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10/11/2021 | FRANCE | N°19-22949

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 10 novembre 2021, 19-22949


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 novembre 2021

Rejet

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 1055 FS-D

Pourvoi n° N 19-22.949

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 NOVEMBRE 2021

1°/ la société SNCF voyageurs, société anonyme, dont le si

ège est [Adresse 3], anciennement EPIC SNCF mobilités,

2°/ la société SNCF réseau, dont le siège est [Adresse 1], anciennement EPIC SNCF réseau,

...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 novembre 2021

Rejet

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 1055 FS-D

Pourvoi n° N 19-22.949

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 NOVEMBRE 2021

1°/ la société SNCF voyageurs, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], anciennement EPIC SNCF mobilités,

2°/ la société SNCF réseau, dont le siège est [Adresse 1], anciennement EPIC SNCF réseau,

ont formé le pourvoi n° N 19-22.949 contre l'arrêt rendu le 2 juillet 2019 par la cour d'appel de Bordeaux (1re chambre civile), dans le litige les opposant au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, dont le siège est [Adresse 2], défendeur à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Guého, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société SNCF voyageurs, anciennement EPIC SNCF mobilités, et de la société SNCF réseau, anciennement EPIC SNCF réseau, de la SCP Delvolvé et Trichet, avocat du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 septembre 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Guého, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, M. Besson, Mme Bouvier, M. Martin, conseillers, M. Pradel, conseiller référendaire, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 2 juillet 2019), statuant sur renvoi après cassation (2e Civ., 22 novembre 2018, pourvoi n° 17-27.485), le 18 février 2011, le véhicule de M. [H], qui circulait sans être assuré, s'est immobilisé sur les voies de chemin de fer et a causé le déraillement d'un train.

2. Par un arrêt du 14 novembre 2013, une chambre correctionnelle d'une cour d'appel a condamné M. [H] à verser à la SNCF la somme de 3 313 226,29 euros en réparation des dommages aux biens subis et déclaré cette créance opposable au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO).

3. Celui-ci ayant refusé de prendre en charge cette somme en lieu et place de M. [H], l'établissement public SNCF mobilités et l'établissement public SNCF réseau venant aux droits de la SNCF (les EPIC SNCF) l'ont assigné en paiement des indemnités dues.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. La société SNCF voyageurs, anciennement EPIC SNCF mobilités, et la société SNCF réseau, anciennement EPIC SNCF réseau, font grief à l'arrêt de déclarer la SNCF déchue de ses droits à l'égard du FGAO et de débouter les EPIC SNCF de l'ensemble de leurs demandes, alors « qu'aux termes de l'article R. 421-20 du code des assurances, lorsque l'auteur d'un dommage aux biens résultant d'un accident dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur est identifié, la victime doit, sous peine de déchéance de ses droits à l'égard du Fonds de garantie, adresser au Fonds une déclaration accompagnée de l'état descriptif des dommages et des justifications relatives à l'identité de l'adversaire, à sa responsabilité et à l'absence ou à l'insuffisance d'assurance ou de garantie de la personne présumée responsable des dommages ; que cette déclaration doit être faite dans les six mois à compter du jour où la victime a eu connaissance de l'absence ou de l'insuffisance de garantie de la personne présumée responsable des dommages ; qu'il en résulte que le délai de six mois prévu par ce texte ne peut courir qu'à partir du jour où la victime dispose des éléments justificatifs du défaut ou de l'insuffisance d'assurance ; que la cour d'appel, après avoir relevé que l'identité du responsable présumé, M. [H], avait été connue le jour même de l'accident, a retenu qu'il résultait du jugement du tribunal correctionnel de Niort du 17 mai 2011 que M. [H] avait comparu pour être jugé du chef notamment de conduite de véhicule automobile sans assurance garantissant sa responsabilité civile, et qu'à l'audience des débats tenue le 19 avril 2011, il avait reconnu ne pas avoir souscrit de contrat d'assurance pour le véhicule en cause ; que la cour d'appel en a déduit que le délai de six mois dont disposait la SNCF pour faire sa déclaration de sinistre au FGAO avait commencé à courir le 19 avril 2011, ou à tout le moins le 17 mai 2011, jour du prononcé du jugement par le tribunal correctionnel de Niort, ce dont elle a déduit que la déclaration au FGAO faite par la SNCF par courrier recommandé du 13 février 2012, reçu le 14 février 2012, à la suite d'un accident lui ayant causé des dommages matériels survenu le 18 février 2011, était tardive ; qu'en statuant de la sorte, par des motifs impropres à caractériser la connaissance certaine qu'avait la SNCF du défaut d'assurance de M. [H], laquelle ne pouvait se déduire du seul aveu de ce dernier, ni du prononcé du jugement de condamnation par le tribunal correctionnel de Niort, dont elle a constaté qu'il avait été frappé d'appel, la cour d'appel de Poitiers l'ayant partiellement infirmé par arrêt du 20 octobre 2011, la cour d'appel a violé l'article R. 421-20, 1, du code des assurances. »

Réponse de la Cour

6. Après avoir exactement relevé que la date à laquelle la victime a eu connaissance de l'absence ou de l'insuffisance de garantie de la personne présumée responsable des dommages, au sens de l'article R. 421-20 du code des assurances, constitue un fait juridique susceptible d'être prouvé par tout moyen et qu'aucune disposition légale ne subordonne cette connaissance à l'existence de poursuites pénales et d'une condamnation définitive du chef de défaut d'assurance, la cour d'appel a souverainement fixé au 19 avril 2011 la date à laquelle la SNCF avait acquis cette connaissance, à l'audience du tribunal correctionnel à laquelle elle assistait en qualité de partie civile et au cours de laquelle M. [H] avait reconnu les faits de défaut d'assurance.

7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

8. Les sociétés SNCF voyageurs et SNCF réseau font le même grief à l'arrêt, alors « que l'article 10.1 de la directive 2009/103/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 prévoit que chaque Etat membre crée ou agrée un organisme ayant pour mission d'indemniser, au moins dans les limites de l'obligation d'assurance, les dommages matériels ou corporels causés par un véhicule non identifié ou un véhicule pour lequel il n'a pas été satisfait à l'obligation d'assurance visée à l'article 3 ; qu'il résulte du § 14 du préambule de la directive que les exclusions à l'intervention de l'organisme devant être créé ou agréé par chaque Etat membre pour indemniser les victimes d'accidents causés, notamment, par un conducteur non assuré doivent être limitées ; que l'objectif poursuivi par la directive est ainsi de placer les victimes de tels accidents dans une situation sinon identique, du moins aussi proche que possible de celle qui aurait été la leur si le responsable avait contracté une assurance de responsabilité ; que l'article R. 421-20, 1, du code des assurances, en ce qu'il impose à la victime de présenter une déclaration de sinistre au FGAO dans les six mois à compter du jour où elle a eu connaissance du défaut d'assurance du conducteur responsable, méconnaît cet objectif en ce qu'il place la victime d'un accident causé par un conducteur non assuré dans une situation beaucoup moins favorable que la victime d'un dommage causé par un conducteur assuré, lesquelles disposent d'un délai de cinq ans pour agir contre l'assureur de ce responsable ; qu'en jugeant que l'article 10.4 de la directive du 16 septembre 2009 «laisse toute latitude à chaque Etat d'appliquer à l'organisation de «son organisme» ses dispositions législatives, réglementaires ou administratives» et que le délai institué par l'article R. 421-20, 1, du code des assurances n'était pas contraire à cette disposition du droit de l'Union, la cour d'appel a méconnu l'article 10 de la directive 2009/103/CE du 16 septembre 2009, ensemble l'article R. 421-20, 1, du code des assurances. »

Réponse de la Cour

9. Par arrêt du 10 octobre 2017 (Elaine Farrell, C-413/15), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit qu'un organisme de droit privé qui s'est vu confier par un État membre une mission d'intérêt public, telle que celle inhérente à l'obligation imposée aux États membres à l'article 1er, paragraphe 4, de la deuxième directive 84/5/CEE du Conseil, du 30 décembre 1983, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs, telle que modifiée par la troisième directive 90/232/CEE du Conseil, du 14 mai 1990, et qui, à cette fin, détient, en vertu de la loi, des pouvoirs exorbitants, tels que le pouvoir d'imposer aux assureurs exerçant une activité d'assurance automobile sur le territoire de l'État membre concerné qu'ils s'affilient à lui et le financent, peut se voir opposer les dispositions d'une directive susceptibles de revêtir un effet direct.

10. La directive 2009/103/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 concernant l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs et le contrôle de l'obligation d'assurer cette responsabilité a codifié notamment la directive précitée du 30 décembre 1983 et reprend, en son article 10, les stipulations imposant à chaque État membre de créer ou d'agréer un organisme ayant pour mission d'indemniser, au moins dans les limites de l'obligation d'assurance, les dommages matériels ou corporels causés par un véhicule non identifié ou un véhicule pour lequel il n'a pas été satisfait à l'obligation d'assurance.

