LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 24 novembre 2021
Cassation partielle
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 731 F-D
Pourvoi n° Q 20-12.835
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 24 NOVEMBRE 2021
L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Q 20-12.835 contre l'arrêt rendu le 24 octobre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 2), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [D] [N], épouse [H], domiciliée [Adresse 3],
2°/ à Mme [V] [H], épouse [G], domiciliée [Adresse 1],
3°/ à M. [F] [H],
4°/ à M. [R] [H],
domiciliés tous deux [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Mornet, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de Mme [D] [H], et l'avis de M. Lavigne, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 octobre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Mornet, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM), des affections iatrogènes et des infections nosocomiales du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme [V] [H] et MM. [F] et [R] [H].
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 octobre 2019), le 1er mars 2012, au cours d'une intervention chirurgicale, [U] [H] [O] a présenté un choc anaphylactique consécutif à l'injection du produit anesthésique, puis un arrêt cardio-respiratoire et est décédé.
3. A l'issue d'une saisine de la commission de conciliation et d'indemnisation et d'un échec de la procédure amiable, Mme [D] [H], son épouse, et leurs enfants ont assigné l'ONIAM en indemnisation .
4. Le décès d'[U] [H] [O] a été imputé à la survenue d'un accident médical non fautif grave ouvrant droit à indemnisation au titre de la solidarité nationale sur le fondement de l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. L'ONIAM fait grief à l'arrêt de le condamner à verser à Mme [D] [H] la somme de 232 402,72 euros au titre de ses préjudices patrimoniaux, alors « qu'en cas de décès de la victime directe, le préjudice économique subi par son conjoint doit être évalué en prenant en considération les revenus de la victime après la date prévisible de sa retraite et en distinguant le revenu de référence jusqu'à cette date et le revenu de référence postérieur à celle-ci ; qu'en se déterminant au regard du seul revenu de référence antérieur à la date de la retraite du défunt décédé, la cour d'appel a violé l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique, ensemble le principe de réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1142-1, II, du code de la santé publique, et le principe de réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :
6. Le préjudice économique subi par les proches de la victime directe du fait du décès de celle-ci doit être évalué au jour de la décision qui le fixe en tenant compte de tous les éléments connus à cette date et notamment, dans le cas d'une victime ayant acquis l'essentiel de ses droits à la retraite, des revenus qu'elle aurait pu percevoir à compter de son départ à la retraite.
7. Pour fixer le préjudice économique de Mme [D] [H] à la somme de 232 402,72 euros, l'arrêt tient compte notamment des revenus d'[U] [H], avant son décès à l'âge de 59 ans, et procède à une capitalisation sur la base d'un euro de rente viagère pour un homme de cet âge.
8. En statuant ainsi, sans prendre en considération les revenus qu'aurait pu percevoir [U] [H] à compter de son départ à la retraite, la cour d'appel a violé le texte et le principe susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a fixé le préjudice économique de Mme [D] [H] à la somme de 232 402,72 euros, l'arrêt rendu le 24 octobre 2019 par la cour d'appel de Paris ;
Remet sur ce point l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne Mme [D] [H] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre novembre deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné l'ONIAM à verser à madame [D] [H] la somme de 262 402, 72 euros dont 232 402,72 euros au titre de ses préjudices patrimoniaux ;
Aux motifs que, sur le préjudice de madame [D] [H], l'ONIAM soutient que l'indemnisation due à Mme [H], au titre de ses préjudices patrimoniaux ne saurait être supérieure à 5 057,15 euros (frais funéraires et perte de revenus 13 412 euros - capital décès 8 354,85 euros) ; que, sur les frais d'obsèques, l'ONIAM estime que le tribunal a surévalué le quantum de l'indemnisation des frais funéraires et souligne que des dépenses relèvent de la convenance personnelle des consorts [H] ; qu'il souligne le coût d'un caveau pour deux personnes au lieu d'une personne, la construction d'un monument funéraire avec gravure à la main et en lettre d'or, les frais relatifs au véhicule d'accompagnement avec chauffeur pour les proches du défunt ; qu'il propose de retenir la somme de 5 948,60 euros dont il détaille les postes et qui devra être limitée à la somme de 5 000 euros selon son référentiel ; que madame [D] [H] sollicite l'infirmation du jugement et la condamnation de l'ONIAM à verser la somme de 12 527,20 euros ; qu'elle fait valoir que l'indemnisation s'effectue in concreto au vu des factures ; que figurent au dossier les factures acquittées au titre des frais funéraires, lesquelles comprennent un caveau pour deux personnes, de sorte que le jugement sera confirmé sur la somme de 10 000 euros allouée ; que, sur la perte de revenus de madame [D] [H], l'ONIAM évalue la perte de revenus du jour du décès (1er mars 2012) à la date supposée du départ à la retraite, soit le 1er mars 2013, à la somme de 8 412 euros ; qu'il estime que la perte de revenus de madame [H] à compter du 1er mars 2013 ne peut être appréciée en l'absence de justificatifs et conclut au rejet des prétentions de l'appelante à ce titre ; que madame [D] [H] sollicite l'infirmation du jugement et la condamnation de l'ONIAM à lui verser la somme de 242 263 euros ; qu'elle indique que la perte annuelle doit être capitalisée de manière viagère pour le conjoint survivant ; que, sur la base des avis d'imposition sur les revenus des années 2009 à 2011, le revenu annuel moyen du couple [sic] la somme de 34 085 euros comme le propose l'ONIAM ; qu'il y a lieu de fixer la part des dépenses personnelles [d'] [U] [H] à 20 % représentant la somme de 6 817 euros ; que le revenu disponible pour madame [D] [H], avant le décès, est donc de 27 268 euros ; que les avis d'imposition sur les revenus 2012 de Mme [D] [H] font ressortir la somme de 15 337 euros (12 781 + 2 556) ; que la perte patrimoniale annuelle du foyer s'élève à la somme de 11 931 euros, que le préjudice économique de madame [D] [H], calculé en tenant compte du prix de l'euro de rente viagère pour un homme de 59 ans (19,341 selon le barème de la gazette du palais indiqué dans les écritures des intimés) est de 230 757,47 euros ; que le capital-décès versé par la CPAM de l'Essonne à hauteur de la somme de 8 354,85 euros doit venir en déduction des sommes allouées au titre du préjudice patrimonial compte tenu de son caractère indemnitaire ; qu'il convient d'infirmer le jugement sur le préjudice patrimonial de madame [D] [H] et de le fixer à la somme totale de 232 402,72 euros ;
Alors qu'en cas de décès de la victime directe, le préjudice économique subi par son conjoint doit être évalué en prenant en considération les revenus de la victime après la date prévisible de sa retraite et en distinguant le revenu de référence jusqu'à cette date et le revenu de référence postérieur à celle-ci ; qu'en se déterminant au regard du seul revenu de référence antérieur à la date de la retraite du défunt décédé, la cour d'appel a violé l'article L.1142-1, II, du code de la santé publique, ensemble le principe de réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime.