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29/10/2019 | FRANCE | N°17/05542

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 1ere chambre, 29 octobre 2019, 17/05542


N° RG 17/05542 - N° Portalis DBVM-V-B7B-JJ77

HC

N° Minute :

















































































Copie exécutoire délivrée



le :

à :



la SELARL CABINET PHILIPPE GUIEU & VALERIE GABARRA



la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC




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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU MARDI 29 OCTOBRE 2019







Appel d'un Jugement (N° R.G. 12/02316)

rendu par le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE

en date du 13 novembre 2017

suivant déclaration d'appel du 04 Décembre 2017



APPELANT :



Monsieur [M] [K]

né le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 7] ...

N° RG 17/05542 - N° Portalis DBVM-V-B7B-JJ77

HC

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

la SELARL CABINET PHILIPPE GUIEU & VALERIE GABARRA

la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 29 OCTOBRE 2019

Appel d'un Jugement (N° R.G. 12/02316)

rendu par le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE

en date du 13 novembre 2017

suivant déclaration d'appel du 04 Décembre 2017

APPELANT :

Monsieur [M] [K]

né le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Philippe GUIEU FAUGOUX de la SELARL CABINET PHILIPPE GUIEU & VALERIE GABARRA, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me Amandine PHILIP, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMÉE :

LE CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE DÉVELOPPEMENT venant aux droits du CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE RHÔNE ALPES AUVERGNE et prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Dejan MIHAJLOVIC de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ   :

Madame Hélène COMBES, Président de chambre,

Madame Dominique JACOB, Conseiller,

Madame Joëlle BLATRY, Conseiller,

Assistées lors des débats de Madame Anne BUREL, Greffier

DÉBATS :

A l'audience publique du 23 Septembre 2019, Madame [I] a été entendue en son rapport.

Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.

EXPOSE DU LITIGE

[M] [K] et son épouse [C] [O] ont accepté deux offres du Crédit Immobilier de France Financière Rhône Ain (Ciffra) :

- le 12 décembre 2006 une offre de prêt de 799.556 euros (n° 107147) destiné à l'acquisition d'un appartement en l'état futur d'achèvement à [Localité 8] (74).

- le 6 février 2007, une offre de prêt de 279.683 euros (n° 110306) destiné à l'acquisition d'un appartement en l'état futur d'achèvement à [Localité 6] (84).

Ces opérations s'inscrivent dans le cadre des activités de la société Apollonia dont les agissements frauduleux, invoqués par de nombreux emprunteurs, ont donné lieu à de multiples procédures.

Les emprunteurs s'étant montrés défaillants dans le remboursement du prêt, la banque a prononcé la déchéance du terme du prêt le 22 avril 2010.

Par acte du 2 novembre 2010, le Crédit Immobilier de France Rhône-Alpes Auvergne (Cifraa) venant aux droits du Ciffra, a assigné les époux [K] en paiement devant le tribunal de grande instance de Grenoble.

[C] [O] est décédée en cours de procédure.

Par jugement du 20 février 2017, le tribunal a condamné [M] [K] à payer au Cifraa les sommes suivantes :

- 792.726,71 euros outre intérêts au taux contractuel au titre du prêt n° 107147,

- 282.780,59 euros outre intérêts au taux contractuel au titre du prêt n° 110306

[M] [K] a relevé appel le 4 décembre 2017.

Dans ses dernières conclusions du 28 août 2019, il demande à la cour d'infirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté la demande en paiement de la TVA et la demande de dommages intérêts de la banque et statuant à nouveau de :

À titre principal,

- Ordonner qu'il soit sursis à statuer sur l'instance l'opposant au Crédit Immobilier de France Développement jusqu'à la fin des instances pénales et civiles pendantes par-devant le tribunal de grande Instance de Marseille.

- À titre subsidiaire,

Ordonner qu'il soit sursis à statuer sur l'instance l'opposant au Crédit Immobilier de France Développement jusqu'à la fin de l'instruction.

- Enjoindre au Crédit Immobilier de France Développement de produire aux débats :

les bordereaux de cession de ses créances en justifiant que, au rang de celles-ci ne figure pas les montants et prêt réclamés au concluant ou une attestation de son commissaire aux comptes,

la convention la liant à la société de gestion dont l'intervention est rendue obligatoire par L.214-49-6

du code monétaire et financier.

