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05/01/2022 | FRANCE | N°20-12471

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 janvier 2022, 20-12471


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CDS

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 janvier 2022

Cassation partielle sans renvoi

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 28 F-B

Pourvoi n° U 20-12.471

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 JANVIER 2022

La Caisse d'assurance re

traite et de la santé au travail (CARSAT) Nord Picardie, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 20-12.471 contre les arrêts ren...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CDS

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 janvier 2022

Cassation partielle sans renvoi

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 28 F-B

Pourvoi n° U 20-12.471

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 JANVIER 2022

La Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) Nord Picardie, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 20-12.471 contre les arrêts rendus les 27 septembre et 9 novembre 2019 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale, prud'hommes), dans le litige l'opposant à M. [M] [I], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Pécaut-Rivolier, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail Nord Picardie, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [I], après débats en l'audience publique du 10 novembre 2021 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Pécaut-Rivolier, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon les arrêts attaqués (Douai, 27 septembre 2019 et 29 novembre 2019), M. [I], salarié de la Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail Nord Picardie (la CARSAT) depuis 1981, a été convoqué à un entretien préalable au licenciement le 22 octobre 2014 en raison d'une situation d'inaptitude. Par lettre du 17 novembre 2014, l'employeur a saisi l'inspecteur du travail afin d'obtenir l'autorisation de licencier le salarié. Le 11 décembre 2014, l'inspecteur du travail s'est déclaré incompétent au motif que le salarié n'était plus protégé au moment de sa décision. La CARSAT a procédé au licenciement du salarié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 19 janvier 2015.

2. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 8 juin 2015 pour contester son licenciement.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La CARSAT fait grief à l'arrêt du 29 novembre 2019 de dire que la décision d'incompétence de l'inspection du travail du 11 décembre 2014 est entachée d'une illégalité manifeste, et d'annuler en conséquence le licenciement du salarié et de la condamner au paiement de diverses sommes à ce titre, alors « que si en cas de contestation sérieuse portant sur la légalité d'un acte administratif, les tribunaux de l'ordre judiciaire statuant en matière civile doivent surseoir à statuer jusqu'à ce que la question préjudicielle de la légalité de cet acte soit tranchée par la juridiction administrative, il en va autrement lorsqu'il apparaît manifestement, au vu d'une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie par le juge saisi au principal ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a cru pouvoir affirmer qu'il résulte d'une jurisprudence bien établie que ni la maladie, ni l'inaptitude du salarié, ni son classement en invalidité 2e catégorie n'ont pour effet de faire cesser son mandat au délégué syndical et qu'il résulte d'une jurisprudence tout aussi établie que le délégué syndical bénéficie de sa protection indépendamment du fait qu'il l'exerce effectivement ou non, pour en déduire que la décision du 11 décembre 2014 par laquelle l'inspection du travail s'était déclarée incompétente pour statuer sur la demande d'autorisation de licenciement de M. [I] était manifestement illégale ; qu'en statuant ainsi sans indiquer la jurisprudence administrative à laquelle elle se référait, la cour d'appel qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III, ensemble l'article L. 2411-3 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu le principe de séparation des pouvoirs et la loi des 16 et 24 août 1790 :

4. Si, en cas de contestation sérieuse portant sur la légalité d'un acte administratif, les tribunaux de l'ordre judiciaire statuant en matière civile doivent surseoir à statuer jusqu'à ce que la question préjudicielle de la légalité de cet acte soit tranchée par la juridiction administrative, il en va autrement lorsqu'il apparaît manifestement, au vu d'une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie par le juge saisi au principal.

5. Pour dire la décision d'incompétence rendue par l'inspecteur du travail le 11 décembre 2014 manifestement illégale et annuler en conséquence le licenciement du salarié faute d'autorisation administrative de licenciement, l'arrêt retient que, si l'inspecteur du travail a jugé que le salarié ne bénéficiait plus de son statut protecteur, c'est parce qu'il a considéré qu'il avait été reconnu en invalidité 2ème catégorie par la CPAM le 1er décembre 2013 et qu'il avait donc cessé d'exercer toute activité professionnelle à cette date et qu'en conséquence, il n'était plus dans la période de protection post-mandat un an plus tard, à savoir depuis le 30 novembre 2014, que toutefois l'arrêt maladie et l'invalidité du salarié sont une cause de suspension du contrat, mais pas une cause de suspension et encore moins de cessation du mandat et qu'il résulte des éléments précités que la période de protection post-mandat du salarié devait s'achever un an après les élections professionnelles au terme desquelles le syndicat qui l'a désigné a perdu sa représentativité, soit en février 2015, de sorte que l'autorisation administrative de licenciement était requise.

6. En statuant ainsi, alors que la décision d'incompétence contestée indiquait seulement que "le salarié n'exerce plus ses fonctions depuis plus d'un an, que de ce fait, les conditions requises à l'article L. 2411-3 du code du travail pour prétendre à la protection post-mandat ne sont pas remplies, le salarié n'est donc plus protégé", ce qui rendait nécessaire une interprétation de la décision administrative et une analyse de la situation de fait du salarié, incompatible avec la notion d'illégalité manifeste, la cour d'appel a violé le principe et le texte susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

7. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2 du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

8. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

9. Selon une jurisprudence constante de la Cour (Soc., 26 septembre 2007, pourvoi n° 05-45.665, Bull. 2007, V, n° 137), lorsqu'une autorisation de licenciement, sur renvoi préjudiciel, est déclarée illégale par le juge administratif, il appartient au juge judiciaire, après avoir statué sur la cause réelle et sérieuse du licenciement, de réparer le préjudice subi par le salarié, si l'illégalité de la décision d'autorisation est la conséquence d'une faute de l'employeur.

10. Il résulte de l'arrêt et des conclusions des parties que la cause de l'illégalité de la décision administrative d'incompétence alléguée par le salarié et retenue par la cour d'appel est étrangère à toute faute de l'employeur.

11. Dès lors, les prétentions qui visent à voir reconnaître par voie d'exception l'illégalité de la décision administrative sont sans objet.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit la décision d'incompétence de l'inspection du travail du 11 décembre 2014 entachée d'une illégalité manifeste, annule le licenciement de M. [I], et condamne la CARSAT à lui payer diverses sommes à ce titre, l'arrêt rendu le 29 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

REJETTE les demandes de M. [I] tant principales que subsidiaires au titre de l'illégalité de la décision administrative d'incompétence, de la nullité de son licenciement et des indemnités sollicitées par voie de conséquence de cette nullité.

Condamne M. [I] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé par M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, et signé par lui et M. Rinuy, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément aux dispositions des articles 452 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, en l'audience publique du cinq janvier deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail Nord Picardie

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la décision d'incompétence de l'inspection du travail du 11 décembre 2014 est entachée d'une illégalité manifeste, et d'AVOIR en conséquence annulé le licenciement de M. [I], d'AVOIR condamné la Carsat Nord Picardie à verser à M. [I]. les sommes de 28 656,53 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, et 2 865,65 au titre des congés payés afférents, 1 194,02 euros au titre de rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement, 32 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de son licenciement illicite, 2 865,65 euros au titre d'indemnité liée à la violation du statut protecteur, 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et d'AVOIR condamné la Carsat Nord Picardie aux entiers dépens de première instance et d'appel.