11. Il résulte des articles L. 421-1, L. 421-2, L. 421-4-1 et R. 421-26 du code des assurances que le FGAO, personne morale de droit privé chargée d'indemniser les victimes de dommages d'un accident de la circulation lorsque le responsable est inconnu ou n'est pas assuré, est soumis au contrôle du ministre de l'économie et des finances et est alimenté notamment par une contribution qui est acquittée, sous peine de sanctions, par les entreprises d'assurance et recouvrée par le fonds.

12. Il en découle que le FGAO, qui est chargé d'une mission d'intérêt public et qui, à cette fin, détient, en vertu de la loi, des pouvoirs exorbitants, peut se voir opposer les dispositions d'une directive susceptibles de revêtir un effet direct. En conséquence, contrairement à ce qui est soutenu par la défense, il y a lieu d'examiner la conformité, contestée par le moyen, de l'article R. 421-20, 1, du code des assurances à la directive 2009/103/CE du 16 septembre 2009.

13. Selon l'article 10, paragraphe 1, de cette directive, chaque État membre crée ou agrée un organisme ayant pour mission d'indemniser, au moins dans les limites de l'obligation d'assurance, les dommages matériels ou corporels causés par un véhicule non identifié ou un véhicule pour lequel il n'a pas été satisfait à l'obligation d'assurance visée à l'article 3. Aux termes du paragraphe 2 de cet article, la victime peut, en tout état de cause, s'adresser directement à l'organisme qui, sur la base des informations fournies à sa demande par elle, est tenu de lui donner une réponse motivée quant à une intervention. Aux termes du paragraphe 4, chaque État membre applique à l'intervention de l'organisme ses dispositions législatives, réglementaires et administratives, sans préjudice de toute autre pratique plus favorable aux victimes.

14. Il résulte de ces stipulations ainsi que du préambule de cette directive, tels qu'interprétés à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, que l'un des objectifs poursuivis par le législateur de l'Union est de protéger les victimes d'accidents causés par un véhicule et de garantir qu'elles bénéficieront d'un traitement comparable, quel que soit le point du territoire de l'Union où l'accident s'est produit (CJUE, 23 octobre 2012, Marques Almeida, C-300/10, point 26 ; 4 septembre 2014, Vnuk, C-162/13).

15. Selon une jurisprudence constante, il appartient, en l'absence de réglementation communautaire en la matière, à l'ordre juridique interne de chaque État membre de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit communautaire, pour autant que ces modalités ne soient pas moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne (principe de l'équivalence) et qu'elles ne rendent pas pratiquement impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire (principe d'effectivité) (CJCE, 4 décembre 2003, Evans, C-63/01 ; CJUE, 14 octobre 2020, Valoris, C-677/19).

16. Les règles de procédure instituées par les articles R. 421-18 à R. 421-20 du code des assurances concernant l'indemnisation des dommages aux biens par le FGAO, et notamment le délai de six mois imparti, à peine de déchéance, à la victime, à compter du jour où elle a eu connaissance du défaut d'assurance de la personne présumée responsable, pour adresser sa déclaration au Fonds, qui favorisent la rapidité et l'efficacité de son intervention, ne rendent pas pratiquement impossible ou excessivement difficile l'exercice du droit à indemnisation que la victime tire de la directive précitée et lui confèrent un niveau de protection correspondant à celui qu'elle prescrit.

17. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié de ce chef.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société SNCF voyageurs et la société SNCF réseau aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société SNCF voyageurs et la société SNCF réseau et les condamne à payer au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société SNCF voyageurs, anciennement EPIC SNCF mobilités, et la société SNCF réseau, anciennement EPIC SNCF réseau

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré la SNCF déchue de ses droits à l'égard du FGAO, et d'avoir débouté les SA SNCF Voyageurs et SNCF Réseau, venant aux droits de la SNCF, de l'ensemble de leurs demandes ;