À titre plus subsidiaire,

- Constater l'irrecevabilité de l'action du Crédit Immobilier de France Développement,

- Constater la prescription des demandes du Crédit Immobilier de France Développement,

- Constater la titrisation de ses créances par le Crédit Immobilier de France Développement,

- Constater que le Crédit Immobilier de France Développement ne rapporte pas la preuve de la non cession des prêts,

- Prendre acte encore de ce que rien ne permet d'établir que la banque a conservé à charge en qualité de banque cédante, celle du recouvrement des créances cédées.

En conséquence,

- Dire et juger que la créance du Crédit Immobilier de France Développement est prescrite,

- Constater que le Crédit Immobilier de France Développement n'a pas d'intérêt à agir.

- Déclarer le Crédit Immobilier de France Développement irrecevable,

- Débouter le même de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre infiniment subsidiaire,

- Constater qu'une information pénale est en cours à l'encontre d'Apollonia et de tous les autres, notamment des chefs de faux en écritures, y compris de faux en écritures publiques, laquelle a donné lieu à la mise en examen et à l'incarcération de trois notaires rédacteurs des actes et de la banque Crédit Immobilier de France Développement,

- Constater les irrégularités contenues dans les actes notariés et les procurations,

- Constater le caractère frauduleux des actes de prêt et des offres de prêt,

- Constater la violation manifeste du délai Scrivener,

- Constater la violation manifeste des dispositions du code monétaire et financier notamment en ses articles L 519-1 et suivants.

- Constater la violation manifeste des dispositions du code de la consommation notamment en ses articles L 121-21 et suivants, L 312 et suivants, L 313 et suivants.

- Constater le caractère erroné du taux effectif global,

- Constater l'absence de mention de la durée de période,

- Constater l'absence au titre du taux effectif global de toute mention touchant à la commission perçue par la société Apollonia,

- Constater l'absence dans le calcul du taux effectif global des frais de notaire et des frais de garantie,

- Constater la violation manifeste notamment de la loi Scrivener et des dispositions légales impératives touchant à la détermination du taux effectif global,

- Constater la déchéance du droit aux intérêts des emprunts,

- Constater que la créance du Crédit Immobilier de France Développement n'est dès lors ni liquide, ni certaine ni exigible,

- Dire et juger que le Crédit Immobilier de France Développement n'a pas respecté son obligation de mise en garde,

- Dire et juger que les actes à l'origine des poursuites de la banque sont frauduleux,

- Constater que le consentement à l'acte n'était en rien un consentement éclairé.

- Constater l'illicéité de la cause des contrats de prêt en débat.

En conséquence,

- Débouter le Crédit Immobilier de France Développement de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Subsidiairement sur ce point,

- Prononcer la déchéance du droit aux intérêts de la banque au visa des dispositions de la loi Scrivener, comme encore eu égard à l'existence d'un taux effectif global erroné au contrat de prêt.

En tout état de cause,

- Condamner le Crédit Immobilier de France Développement à lui payer une somme de 1.116.233 euros de dommages et intérêts.

- Condamner encore le Crédit Immobilier de France Développement à lui verser une somme de 10.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- Le condamner aux dépens.

Dans ses dernières conclusions du 12 septembre 2019, le Crédit Immobilier de France Développement qui vient aux droits du Cifraa demande à la cour de confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Grenoble du 13 novembre 2017 :

Sur la demande de sursis à statuer

- Dire et juger que la demande de sursis à statuer est mal fondée,

Sur la recevabilité de l'action

- Constater qu'il dispose d'un intérêt à agir,

- Constater que la présente action n'était pas prescrite à la date à laquelle elle a été engagée,

Sur le bien-fondé de l'action du Crédit Immobilier de France Développement :

- Dire et juger que l'action du Crédit Immobilier de France Développement est recevable et bien fondée,

- Constater que la créance que détient le Crédit Immobilier de France Développement sur [M] [K] est certaine, liquide et exigible tant dans son principe que dans son quantum,

En tout état de cause

- Débouter [M] [K] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

En conséquence,

Condamner [M] [K] venant aux droits de Madame [C] [O] à lui payer la somme de :

au titre du prêt n°107147 : 863.579,71 euros, outre intérêts au taux contractuel jusqu'au complet paiement,

au titre du prêt n°110306 : 302.654,53 euros, outre intérêts au taux contractuel jusqu'au complet paiement.

