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10/11/2021 | FRANCE | N°19-25105

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 10 novembre 2021, 19-25105


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

NL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 novembre 2021

Cassation partielle

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 694 F-D

Pourvoi n° F 19-25.105

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 10 NOVEMBRE 2021

La société Crédit immobilier de France développe

ment, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 19-25.105 contre l'arrêt rendu le 29 octobre 2019 par la cour d'appel de Grenoble (1r...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

NL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 novembre 2021

Cassation partielle

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 694 F-D

Pourvoi n° F 19-25.105

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 10 NOVEMBRE 2021

La société Crédit immobilier de France développement, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 19-25.105 contre l'arrêt rendu le 29 octobre 2019 par la cour d'appel de Grenoble (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [F] [F], domicilié [Adresse 3], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Serrier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gaschignard, avocat de la société Crédit immobilier de France développement, de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. [F], après débats en l'audience publique du 21 septembre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Serrier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 29 octobre 2019), suivant acte authentique du 19 mars 2007, la société Banque patrimoine et immobilier, aux droits de laquelle se trouve la société Crédit immobilier de France développement (la banque), a consenti à M. [F] (l'emprunteur) un prêt destiné à financer l'acquisition d'un bien immobilier en l'état futur d'achèvement.

2. A la suite d'impayés, la banque a prononcé, le 9 janvier 2012, la déchéance du terme et assigné, le 30 mai 2012, l'emprunteur en paiement du solde du prêt. Celui-ci a opposé la prescription et demandé que la banque soit déchue de son droit aux intérêts conventionnels.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La banque fait grief à l'arrêt de prononcer la déchéance de son droit aux intérêts et de limiter la condamnation de l'emprunteur à la somme de 33 168,95 euros avec intérêts au taux légal, alors « que les dispositions du code de la consommation relatives au crédit immobilier ne sont pas applicables aux prêts destinés à financer une activité professionnelle, notamment celle des personnes physiques ou morales qui, à titre habituel, même accessoire à une autre activité, ou en vertu de leur objet social, acquièrent et mettent un bien immobilier en location sous le statut de loueur en meublé professionnel ; que pour retenir l'application du code de la consommation, la cour d'appel se borne à relever que l'immatriculation de l'emprunteur registre du commerce et des sociétés est postérieure à l'acceptation de l'offre de prêt et que la seule souscription « de nombreux prêts » ne saurait conférer à l'emprunteur la qualité de professionnel ; qu'en se déterminant par ces seuls motifs, sans rechercher si les nombreux prêts ainsi souscrits ne portaient pas sur des biens destinés à être mis en location meublée et si le prêt en litige ne s'inscrivait pas dans le cadre de l'activité professionnelle que les emprunteurs se disposaient à déployer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 312-3, 2° du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la cause. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 312-3 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :

4. Selon ce texte, ne relèvent pas des règles propres au crédit immobilier à la consommation les prêts destinés à financer l'activité professionnelle, fût-elle accessoire, d'une personne physique qui, à titre habituel, procure des immeubles ou fractions d'immeubles en propriété ou en jouissance.

5. Pour déclarer applicables les dispositions du code de la consommation et prononcer la déchéance du droit de la banque aux intérêts conventionnels, l'arrêt retient que la seule souscription de nombreux prêts ne saurait conférer à l'emprunteur la qualité de professionnel et que l'immatriculation de celui-ci au registre du commerce et des sociétés est intervenue postérieurement à l'acceptation de l'offre du prêt litigieux.

6. En se déterminant ainsi, sans rechercher si la souscription de plusieurs prêts en vue de l'acquisition de logements destinés à la location meublée ne relevait pas d'une activité professionnelle et n'était pas exclusive de la qualité de consommateur de l'emprunteur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

7. La banque fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation de l'emprunteur à la somme de 33 168,95 euros avec intérêts au taux légal, alors « que le juge qui entend, d'office, qualifier de clause pénale une indemnité contractuelle, dire excessif le montant de cette indemnité et procéder à sa réduction, doit respecter le principe de la contradiction et inviter, au préalable, les parties à présenter leurs observations sur ce point ; que, devant la cour d'appel, l'emprunteur n'avait aucunement contesté le montant de l'indemnité contractuelle sollicitée en application des stipulations du contrat, ni même prétendu qu'il s'agissait d'une clause pénale révisable par le juge ; qu'en retenant d'office que l'indemnité contractuelle réclamée par la banque constituait une clause pénale, qu'elle était excessive et devait être réduite à la somme de 100 euros, sans inviter les parties à présenter leurs observations sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1er de la convention européenne des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16 du code de procédure civile :

8. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

9. Pour réduire le montant de l'indemnité contractuelle de résiliation, l'arrêt retient qu'il convient de faire application d'office des dispositions de l'article 1152 devenu 1231-5 du code civil, le montant de cette indemnité étant manifestement excessif.

