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15/12/2021 | FRANCE | N°20-18457

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 15 décembre 2021, 20-18457


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 15 décembre 2021

Cassation partielle

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 800 F-D

Pourvoi n° A 20-18.457

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 DÉCEMBRE 2021

Mme [P] [R], épouse [V], domiciliée [Adresse 1]

, a formé le pourvoi n° A 20-18.457 contre l'arrêt rendu le 4 juin 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 3, chambre 3), dans le litige l'opposan...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 15 décembre 2021

Cassation partielle

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 800 F-D

Pourvoi n° A 20-18.457

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 DÉCEMBRE 2021

Mme [P] [R], épouse [V], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 20-18.457 contre l'arrêt rendu le 4 juin 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 3, chambre 3), dans le litige l'opposant à M. [I] [V], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Guihal, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de Mme [R], de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de M. [V], et l'avis de Mme Marilly, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 3 novembre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Guihal, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 juin 2020) et les pièces de la procédure, un jugement a prononcé le divorce de Mme [R] et de M. [V].

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

2. Mme [R] fait grief à l'arrêt de fixer à 144 000 euros le montant de la prestation compensatoire due par M. [V], alors « que l'appel général d'un jugement prononçant le divorce sur le fondement des articles 233 et 234 du code civil, même si l'acceptation du principe de la rupture du mariage ne peut plus être remise en cause, sauf vice du consentement, opère dévolution pour le tout, peu importe que les conclusions des parties n'aient critiqué que certains chefs de la décision, cette limitation, dans les conclusions, des chefs critiqués du jugement ne valant pas acquiescement de sorte que la décision de divorce n'acquiert force de chose jugée qu'après le prononcé de l'arrêt ; qu'en l'espèce, si M. [V] avait limité son appel au chef du dispositif l'ayant condamné à payer une prestation compensatoire, Mme [R] avait quant à elle, dans sa déclaration d'appel et ses premières conclusions en date du 31 janvier 2018, interjeté appel de l'ensemble des chefs du dispositif, y compris donc sur le prononcé du divorce ; qu'en jugeant pourtant que Mme [R] n'avait pas formé appel incident du chef du prononcé du divorce dans le dispositif de ses premières conclusions remises au greffe le 31 janvier 2018, de sorte que le prononcé du divorce serait devenu définitif le 31 janvier 2018 et qu'il conviendrait donc de se placer à cette date pour apprécier la demande de prestation compensatoire, la cour d'appel a violé les articles 233, 234, 270 et 271 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 260, 270 et 271 du code civil et 562 du code de procédure civile :

3. Selon les trois premiers de ces textes, pour apprécier la demande de prestation compensatoire, le juge se place à la date à laquelle la décision prononçant le divorce prend force de chose jugée.

4. Il résulte du dernier qu'en cas d'appel de tous les chefs du dispositif d'un jugement de divorce, la décision, quant au divorce, ne peut passer en force de chose jugée, sauf acquiescement ou désistement, avant le prononcé de l'arrêt, peu important, même en cas de divorce sur demande acceptée, que l'acceptation du principe de la rupture ne puisse plus être contestée, sauf vice du consentement.

5. Pour décider qu'il convient de se placer au 31 janvier 2018, date de remise au greffe des premières conclusions de Mme [R], pour apprécier si la rupture du mariage crée une disparité dans les conditions de vie respective des époux, l'arrêt, après avoir constaté que l'appel de celle-ci critiquait l'ensemble des chefs du jugement, retient qu'elle sollicite le prononcé du divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage en application des articles 233 et 234 du code civil et donc la confirmation du jugement entrepris de ce chef, de sorte que le prononcé du divorce est devenu définitif le 31 janvier 2018.

6. En statuant ainsi, alors que les conclusions de Mme [R] tendaient explicitement, non à la confirmation du jugement sur le divorce, mais à son infirmation, et ne pouvaient, dès lors, s'analyser en un acquiescement implicite à la décision entreprise, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions relatives à la prestation compensatoire, l'arrêt rendu le 4 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne M. [V] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. [V] et le condamne à payer à Mme [R] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Spinosi, avocat aux Conseils, pour Mme [R]

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement du 13 septembre 2017 et d'avoir fixé le montant de la prestation compensatoire due par M. [V] à Mme [R] à la somme de 144.000 euros ;

Aux motifs que, « Chacune des parties sollicite l'infirmation du jugement entrepris du chef du montant de la prestation compensatoire allouée à l'épouse, cette dernière sollicitant la condamnation de M. [V] au paiement d'une prestation compensatoire sous forme d'un capital de 450 000 euros, cependant que M. [V] demande à la cour de dire qu'il s'acquittera d'une prestation compensatoire au bénéfice de son épouse d'un montant de 50 000 euros payable par versements échelonnés sur une durée de 96 mois.