Aux motifs que « l'arrêt de la chambre correctionnelle de la cour d'appel du 14 novembre 2013 ayant condamné M. [H] à verser à la SNCF la somme de 3 313 226,29 euros a statué sur la demande d'indemnisation de la SNCF à l'encontre de Monsieur [H] et non sur les droits de la SNCF à l'égard du Fonds de garantie de sorte qu'il y a lieu d'examiner la recevabilité de cette demande. Aux termes de l'article R. 421-20 du code des assurances en vigueur au moment de l'accident, lorsque l'auteur des dommages est identifié, toute victime de dommages aux biens doit, sous peine de déchéance de ses droits à l'égard du Fonds de garantie, adresser au fonds une déclaration accompagnée de l'état descriptif des dommages et des justifications relatives à l'identité de l'adversaire, à sa responsabilité et à l'absence ou à l'insuffisance d'assurance ou de garantie de la personne présumée responsable des dommages. Cette déclaration doit être adressée au fonds dans le délai de six mois à compter du jour où la victime a eu connaissance de l'absence ou de l'insuffisance de garantie de la personne présumée responsable des dommages, notamment par le refus de prise en charge du sinistre par l'assureur de cette personne et, au plus tard, dans le délai de douze mois à compter du jour de l'accident, sauf si la victime est en mesure de rapporter la preuve qu'ayant fait elle-même ou par mandataire des diligences nécessaires pour obtenir la prise en charge de ses dommages par un assureur, il ne lui a pas été possible dans ce délai de douze mois de déterminer si une garantie d'assurance pouvait ou non jouer à son profit. L'article 10 §1 alinéa 1 de la directive 2009/103/CE du Parlement européen et du Conseil dispose que « chaque État membre crée ou agrée un organisme ayant pour mission d'indemniser, au moins dans les limites de l'obligation d'assurance, les dommages matériels corporels causés par un véhicule non identifié ou un véhicule pour lequel il n'a pas été satisfait à l'obligation d'assurance visée à l'article 3 » ; dans son § 4, il dispose que « chaque État membre applique à l'intervention de l'organisme ses dispositions législatives, réglementaires et administratives, sans préjudice de tout autre pratique plus favorable aux victimes ». L'État français a satisfait à cette obligation dès avant la directive puisque le fonds de garantie a été créé en 1951. La directive laisse toute latitude à chaque État d'appliquer à l'organisation de "son organisme" ses dispositions législatives réglementaires ou administratives. Dès lors, en fixant un délai de forclusion pour la déclaration ou la demande d'indemnité, voire en fixant un plafond au montant de la prise en charge par le fonds de garantie, le code des assurances ne contrevient pas à ladite directive de sorte qu'il n'y a pas lieu d'écarter les dispositions de l'article R 421-20 relatives au délai de la déclaration à peine de déchéance. La date à laquelle la victime a eu connaissance de l'absence ou de l'insuffisance de couverture du responsable constitue un fait juridique susceptible d'être prouvé par tout moyen. Aucune disposition légale ne subordonne cette connaissance à l'existence de poursuites pénales et de condamnation définitive du chef du délit de défaut d'assurance comme le soutient la SNCF. Il suffira de souligner que l'article R 421-20 précité fait référence à la seule personne présumée responsable des dommages. En l'espèce l'identité du responsable présumé, M. [H], était connue aujourd'hui dès le jour même de l'accident. Il résulte du jugement rendu contradictoirement le 17 mai 2011 par le tribunal correctionnel de Niort que Monsieur [H], "présumé responsable des dommages" au sens de l'article R. 421-20, a comparu devant cette juridiction notamment du chef du délit de conduite de véhicule automobile sans assurance garantissant sa responsabilité civile et de la contravention connexe de défaut de maîtrise ; qu'à l'audience des débats tenue le 19 avril 2011, l'intéressé assisté de son conseil a reconnu les faits de défaut d'assurance puisque la décision mentionne (..) : « Monsieur [H] reconnaît également ne pas avoir souscrit de contrat d'assurance à son nom pour ledit véhicule acheté quelques jours auparavant ». La décision mentionne également la présence aux débats de la partie civile, la SNCF représentée par son avocat, et sa constitution en qualité de partie civile. Il en résulte incontestablement qu'à la date du 19 avril 2011, la SNCF avait la connaissance de l'absence ou de l'insuffisance de garantie de la personne présumée responsable des dommages, du récemment au sens de l'article R 421-20 ; cette date constitue le point de départ du délai de forclusion. Or, la SNCF a effectué sa déclaration par lettre recommandée avec avis de réception postée le 13 février 2012 et reçue par le Fonds de garantie le 14 février 2012, alors que le délai de six mois qui a commencé à courir à tout le moins le 19 avril 2011 était échu. Surabondamment, le jugement correctionnel a été prononcé publiquement le 17 mai 2011 selon les termes même de la décision mais la SNCF n'a pas davantage respecté un délai de déclaration de six mois à compter de cette date. En conséquence, il y a lieu de déclarer la SNCF déchue de ses droits à l'égard du Fonds de garantie. Les EPIC SNCF Mobilités et SNCF Réseau, venant aux droits de la SNCF, qui succombent, supporteront les entiers dépens qui seront recouvrés par la Selarl Lexavoué Bordeaux en vertu de l'article 699 du code de procédure civile et l'équité commande de les condamner in solidum à payer au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages la somme de 6000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile » ;