AUX MOTIFS DE l'ARRET du 27 septembre 2019 QUE « M. [I] soutient que son mandat de délégué syndical a pris fin lors du premier tour des élections au comité d'entreprise le 6 février 2014, le syndicat qui l'a désigné n'ayant pas recueilli les 10 % des suffrages exigés, mais qu'étant lui-même resté en fonction pendant un an, il bénéficie d'une protection post-mandat pendant 12 mois, soit jusqu'au mois de février 2015, de sorte que son licenciement ne pouvait intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail ; qu'il a été licencié sans autorisation, sur la base d'une analyse juridique erronée de l'inspection du travail, puisque l'arrêt de travail pour maladie ou la reconnaissance de son invalidité n'avaient pas fin au mandat ; que La Carsat avait d'ailleurs sollicité l'autorisation et n'a elle-même pas compris la décision de l'inspection du travail ; qu'il appartenait à la Carsat de contester cette décision de « rejet » que lui-même n'avait aucun intérêt à contester ; que la Carsat l'a d'ailleurs licencié avant l'expiration du délai de recours contre la décision de l'inspection.
La Carsat fait au contraire valoir qu'elle a sollicité le 17 novembre 2014 l'inspection du travail afin d'obtenir l'autorisation de licencier de M. [I], croyant qu'il faisait l'objet d'une protection résiduelle de 12 mois suite à sa désignation du 25 juin 2013 en tant que délégué syndical, mandat ayant pris fin lors des élections professionnelles de février 2014 ; que dès lors qu'elle a sollicité l'inspection du travail et que celle-ci ne s'est pas estimée compétente, aucune faute ne peut lui être reprochée ; que cette décision de l'inspection ne causait aucun grief à la Carsat de telle sorte que si elle avait engagé un recours, il aurait été déclaré irrecevable, faute d'intérêt à agir ; qu'il incombait à M. [I] d'effectuer un recours contre cette décision qui lui faisait grief en sachant que la notification de son licenciement ne privait pas le salarié protégé d'exercer un recours gracieux, hiérarchique ou contentieux.
En l'espèce, après que M. [I] a été déclaré inapte par le médecin du travail à l'issue de la seconde visite de reprise du 19 juin 2014, l'employeur a saisi, le 17 novembre 2014, l'inspection du travail d'une demande d'autorisation du licenciement compte tenu de la protection attachée au mandat de délégué syndical.
Le 11 décembre 2014, l'inspection du travail a, après enquête contradictoire, « rejeté le licenciement pour inaptitude de M. [I] pour incompétence matérielle » au motif que « le salarié n'exerce plus ses fonctions depuis plus d'un an » et « que ce faisant les conditions requises à l'article L. 2411-3 du code du travail pour prétendre à la protection post mandat ne sont pas remplies, et que le salarié n'est donc plus protégé ».
M. [I] s'est ensuite vu notifier son licenciement pour inaptitude professionnelle et impossibilité de reclassement par lettre du 19 janvier 2015 ainsi libellé :
« Vous avez été déclaré physiquement inapte à votre poste de Responsable de Département (IMPRIMERIE) par le Docteur [C] [O], Médecin du Travail, à la suite de 2 visites médicales effectuées les 3 et 19 juin 2014 dans le cadre de l'article R 4624-31 du Code du Travail, «. mais apte à un poste sédentaire, à temps partiel (10 à 12 H), en télétravail, excluant les efforts physiques et les tâches d'encadrement ». S'agissant d'une inaptitude totale et définitive à votre poste de travail, le Directeur des Ressources Humaines, Madame [P], a recherché, au regard des précisions apportées par le Médecin du Travail, un poste répondant à ses préconisations, au sein des Organismes de Sécurité Sociale dont bien évidemment le nôtre.
Si aucune proposition ne nous est parvenue de l'extérieur, une solution a été trouvée au sein de l'Organisme par la Direction qui prenait en compte, en tous points, les conclusions du Médecin du Travail, à savoir, un poste de téléconseiller en plateforme téléphonique (12 H / semaine) à domicile.
Elle vous a été communiquée par courrier RAR du 22 août 2014. Vous y avez, dans un 1er temps, réservé une suite favorable par courrier RAR du 1er septembre 2014, sous réserve que nous vous apportions des réponses aux 2 observations que vous aviez formulées.
Ces réserves ont été levées dans notre réponse par courrier RAR du 17 septembre 2014 auquel vous avez réservé cette suite par courrier RAR du 1er octobre 2014 : « ... après mûres réflexions, j'ai finalement décidé de refuser le poste proposé ».
J'ai donc été contraint de tirer les conséquences de votre refus, que vous étiez tout à fait en droit de m'opposer, dans la mesure où la proposition de reclassement emportait une modification de votre contrat de travail même si elle répondait strictement et complètement par ailleurs aux exigences d'ordre médical.
Une procédure de licenciement a donc été engagée à votre encontre au regard de l'impossibilité de pouvoir vous reclasser dans le prolongement de la déclaration d'inaptitude.
Dans le cadre de l'entretien préalable qui s'est déroulé le 22 novembre 2014, conformément aux dispositions de l'article L. 1232-2 du Code du Travail, durant lequel vous avez été assisté par Monsieur [D] [L] (élu et mandaté du Syndicat SUD), vous avez confirmé le caractère définitif de votre décision de refus de la proposition de reclassement sans donner d'explication à cet égard.
Après cet entretien, j'ai saisi l'inspectrice du Travail afin d'obtenir l'autorisation de procéder à votre licenciement puisque vous aviez, pour la CARSA T, la qualité de salarié protégé au regard de votre mandat de DS, mandat que vous n'exerciez plus certes depuis les dernières élections, votre Organisation Syndicale n'étant plus représentative, mais cette protection s'inscrivait dans la période de protection post-mandat d'un an, les élections professionnelles s'étant déroulées en février 2014.
Madame [S] [B], Inspectrice du Travail, qui a été appelée à examiner votre dossier a cependant décidé de : « rejeter votre licenciement pour inaptitude pour incompétence matérielle » au motif que vous étiez hors période de protection dans la mesure où vous avez été reconnu en invalidité 2ème catégorie par la CPAM le 1 er décembre 2013, date à laquelle vous avez cessé pour elle d'exercer toute activité professionnelle et que, de facto, vous n'étiez plus dans la période de protection post- mandat depuis le 30 novembre 2014. C'est du moins dans ce sens que nous avons analysé sa décision.
Or, ce qui nous avait conduit malgré tout à solliciter cette autorisation, c'est que vous aviez continué à bénéficier des dispositions de l'article 41 de la Convention Collective après cette mise en invalidité et ce. jusqu'au 29 mai 2014.
Cela signifiait, pour nous, que la période de protection post-mandat devait bien s'achever un an après l'issue de votre mandat et donc en février 2015.
Nous n'allons pas pour autant contester la décision de l'Inspectrice du Travail dans la mesure où, d'une part, vous ne voulez pas reprendre une activité professionnelle au sein de l'Organisme et où, d'autre part, je peux désormais, comme vous le souhaitez par ailleurs, procéder à votre licenciement pour impossibilité, comme rappelé supra, de vous reclasser dans le prolongement de la déclaration d'inaptitude.
Cette mesure de licenciement, objet du présent courrier, prendra effet à la date de la 1ère présentation de ce courrier et c'est à cette date que vous cesserez de faire partie des effectifs de l'Organisme. En effet, le préavis n'est pas exécuté et son inexécution ne donne pas lieu au versement d'une indemnité compensatrice. »
Il ressort des motifs de la décision du 11 décembre 2014, que cette décision malgré l'ambiguïté des termes du dispositif faisant état d'un rejet du licenciement pour inaptitude, est bien une décision par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'examiner la demande d'autorisation de licenciement du salarié au motif que ce dernier ne bénéficiait plus du statut protecteur.
La cour relève ensuite que M. [I] affirme dans ses écritures que cette décision est incompréhensible tant sur le point de vue formel que sur le fond et que son analyse juridique est parfaitement erronée et que ce faisant, il en conteste la légalité.
Sur ce point, il convient de rappeler que contrairement à ce que soutient la Carsat, aucune règle ni aucun principe ne font obstacle à ce qu'un salarié protégé qui, en raison du caractère définitif d'une décision autorisant son licenciement, n'est plus recevable à en demander l'annulation au juge de l'excès de pouvoir, soulève devant le juge judiciaire un moyen mettant en cause la légalité de cet acte, le recours en appréciation de légalité n'étant soumis à aucune condition de délai.
Si M. [I] conteste ainsi la légalité de la décision administrative, il n'en tire toutefois pas les conséquences qui s'imposent au regard de la dualité des compétences juridictionnelles administrative et judiciaire.
En effet, en vertu du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires posé par l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et par le décret du 16 fructidor an III, sous réserve des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire et sauf dispositions législatives contraires, il n'appartient qu'à la juridiction administrative de connaître des recours tendant à l'annulation ou à la réformation des décisions prises par l'administration dans l'exercice de ses prérogatives de puissance publique.
De même, le juge administratif est en principe seul compétent pour statuer, le cas échéant par voie de question préjudicielle, sur toute contestation de la légalité de telles décisions, soulevée à l'occasion d'un litige relevant à titre principal de l'autorité judiciaire.
Toutefois, ces principes doivent être conciliés tant avec l'exigence de bonne administration de la justice qu'avec les principes généraux qui gouvernent le fonctionnement des juridictions, en vertu desquels tout justiciable a droit à ce que sa demande soit jugée dans un délai raisonnable.
Par conséquent, si le juge administratif est en principe seul compétent pour statuer, le cas échéant par voie de question préjudicielle, sur toute contestation de la légalité d'un acte administratif soulevée à l'occasion d'un litige relevant à titre principal de l'autorité judiciaire, il en va autrement lorsque, au vu d'une jurisprudence bien établie, la contestation peut être accueillie par le juge saisi au principal. (T. confl., 17 oct. 20Il, n° 3828 et 3829, SCEA du Chéneau; T. confl., 12 déc. 2011, n° 3841, Sté Green Yellow ci EDF).
Il s'en déduit que le juge prud'homal peut statuer sur une demande d'indemnité pour licenciement nul en présence d'une décision administrative manifestement entachée d'illégalité, lorsque l'inspecteur du travail s'est déclaré incompétent en présence d'un salarié n'ayant pas perdu sa qualité de salarié protégé et bénéficiant d'une protection au titre de son ancien mandat.
La protection de M. [I] au titre de son ancien mandat est de nature à caractériser une contestation sérieuse qui, en présence d'une jurisprudence bien établie, peut être accueillie par le juge prud'homal saisi au principal, dès lors que cette protection n'est en outre pas contestée par l'employeur.
En effet, l'article L. 2411-3 du code du travail dispose que « le licenciement d'un délégué syndical ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail. Cette autorisation est également requise pour le licenciement de l'ancien délégué syndical, durant les douze mois suivant la date de cessation de ses fonctions, s'il a exercé ces dernières pendant au moins un an »
II en résulte que la protection conférée au délégué syndical bénéficie au titulaire d'un tel mandat indépendamment de son exercice, l'arrêt de travail pour maladie ou la reconnaissance d'une invalidité ne faisant obstacle qu'à l'exercice du travail et n'ayant aucun effet sur le mandat.
Il convient en conséquence, d'ordonner la réouverture des débats afin de soumettre aux parties ce moyen de droit soulevé d'office par la cour, selon lequel la contestation de la légalité de la décision de l'inspecteur du travail du 11 décembre 2014 portant sur la protection du salarié au titre de son ancien mandat, peut être accueillie par le juge prud'homal qui peut ainsi écarter l'application de l'acte concerné et tirer les conséquences de la déclaration d'illégalité dans l'affaire pendante.
Il sera donc sursis à statuer sur les autres chefs de demandes »

