour l'année 2012, la marge brute de la société MSI a progressé de 1% avec une baisse de chiffre d'affaires ; que la performance ne peut pas être considérée comme mauvaise ; que pour l'année 2013, la marge brute a baissé de 2% avec un taux de marge brute qui a progressé de 2%, malgré un chiffre d'affaires qui a continué à baisser ; que la performance doit être mise en perspective de l'environnement dans lequel le résultat a été obtenu ; que, pour le début de l'année 2014, les éléments de conjoncture étaient identiques conduisant à une baisse du chiffre d'affaires de Beijaflore de l'ordre de 8%, les performances de M. [G] ne ressortent pas comme significativement insuffisantes notamment en comparaison des autres filiales du groupe ; que la partie Risque et Sécurité, managée par M. [G], a progressé de +10% sur le chiffre d'affaires et de 16% sur la marge ; que des entretiens d'appréciation ne viennent pas mettre en exergue une problématique de résultat ; que de nombreuses primes ont été versées dans la période telle que l'atteste l'examen des bulletins de salaire ; que l'insuffisance professionnelle n'est pas démontrée ; que, sur le turn over, les pièces 13 a, 13 b, 13 c et 13 d du défendeur montrent une diminution des démissions passant de 48 en 2011 avant l'arrivée de M. [G] à 28 en 2014 ; que les comparaisons en pourcentage par rapport aux autres activités du groupe ne font pas ressortir d'anomalie même si, dans l'absolu, les chiffres sont élevés ; que de plus, la préoccupation du taux de turn over n'a fait l'objet d'aucune remarque ou encore de fixation d'objectif préalablement au licenciement ; que ce reproche n'est pas démontré et que l'argumentation de mauvaise gestion du personnel n'est pas retenu pour expliquer les performances insatisfaisantes d'autant que le désengagement de M. [G] dans ses fonctions ne fait l'objet d'aucune démonstration objective,

1- ALORS QUE le juge a l'obligation d'examiner l'ensemble des griefs invoqués dans la lettre de licenciement ; qu'en se bornant dès lors, pour statuer sur l'insuffisance professionnelle du salarié, à examiner, par motifs propres et adoptés, la situation de la société dirigée par celui-ci, en la comparant notamment aux autres sociétés du groupe, sans rechercher si l'insuffisance professionnelle ne s'évinçait pas, comme l'avait énoncé l'employeur dans la lettre de licenciement, des très mauvais résultats obtenus par l'activité « Management et Infrastructure », la seule dont le salarié était directement responsable, lesquels étaient partiellement contrebalancés par les résultats satisfaisants enregistrés par l'activité « Risque et sécurité » de la société, dont la responsabilité incombait à un autre salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1 et L. 1232-6 du code du travail.

2- ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motif ; que la société Beijaflore avait contesté, dans ses conclusions, l'analyse des premiers juges ayant mis en exergue les bons résultats de l'activité « Risque et Sécurité », laquelle aurait été « managée par M. [G] », en exposant, pièce à l'appui, que la responsabilité de cette activité avait été confiée à un autre salarié, M. [T] ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen contestant la motivation des premiers juges, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

3- ALORS QUE le juge ne peut pas statuer par des motifs inopérants ; qu'en se bornant à relever que la société Beijaflore avait promu le salarié et qu'elle avait augmenté son salaire jusqu'en 2013, en lui versant des bonus importants sur cette période, sans mettre en exergue une problématique de résultat, motifs impropres à exclure l'insuffisance professionnelle qui était invoquée au titre des mauvais résultats constatés en juillet 2014, la cour d'appel a privé sa décision de base au regard des articles L. 1232-1 et L. 1232-6 du code du travail.

4- ALORS QUE la contradiction de motifs constitue un défaut de motifs ; que pour écarter toute insuffisance professionnelle du salarié, la cour d'appel a relevé, par motifs adoptés, d'une part, que pour l'année 2013, la marge brute de la société avait baissé de 2%, d'autre part, que le taux de marge brute avait progressé de 2% ; qu'en entachant ainsi sa décision d'une irréductible contradiction, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

5- ALORS QUE le juge ne peut pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que le tableau récapitulatif produit par la société Beijaflore faisait apparaître que le nombre de démissions constaté dans la société dirigée par M. [G] s'élevait à 28 à la date du 12 mai 2014, et non pour la totalité de l'année 2014 ; qu'en jugeant pourtant, par motifs adoptés, pour écarter toute anomalie, que ce soit au regard de la situation antérieure ou au regard des autres sociétés du groupe, que ce nombre était passé « de 48 en 2011 à 28 en 2014 », la cour d'appel a dénaturé la pièce produite par l'exposante, en méconnaissance de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-11948
Date de la décision : 12/01/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 23 octobre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 jan. 2022, pourvoi n°20-11948


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SAS Cabinet Colin - Stoclet, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.11948
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