Le divorce met fin au devoir de secours entre époux mais, selon les dispositions des articles 270 et 271 du code civil, l'un des conjoints peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage créé dans les conditions de vie respectives. Cette prestation, qui a un caractère forfaitaire, prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge, selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre, en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.

À cet effet, le juge prend en considération notamment la durée du mariage, l'âge et l'état de santé des époux, leur qualification et leur situation professionnelles, les équences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faut encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne, le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial, leurs droits existants et prévisibles, et leur situation respective en matière de pension de retraite.

En application de l'article 260 du Code civil, la décision qui prononce le divorce dissout le mariage à la date à laquelle elle prend force de chose jugée. Il convient donc de déterminer cette date qui met notamment fin au devoir de secours entre époux et à laquelle il faut se placer pour apprécier le droit à prestation compensatoire et le cas échéant son montant et sa forme.

L'appel principal formé par M. [V] est limité à la prestation compensatoire.

Mme [R] n'a pas formé appel incident du chef du prononcé du divorce dans le dispositif de ses premières conclusions en réplique, remises au greffe le 31 janvier 2018, aux termes desquelles elle sollicite le prononcé du divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage en application des articles 233 et 234 du Code civil, et donc, la confirmation du jugement entrepris de ce chef. Dès lors, le prononcé du divorce est devenu définitif le 31 janvier 2018 et il convient de se placer à cette date pour apprécier si la rupture du mariage crée une disparité dans les conditions de vie respective des époux.

À la date du 31 janvier 2018, M. [V] était âgé de 48 ans pour être né le 12 juin 1969 et Mme [R] de 45 ans pour être née le 28 juin 1972 ; le mariage, célébré le 4 juillet 1997, avait duré 20 ans dont 16 ans de vie commune depuis sa célébration jusqu'à l'ordonnance de non-conciliation prononcée le 14 mai 2013. Deux enfants sont issus de cette union, [G], né le 22 avril 1999, et [J], né le 5 juillet 2006.
Aucun des époux ne fait état de problèmes de santé.

M. [V] exerce en qualité de commandant de bord au sein de la société de droit luxembourgeois Global Jet Luxembourg SA depuis le 29 août 2000.

Il justifie avoir perçu :

- suivant son avis d'impôt 2016, un montant imposable de 140 746 euros de salaires pour l'année 2015, soit un salaire moyen mensuel imposable de 11 728 euros, avant imputation d'un montant de 58 487 euros de frais réels,
- suivant son bulletin de salaire du mois de décembre 2016, un montant imposable de 140 746 euros, soit un salaire moyen mensuel imposable de 11 728 euros
- suivant le certificat de salaire délivré le 16 février 2018 par son employeur, un montant imposable de 147 030 euros pour l'année 2017 qui correspond au montant indiqué sur son bulletin de salaire du mois de décembre 2017, soit un salaire moyen mensuel imposable de 12 252 euros,
- suivant son avis d'impôt 2019, un montant imposable de 149 555 euros de salaires pour l'année 2018, soit un salaire moyen mensuel imposable de 12 462 euros, avant imputation d'un montant de 55 330 euros de frais réels,
- suivant son bulletin de salaire du mois de novembre 2019, un montant imposable de 138 820 euros, soit un salaire moyen mensuel imposable de 12 462 euros sur 11 mois.

Contrairement à ce que le premier juge a retenu, il n'y a pas lieu d'ajouter au salaire ci-dessus mentionné un montant de 4000 euros par mois d'indemnités kilométriques. En effet, en première instance, M. [V] a versé aux débats une attestation de son employeur en date du 13 juillet 2016 indiquant qu'il n'exerçait plus les fonctions « Flight Opérations Manager » depuis le 31 décembre 2015, insuffisante cependant pour démontrer que ses ressources avaient subi une perte de 4000 euros versée au titre des indemnités kilométriques. M. [V] produit en appel une nouvelle attestation de son employeur en date du 9 novembre 2017 confirmant qu'il a quitté sa fonction annexe de Flight Opérations Manager depuis le 31 décembre 2015 et précisant qu'il ne perçoit plus aucun remboursement de frais liés à cette fonction depuis cette date.