ET AUX MOTIFS DE L'ARRET du 29 novembre 2019 QUE « Sur la demande de nullité du licenciement pour violation du statut protecteur :
M. [I] soutient que son mandat de délégué syndical a pris fin lors du premier tour des élections au comité d'entreprise le 6 février 2014, le syndicat qui l'a désigné n'ayant pas recueilli les 10 % des suffrages exigés, mais qu'étant lui-même resté en fonction pendant un an, il bénéficie d'une protection post-mandat pendant 12 mois, soit jusqu'au 6 février 2015, de sorte que son licenciement ne pouvait intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail ; qu'il a été licencié sans autorisation, sur la base d'une analyse juridique erronée de l'inspection du travail, puisque l'arrêt de travail pour maladie ou la reconnaissance de son invalidité n'avaient pas mis fin au mandat ; que la Carsat avait d'ailleurs sollicité l'autorisation et n'a elle-même pas compris la décision de l'inspection du travail ; qu'il appartenait à la Carsat de contester cette décision de « rejet » que lui-même n'avait aucun intérêt à contester ; que la Carsat l'a d'ailleurs licencié avant l'expiration du délai de recours contre la décision de l'inspection.
M. [I] ajoute en réponse à la réouverture des débats qu'en l'espèce l'illégalité de la décision de l'inspecteur du travail est manifeste puisque ce dernier s'est déclaré incompétent pour autoriser son licenciement alors même qu'il bénéficiait toujours d'une protection au titre de son ancien mandat, comme l'employeur le reconnaît lui-même dans la demande d'autorisation puis dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige. En effet, il est de jurisprudence constante que la suspension du contrat de travail pour cause de maladie ne suspend, ni ne met fin au mandat et à la protection qui en résulte, indépendamment même de l'exercice du mandat. L'illégalité est donc manifeste et le licenciement est nul.
La Carsat Nord Picardie objecte que la décision de l'inspection du travail est en l'espèce une décision d'incompétence matérielle qui oblige, en cas de contestation sérieuse de sa légalité, le juge judiciaire à surseoir à statuer, sans pouvoir dans ce cas lui-même l'écarter.
En outre, la Carsat Nord Picardie a souligné à différentes reprises que le bénéfice de la protection post-mandat n'était pas acquise en l'espèce, faute pour M. [I] d'avoir exercé son mandat pendant les 12 mois imposés par le législateur, ce qui montre à tout le moins que la décision de l'inspecteur du travail ne saurait être considérée comme « manifestement illégale ».
La décision d'incompétence du 11 décembre 2014 n'étant pas entachée d'une illégalité manifeste, M. [I] doit être débouté de toute prétention. A titre subsidiaire, le juge judiciaire doit surseoir à statuer.
La Carsat Nord Picardie ajoute, à titre infiniment subsidiaire, que dans le cas où le juge déclare illégale une décision administrative, celle-ci ne produit pas les mêmes effets que l'annulation d'une telle décision, l'illégalité ne remettant pas en cause la validité de la rupture du contrat de travail. Dans ce cas, le juge ne peut réparer le préjudice subi par le salarié que si l'illégalité de la décision rendue est la conséquence directe d'une faute de l'employeur. Or, en l'espèce, M. [I] ne conteste même pas la cause réelle et sérieuse de son licenciement pour inaptitude non professionnelle avec impossibilité de reclassement, il réfute seulement la motivation rendue par l'inspecteur du travail. L'illégalité de la décision d'incompétence rendue par l'inspection du travail n'est pas la conséquence directe d'une faute de l'employeur et procède uniquement d'une analyse de la réglementation par l'administration du travail. Et s'agissant enfin de l'évaluation du préjudice, M. [I] a refusé un poste de reclassement qui était parfaitement adapté, a obtenu 80 000 euros à titre d'indemnité de licenciement et ne produit aucun élément susceptible de justifier de son préjudice.
S'agissant de la possibilité pour le juge judiciaire d'écarter la décision de l'inspecteur du travail et de trancher le litige
En vertu du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires posé par l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et par le décret du 16 fructidor an III, sous réserve des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire et sauf dispositions législatives contraires, il n'appartient qu'à la juridiction administrative de connaître des recours tendant à l'annulation ou à la réformation des décisions prises par l'administration dans l'exercice de ses prérogatives de puissance publique.
De même, le juge administratif est en principe seul compétent pour statuer, le cas échéant par voie de question préjudicielle, sur toute contestation de la légalité de telles décisions, soulevée à l'occasion d'un litige relevant à titre principal de l'autorité judiciaire.
Toutefois, ces principes doivent être conciliés tant avec l'exigence de bonne administration de la justice qu'avec les principes généraux qui gouvernent le fonctionnement des juridictions, en vertu desquels tout justiciable a droit à ce que sa demande soit jugée dans un délai raisonnable.
Ainsi, si en cas de contestation sérieuse portant sur la légalité d'un acte administratif, les tribunaux de l'ordre judiciaire statuant en matière civile doivent surseoir à statuer jusqu'à ce que la question préjudicielle de la légalité de cet acte soit tranchée par la juridiction administrative, il en va autrement lorsqu'il apparaît clairement, au vu notamment d'une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie par le juge saisi au principal, notamment parce que l'illégalité de l'acte est manifeste.
Sur l'incidence de l'objet de la contestation sérieuse : la décision d'incompétence matérielle de l'inspecteur du travail
La cour précise d'abord que, contrairement à ce que soutient la Carsat, la possibilité pour le juge judiciaire d'accueillir la contestation sérieuse de la légalité d'un acte administratif, telle qu'elle est rappelée ci-dessus par le tribunal des conflits, ne distingue pas entre les actes administratifs en cause et n'exclut pas, en particulier, les décisions d'incompétence matérielle de l'administration.
Les décisions de la Cour de cassation que la Carsat invoque à l'appui de sa thèse se contentent en effet de rappeler, en présence de décisions d'incompétence matérielle de l'inspection du travail, qu'en application du principe de séparation des pouvoirs, le juge judiciaire ne peut juger que le salarié est malgré tout protégé, sans, d'abord, apprécier le caractère sérieux de la contestation de la légalité de l'acte administratif et sans, ensuite, vérifier si l'examen de l'illégalité éventuelle était nécessaire à la solution du litige.
Une fois ces conditions préalables réunies, le juge judiciaire doit alors, en principe, surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la juridiction administrative saisie de l'exception d'illégalité et ce qui vaut pour une décision d'incompétence négative vaut pour tout acte administratif.
Mais de la même façon, une fois que ces deux conditions préalables sont réunies, le juge judiciaire peut, pour tout acte administratif y compris donc pour une décision administrative d'incompétence négative, accueillir la contestation par hypothèse sérieuse, lorsqu'il apparaît clairement, au vu notamment d'une jurisprudence établie, qu'elle peut l'être, notamment parce que l'illégalité de l'acte est manifeste.
La cour en déduit que le moyen de la Carsat, qui admet ce faisant que la contestation était en l'espèce sérieuse, est inopérant.
Sur la contestation sérieuse de la légalité de la décision et le fait qu'elle puisse clairement être accueillie, notamment au vu d'une jurisprudence établie, en raison de son caractère manifestement illégal
L'article L.2411-3 du code du travail dispose que « le licenciement d'un délégué syndical ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail. Cette autorisation est également requise pour le licenciement de l'ancien délégué syndical, durant les douze mois suivant la date de cessation de ses fonctions, s'il a exercé ces dernières pendant au moins un an ».
Aux termes de l'article L. 2143-11 du code du travail dans sa version de la loi du 5 mars 2014, le mandat de délégué syndical prend fin au plus tard lors du premier tour des élections de l'institution représentative du personnel renouvelant l'institution dont l'élection avait permis de reconnaître la représentativité de l'organisation syndicale l'ayant désigné.
Il est toutefois constant que le mandat du délégué syndical peut cesser pour d'autres raisons, dont, entre autres, le score électoral insuffisant du délégué aux élections professionnelles suivantes, le départ du salarié de l'entreprise, la révocation par le syndicat du mandat, la démission par le délégué de ses fonctions du délégué syndical, la diminution des effectifs de l'entreprise en dessous de 50 salariés.
En tout cas, il résulte d'une jurisprudence bien établie que ni la maladie, ni l'inaptitude du salarié, ni son classement en invalidité 2ème catégorie n'ont pour effet de faire cesser son mandat au délégué syndical, et ceci alors même que son contrat de travail peut être suspendu pour ces raisons.
En outre, il résulte d'une jurisprudence tout aussi établie que le délégué syndical bénéficie de sa protection indépendamment du fait qu'il l'exerce effectivement ou non.
En l'espèce, après que M. [I] a été déclaré inapte par le médecin du travail à l'issue de la seconde visite de reprise du 19 juin 2014, l'employeur a saisi, le 17 novembre 2014, l'inspection du travail d'une demande d'autorisation du licenciement compte tenu de la protection attachée au mandat de délégué syndical.
Le 11 décembre 2014, l'inspection du travail a, après enquête contradictoire, décidé que le licenciement pour inaptitude de M. [I] devait être « rejeté pour incompétence matérielle » selon les termes employés dans le dispositif de la décision.
En effet, l'inspection du travail a considéré, dans les motifs de sa décision, que « le salarié n'exerce plus ses fonctions depuis plus d'un an » et « que ce faisant les conditions requises à l'article L. 2411-3 du code du travail pour prétendre à la protection post mandat ne sont pas remplies, et que le salarié n'est donc plus protégé ».