- Accorder au Crédit Immobilier de France Développement le bénéfice de la capitalisation des intérêts, conformément aux termes de l'ancien article 1154 du code civil,

- Condamner [M] [K] à payer au Crédit Immobilier de France Développement la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamner [M] [K] aux entiers dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 septembre 2019.

DISCUSSION

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.

I - Sur la demande en paiement du Crédit Immobilier de France Développement

1 - Sur la demande de sursis à statuer de [M] [K]

[M] [K] demande à la cour de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue des instances pénales et civiles en cours devant le tribunal de grande instance de Marseille.

Au soutien de sa demande, [M] [K] fait notamment valoir que la banque est responsable des agissements frauduleux de la société Apollonia qui l'a démarché de façon particulièrement agressive.

Le Crédit Immobilier de France Développement conclut au rejet de cette demande répliquant qu'elle est infondée, que le sursis est facultatif et qu'il serait contraire à une bonne administration de la justice.

La décision de suspendre l'instance relève du pouvoir discrétionnaire conféré au juge en vue d'une bonne administration de la justice.

Il n'est pas contesté que le Cifraa aux droits duquel vient le Crédit Immobilier de France Développement n'est plus mis en examen depuis le 6 décembre 2012.

A ce jour, il n'a pas été donné suite au réquisitoire supplétif du 29 novembre 2017 invoqué par [M] [K] en page 17 de ses conclusions.

En l'état, rien ne permet de retenir que la situation pourrait évoluer sur le plan pénal dans un sens défavorable au Crédit Immobilier de France Développement.

Ni les droits de la défense, ni le principe de la contradiction, ni les considérations liées à une bonne administration de la justice n'imposent de surseoir à statuer dans l'attente d'une décision pénale et d'une décision civile qui interviendront dans un délai qu'il est impossible d'évaluer à ce jour et dont l'incidence sur la présente instance est totalement incertaine.

Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de sursis à statuer de [M] [K].

2 - Sur la recevabilité

[M] [K] conclut à l'irrecevabilité de l'action du Crédit Immobilier de France Développement et développe pour ce faire différents moyens.

Il soutient en premier lieu que le Crédit Immobilier de France Développement disposant d'actes notariés, n'a pas d'intérêt à obtenir un autre titre exécutoire.

Mais bien que constituant un titre exécutoire, un acte notarié ne revêt pas les attributs d'un jugement et aucune disposition légale ne fait obstacle à ce qu'un créancier dispose de deux titres exécutoires pour la même créance.

Le Crédit Immobilier de France Développement n'est dès lors pas privé de son intérêt à agir aux fins de condamnation de [M] [K] au paiement des créances constatées dans les actes notariés.

Il soutient en second lieu que le Crédit Immobilier de France Développement n'a pas d'intérêt à agir en l'état de la cession de ses créances à un fonds de titrisation.

Mais [M] [K] qui affirme que 'le Crédit Immobilier de France Développement vend ses créances', ne rapporte pas la preuve de la cession de la créance représentée par le prêt n° 107147.

Et c'est à tort qu'il écrit en page 49 de ses conclusions que le Crédit Immobilier de France Développement reconnaît avoir cédé le prêt n° 107147, alors que l'intimé affirme le contraire en page 18 de ses conclusions.

Quant à la créance résultant du prêt n° 110306, la preuve est rapportée (pièce intimé n° 21) qu'après cession, la créance a été rachetée le 28 février 2009, bien avant la déchéance du terme et l'assignation.

Les considérations générales de [M] [K] (page 49) selon lesquelles la société a poursuivi en 2009 la titrisation de ses encours, n'est pas de nature à établir la preuve de la cession alléguée.

Le Crédit Immobilier de France Développement justifie de son intérêt à agir.

[M] [K] soutient enfin que l'action de la banque est prescrite sur le fondement de l'article L 137-2 du code de la consommation qui dispose que l'action des professionnels pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.

Le Crédit Immobilier de France Développement réplique que les dispositions du code de la consommation ne sont pas applicables, [M] [K] ne pouvant en raison de la multiplicité des crédits souscrits invoquer les dispositions du code de la consommation.

Elle ajoute qu'il est inscrit au Registre du commerce et des sociétés de Grenoble en qualité de loueur en meublé professionnel depuis le 24 avril 2017.