10. En statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du premier moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite la condamnation de M. [F] à payer au Crédit immobilier de France développement la somme de 33 168,95 euros avec intérêts au taux légal à compter du 9 janvier 2012 l'arrêt rendu le 29 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne M. [F] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour la société Crédit immobilier de France développement

PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, après avoir retenu qu'il y avait lieu de prononcer la déchéance du droit aux intérêts conventionnels, limité le montant de la créance de la banque au 9 janvier 2012 à la somme de 33 168,95 euros et d'avoir condamné l'emprunteur à payer cette seule somme assortie des intérêts au taux légal, AUX MOTIFS QUE la seule souscription de nombreux prêts ne saurait conférer à [F] [F] la qualité de professionnel et le Crédit Immobilier de France Développement, qui soutient qu'il ignorait tout des autres emprunts souscrits par l'appelant, est pour le moins mal venu d'invoquer l'acquisition d'une dizaine de logements destinés à la location ; qu'en outre, l'immatriculation de M. [F] au registre du commerce et des sociétés a été faite le 1er mars 2007 soit postérieurement à l'acceptation de l'offre de prêt le 29 septembre 2006 ; que le CIFD n'est dès lors pas fondé à soutenir que le prêt immobilier échappe aux dispositions du code de la consommation ; qu'en l'espèce, si l'offre de prêt est datée du 15 septembre 2006, la pièce 2 produite par le CIFD ne permet de déterminer ni la date à laquelle l'offre a été expédiée, ni la date à laquelle elle a été reçue par [F] [F] ; que la preuve n'est dès lors pas rapportée que M. [F] qui a accepté l'offre le 29 septembre 2006 a effectivement disposé d'un délai de 10 jours entre la réception des offres et leur acceptation ; que la sanction prévue par l'article L. 312-33 du code de la consommation dans sa rédaction en vigueur lors de la conclusion des prêts est encourue ; que, pour ce seul motif, il convient, compte tenu du contexte du litige, de prononcer la déchéance en totalité du droit aux intérêts de la banque, sans qu'il soit nécessaire d'examiner l'argumentation de M. [F] sur les autres points ;

1°- ALORS QUE les dispositions du code de la consommation relatives au crédit immobilier ne sont pas applicables aux prêts destinés à financer une activité professionnelle, notamment celle des personnes physiques ou morales qui, à titre habituel, même accessoire à une autre activité, ou en vertu de leur objet social, acquièrent et mettent un bien immobilier en location sous le statut de loueur en meublé professionnel ; que pour retenir l'application du code de la consommation, la cour d'appel se borne à relever que l'immatriculation de M. [F] au registre du commerce et des sociétés est postérieure à l'acceptation de l'offre de prêt et que la seule souscription « de nombreux prêts » ne saurait conférer à [F] [F] la qualité de professionnel ; qu'en se déterminant par ces seuls motifs, sans rechercher si les nombreux prêts ainsi souscrits ne portaient pas sur des biens destinés à être mis en location meublée et si le prêt en litige ne s'inscrivait pas dans le cadre de l'activité professionnelle que les emprunteurs se disposaient à déployer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 312-3, 2° du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la cause ;

2°- ALORS subsidiairement QUE la méconnaissance du délai d'acceptation de dix jours est sanctionnée, non par la déchéance du droit aux intérêts, mais par la nullité relative du contrat de prêt, qui doit être demandée dans le délai de prescription de cinq ans ; qu'en prononçant la déchéance du droit aux intérêts en raison de la seule méconnaissance de ce délai, la cour d'appel a violé les articles L. 312-10 et L. 312-33 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et applicable à la cause.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
:

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement entrepris, limité le montant de la créance de la banque au 9 janvier 2012 à la somme de 33 168,95 euros et condamné l'emprunteur à payer cette seule somme assortie des intérêts au taux légal, AUX MOTIFS QUE la société CIFD sollicite au titre du remboursement du prêt le paiement de la somme de 83 995,86 euros dont le détail figure sur la lettre recommandée du 9 janvier 2012 prononçant la déchéance du terme ; qu'il convient de faire application d'office des dispositions de l'article 1152 devenu 1231-5 du code civil et de ramener à 100 euros le montant de l'indemnité contractuelle, dont le montant est manifestement excessif ; qu'en l'état de la déchéance du droit aux intérêts et au vu du tableau d'amortissement et du décompte figurant sur la lettre recommandée du 9 janvier 2012, la créance de la société CIFD s'établit de la façon suivante : échéances impayées : 4 365,51 euros, capital restant dû au 25 novembre 2009 : 74 047,70 euros, indemnité de résiliation : 100 00 euros, à déduire intérêts déchus de la première échéance jusqu'au jour de la déchéance du terme le 9 janvier 2012 (138 échéances) : 45 344,26 euros, total : 33 168,95 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 9 janvier 2012 ; que M. [F] sera condamné au paiement de cette somme ;

ALORS QUE le juge qui entend, d'office, qualifier de clause pénale une indemnité contractuelle, dire excessif le montant de cette indemnité et procéder à sa réduction, doit respecter le principe de la contradiction et inviter, au préalable, les parties à présenter leurs observations sur ce point ; que, devant la cour d'appel, M. [F] n'avait aucunement contesté le montant de l'indemnité contractuelle sollicitée en application des stipulations du contrat, ni même prétendu qu'il s'agissait d'une clause pénale révisable par le juge ; qu'en retenant d'office que l'indemnité contractuelle réclamée par la banque constituait une clause pénale, qu'elle était excessive et devait être réduite à la somme de 100 euros, sans inviter les parties à présenter leurs observations sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1er de la convention européenne des droits de l'homme ;


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 19-25105
Date de la décision : 10/11/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 29 octobre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 10 nov. 2021, pourvoi n°19-25105


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, SCP Gaschignard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.25105
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