M. [I] s'est ensuite vu notifier son licenciement pour inaptitude professionnelle et impossibilité de reclassement.
La lettre de licenciement du 19 janvier 2015, qui fixe les limites du litige, est ainsi libellé :
« Vous avez été déclaré physiquement inapte à votre poste de Responsable de Département (IMPRIMERIE) par le Docteur [C] [O], Médecin du Travail, à la suite de 2 visites médicales effectuées les 3 et 19 juin 2014 dans le cadre de l'article R. 4624-31 du Code du Travail, « mais apte à un poste sédentaire, à temps partiel (10 à 12 H), en télétravail, excluant les efforts physiques et les tâches d'encadrement ».
S'agissant d'une inaptitude totale et définitive à votre poste de travail, le Directeur des Ressources Humaines, Madame [P]., a recherché, au regard des précisions apportées par le Médecin du Travail, un poste répondant à ses préconisations, au sein des Organismes de Sécurité Sociale dont bien évidemment le nôtre.
Si aucune proposition ne nous est parvenue de l'extérieur, une solution a été trouvée au sein de l'Organisme par la Direction qui prenait en compte, en tous points, les conclusions du Médecin du Travail, à savoir : un poste de téléconseiller en plate-forme téléphonique (12 H / semaine) à domicile.
Elle vous a été communiquée par courrier RAR du 22 août 2014. Vous y avez, dans un 1er temps, réservé une suite favorable par courrier RAR du 1er septembre 2014, sous réserve que nous vous apportions des réponses aux 2 observations que vous aviez formulées.
Ces réserves ont été levées dans notre réponse par courrier RAR du 17 septembre 2014 auquel vous avez réservé cette suite par courrier RAR du 1er octobre 2014 : « ...après mûres réflexions, j'ai finalement décidé de refuser le poste proposé ».
J'ai donc été contraint de tirer les conséquences de votre refus, que vous étiez tout à fait en droit de m'opposer, dans la mesure où la proposition de reclassement emportait une modification de votre contrat de travail même si elle répondait strictement et complètement par ailleurs aux exigences d'ordre médical.
Une procédure de licenciement a donc été engagée à votre encontre au regard de l'impossibilité de pouvoir vous reclasser dans le prolongement de la déclaration d'inaptitude.
Dans le cadre de l'entretien préalable qui s'est déroulé le 22 novembre 2014, conformément aux dispositions de l'article L. 1232-2 du Code du Travail, durant lequel vous avez été assisté par Monsieur [D] [L] (élu et mandaté du Syndicat SUD), vous avez confirmé le caractère définitif de votre décision de refus de la proposition de reclassement sans donner d'explication à cet égard.
Après cet entretien, j'ai saisi l'inspectrice du Travail afin d'obtenir l'autorisation de procéder à votre licenciement puisque vous aviez, pour la CARSAT, la qualité de salarié protégé au regard de votre mandat de DS, mandat que vous n'exerciez plus certes depuis les dernières élections, votre Organisation Syndicale n'étant plus représentative, mais cette protection s'inscrivait dans la période de protection post-mandat d'un an, les élections professionnelles s'étant déroulées en février 2014.
Madame [S] [B], Inspectrice du Travail, qui a été appelée à examiner votre dossier a cependant décidé de : « rejeter votre licenciement pour inaptitude pour incompétence matérielle » au motif que vous étiez hors période de protection dans la mesure où vous avez été reconnu en invalidité 2ème catégorie par la CPAM le 1er décembre 2013, date à laquelle vous avez cessé pour elle d'exercer toute activité professionnelle et que, de facto, vous n'étiez plus dans la période de protection post-mandat depuis le 30 novembre 2014. C'est du moins dans ce sens que nous avons analysé sa décision.
Or, ce qui nous avait conduit malgré tout à solliciter cette autorisation, c'est que vous aviez continué à bénéficier des dispositions de l'article 41 de la Convention Collective après cette mise en invalidité et ce, jusqu'au 29 mai 2014.
Cela signifiait, pour nous, que la période de protection post-mandat devait bien s'achever un an après l'issue de votre mandat et donc en février 2015.
Nous n'allons pas pour autant contester la décision de l'Inspectrice du Travail dans la mesure où, d'une part, vous ne voulez pas reprendre une activité professionnelle au sein de l'Organisme et où, d'autre part, je peux désormais, comme vous le souhaitez par ailleurs, procéder à votre licenciement pour impossibilité, comme rappelé supra, de vous reclasser dans le prolongement de la déclaration d'inaptitude. Cette mesure de licenciement, objet du présent courrier, prendra effet à la date de la 1re présentation de ce courrier et c'est à cette date que vous cesserez de faire partie des effectifs de l'Organisme. En effet, le préavis n'est pas exécuté et son inexécution ne donne pas lieu au versement d'une indemnité compensatrice. »
Il ressort d'abord de la décision du 11 décembre 2014 de l'inspection du travail qu'il s'agit bien d' une décision par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'examiner la demande d'autorisation de licenciement du salarié au motif que ce dernier ne bénéficiait plus du statut protecteur.
Et si l'inspecteur du travail a jugé que M. [I] ne bénéficiait plus de son statut protecteur, c'est parce qu'il a considéré que M. [I] avait été reconnu en invalidité 2ème catégorie par la CPAM le 1er décembre 2013, qu'il avait donc cessé d'exercer toute activité professionnelle à cette date et qu'en conséquence, il n'était plus dans la période de protection post-mandat un an plus tard, à savoir depuis le 30 novembre 2014.
Or, l'arrêt maladie et l'invalidité du salarié sont une cause de suspension du contrat, mais pas une cause de suspension et encore moins de cessation du mandat.
Ce faisant, la contestation par M. [I] de la légalité de la décision de l'inspecteur du travail est sérieuse.
En l'espèce, il est acquis que le mandat de délégué syndical de M. [I] a cessé en février 2014 avec l'organisation des élections professionnelles au terme desquelles le syndicat qui l'a désigné, la CFE CGC, a perdu sa représentativité.
Aussi, si M. [I] a été reconnu en invalidité 2ème catégorie par la CPAM le 1er décembre 2013, cette reconnaissance n'a ni suspendu, ni mis fin au mandat dont il était titulaire, peu important qu'il ne l'ait pas exercé, de telle sorte qu'il n'a perdu son mandat que le 6 février 2014, date des élections professionnelles au terme desquelles le syndicat qui l'a désigné, la CFE-CGC, a perdu sa représentativité.
Il en résulte que la période de protection post-mandat de M. [I] devait s'achever un an après, soit en février 2015, de telle sorte qu'au moment du licenciement l'autorisation était requise.
M. [I] soutenant que son licenciement devait être annulé faute d'avoir été autorisé par l'administration, la cour en déduit qu'en plus d'être sérieuse, la contestation de la légalité de la décision porte sur une question nécessaire à la solution du litige.
La cour ajoute qu'au regard de la jurisprudence établie sur le sujet, la décision de l'inspection du travail est en l'espèce manifestement illégale.
Et c'est en vain que la Carsat soutient désormais que la décision d'incompétence matérielle du 11 décembre 2014 de l'inspecteur du travail ne serait pas entachée d'une illégalité manifeste.
Sur le caractère inopérant de l'argumentation contraire de la Carsat
En substance, la Carsat fait valoir qu'elle a souligné à différentes reprises lors de la procédure prud'homale que le bénéfice de la protection post-mandat d'un an de M. [I] n'allait pas de soi, notamment à raison de la condition d'exercice de 12 mois imposée par le législateur.
Plus précisément, la Carsat se prévaut de ce que M. [I] a été désigné délégué syndical le 25 juin 2013 pour en déduire que son mandat ayant cessé en février 2014, il n'a pas exercé ces fonctions pendant au moins un an comme l'exige l'article L. 2411-3 du code du travail, de telle sorte qu'il ne pouvait pas bénéficier de la protection post-mandat de 12 mois.
Selon la Carsat, ce sont de tels motifs qui expliqueraient que l'inspecteur du travail se soit déclaré incompétent matériellement.
Or, la loi exigeant expressément et clairement à l'article L. 2411-3 du code du travail précité l'exercice pendant un an de son mandat par le délégué syndical pour qu'il puisse bénéficier de la protection post-mandat d'un an, la décision de l'inspection du travail ne serait pas manifestement illégale.
Cette argumentation de la Carsat est inopérante à plusieurs titres.
D'abord, jusqu'à cette argumentation, la Carsat a elle-même toujours soutenu que M. [I] était protégé au titre de sa période de protection post mandat.
Ainsi, dans la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, la Carsat a elle-même continué à indiquer à M. [I], nonobstant la décision contraire de l'inspection du travail, « que la période de protection post-mandat devait bien s'achever un an après l'issue de votre mandat et donc en février 2015 ».
Analysant la décision de l'inspecteur du travail, la Carsat a même indiqué à M. [I], toujours dans la lettre de licenciement, que, selon elle, si l'inspecteur du travail a jugé que M. [I] ne bénéficiait plus de son statut protecteur, c'est parce qu'il a considéré que M. [I] avait été reconnu en invalidité 2ème catégorie par la CPAM le 1er décembre 2013, qu'il avait donc cessé d'exercer toute activité professionnelle à cette date et qu'en conséquence, il n'était plus dans la période de protection post-mandat depuis le 30 novembre 2014.
Ce faisant, la Carsat a elle-même pointé l'illégalité manifeste de la décision de l'inspecteur du travail.
A telle enseigne que toujours dans la lettre de licenciement, la Carsat concède à M. [I] qu'elle devait donc contester cette décision de l'inspecteur du travail.
Elle précise toutefois à M. [I] que si elle n'a pas pour autant contesté la décision de l'Inspectrice, c'est uniquement parce que M. [I] ne voulait pas reprendre une activité professionnelle au sein de l'Organisme et parce qu'elle pouvait désormais, comme il le souhaitait par ailleurs, procéder à son licenciement pour impossibilité de reclassement dans le prolongement de la déclaration d'inaptitude.
Or, de tels motifs pour justifier l'absence de recours sont radicalement inopérants.
