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11/01/2022 | FRANCE | N°21-82075

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 janvier 2022, 21-82075


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° W 21-82.075 F-B

N° 00032

RB5
11 JANVIER 2022

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 11 JANVIER 2022

Les sociétés [1] et [2] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 21 octobre 2020, qui, pour infract

ion au code des transports, les a condamnées chacune à 15 000 euros d'amende.

Les pourvois sont joints en raison de la conne...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° W 21-82.075 F-B

N° 00032

RB5
11 JANVIER 2022

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 11 JANVIER 2022

Les sociétés [1] et [2] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 21 octobre 2020, qui, pour infraction au code des transports, les a condamnées chacune à 15 000 euros d'amende.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Un mémoire, commun aux demanderesses, et des observations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de M. Samuel, conseiller, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat des sociétés [1] et [2], et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 novembre 2021 où étaient présents M. Soulard, président, M. Samuel, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. A la suite d'un contrôle effectué, au siège de la société [1], sur le registre des opérations d'affrètement, par les services de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), la société [2], société de droit tchèque spécialisée dans le transport de véhicules particuliers, et la société [1], commissionnaire de transport, toutes deux filiales d'un même groupe, ont été poursuivies devant le tribunal correctionnel, la première pour exercice d'une activité de transport public routier de marchandises sans inscription au registre correspondant à cette activité, la seconde pour complicité de ce délit.

3. Par jugement du 13 décembre 2017, le tribunal a rejeté les exceptions de nullité soulevées par les prévenues qui ont relevé appels de cette décision, lesquels ont été déclarés non immédiatement recevables.

4. Par jugement du 7 novembre 2018, le tribunal a relaxé les prévenues.

5. Le ministère public a relevé appel de ce jugement.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et sur le second moyen, pris en ses quatrième, cinquième et sixième branches

6. Il ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le second moyen, pris en ses autres branches

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la société [2] coupable d'exercice d'une activité de transporteur public routier de marchandises sans inscription au registre et la société [1] coupable de complicité d'exercice d'une activité de transporteur public routier de marchandises sans inscription au registre, alors :

« 1°/ qu'il résulte des propres mentions de l'arrêt attaqué qu'il est reproché à la société [2], d'avoir exercé une activité de transporteur public routier de marchandises sans inscription au registre tenu par les autorités de l'Etat dans les conditions prévues par l'article L. 1421-1 ; en abusant de l'activité de cabotage international routier régie par le règlement européen n° 1072/2009, dispositions reprises aux articles L. 3421-3 à L. 3421-7 du code des transports, et à la société [1] de s'être rendue complice de ce dit ; qu'en se bornant à relever, pour déclarer la société [2] coupable, que les chiffres des flottes respectives des deux sociétés révèlent que la société tchèque intervient quotidiennement et habituellement sur le territoire français et que cette intervention est intégrée dans le fonctionnement de la société [1] qui y recourt systématiquement, lorsque la société [2], titulaire d'une licence communautaire, était légalement et valablement établie en Tchécoslovaquie où elle était inscrite au registre tenu par les autorités de son pays d'établissement, qu'elle n'était ni résidente ni établie sur le territoire français où elle y prestait librement, dans le cadre communautairement défini du cabotage repris notamment à l'article L. 3421-4, sans y commettre de délits de cabotage irréguliers, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'infraction dont elle a déclaré la société [2] coupable, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé les articles 90, 91, §1 b, 92 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), des articles 3, 5, 10, 11, 16 du Règlement (CE) n° 1071/2009 du Parlement européen, L. 3421-3 à L. 3421-7 et L. 3452-6, L. 3452-7 du code des transports, 121-3, alinéa 1, du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

2°/ que le juge national est tenu, lorsque les faits dont il est saisi le justifient, de faire application des règles d'ordre public issues du droit de l'Union européenne ; qu'il résulte des articles 90, 91 et 92 du Titre VI « Les Transports » du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne que la législation en matière de transport échappe relève d'une politique commune de l'Union, échappe à la souveraineté des Etats membres notamment quant aux conditions d'admission de transporteurs non résidents aux transports nationaux dans un État membre et relève exclusivement de la compétence du droit de l'Union, les états membres ne pouvant rendre moins favorables, dans leurs effets directs ou indirects à l'égard des transporteurs des autres états membres par rapport aux transporteurs nationaux, les diverses dispositions régissant la matière ; qu'en jugeant que la définition du cabotage au sein de l'Union européenne, telle qu'elle résulte de l'article 8 du Règlement (CE) n° 1072/2009 du 21 octobre 2009, est précisée par l'article L. 3421-8 du code des transports qui prévoit qu'un transporteur non résident ne peut se prévaloir des dispositions dudit règlement lorsqu'il exerce sur le territoire national une activité de transport intérieur de façon habituelle, continuelle et régulière, ou une activité qui est réalisée à partir des locaux ou d'infrastructures situés sur le territoire national, cette disposition interne permettant d'éviter que sous couvert de cabotages multiples, même conformes au règlement, un transporteur établi dans un autre Etat membre exerce habituellement son activité en France, tout en échappant aux obligations incombant aux entreprises nationales, la cour d'appel, qui a interprété une disposition interne comme permettant de limiter la portée du Règlement, a méconnu le principe de la prééminence du droit de l'Union européenne sur le droit national, en violation des articles 90, 91 et 92 du Titre VI du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, 8 du Règlement n° 1072/2009, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

3°/ que la loi pénale est d'interprétation stricte ; qu'en jugeant que l'article L. 3421-8 du code des transports prévoit qu'un transporteur non résident ne peut se prévaloir des dispositions dudit Règlement lorsqu'il exerce sur le territoire national une activité de transport intérieur de façon habituelle, continuelle ou régulière ou une activité qui est réalisée à partir des locaux ou d'infrastructures situées sur le territoire national, lorsque ce texte incrimine le fait d'exercer « une activité de transporteur » sur le territoire national et non pas « une partie » de cette activité, de sorte que le principe d'interprétation stricte exclut toute condamnation d'un transporteur non résident du seul fait de l'exercice d'une partie de son activité sur le territoire français, la cour d'appel a méconnu les articles 111-4 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

8. Pour déclarer la société [2] coupable d'exercice de l'activité de transporteur public routier de marchandises sans inscription au registre et la société [1] coupable de complicité de ce délit, l'arrêt, après avoir rappelé la définition du cabotage figurant dans le règlement (CE) n° 1072/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 établissant des règles communes pour l'accès au marché du transport international de marchandises, énonce qu'à cette définition du cabotage autorisé et en vue de son application l'article L. 3421-8 du code des transports ajoute qu'un transporteur non résident ne peut se prévaloir des dispositions du règlement lorsqu'il exerce sur le territoire national une activité de transport intérieur de façon habituelle, continuelle ou régulière ou une activité qui est réalisée à partir des locaux ou d'infrastructures situées sur le territoire national.

9. Les juges précisent que cette disposition a pour objet d'éviter que, sous le couvert de cabotages multiples qui seraient conformes pour chacun d'eux aux conditions temporelles et quantitatives définies par le règlement, un transporteur établi dans un autre Etat membre exerce habituellement son activité en France tout en échappant aux obligations incombant aux entreprises nationales.

10. Ils retiennent qu'en l'espèce, durant la période du 1er janvier 2013 au 1er juin 2014 visée par la prévention, la société [2] a effectué sur le territoire national 1789 opérations de cabotage pour un montant de 880 716 euros, que la part sous-traitée par la société [1] à la société [2] dans le cadre d'un cabotage représente les pourcentages considérables de 38 % du total des véhicules transportés pour l'année 2013 et de 30 % pour le premier semestre 2014, et que les chiffres révèlent non seulement que la société tchèque intervient quotidiennement et habituellement sur le territoire français, mais aussi que cette intervention est intégrée dans le fonctionnement de la société [1] qui y recourt systématiquement.

11. La cour d'appel en conclut qu'il est suffisamment établi que, bien qu'installée en République tchèque, c'est en réalité en France que la société [2] exerce une activité de transport intérieure de façon habituelle, continuelle ou régulière et ce exclusivement ou presque pour le compte de la société [1] qui agit en tant que donneur d'ordre, dans le cadre d'une stratégie planifiée au sein du groupe.

12. En l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision.

13. En effet, d'une part, elle a caractérisé en tous ses éléments constitutifs le délit reproché, lequel est constitué indépendamment du caractère éventuellement régulier de chacun des actes de cabotage participant de l'activité de l'entreprise, pris individuellement.

14. D'autre part, elle a exactement apprécié le sens et la portée de l'article L. 3421-8 du code des transports, devenu l'article L. 3421-8-1 du même code, qui, loin de limiter la portée du règlement (CE) n° 1072/2009, tend à garantir son application en conformité avec l'objectif que lui assignent les considérants dudit règlement.

15. Enfin, ni l'article L. 3452-6, 1° du code des transports, qui incrimine le fait d'exercer une activité de transporteur public routier sans l'autorisation prévue à cet article, ni l'article L. 3421-8, devenu l'article L. 3421-8-1 du même code, n'exigent que l'entreprise en cause exerce cette activité de manière exclusive sur le territoire national.

16. Ainsi, le moyen doit être écarté.

17. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le onze janvier deux mille vingt-deux.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 21-82075
Date de la décision : 11/01/2022
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

TRANSPORTS - Transports routiers publics et privés - Marchandises - Entreprise de transport - Location d'un véhicule de transport auprès d'une autre entreprise - Entreprise non résidente sur le territoire français - Règlement (CE) n° 1072/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 - Domaine d'application - Exclusion - Condition

Ni l'article L. 3452-6, 1°, ni l'article L. 3421-8 du code des transports devenu l'article L. 3421-8-1 du même code, n'exigent que l'entreprise en cause exerce son activité de manière exclusive sur le territoire national


Références :

Règlement (CE) n° 1072/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009

articles L. 3421-8, devenu L. 3421-8-1, et L. 3452-6, 1°, du code des transports.

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 21 octobre 2020

Crim., 2 décembre 2014, pourvoi n° 14-81738, Bull. crim. 2014, n° 253 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 jan. 2022, pourvoi n°21-82075, Bull. crim.
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Composition du Tribunal
Président : M. Soulard
Avocat(s) : SCP Boutet et Hourdeaux

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.82075
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