Mais la seule souscription de nombreux prêts ne saurait conférer à [M] [K] la qualité de professionnel, et le Crédit Immobilier de France Développement qui soutient qu'il ignorait tout des autres emprunts souscrits par l'appelant, est pour le moins mal venu d'invoquer l'acquisition par le couple [K] de 11 lots destinés à la location.

Quant à l'inscription de [M] [K] au Registre du commerce et des sociétés, elle est postérieure à la souscription des prêts litigieux, de sorte que le Crédit Immobilier de France Développement n'est pas fondé à invoquer la qualité de professionnel de [M] [K].

Quoi qu'il en soit, aucune prescription n'est encourue.

En effet, selon les propres indications de [M] [K] en page 38 de ses conclusions, les premiers impayés datent du mois de février 2010.

La déchéance du terme a été prononcée le 22 avril 2010 et l'assignation délivrée le 2 novembre 2010, soit dans le délai de deux ans l'article L 137-2 du code de la consommation.

La demande du Crédit Immobilier de France Développement est recevable.

3 - Sur le fond

[M] [K] ne conteste pas la perception des fonds objet des prêts, ni leur affectation à l'acquisition des biens immobiliers mentionnés dans les actes notariés.

S'il ne développe aucun moyen pour contester la demande en paiement en ce qu'elle porte sur le principal de chaque prêt, il concentre son argumentation sur la déchéance des intérêts conventionnels, invoquant divers manquements aux règles légales qu'il convient d'examiner successivement :

[M] [K] invoque la méconnaissance par la banque des dispositions des articles L 121-21 et suivants du code de la consommation.

Mais il n'est pas soutenu que le démarchage est le fait de la banque et le Crédit Immobilier de France Développement rappelle à juste titre qu'il n'est pas soumis aux dispositions du code de la consommation sur le démarchage.

[M] [K] fait valoir que n'ont pas été respectées les dispositions des articles L 312-7 et L 312-10 du code de la consommation.

Mais l'examen des offres de prêt révèle :

- pour le prêt 107147 que les époux [K] ont indiqué avoir reçu l'offre le 1er décembre 2006 et ils l'ont acceptée le 12 décembre 2006,

- pour le prêt 110306 que les époux [K] ont indiqué avoir reçu l'offre le 25 janvier 2007 et ils l'ont acceptée le 6 février 2007.

Aucune violation des dispositions sus-visées n'est établie, les époux [K] ayant bénéficié du délai de réflexion de 10 jours.

[M] [K] soutient encore que les mentions sur le coût du prêt sont erronées et que le taux effectif global est erroné à divers titres, ce qui appelle les observations suivantes :

- les prêts ayant été conclus en décembre 2006 et février 2007, l'action de [M] [K] en nullité de la stipulation d'intérêt est prescrite pour n'avoir pas été exercée dans le délai de 5 ans à compter des actes litigieux,

- en toute hypothèse, le taux de période et la durée de la période sont expressément mentionnés en page 2 des offres de prêt,

- la preuve n'est pas rapportée que la banque a répercuté sur les emprunteurs la commission qu'elle a versée à la société Apollonia,

En l'état de ces éléments, aucune déchéance des intérêts ne peut être prononcée.

[M] [K] invoque enfin le caractère frauduleux des prêts.

Mais il ne démontre pas en quoi le consentement que lui-même et son épouse ont donné, n'était pas un consentement éclairé et il procède par affirmation en soutenant que les actes de prêt 'sont sujets à caution' (page 76), alors que les prêts ont servi à l'acquisition de biens immobiliers qui figurent dans son patrimoine.

Ses observations sur les conditions dans lesquelles il a été représenté lors de la signature des actes authentiques sont sans effet sur son obligation de rembourser les sommes dues au titre des prêts alors de surcroît que les contrats ont fait l'objet d'une exécution volontaire.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la créance du Crédit Immobilier de France Développement est établie en son principe.

S'agissant de son montant, il convient de faire application d'office des dispositions de l'article 1152 devenu 1231-5 du code civil et de ramener à 100 euros le montant de l'indemnité contractuelle, dont le montant est manifestement excessif.