En effet, la protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun instituée par le législateur au profit de salariés investis de fonctions représentatives signifie que, sauf volonté non équivoque de démissionner du salarié, le contrat de travail d'un tel salarié ne peut être rompu que par un licenciement soumis aux formalités protectrices.
La cour en conclut que nul ne pouvant se contredire au détriment d'autrui, la Carsat ne peut a posteriori et, au mépris de ce qu'elle a mentionné dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, soutenir que M. [I] n'était pas protégé, faute de remplir la condition d'exercice d'un an, pour bénéficier de la protection post mandat.
Une telle argumentation est d'autant plus inopérante que, conformément à l'analyse de la Carsat dans la lettre de licenciement, de tels motifs ne s'évincent nullement de la décision de l'inspecteur du travail, laquelle n'exige d'ailleurs aucune interprétation.
En effet, l'inspectrice du travail a écrit non pas que « le salarié n'a pas exercé ses fonctions pendant un an », mais que « le salarié n'exerce plus ses fonctions depuis plus d'un an ».
En tout état de cause, l'argumentation développée a posteriori par la Carsat pour dire que M. [I] n'a pas exercé son mandat pendant un an au moins et qu'il ne pouvait donc bénéficier d'une protection post mandat, ne peut être retenue en l'espèce.
Il ressort des pièces versées aux débats que M. [I] a été désigné Délégué syndical par la CGC à plusieurs reprises, soit le 23 février 2011, le 10 février 2012 et le 25 juin 2013.
Or, il résulte aussi de l'article L. 2411-3 du code du travail que lorsqu'un délégué syndical a exercé plusieurs mandats successifs, le bénéfice de la protection complémentaire est fonction de la durée du dernier mandat, et non de la durée cumulée des mandats exercés.
Ainsi, selon la Carsat, la désignation du 25 juin 2013 de M. [I] comme délégué syndical est une nouvelle désignation, autonome des précédentes, de sorte que ce dernier mandat ayant duré moins d'un an au moment où il a cessé en février 2014, M. [I] n'a pas pu bénéficier d'une période post mandat de 12 mois.
Au soutien de sa thèse, la Carsat verse plusieurs éléments aux débats :
Ainsi, il ressort d'un mail du 15 janvier 2013 de Mme [P], Directeur des ressources humaines de la Carsat, qu'elle a « rencontré ce jour M. [I]. Ce dernier m'a indiqué qu'il ne se représentait plus comme délégués syndical à la CFE CGC ».
Ensuite, il ressort d'un tableau versé aux débats par la Carsat « récapitulatif des heures de mandat prises par M. [I] de 2011 à 2014 » que M. [I] a, au titre de son seul mandat de DS, pris 77,54 heures en 2011, 40 heures en 2012, 11 heures en 2013 et aucune heure en 2014 et d'un autre tableau que les heures de 2012 ont été prises sur les seuls mois de janvier (20 heures) et février 2012 (20 heures).
La cour rappelle toutefois que le fait que M. [I] n'ait pas exercé son mandat pendant que celui-ci était en cours ne l'empêche pas d'être protégé.
La cour constate surtout qu'aucune cause de cessation des mandats précédents et résultant des désignations du 23 février 2011 et du 10 février 2012 n'est indiquée.
La cour en déduit que ces désignations successives par le syndicat ne sont que des confirmations, non créatrices de droit, d'une seule et même désignation du 23 février 2011 pour un seul et même mandat qui s'est poursuivi.
La cour en conclut que M. [I] ayant exercé un seul et même mandat pendant plus d'un an à la date de sa cessation en février 2014, il pouvait alors bénéficier de la protection complémentaire de 12 mois et la Carsat était donc tenue de solliciter, comme elle l'a d'ailleurs fait, et d'obtenir l'autorisation de l'inspection du travail pour le licencier.
Aux termes de l'analyse de l'ensemble des arguments et pièces versés aux débats par les parties, la cour conclut que la contestation de la légalité de la décision de l'inspecteur du travail est sérieuse, que l'illégalité de la décision est manifeste en présence notamment d'une jurisprudence établie sur la question et que, partant, la cour peut, dans le respect de la séparation des pouvoirs, accueillir cette contestation et en tirer les conséquences sur le litige qui lui est soumis.
En conséquence de quoi, la décision de l'inspecteur du travail du 11 décembre 2014 étant entachée d'une illégalité manifeste, elle doit en l'espèce être écartée, sans pouvoir être annulée pour autant.
S'agissant des conséquences de l'illégalité de la décision de l'inspecteur du travail et de sa mise à l'écart sur le licenciement
M. [I] soutient que même si le juge judiciaire ne peut annuler la décision de l'inspecteur du travail, celle-ci étant manifestement illégale, le licenciement doit être annulé dès lors qu'il a été prononcé sans autorisation, avec les conséquences qui en résultent sur le plan indemnitaire.
La Carsat objecte que dans le cas où le juge déclare illégale une décision administrative, celle-ci ne produit pas les mêmes effets que l'annulation d'une telle décision et qu'il appartient au juge judiciaire de statuer sur la cause réelle et sérieuse de licenciement et de réparer le préjudice subi par le salarié si l'illégalité de la décision est la conséquence d'une faute de l'employeur.
Sur la nullité du licenciement
Il résulte de l'article L. 2421-1 du code du travail que la protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun instituée par le législateur au profit de salariés investis de fonctions représentatives interdit à l'employeur de poursuivre par d'autres moyens la rupture du contrat de travail et, sauf volonté non équivoque de démissionner, le contrat de travail d'un tel salarié ne peut être rompu que par un licenciement soumis aux formalités protectrices.
En outre, lorsque la décision administrative autorisant le licenciement, sur renvoi préjudiciel du juge judiciaire, est déclarée illégale par le juge administratif, il appartient au juge judiciaire, après avoir statué sur la cause réelle et sérieuse de licenciement, de réparer le préjudice subi par le salarié, si l'illégalité de la décision d'autorisation est la conséquence de la faute de l'employeur.
En l'espèce, il ressort de la lettre de licenciement de M. [I] que si la Carsat a sollicité l'autorisation de licencier M. [I], l'inspecteur du travail ne la lui a pas accordée, mais a, au contraire, rejeté sa demande pour incompétence matérielle.
Il ressort également de la lettre de licenciement que la Carsat a alors renoncé à exercer un recours contre cette décision illégale de l'inspecteur du travail et qu'elle a malgré tout licencié M. [I] au motif, d'une part, qu'il ne voulait pas reprendre une activité professionnelle au sein de l'organisme et, d'autre part, qu'elle pouvait procéder à son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement comme il le souhaitait.
La cour relève qu'en l'absence de volonté non équivoque de M. [I] de démissionner, la Carsat ne pouvait, même avec son accord, le licencier sans autorisation de l'administration.
La cour en déduit qu'en licenciant M. [I] sans autorisation, la Carsat a violé la protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun dont il bénéficiait dans l'intérêt des autres salariés et que son licenciement doit donc être annulé.
La cour ajoute que peu importe à cet égard que la décision de l'inspecteur du travail soit illégale et que cette illégalité ne soit pas la conséquence directe d'une faute de la Carsat, à charge en effet pour celle-ci d'engager alors la responsabilité de l'État pour la faute qu'il a commise.
Il y a lieu d'en conclure que le licenciement de M. [I] est nul.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur les conséquences financières de l'annulation du licenciement *l'indemnité compensatrice de préavis
Il y a lieu de condamner la Carsat à verser à M. [I] la somme qu'il réclame à ce titre, et dont le quantum n'est pas utilement contesté par la Carsat, à savoir la somme de 28 656,53 euros, ainsi que 2 865,65 au titre des congés payés afférents.
* le rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement
Il y a lieu de condamner la Carsat à verser à M. [I] la somme qu'il réclame à ce titre, et dont le quantum n'est pas utilement contesté par la Carsat, à savoir la somme de 1 194,02 euros.
*les dommages et intérêts réparant le préjudice né du caractère illicite du licenciement
Selon l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa version alors en vigueur, le salarié protégé dont le contrat de travail est rompu sans autorisation et qui ne demande pas sa réintégration a droit, en plus de l'indemnité pour violation du statut protecteur, aux indemnités de rupture, ainsi qu'à une indemnité réparant le préjudice nécessairement subi du fait de son licenciement nul et au moins égale aux salaires des 6 derniers mois.
En considération de l'ancienneté de M. [I] (33 ans), de sa rémunération brute mensuelle (4 776 euros), de son âge (58 ans au moment de la rupture), de son placement en invalidité 2ème catégorie, mais aussi des allocations qu'il a perçues et de sa possibilité de faire valoir ses droits à la retraite à brève échéance, il convient de lui allouer la somme de 32 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de son licenciement illicite.
*l'indemnité liée à la méconnaissance du statut protecteur
La sanction de la méconnaissance par l'employeur du statut protecteur des représentants du personnel est la rémunération que le salarié aurait perçue jusqu'à l'expiration de la période de protection en cours.
En l'espèce, M. [I] ayant été licencié le 19 janvier 2015 et sa protection s'achevant le 6 février 2015, il y a lieu de lui accorder la somme qu'il réclame à ce titre, et qui n'est pas utilement contestée par la Carsat, à savoir la somme de 2 865,65 euros.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
Compte tenu de l'issue du litige, il y a lieu de débouter la Carsat de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Le jugement sera infirmé de ces deux chefs et compte tenu de l'issue du litige, la Carsat sera en outre condamnée à payer à M. [I] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles qu'il a engagés en première instance et en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel »

1/ ALORS QUE si en cas de contestation sérieuse portant sur la légalité d'un acte administratif, les tribunaux de l'ordre judiciaire statuant en matière civile doivent surseoir à statuer jusqu'à ce que la question préjudicielle de la légalité de cet acte soit tranchée par la juridiction administrative, il en va autrement lorsqu'il apparaît manifestement, au vu d'une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie par le juge saisi au principal ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a cru pouvoir affirmer qu'il résulte d'une jurisprudence bien établie que ni la maladie, ni l'inaptitude du salarié, ni son classement en invalidité 2ème catégorie n'ont pour effet de faire cesser son mandat au délégué syndical et qu'il résulte d'une jurisprudence tout aussi établie que le délégué syndical bénéficie de sa protection indépendamment du fait qu'il l'exerce effectivement ou non, pour en déduire que la décision du 11 décembre 2014 par laquelle l'inspection du travail s'était déclarée incompétente pour statuer sur la demande d'autorisation de licenciement de M. [I] était manifestement illégale ; qu'en statuant ainsi sans indiquer la jurisprudence administrative à laquelle elle se référait, la cour d'appel qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III, ensemble l'article L. 2411-3 du code du travail ;

2/ ALORS QUE le juge civil n'est pas compétent pour interpréter un acte administratif individuel ; que dans sa décision du 11 décembre 2014 aux termes de laquelle elle s'est déclarée matériellement incompétente pour statuer sur la demande d'autorisation de licencier M. [I], l'inspection du travail s'est bornée à juger que : « le salarié n'exerce plus ses fonctions depuis plus d'un an ; que ce faisant les conditions requises à l'article L 2411-3 du code du travail pour prétendre à la protection post mandat ne sont pas remplies et que le salarié n'est donc plus protégé » ; qu'en retenant que « si l'inspecteur du travail a jugé que M. [I] ne bénéficiait plus de son statut protecteur, c'est parce qu'il a considéré que M. [I] avait été reconnu en invalidité 2ème catégorie par la CPAM le 1er décembre 2013, qu'il avait donc cessé d'exercer toute activité professionnelle à cette date et qu'en conséquence, il n'était plus dans la période de protection post-mandat un an plus tard, à savoir depuis le 30 novembre 2014 », la cour d'appel, qui a interprété la décision de l'inspection du travail, a violé l'article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III, ensemble l'article L. 2411-3 du code du travail ;