Mme [R] ne prouve pas que M. [V] perçoit des revenus occultes ou non déclarés, procédant sur ce point par voie de simples affirmations.

Il évalue ses charges fixes, outre dépenses de la vie courante (alimentation, habillement, santé, loisirs), à la somme totale de 10 357 euros, incluant notamment les mensualités prêt immobilier de 2533 euros afférent au logement de la famille dont le terme est fixé au janvier 2022 ; toutefois le règlement de ce prêt ne restera pas à sa charge définitive pour la période postérieure au 31 janvier 2018 correspondant à la date du divorce qui a mis fin au devoir de secours et viendra plus tard à son crédit dans le cadre des opérations de règlement du régime matrimonial au titre des comptes d'indivision. La même observation peut être faite en ce qui concerne les taxes foncières et d'habitation du domicile conjugal, s'agissant d'un règlement provisoire. Par ailleurs, la pension alimentaire de 500 euros par mois versée à l'épouse au titre du devoir de secours n'a pas à être prise en considération. Le crédit leasing pour son véhicule Porsche générant des mensualités de 2029 euros ne constitue pas une charge incompressible mais une dépense à caractère somptuaire. En revanche, la contribution mensuelle de 1200 euros versée pour l'éducation et l'entretien des enfants doit être prise en compte dans ses charges, de même que le loyer de 1800 euros qu'il acquitte pour le logement situé à [Localité 5] dans le Var qu'il a pris à bail le 1er février 2018. Il affirme qu'il ne vit plus avec sa compagne et ne partage donc plus ses charges.

Son impôt sur le revenu s'est élevé à 12 913 euros en 2016, soit 1076 euros par mois, à 13 902 euros en 2017, soit 1158 euros par mois, et à 16 892 euros en 2019, soit 1407 euros par mois. Ces impositions tiennent compte de la déduction de ses frais réels. S'il affirme que son impôt mensuel va fortement augmenter à compter du 1er janvier 2020, passant de 1406 euros à 4973 euros par mois, il n'en rapporte pas la preuve, laquelle ne saurait résulter de la seule production d'une abondante documentation qu'il n'a pas pris la peine d'analyser, s'agissant du guide des impôts 2019 contenant un dossier spécial sur les contribuables non-résidents au Luxembourg et de la Loi luxembourgeoise modifiée du 4 décembre 1967 concernant l'impôt sur le revenu en vigueur au 1er janvier 2020.

Mme [R] est hôtesse en qualité de non-cadre Personnel Navigant Commercial statutaire de la compagnie Air France depuis le 16 octobre 1995. À la suite de sa demande, un avenant à son contrat de travail a été conclu le 4 juillet 2013 stipulant qu'à compter du 1er janvier 2014 et pour une durée indéterminée, son activité s'exerce dans le cadre du régime de "travail à temps alterné 75 %".

Elle justifie avoir perçu :

- suivant son avis d'impôt 2016, un montant imposable de 38 630 euros de salaires pour l'année 2015, soit un salaire moyen mensuel imposable de 3219 euros, avant imputation d'un montant de 30 797 euros de frais réels,
- suivant son avis d'impôt 2017, un montant imposable de 40 217 euros de salaires pour l'année 2016, soit un salaire moyen mensuel imposable de 3351 euros, avant imputation d'un montant de 24 503 euros de frais réels,
- suivant son avis d'impôt 2018, un montant imposable de 40 832 euros de salaires pour l'année 2017, soit un salaire moyen mensuel imposable de 3402 euros, avant imputation d'un montant de 25 348 euros de frais réels,
- suivant son avis d'impôt 2019, un montant imposable de 39 056 euros de salaires pour l'année 2018, soit un salaire moyen mensuel imposable de 3254 euros, avant imputation d'un montant de 21 341 euros de frais réels,
- suivant son bulletin de salaire du mois de décembre 2019, un montant imposable de 32 979 euros, soit un salaire moyen mensuel imposable de 2748 euros, observation étant faite, pour répondre à l'argumentation développée sur ce point par M. [V], qu'il est exact que le cumul annuel imposable mentionné sur les bulletins des mois de décembre de Mme [R] est systématiquement inférieur au cumul imposable annuel figurant sur les avis d'impôt sur le revenu. Ainsi, et à titre d'exemple, le bulletin de paie du mois de décembre 2018 mentionne un cumul annuel net imposable de 31 807 euros alors que l'avis d'impôt 2019 sur les revenus de l'année 2018 mentionne un cumul imposable de 39 056 euros. Il s'en déduit que pour les revenus de l'année 2019, le cumul annuel imposable qui figurera sur l'avis d'impôt 2020 sera supérieur à 32 979 euros et avoisinera un montant de 40 000 euros.

