LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° A 20-82.972 FS-B
N° 01294
SM12
17 NOVEMBRE 2021
CASSATION PARTIELLE
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 17 NOVEMBRE 2021
La [2], partie poursuivante, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 5-14, en date du 9 mars 2020, qui a déclaré irrecevable l'appel du ministère public sur les dispositions douanières du jugement, a condamné Mme [C] [S] et M. [K] [J], pour importation en contrebande de marchandises prohibées et détention et transport de marchandises soumises à justificatif, à une amende douanière et a ordonné une mesure de confiscation.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de Mme Fouquet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la [2], les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [K] [J] et Mme [C] [S] et les conclusions de M. Valat, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 septembre 2021 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Fouquet, conseiller rapporteur, Mmes de la Lance, Planchon, MM. d'Huy, Wyon, Pauthe, Turcey, de Lamy, conseillers de la chambre, Mme Pichon, M. Ascensi, conseillers référendaires, M. Valat, avocat général, et Mme Guichard, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Contrôlé par des agents des douanes dans le train Thalys alors qu'il se rendait à Anvers, M. [J] a été trouvé en possession de trente-cinq bijoux en or dont il n'a pu justifier l'origine. Il a déclaré travailler pour le compte de la société [1], dont Mme [S] est la gérante, et se rendre à Anvers pour faire fondre ces bijoux.
3. A la suite d'une enquête préliminaire, confiée par le procureur de la République aux services de la douane judiciaire, en application de l'article 28-1 du code de procédure pénale, M. [J] et Mme [S] ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel, le premier des chefs de transport et détention de bijoux sans document justificatif régulier, tenue non conforme du registre de police et achat par un fabricant ou un marchand de bijoux à une personne inconnue, la seconde des chefs de transport et détention de bijoux sans document justificatif régulier, blanchiment douanier et travail dissimulé.
4. Le 20 janvier 2017, le ministère public a autorisé l'administration des douanes à exercer l'action pour l'application des sanctions fiscales dans la procédure suivie contre M. [J] et Mme [S].
5. Par jugement en date du 16 octobre 2017, le tribunal correctionnel a relaxé M. [J] des chefs de tenue non conforme du registre de police, achat par un fabricant ou un marchand de bijoux à une personne inconnue et l'a condamné pour détention et transport de bijoux sans document justificatif régulier à une amende douanière de 1 000 euros.
6. Les premiers juges ont condamné Mme [S] à des amendes douanières de 5 000 euros pour détention de bijoux sans document justificatif régulier et 16 000 euros pour blanchiment douanier et l'ont relaxée pour le surplus. Ils ont ordonné la confiscation des scellés.
7. Mme [S], M. [J] et le procureur de la République ont formé appel.
8. Le ministère public a autorisé l'administration des douanes à exercer l'action fiscale en appel par une décision du 9 janvier 2020.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable l'appel du ministère public sur les dispositions douanières du jugement déféré, alors :
« 1°/ qu'en considérant que seule l'administration des douanes était recevable à former appel des dispositions douanières du jugement entrepris du fait qu'elle avait été autorisée par le ministère public à exercer l'action fiscale, quand l'autorisation qui lui avait été délivrée le 20 janvier 2017 ne valait que pour l'exercice de l'action fiscale en première instance, de sorte que le ministère public avait toute latitude pour former lui-même appel des dispositions douanières du jugement déféré, la cour d'appel a violé l'article 343, § 3 du code des douanes ;
2°/ qu'en toute hypothèse, en considérant que seule l'administration des douanes était recevable à former appel des dispositions douanières du jugement entrepris du fait qu'elle avait été autorisée par le ministère public à exercer l'action fiscale, quand le ministère public, même lorsqu'il a accordé à l'administration des douanes une autorisation générale pour exercer l'action fiscale, peut toujours exercer lui-même une telle action, la cour d'appel a violé l'article 343, § 3 du code des douanes ;
3°/ qu'en considérant que seule l'administration des douanes était recevable à former appel des dispositions douanières du jugement entrepris du fait qu'elle avait été autorisée par le ministère public à exercer l'action fiscale, quand l'autorisation qui lui avait été délivrée le 9 janvier 2020 ne l'avait été que postérieurement à l'expiration du délai d'appel, de sorte que le ministère public était recevable à former lui-même appel, dans ce délai, des dispositions douanières du jugement déféré, la cour d'appel a violé l'article 343, § 3 du code des douanes. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 343, 3°, du code des douanes :
10. Aux termes du premier alinéa de ce texte, dans les procédures dont les agents des douanes ont été saisis en application des I et II de l'article 28-1 du code de procédure pénale, le ministère public exerce l'action pour l'application des sanctions fiscales.
11. Aux termes du deuxième alinéa, le ministère public peut accorder à l'administration douanière l'autorisation d'exercer cette action.
12. Ainsi que la Cour de cassation le juge à l'égard du pourvoi (Crim., 20 avril 2017, pourvoi n° 15-83.595), l'administration douanière autorisée à agir en première instance est en droit, sans qu'il soit nécessaire que cette autorisation soit renouvelée, de former appel des dispositions douanières du jugement.
13. Pour autant, cette autorisation n'a pas pour effet de priver le ministère public du droit d'exercer les voies de recours par lesquelles l'action pour l'application des sanctions fiscales se poursuit.
14. En effet, cette autorisation n'emporte pas renonciation du ministère public à exercer l'action douanière.
15. Une telle interprétation est en cohérence avec la jurisprudence selon laquelle, lorsque le ministère public, par application de l'article 343 2° du code des douanes, exerce l'action pour l'application des sanctions fiscales accessoirement à l'action publique, l'administration des douanes est recevable à former appel du jugement rendu en son absence (Crim., 16 juin 2011, pourvoi n° 10-86.808, Bull. crim. 2011, n° 138 ).
16. En l'espèce, pour déclarer irrecevable l'appel du procureur de la République sur les dispositions douanières du jugement déféré, l'arrêt attaqué énonce que ce dernier avait autorisé l'administration des douanes à exercer l'action fiscale devant le tribunal correctionnel, de sorte qu'elle seule avait la possibilité de soutenir un appel.
17. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe rappelé au paragraphe13.
18. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
19. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions par lesquelles l'appel du ministère public sur les dispositions douanières du jugement déféré a été déclaré irrecevable ainsi que celles relatives aux infractions douanières et aux sanctions fiscales prononcées. Les dispositions relatives au délit de droit commun seront donc maintenues.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen de cassation proposé, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 9 mars 2020, mais en ses seules dispositions ayant déclaré irrecevable l'appel des dispositions douanières du jugement déféré formé par le ministère public et relatives aux infractions douanières et aux sanctions fiscales prononcées, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénal.
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-sept novembre deux mille vingt et un.