3/ ALORS QUE le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que la Cour d'appel a en l'espèce opposé d'office le principe selon lequel « nul ne peut se contredire au détriment d'autrui » pour écarter le moyen de l'employeur qui faisait valoir que la décision d'incompétence de l'inspection du travail était en tout état de cause justifiée par le fait que le mandat de délégué syndical de M. [I] dont la désignation était intervenue le 25 juin 2013 et avait pris fin en février 2014, ayant duré moins d'un an, le salarié ne pouvait prétendre à la protection supplémentaire de 12 mois prévue par l'article L. 2411-3 du code du travail ; qu'en statuant ainsi lorsque le salarié n'avait pas lui-même opposé ce principe à l'employeur, la Cour d'appel, qui n'a pas invité les parties à s'expliquer sur ce point, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

4/ ALORS QUE le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui tend à sanctionner tout comportement procédural constitutif d'un changement de position, en droit, de nature à induire la partie adverse en erreur sur ses intentions ; que la cour d'appel a relevé que la Carsat qui avait sollicité l'autorisation de l'inspection du travail pour licencier M. [I] considérait elle-même que ce dernier bénéficiait de la protection supplémentaire de 12 mois prévue par l'article L. 2411-3 du code du travail jusqu'en février 2015, et qu'elle avait dans la lettre de licenciement de M. [I] interprété la décision de l'inspection du travail comme jugeant que la protection post-mandat de M. [I] était expirée, si bien qu'elle ne pouvait soutenir désormais que cette décision était justifiée par le fait que le mandat du salarié ayant duré moins d'un an, il n'avait pas bénéficié de la protection post-mandat de 12 mois ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé que la Carsat, défenderesse à l'exception d'illégalité de la décision d'incompétence de l'inspection du travail soulevée par le salarié qui ne l'avait pas lui-même contestée devant le juge administratif, avait changé de position procédurale pour induire le salarié en erreur sur ses intentions, a violé le principe selon lequel « nul ne peut se contredire au détriment d'autrui » ;

5/ ALORS QUE le caractère manifestement illégal de la décision de l'inspection du travail statuant sur une demande d'autorisation de licenciement, permettant au juge judiciaire d'en tirer les conséquences sans poser de question préjudicielle à la juridiction administrative, exclut que le juge judiciaire réexamine au fond la demande d'autorisation ; qu'en l'espèce, pour dire qu'était entachée d'une illégalité manifeste la décision d'incompétence de l'inspection du travail du 11 décembre 2014, la cour d'appel a d'abord dû procéder à son interprétation pour affirmer que celle-ci avait considéré que M. [I] avait été reconnu en invalidité 2ème catégorie le 1er décembre 2013, qu'il avait donc cessé d'exercer toute activité professionnelle à cette date et qu'en conséquence, il n'était plus dans la période de protection post-mandat un an plus tard, à savoir depuis le 30 novembre 2014 (arrêt p. 8, § 3), puis elle a examiné les différents mandats exercés par M. [I] successivement désigné par le syndicat les 23 février 2011, 10 février 2012 et 25 juin 2013 et procédé à leur interprétation pour retenir in fine qu'il avait en réalité exercé un seul et même mandat dans lequel il aurait été reconfirmé par le syndicat, et en déduire que son mandat ayant duré plus d'un an, il bénéficiait de la protection supplémentaire de 12 mois prévue par l'article L. 2411-3 du code du travail (arrêt p. 10-11) ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel qui a procédé à un examen au fond de la question de savoir si M. [I] bénéficiait du statut de salarié protégé lors de l'engagement de la procédure de licenciement, laquelle ne relevait pas de l'évidence, a violé l'article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III, ensemble l'article L. 2411-3 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR annulé le licenciement de M. [I], d'AVOIR condamné la Carsat Nord Picardie à verser à M. [I]. les sommes de 28 656,53 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, et 2 865,65 au titre des congés payés afférents, 1 194,02 euros au titre de rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement, 32 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de son licenciement illicite, 2 865,65 euros au titre d'indemnité liée à la violation du statut protecteur, 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et d'AVOIR condamné la Carsat Nord Picardie aux entiers dépens de première instance et d'appel.

