LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 8 décembre 2021
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 778 F-D
Pourvoi n° W 20-11.024
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 8 DÉCEMBRE 2021
La société Cogecia, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 20-11.024 contre l'arrêt rendu le 14 novembre 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-1), dans le litige l'opposant à la société Les Commerces de Saint-Loup, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Le Gall, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gaschignard, avocat de la société Cogecia, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Les Commerces de Saint-Loup, après débats en l'audience publique du 19 octobre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Le Gall, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 14 novembre 2019), par acte du 20 septembre 2010, la société [Adresse 4] a conclu avec la société Cogecia, titulaire d'une carte professionnelle d'agent immobilier, un contrat de prestation de services afin de lui permettre de définir un projet immobilier, de réaliser le montage de l'opération et de finaliser les dossiers de permis de construire. Par avenant du 13 février 2012, la société Les Commerces de Saint-Loup a été substituée à la société [Adresse 4].
2. Au titre de ce projet immobilier, le 3 octobre 2011, la société Cogecia et la société Les Commerces de Saint-Loup ont conclu un contrat de commercialisation en vue de l'acquisition de certains lots par la société Les senoriales.
3. La société Cogecia a émis à l'égard de la société Les commerces de Saint Loup trois factures, l'une, d'un montant de 59 416, 99 euros, au titre de la rémunération sur commission de la vente à la société Les senoriales et deux autres, d'un montant total de 90 000 euros, au titre de prestations d'assistance de maîtrise d'ouvrage.
4. Le 18 novembre 2015, la société Cogecia a assigné la société Les Commerces de Saint-Loup en paiement de ces factures et de dommages-intérêts. La société Les Commerces de Saint-Loup a opposé l'absence de mandat valide de la société Cogecia, lui permettant d'obtenir le paiement de la somme de 59 416,99 euros.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. La société Cogecia fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de la somme de 59 416,99 euros, alors :
« 1°/ qu'en s'abstenant de se prononcer sur la faute commise par la société Les Commerces Saint-Loup, ayant fait rédiger le contrat ultérieurement déclaré nul sur ses instructions et par son propre conseil, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que la faute de la victime n'est totalement exonératoire que si elle est la cause exclusive du dommage dont celle-ci demande réparation ; qu'en se fondant sur la seule « ignorance regrettable » de la société Cogecia pour écarter sa demande subsidiaire fondée sur la responsabilité délictuelle de la société Les Commerces de Saint-Loup sans caractériser la nature exclusive de toute responsabilité pour cette dernière société de la faute ainsi retenue, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 1382 devenu 1240 du code civil. »
Réponse de la Cour
6. Après avoir constaté que la société Cogecia n'avait versé au débat aucun mandat écrit inscrit au registre visé par l'article 72 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 et se référant au contrat du 3 octobre 2011 conclu pour une durée indéterminée, de sorte qu'elle ne justifiait pas d'un mandat valide lui permettant d'exiger une rémunération, la cour d'appel a retenu que celle-ci était à l'origine du non-respect des dispositions d'ordre public résultant de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et de ce décret et qu'elle ne pouvait en conséquence demander des dommages-intérêts pour réparer la perte subie du fait de la nullité de l'acte par elle signé.
7. Sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, la cour d'appel a ainsi légalement justifié sa décision de ce chef.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
8. La société Cogecia fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de la somme de 90 000 euros, alors « que la société Cogecia demandait le règlement d'honoraires fixés à la somme de 240 000 euros HT par le contrat de prestation de service du 20 septembre 2010 ; que la société Les Commerces de Saint-Loup ne contestait pas le montant dû mais soutenait que celui-ci avait été entièrement payé par trois paiements effectués par la société Les Commerces de Saint-loup le 23 décembre 2011 pour un montant de 70 000 euros HT, par la société [Adresse 4] le 20 juillet 2011 pour un montant de 10 000 euros HT et par la société Orion le 20 décembre 2012 pour un montant de 149 632 euros HT ; qu'en retenant que le montant des honoraires dus à la société Cogecia au titre du contrat de prestation de service avait été ramené à la somme de 149 632 euros par avenant en date du 13 février 2012 pour tenir compte d'un paiement de 90 638 euros déjà intervenu et en déduire que le complément de ces honoraires avaient été entièrement réglé par la société Orion, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
9. Sous le couvert d'un grief non fondé de modification de l'objet du litige, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, l'appréciation souveraine des juges du fond qui ont estimé que la prestation dont le paiement était réclamé avait déjà été réglée.
10. Le moyen ne peut être accueilli.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Cogecia aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour la société Cogecia
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du tribunal de commerce de Marseille du 16 février 2017 en ce qu'il déboutait la société COGECIA de sa demande au paiement de la somme de 59 416,99 euros ;
AUX MOTIFS QUE la société Cogecia est à l'origine du préjudice résultant du non-respect par elle des dispositions d'ordre public résultant de la loi du 2 janvier 1970 et de son décret d'application ; qu'elle ne peut en conséquence demander des dommages et intérêts pour réparer la perte subie du fait de la nullité de l'acte par elle signé ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la société Cogecia sollicite la condamnation de la société LCSL à lui payer la somme de 59 416,99 € à titre de dommages et intérêts en vertu des articles 1382 et 1149 du code civil au titre de la perte d'une chance de percevoir une rémunération pour son travail dans le cas où la nullité du contrat serait prononcée pour irrégularité vis-à-vis de la loi Hoguet ; que le tribunal a prononcé supra la nullité du contrat de commercialisation du 3 octobre 2011 pour non-respect de dispositions d'ordre public de la loi Hoguet ; qu'en effet la société Cogecia a été déboutée de sa demande car elle ne disposait pas du mandat dans les formes prescrites par la loi lui permettant d'intervenir dans le cadre d'un contrat de commercialisation et de recevoir une rémunération à ce titre ; qu'il est également regrettable que la société Cogecia et son gérant, Monsieur [N], exerçant la profession d'agent immobilier et disposant d'une carte professionnelle depuis 2007 puissent ignorer en 2011 l'importance et le strict formalisme du mandat instauré par la loi du 2 janvier 1970 ; qu'il échet donc de débouter la société Cogecia également de sa demande de dommages et intérêts formulée à titre subsidiaire ;
1°- ALORS QU'en s'abstenant de se prononcer sur la faute commise par la société Les Commerces Saint Loup, ayant fait rédiger le contrat ultérieurement déclaré nul sur ses instructions et par son propre conseil (conclusions, p. 14), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°- ALORS QUE la faute de la victime n'est totalement exonératoire que si elle est la cause exclusive du dommage dont celle-ci demande réparation ; qu'en se fondant sur la seule « ignorance regrettable » de la société Cogecia pour écarter sa demande subsidiaire fondée sur la responsabilité délictuelle de la société Les Commerces Saint Loup sans caractériser la nature exclusive de toute responsabilité pour cette dernière société de la faute ainsi retenue, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 1382 devenu 1240 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
:Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Cogecia de sa demande en paiement de la somme de 90 000 euros ;
AUX MOTIFS QUE le contrat de prestation de service signé le 20 septembre 2010 stipule expressément en son préambule que la mission confiée à la société Cogecia et à la société LC2I a pour but notamment de "finaliser les dossiers de permis de construire afférents à l'opération immobilière envisagée" ; que conformément à l'article 1er du même contrat, la mission précise est définie par l'annexe 1 qui vise expressément sous le paragraphe "phase 2" le suivi de l'instruction du permis de construire ; qu'il apparaît de ces éléments que la société Cogecia s'est engagée par ce contrat à fournir au maître de l'ouvrage une assistance dans toutes les opérations liées à la délivrance des permis de construire ; qu'en contrepartie, la société Commerces de Saint Loup s'est engagée à verser à la société Cogecia et à la société LC2I prises ensemble une somme totale de 480 000 €, cette somme étant expressément stipulée comme étant forfaitaire ; que suivant avenant en date du 13 février 2012, le montant de la rémunération forfaitaire due à la société Cogecia a été fixée à la somme de 149 632 € afin de tenir compte d'un règlement de 90 638 € déjà intervenu ; que la société Cogecia verse deux attestations rédigées par Messieurs [E] et [T] et un courriel daté du 21 août 2019 permettant de penser qu'elle a effectivement participé aux négociations ayant permis d'aboutir à des protocoles d'accords signés par la société Commerces de Saint Loup avec les différentes parties ayant introduit une action judiciaire en contestation des permis de construire ; qu'elle produit enfin deux pouvoirs en date du 28 octobre 2011 par lesquels le président de la société Les Commerces de Saint Loup donne tout pouvoir au président de la société Cogecia pour signer un protocole d'accord avec la société G Sport International, relativement au recours initié par cette dernière devant le tribunal administratif de Marseille ; que l'analyse des premiers juges apparaît sur ce point fondée ; qu'en revanche, il convient de constater que le contrat de prestation de service du 20 septembre 2010 prévoyait expressément l'assistance dans l'instruction des permis de construire au titre des missions confiées à la société Cogecia ; qu'en conséquence, la somme de 480 000 € prévue par ce contrat à titre forfaitaire, et ramenée à la somme de 149 632 € en ce qui concerne la société Cogecia suivant l'avenant du février 2012 doit être considérée comme rémunérant toutes les opérations relatives à cette instruction, et ce y compris l'assistance de négociations tendant à obtenir le désistement de recours ; que la société Commerces de Saint Loup verse aux débats une facture en date du 2 février 2012 émise par la société Cogecia d'un montant de 149 632 € HT, ainsi qu'un relevé de compte courant établissant le paiement de cette facture par une société Orion ; que la société Cogecia ne conteste pas la réalité du paiement intervenu ; qu'il convient d'en déduire que la somme forfaitaire de 149 632 € a bien été réglée par la société Commerces de Saint Loup en paiement du contrat de prestation de service ; que c'est dès lors à tort que les premiers juges ont fait droit à la demande en paiement des factures éditées le 19 mars 2014 d'un montant de 72 000 € et 18 000 € correspondant à l'assistance dans le cadre des recours dirigés contre les permis de construire, cette prestation ayant été déjà réglée par le versement de l'intégralité des honoraires forfaitaires convenus dans la convention en date du 20 septembre 2010 et de son avenant ; qu'aucun document n'est produit permettant de constater l'existence d'un accord de la société Commerces de Saint Loup pour verser un complément d'honoraire ; que la décision déférée sera en conséquence infirmée sur ce point ;
ALORS QUE la société Cogecia demandait le règlement d'honoraires fixés à la somme de 240 000 € HT par le contrat de prestation de service du 20 septembre 2010 ; que la société Les Commerces de Saint Loup ne contestait pas le montant dû mais soutenait que celui-ci avait été entièrement payé par trois paiements effectués par la société Les Commerces de Saint Loup le 23 décembre 2011 pour un montant de 70 000 € HT, par la société [Adresse 3] le 20 juillet 2011 pour un montant de 10 000 € HT et par la société Orion le 20 décembre 2012 pour un montant de 149 632 € HT ; qu'en retenant que le montant des honoraires dus à la société Cogecia au titre du contrat de prestation de service avait été ramené à la somme de 149 632 € par avenant en date du 13 février 2012 pour tenir compte d'un paiement de 90 638 € déjà intervenu et en déduire que le complément de ces honoraires avaient été entièrement réglé par la société Orion, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile.