LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC. / ELECT
LG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 5 janvier 2022
Cassation
M. RINUY, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président
Arrêt n° 30 F-B sur le premier moyen pris en sa troisième branche
Pourvoi n° Z 20-60.270
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 JANVIER 2022
L'Union générale des travailleurs de la Guadeloupe (UGTG), dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 20-60.270 contre le jugement rendu le 30 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant :
1°/ à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Guadeloupe (CRCAMG), dont le siège est [Adresse 1],
2°/ au syndicat SUNICAG Sud,
3°/ au syndicat SNECA,
4°/ au syndicat CGTG,
ayant tous les trois leur siège à la CRCAMG, [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Les parties ou leurs mandataires ont produit des mémoires.
Sur le rapport de Mme Pécaut-Rivolier, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la CRCAMG, après débats en l'audience publique du 10 novembre 2021 où étaient présents M. Rinuy, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Pécaut-Rivolier, conseiller rapporteur, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre, 30 juin 2020), la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Guadeloupe (CRCAMG) a convoqué le 25 octobre 2019 les organisations syndicales représentatives de l'entreprise pour la négociation du protocole préélectoral aux fins d'organisation d'un référendum pour la validation de deux accords collectifs, l'un concernant la détermination de l'enveloppe consacrée à la reconnaissance des compétences individuelles, des expertises et des prises de responsabilité, l'autre relatif au droit d'expression des salariés, signés par des organisations syndicales représentant plus de 30 % des suffrages exprimés aux dernières élections professionnelles. Le 15 novembre 2019, un procès verbal de désaccord a été établi et l'employeur a fixé unilatéralement les modalités d'organisation de la consultation qui s'est déroulée entre le 10 et le 12 décembre 2019.
2. Le 17 décembre 2019, le syndicat Union générale des travailleurs de Guadeloupe (le syndicat), non signataire des accords soumis à consultation, a saisi le tribunal d'instance d'une demande d'annulation du référendum.
Recevabilité du pourvoi contestée par la défense
3. La CRCAMG soutient que le pourvoi, formé hors délai, est irrecevable.
4. Selon l'article 999 du code de procédure civile, le délai de pourvoi en matière d'élections professionnelles est de dix jours. Le délai court, conformément à l'article 528 du code de procédure civile, à compter de la notification du jugement.
5. Le syndicat a accusé réception de l'acte de notification du jugement le 3 juillet 2020. Il a formé pourvoi par déclaration au greffe le 13 juillet 2020.
6. Il s'ensuit que le pourvoi, formé dans les délais légaux est recevable.
Examen des moyens
Sur les deuxième, quatrième et cinquième moyens, ci-après annexés
7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
8. Le syndicat fait grief au jugement de dire irrecevable sa demande d'annulation du référendum alors, en substance, qu'il avait été demandé dans les délais légaux l'annulation du scrutin et qu'en déclarant sa demande irrecevable au motif que le référendum avait déjà eu lieu, le tribunal a violé les articles R. 2232-13 et R. 2324-4 du code du travail.
Réponse de la Cour
Vu les articles R. 2232-13 et R. 2314-24 du code du travail :
9. Il résulte du premier de ces textes que, dans le cadre de la consultation pour l'approbation par les salariés des accords négociés en application de l'article L. 2232-12 du code du travail, les contestations relatives à la liste des salariés devant être consultés et à la régularité de la consultation sont de la compétence du tribunal judiciaire qui statue en dernier ressort. Elles sont introduites dans le délai prévu à l'article R. 2314-24 du même code.
10. La contestation de la régularité de la consultation doit, en conséquence, être formée dans le délai de quinze jours suivant la proclamation des résultats du scrutin.
11. Pour déclarer le syndicat irrecevable en sa demande d'annulation de la consultation, le jugement retient que le référendum a eu lieu et que le versement des sommes correspondant aux RCI/RCP que demandait l'UGTG avant l'organisation du référendum, a été effectué en janvier 2020 et ajoute que l'UGTG conteste, dans le cadre d'une instance distincte, la validité des accords collectifs signés le 13 septembre 2019, l'annulation du référendum n'entraînerait donc évidemment pas l'annulation desdits accords.
12. En statuant ainsi, alors que la contestation, qui portait sur les conditions de déroulement de la consultation, avait bien été formée dans les quinze jours suivant cette consultation, ce dont il résultait que, peu important que le contenu des accords soit par ailleurs contesté ou que certaines de ses clauses en aient déjà été mises en oeuvre, la contestation était recevable, le tribunal judiciaire a violé les textes susvisés.
Et sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
13. Le syndicat fait grief au jugement de le dire non fondé en ses griefs concernant les salariés appelés à participer à la négociation alors, en substance, qu'en méconnaissant le droit de tout salarié électeur de participer à un référendum, le tribunal a méconnu les dispositions des articles L. 2281-1 à L. 2281-11 et L. 2314-1 à L. 2314-18-1 du code du travail.
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 2232-12 du code du travail :
14. Selon ce texte, dans les établissements pourvus d'un ou plusieurs délégués syndicaux, participent à la consultation les salariés des établissements couverts par l'accord et électeurs au sens de l'article L. 2314-18 issu de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017. Il en résulte que doivent être consultés l'ensemble des salariés de l'établissement qui remplissent les conditions pour être électeurs dans l'entreprise sans préjudice de l'application, le cas échéant, des dispositions de l'article L. 2232-13 du même code.
15. Pour rejeter la demande tendant au constat de l'irrégularité de la consultation, le jugement retient que les accords faisant l'objet du référendum contesté concernent la détermination de l'enveloppe consacrée à la reconnaissance des compétences individuelles, des expertises et des prises de responsabilité, et que seuls les salariés bénéficiant d'un contrat à durée indéterminée sont concernés par ladite enveloppe. Il en conclut que c'est donc légitimement que les salariés en contrat à durée déterminée n'ont pas été invités à participer audit référendum, et que dès lors aucun manquement susceptible de donner lieu à indemnisation ne peut être relevé à l'encontre de la CRCAMG.
16. En statuant ainsi, le tribunal judiciaire a violé le texte susvisé
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 30 juin 2020, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Basse-Terre ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Guadeloupe et la condamne à payer à l'Union générale des travailleurs de Guadeloupe la somme de 1 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Rinuy, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en ayant délibéré, conformément aux dispositions des articles 452 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, en l'audience publique du cinq janvier deux mille vingt-deux.