Ceci étant, le premier juge ne s'est pas uniquement basé sur le bulletin de salaire de Mme [R] du mois de décembre 2016 pour apprécier le montant de ses revenus puisqu'il a relevé dans sa décision un salaire moyen mensuel déclaré de 3219 euros, selon l'avis 2016 sur les revenus de 2015. Par ailleurs, il ne saurait être fait grief à Mme [R] de n'avoir pas justifié en première instance de son avis d'imposition 2017 portant sur ses revenus 2016 puisqu'à la date de l'audience, soit le 24 mai 2017, elle ne disposait pas encore de cet avis d'imposition qui n'a été établi par le centre des impôts que le 20 juillet 2017.

La cour retiendra que sur la période allant de janvier 2015 à décembre 2017, correspondant aux trois dernières années précédant le prononcé du divorce, la moyenne mensuelle des revenus nets déclarés aux impôts au titre des salaires, avant déduction forfaitaire de 10 % ou des frais réels, s'est élevée à 11 903 euros pour M. [V], et à 3324 euros pour Mme [R].

En toute hypothèse, M. [V] ne conteste pas l'existence d'une disparité dans les situations respectives des époux au détriment de l'épouse puisqu'il propose, comme en première instance, le versement d'une prestation compensatoire de 50000 euros.

Contrairement à ce qu'il soutient, pour fixer la prestation compensatoire due à Mme [R], il n'y a pas lieu de prendre en considération au titre des ressources de celle-ci, la pension alimentaire de 500 euros par mois versée par son mari au titre du devoir de secours, cette pension ayant un caractère provisoire. Il en va de même s'agissant de l'avantage que constitue la jouissance à titre gratuit du domicile conjugal accordée à l'épouse et du règlement définitif par l'époux du crédit immobilier afférent au domicile conjugal, en exécution de ce devoir, pendant la durée de l'instance en divorce. Il n'y a pas lieu non plus de prendre en compte le montant de la pension alimentaire versée pour l'entretien et l'éducation des enfants dans l'appréciation des ressources de l'époux demandeur d'une prestation compensatoire, cette contribution ne bénéficiant pas à celui-ci, ni les allocations familiales, en ce qu'elles sont destinées aux enfants.

Mme [R] a établi un tableau de ses revenus et charges pour l'année 2016, produit dans ses pièces de première instance, qu'elle n'a pas actualisé devant la cour. Ce tableau totalise un montant de charges de 5042 euros par mois incluant les dépenses d'entretien pour les enfants (frais de téléphone portable, alimentation, sport, cours particuliers pour [G], psychologue pour [J], loisirs, argent de poche, permis de conduire pour [G], voyages scolaires pour [J], vêtements et vacances) qui n'ont lieu d'être prises en considération que pour la fixation de la contribution à l'entretien et l'éducation des enfants. Pour le surplus, Mme [R] n'expose pas de frais de loyer, ne règle pas d'impôt sur le revenu, ses dépenses étant principalement constituées des charges de la vie courante et de celles liées à l'entretien de la maison (alimentation, frais de carburant, fourniture d'énergie, consommation d'eau, assurances et mutuelle, taxes d'habitation et foncière...). Elle rembourse des mensualités de 589 euros au titre d'un prêt véhicule et de 500 euros au titre d'un crédit permanent. Après le divorce, elle devra se reloger si le domicile conjugal ne lui est pas attribué à titre préférentiel lors des opérations de partage de la communauté.

Les époux [V]-[R] sont mariés sous le régime de la communauté de biens. Les biens dépendant de cette communauté ont vocation à être partagés par moitié entre les époux.