AUX MOTIFS QUE « S'agissant des conséquences de l'illégalité de la décision de l'inspecteur du travail et de sa mise à l'écart sur le licenciement M. [I] soutient que même si le juge judiciaire ne peut annuler la décision de l'inspecteur du travail, celle-ci étant manifestement illégale, le licenciement doit être annulé dès lors qu'il a été prononcé sans autorisation, avec les conséquences qui en résultent sur le plan indemnitaire.
La Carsat objecte que dans le cas où le juge déclare illégale une décision administrative, celle-ci ne produit pas les mêmes effets que l'annulation d'une telle décision et qu'il appartient au juge judiciaire de statuer sur la cause réelle et sérieuse de licenciement et de réparer le préjudice subi par le salarié si l'illégalité de la décision est la conséquence d'une faute de l'employeur.
Sur la nullité du licenciement
Il résulte de l'article L. 2421-1 du code du travail que la protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun instituée par le législateur au profit de salariés investis de fonctions représentatives interdit à l'employeur de poursuivre par d'autres moyens la rupture du contrat de travail et, sauf volonté non équivoque de démissionner, le contrat de travail d'un tel salarié ne peut être rompu que par un licenciement soumis aux formalités protectrices.
En outre, lorsque la décision administrative autorisant le licenciement, sur renvoi préjudiciel du juge judiciaire, est déclarée illégale par le juge administratif, il appartient au juge judiciaire, après avoir statué sur la cause réelle et sérieuse de licenciement, de réparer le préjudice subi par le salarié, si l'illégalité de la décision d'autorisation est la conséquence de la faute de l'employeur.
En l'espèce, il ressort de la lettre de licenciement de M. [I] que si la Carsat a sollicité l'autorisation de licencier M. [I], l'inspecteur du travail ne la lui a pas accordée, mais a, au contraire, rejeté sa demande pour incompétence matérielle.
Il ressort également de la lettre de licenciement que la Carsat a alors renoncé à exercer un recours contre cette décision illégale de l'inspecteur du travail et qu'elle a malgré tout licencié M. [I] au motif, d'une part, qu'il ne voulait pas reprendre une activité professionnelle au sein de l'organisme et, d'autre part, qu'elle pouvait procéder à son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement comme il le souhaitait.
La cour relève qu'en l'absence de volonté non équivoque de M. [I] de démissionner, la Carsat ne pouvait, même avec son accord, le licencier sans autorisation de l'administration.
La cour en déduit qu'en licenciant M. [I] sans autorisation, la Carsat a violé la protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun dont il bénéficiait dans l'intérêt des autres salariés et que son licenciement doit donc être annulé.
La cour ajoute que peu importe à cet égard que la décision de l'inspecteur du travail soit illégale et que cette illégalité ne soit pas la conséquence directe d'une faute de la Carsat, à charge en effet pour celle-ci d'engager alors la responsabilité de l'État pour la faute qu'il a commise.
Il y a lieu d'en conclure que le licenciement de M. [I] est nul.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur les conséquences financières de l'annulation du licenciement *l'indemnité compensatrice de préavis
Il y a lieu de condamner la Carsat à verser à M. [I] la somme qu'il réclame à ce titre, et dont le quantum n'est pas utilement contesté par la Carsat, à savoir la somme de 28 656,53 euros, ainsi que 2 865,65 au titre des congés payés afférents.
* le rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement
Il y a lieu de condamner la Carsat à verser à M. [I] la somme qu'il réclame à ce titre, et dont le quantum n'est pas utilement contesté par la Carsat, à savoir la somme de 1 194,02 euros.
*les dommages et intérêts réparant le préjudice né du caractère illicite du licenciement
Selon l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa version alors en vigueur, le salarié protégé dont le contrat de travail est rompu sans autorisation et qui ne demande pas sa réintégration a droit, en plus de l'indemnité pour violation du statut protecteur, aux indemnités de rupture,
ainsi qu'à une indemnité réparant le préjudice nécessairement subi du fait de son licenciement nul et au moins égale aux salaires des 6 derniers mois.
En considération de l'ancienneté de M. [I] (33 ans), de sa rémunération brute mensuelle (4 776 euros), de son âge (58 ans au moment de la rupture), de son placement en invalidité 2ème catégorie, mais aussi des allocations qu'il a perçues et de sa possibilité de faire valoir ses droits à la retraite à brève échéance, il convient de lui allouer la somme de 32 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de son licenciement illicite.
*l'indemnité liée à la méconnaissance du statut protecteur
La sanction de la méconnaissance par l'employeur du statut protecteur des représentants du personnel est la rémunération que le salarié aurait perçue jusqu'à l'expiration de la période de protection en cours.
En l'espèce, M. [I] ayant été licencié le 19 janvier 2015 et sa protection s'achevant le 6 février 2015, il y a lieu de lui accorder la somme qu'il réclame à ce titre, et qui n'est pas utilement contestée par la Carsat, à savoir la somme de 2 865,65 euros.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
Compte tenu de l'issue du litige, il y a lieu de débouter la Carsat de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Le jugement sera infirmé de ces deux chefs et compte tenu de l'issue du litige, la Carsat sera en outre condamnée à payer à M. [I] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles qu'il a engagés en première instance et en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel »

1/ ALORS QU'une décision d'incompétence de l'inspecteur du travail, intervenant après la demande d'autorisation de licenciement d'un salarié au motif que celui-ci n'était pas protégé, étant créatrice de droit, l'employeur est en droit de prononcer son licenciement ; qu'en l'espèce il était constant que par décision du 11 décembre 2014 devenue définitive, l'inspection du travail s'est déclarée incompétente aux motifs que M. [I] n'était plus protégé et que la CARSAT avait licencié M. [I] le 19 janvier 2015; qu'en jugeant qu'en licenciant ainsi le salarié sans autorisation, la Carsat qui n'avait pas exercé de recours contre la décision de l'inspection du travail, avait violé la protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun dont il bénéficiait, pour en déduire que son licenciement devait être annulé et la condamner à verser au salarié des indemnités de rupture, des dommages et intérêts pour licenciement nul et des dommages et intérêts pour violation du statut protecteur, la cour d'appel a violé les articles L. 2421-1 et L. 2411-3 et du code du travail ;

2/ ALORS QUE lorsque la décision par laquelle l'inspection du travail s'est déclarée incompétente pour statuer sur une demande d'autorisation de licenciement est déclarée illégale par voie d'exception, il appartient seulement au juge judiciaire de réparer le préjudice subi par le salarié si l'illégalité de la décision est la conséquence d'une faute de l'employeur ; que la cour d'appel a en l'espèce déclaré illégale la décision du 11 décembre 2014 devenue définitive par laquelle l'inspection du travail s'était déclarée incompétente pour statuer sur la demande d'autorisation de licenciement de M. [I] ; qu'en jugeant qu'il importait peu que la décision de l'inspecteur du travail soit illégale et que cette illégalité ne soit pas la conséquence directe d'une faute de la Carsat, à charge pour celle-ci d'engager alors la responsabilité de l'État pour la faute qu'il a commise, la cour d'appel a violé l'article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790, le décret du 16 fructidor An III, ensemble les articles L. 2421-1 et L. 2411-3 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-12471
Date de la décision : 05/01/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Salarié protégé - Mesures spéciales - Autorisation administrative - Appréciation de la légalité - Déclaration d'illégalité par le juge administratif saisi d'une question préjudicielle - Office du juge - Appréciation de la cause réelle et sérieuse du licenciement

REPRESENTATION DES SALARIES - Règles communes - Contrat de travail - Licenciement - Mesures spéciales - Autorisation administrative - Appréciation de la légalité - Déclaration d'illégalité par le juge administratif saisi d'une question préjudicielle - Droit à indemnisation - Conditions - Détermination

Selon une jurisprudence constante de la Cour (Soc., 26 septembre 2007, pourvoi n° 05-45.665, Bull. 2007, V, n° 137 (cassation partielle)), lorsqu'une autorisation de licenciement, sur renvoi préjudiciel, est déclarée illégale par le juge administratif, il appartient au juge judiciaire, après avoir statué sur la cause réelle et sérieuse du licenciement, de réparer le préjudice subi par le salarié, si l'illégalité de la décision d'autorisation est la conséquence d'une faute de l'employeur. En conséquence, les prétentions qui visent à voir reconnaître par voie d'exception l'illégalité d'une décision administrative d'incompétence sont sans objet dès lors qu'il est établi que la cause de l'illégalité de la décision est étrangère à toute faute de l'employeur


Références :

loi des 16 et 24 août 1790.

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 09 novembre 2019

N1 Sur la possibilité pour le juge judiciaire de refuser de saisir le juge administratif par voie de question préjudicielle en cas de contestation de la légalité d'un acte administratif : Tribunal des conflits, , 17 octobre 2011, n° 11-03.828, Bull. 2011, T. conflits, n° 24. Sur la portée de l'obligation de surseoir à statuer en cas de contestation de la légalité d'une décision d'incompétence d'un inspecteur du travail saisi pour autoriser un licenciement : Soc., 19 mai 2016, pourvoi n° 14-26662, Bull. 2016, V, n° 107 (cassation partielle). N2 Sur la réparation du préjudice subi par le salarié en cas d'une faute de l'employeur à l'origine de l'illégalité de la décision d'autorisation de licenciement, à rapprocher : Soc., 26 septembre 2007, pourvoi n° 05-45665, Bull. 2007, V, n° 137 (2) (cassation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 05 jan. 2022, pourvoi n°20-12471, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.12471
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