Au vu du décompte arrêté au 22 avril 2010, la créance du Crédit Immobilier de France Développement s'établit de la façon suivante :

1) Sur le prêt n° 107147 :

- échéances impayées : 14.030,26 euros

- capital restant dû au 25 novembre 2009 : 792.726,71 euros

- indemnité de résiliation :100,00 euros

Total : 806.856,97 euros

outre intérêts au taux contractuel de 4,70 % à compter du 23 avril 2010.

2) Sur le prêt n° 110306 :

- échéances impayées : 3.051,36 euros

- capital restant dû au 25 septembre 2009 : 279.683,00 euros

- indemnité de résiliation :100,00 euros

Total : 282.834,36 euros

outre intérêts au taux contractuel de 4,70 % à compter du 23 avril 2010.

II - Sur la demande de dommages intérêts de [M] [K]

[M] [K] reproche à la banque d'avoir manqué à son devoir de mise en garde en lui consentant les prêts litigieux sans rencontrer les emprunteurs et sans s'assurer de leur situation financière.

L'établissement bancaire qui consent un crédit est tenu envers un emprunteur non averti d'une obligation de mise en garde au regard de ses capacités financières et du risque de l'endettement né de l'octroi du prêt.

L'obligation de mise en garde est ainsi subordonnée à deux conditions, la qualité d'emprunteur non averti et l'existence d'un risque d'endettement.

Le Crédit Immobilier de France Développement ne soutient pas que [M] [K] était un emprunteur averti, de sorte qu'il convient de rechercher si les emprunts contractés étaient adaptés aux capacités financières du couple, ainsi que le fait valoir la banque.

Il ressort des documents contractuels, qu'en moins de deux mois, les époux [K] se sont endettés auprès du Ciffra à hauteur de 1.079.239 euros.

Sur la fiche de renseignements bancaires signée par les époux [K] le 10 janvier 2007 (pièce 5 du Crédit Immobilier de France Développement), le couple a indiqué avoir des revenus mensuels de 10.700 euros grevés de charges d'un montant de 2.500 euros soit un disponible de 8.200 euros.

Par l'effet des deux prêts, ils ont eu à rembourser des échéances d'un montant total de 6.593 euros, ainsi que le Crédit Immobilier de France Développement l'indique en page 34 de ses conclusions, ce qui a eu pour effet de porter les charges à 9.093 euros et à ramener le disponible mensuel à 1.607 euros.

C'est en vain que le Crédit Immobilier de France Développement invoque la consistance du patrimoine immobilier des époux [K] mentionné sur la fiche signée le 10 janvier 2007, alors que le bien situé à [Localité 8] d'une valeur de 799.556 euros faisait l'objet du prêt contracté le mois précédent, ce que la banque ne pouvait ignorer.

En l'état de ces éléments les emprunts contractés par les époux [K] généraient un risque d'endettement excessif et de non remboursement.

En octroyant les prêts litigieux, la banque a manifestement manqué à son devoir de mise en garde et causé à [M] [K] un préjudice résultant de la perte de chance de ne pas contracter.

Compte tenu d'une perte de chance moyenne, le préjudice de [M] [K] sera réparé par la somme de 500.000 euros.

Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de l'une ou l'autre des parties.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement

- Infirme le jugement déféré en ses seules dispositions relatives au montant de la créance du Crédit Immobilier de France Développement et au rejet de la demande reconventionnelle de [M] [K] .

- Statuant à nouveau de ces seuls chefs, condamne [M] [K] à payer au Crédit Immobilier de France Développement les sommes suivantes :

806.856,97 euros outre intérêts au taux contractuel de 4,70 % à compter du 23 avril 2010 au titre du prêt n° 107147,

282.834,36 euros outre intérêts au taux contractuel de 4,70 % à compter du 23 avril 2010 au titre du prêt n° 110306.

- Dit que les intérêts se capitaliseront dans les conditions prévues à l'article 1343-2 du code civil.

- Condamne le Crédit Immobilier de France Développement à payer à [M] [K] la somme de 500.000 euros à titre de dommages intérêts.

- Ordonne la compensation.

- Déboute les parties de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- Dit que chacune des parties conservera la charge des dépens qu'elle a exposés.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par Madame COMBES, Président, et par Madame BUREL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 17/05542
Date de la décision : 29/10/2019

Références :

Cour d'appel de Grenoble 01, arrêt n°17/05542 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-10-29;17.05542 ?
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