Il sera uniquement indiqué sur ce point qu'il dépend actuellement de la communauté le bien immobilier sis à [Adresse 3] ayant constitué le domicile conjugal dont le prix de vente sera partagé par moitié après paiement du solde du prêt immobilier. En effet, les deux appartements situés à Chamonix acquis en commun ont été vendus, l'un en décembre 2015, et l'autre en mars 2016. Chacun des époux a perçu la somme de 25 700 euros. Le premier juge a commis une erreur d'appréciation en retenant que, selon le rapport d'expertise notarié de Maître [Y], la valeur d'actif net du bien sis à [Adresse 3] était estimée à 324 804 euros, soit 162 402 euros pour chacun des époux. En effet, la somme de 324 804,95 euros correspond à l'actif net résultant des bases liquidatives de la communauté qui se composait à l'époque activement et passivement non seulement de la maison de [Localité 4] mais aussi des deux appartements situés à Chamonix, des prêts se rapportant auxdits bien immobilier et des comptes d'administration respectifs des parties. Concernant la maison de [Adresse 3], le notaire avait retenu une valeur de 700 000 euros sur la base de l'accord des parties, tout en émettant une réserve car cette valeur lui apparaissait forte au regard de la conjoncture immobilière actuelle. Aux termes de leurs dernières écritures, les parties sont en désaccord sur la valeur de ce bien immobilier, Mme [R] faisant état d'une valeur moyenne de 630 000 euros sur la base d'une estimation établie en avril 2017 par l'agence ERA Immobilier, et M. [V] considérant pour sa part que ce bien doit être valorisé entre 700 000 et 800 000 euros car, selon lui, le marché immobilier a évolué à la hausse depuis 4 ans. La cour relève qu'un seul avis de valeur avait été produit au notaire expert, établi par l'agence ERA en décembre 2014, retenant un prix net vendeur entre 675 000 et 695 000 euros sous réserve de visite du bien. Selon les parties, le capital restant dû au 1er janvier 2020 au titre du solde du prêt immobilier s'élève à une somme de 59 224 euros.

Par ailleurs, le projet de liquidation établi par Maître [Y] retenait que M. [V] revendiquait une récompense d'un montant de 108 000 euros, arrêté en accord entre les parties, au titre de fonds propres ayant profité à la communauté, et le remboursement d'une somme de 109 262,81 euros au titre de son compte d'administration, cependant que Mme [R] revendiquait le remboursement d'une somme de 5461,25 euros au titre du remboursement de son compte d'administration, de sorte que dans ses propositions de liquidation établies sous toutes réserves, le notaire expert avait chiffré les droits des parties à 379 665,28 euros pour M. [V] et à 167 683,72 euros pour Mme [R]. Cependant, aux termes de ses dernières écritures, Mme [R] conteste désormais que la communauté ait bénéficié d'une somme d'argent d'un montant de 170 17 000 euros donnée à M. [V] par ses parents en soutenant que cette somme a été affectée aux strictes dépenses de l'époux et notamment au remboursement de dettes personnelles. Cette prise de position de l'épouse remet donc en cause la récompense de 108 000 euros due par la communauté à M. [V].

Chacune des parties a versé aux débats la déclaration sur l'honneur visée à l'article 272 du Code civil, actualisée en date du 12 décembre 2019 pour M. [V] et en date du 10 janvier 2020 pour Mme [R]. Aucun des époux ne déclare détenir de biens immobiliers propres ou indivis ni détenir un patrimoine mobilier propre ou commun.

M. [V] justifie, suivant relevé de situation individuelle Info Retraite édité le 23 septembre 2014, qu'il totalisait à cette date 46 trimestres cotisés au régime général, et des droits à une retraite complémentaire dépendant du régime personnel navigant de l'aéronautique civile (CRPN). Selon la notification de la CRPN en date du 23 juin 2017, il ouvre droit à une pension mensuelle brute théorique de 4248 euros outre majoration de 653 euros "versée temporairement". Au 31 décembre 2016, il totalisait une période d'assurance de 196 mois, selon son relevé de carrière enregistré au centre commun de la sécurité sociale du Luxembourg.

Mme [R] justifie, suivant relevé de situation individuelle de la CNAV qu'elle totalisait 79 trimestres cotisés au régime général au 31 décembre 2016. En ce qui concerne la CRPN, elle produit uniquement un document chiffrant à 76 298 euros le coût du rachat des périodes de congé parental et de temps alterné pour les années 2000 à 2006, 2011 et 2012. Elle fait valoir qu'elle s'est arrêtée pendant plus de six années, avant de reprendre son activité à temps partiel, pour s'occuper des enfants, et que cette organisation a permis à son époux, ainsi déchargé de toute contrainte et tâches familiales, de s'investir sur le plan professionnel et de doubler son salaire en 17 ans. Elle affirme que ce dernier souhaitait pendant la vie conjugale qu'elle arrête de travailler. M. [V] le conteste, affirmant qu'il a simplement accepté le choix unilatéral fait par son épouse de prendre un congé parental pendant 5 ans puis une année sabbatique avant de reprendre son activité à temps partiel de sa propre initiative.

Si Mme [R] n'apporte pas la preuve la preuve lui incombant que ce choix résulte d'un accord avec son époux ainsi qu'elle l'allègue, il n'en demeure pas moins qu'elle s'est effectivement essentiellement consacrée à l'entretien du foyer et à l'éducation des enfants pendant environ 6 ans et que ses droits à retraite en seront nécessairement réduits. Toutefois, si le nombre de trimestres cotisés arrêtés au 31 décembre 2016 est de 79, à cette date elle n'était âgée que de 44 ans. Elle dispose donc de perspectives de carrière suffisamment longues sur une vingtaine d'années qui lui permettront, en l'état de la réglementation actuelle sur la retraite, de cumuler le nombre de trimestres suffisants pour prétendre à une retraite à taux plein. Par ailleurs, elle indique qu'elle a travaillé à 66 % depuis le 3 octobre 2011 puis à 75 % depuis le 1er janvier 2014 bien qu'elle ait sollicité un retour à temps plein qui lui a été refusé par son employeur. Il est seulement établi qu'en 2013, elle a fait une demande de retour à temps plein qui a fait l'objet d'une décision de refus et qu'un avenant à son contrat de travail a été signé pour qu'elle exerce son travail à temps alterné à 75 %. Elle ne justifie pas avoir présenté d'autres demandes de retour à temps plein. Compte tenu de l'âge des enfants dont l'un est majeur à ce jour, elle ne démontre pas se trouver dans l'impossibilité de travailler à temps complet et ainsi d'augmenter ses revenus.

Il résulte des éléments constitutifs des conditions de vie respectives des époux que le divorce va créer une disparité dans ces conditions au préjudice de Mme [R].

Compte tenu des besoins de l'épouse et des ressources du mari au moment du divorce et de leur évolution dans un avenir prévisible, cette disparité sera justement réparée par l'allocation à cette dernière d'une prestation compensatoire en capital de 144 000 euros, payable par versements mensuels indexés pendant huit ans, ainsi que le permet l'article 275 du Code civil lorsque le débiteur n'est pas en mesure de verser immédiatement le capital, ce qui est le cas de M. [V] qui ne dispose d'aucun patrimoine propre mobilier ou immobilier.

Le jugement entrepris doit être infirmé du chef du montant de la prestation compensatoire allouée à l'épouse » ;

Alors que, en premier lieu, l'appel général d'un jugement prononçant le divorce sur le fondement des articles 233 et 234 du code civil, même si l'acceptation du principe de la rupture du mariage ne peut plus être remise en cause, sauf vice du consentement, opère dévolution pour le tout, peu importe que les conclusions des parties n'aient critiqué que certains chefs de la décision, cette limitation, dans les conclusions, des chefs critiqués du jugement ne valant pas acquiescement de sorte que la décision de divorce n'acquiert force de chose jugée qu'après le prononcé de l'arrêt ; qu'en l'espèce, si M. [V] avait limité son appel au chef du dispositif l'ayant condamné à payer une prestation compensatoire, Mme [R] avait quant à elle, dans sa déclaration d'appel et ses premières conclusions en date du 31 janvier 2018, interjeté appel de l'ensemble des chefs du dispositif, y compris donc sur le prononcé du divorce ; qu'en jugeant pourtant que Mme [R] n'avait pas formé appel incident du chef du prononcé du divorce dans le dispositif de ses premières conclusions remises au greffe le 31 janvier 2018, de sorte que le prononcé du divorce serait devenu définitif le 31 janvier 2018 et qu'il conviendrait donc de se placer à cette date pour apprécier la demande de prestation compensatoire, la cour d'appel a violé les articles 233, 234, 270 et 271 du code civil ;

Alors que, en deuxième lieu, la contradiction de motifs équivaut au défaut de motifs ; qu'en jugeant, d'une part, qu'en se consacrant à l'entretien du foyer et à l'éducation de ses enfants pendant environ 6 ans, ses droits à la retraite seront nécessairement réduits, tout en jugeant, d'autre part, qu'elle dispose de perspectives de carrière lui permettant de prétendre à une retraite à taux plein, la cour d'appel, qui a statué par des motifs contradictoires, a donc violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 20-18457
Date de la décision : 15/12/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 04 juin 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 15 déc. 2021, pourvoi n°20-18457


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Spinosi, SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.18457
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