Alors 1°) qu'aux termes de l'article R. 421-20 du code des assurances, lorsque l'auteur d'un dommage aux biens résultant d'un accident dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur est identifié, la victime doit, sous peine de déchéance de ses droits à l'égard du Fonds de garantie, adresser au Fonds une déclaration accompagnée de l'état descriptif des dommages et des justifications relatives à l'identité de l'adversaire, à sa responsabilité et à l'absence ou à l'insuffisance d'assurance ou de garantie de la personne présumée responsable des dommages ; que cette déclaration doit être faite dans les six mois à compter du jour où la victime a eu connaissance de l'absence ou de l'insuffisance de garantie de la personne présumée responsable des dommages ; qu'il en résulte que le délai de six mois prévu par ce texte ne peut courir qu'à partir du jour où la victime dispose des éléments justificatifs du défaut ou de l'insuffisance d'assurance ; que la cour d'appel, après avoir relevé que l'identité du responsable présumé, M. [H], avait été connue le jour même de l'accident (p. 7, avant-dernier §) a retenu qu'il résultait du jugement du tribunal correctionnel de Niort du 17 mai 2011 que M. [H] avait comparu pour être jugé du chef notamment de conduite de véhicule automobile sans assurance garantissant sa responsabilité civile, et qu'à l'audience des débats tenue le 19 avril 2011, il avait reconnu ne pas avoir souscrit de contrat d'assurance pour le véhicule en cause ; que la cour d'appel en a déduit que le délai de six mois dont disposait la SNCF pour faire sa déclaration de sinistre au FGAO avait commencé à courir le 19 avril 2011, ou à tout le moins le 17 mai 2011, jour du prononcé du jugement par le tribunal correctionnel de Niort, ce dont elle a déduit que la déclaration au FGAO faite par la SNCF par courrier recommandé du 13 février 2012, reçu le 14 février 2012, à la suite d'un accident lui ayant causé des dommages matériels survenu le 18 février 2011, était tardive (p. 7-8) ; qu'en statuant de la sorte, par des motifs impropres à caractériser la connaissance certaine qu'avait la SNCF du défaut d'assurance de M. [H], laquelle ne pouvait se déduire du seul aveu de ce dernier, ni du prononcé du jugement de condamnation par le tribunal correctionnel de Niort, dont elle a constaté qu'il avait été frappé d'appel, la cour d'appel de Poitiers l'ayant partiellement infirmé par arrêt du 20 octobre 2011 (p. 3), la cour d'appel a violé l'article R. 421-20, 1, du code des assurances ;

Alors 2°) que le délai de six mois dont dispose la victime d'un dommage matériel pour adresser la déclaration prévue à l'article R. 421-20, 1, du code des assurances au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages ne court qu'à compter de la date à laquelle la victime a connaissance de l'absence ou de l'insuffisance de garantie de la personne présumée responsable des dommages ; qu'en se fondant sur la circonstance que le conducteur du véhicule présumé responsable des dommages, M. [F] [H], avait été identifié le jour même de l'accident, sans constater d'éléments permettant d'établir que la SNCF aurait alors eu connaissance du défaut d'assurance de ce dernier, la cour d'appel a encore violé l'article R. 421-20, 1, du code des assurances ;

Alors 3°) que l'article 10.1 de la directive 2009/103/CE du Parlement européen et du conseil du 16 septembre 2009 prévoit que chaque Etat membre crée ou agrée un organisme ayant pour mission d'indemniser, au moins dans les limites de l'obligation d'assurance, les dommages matériels ou corporels causés par un véhicule non identifié ou un véhicule pour lequel il n'a pas été satisfait à l'obligation d'assurance visée à l'article 3 ; qu'il résulte du § 14 du préambule de la directive que les exclusions à l'intervention de l'organisme devant être créé ou agréé par chaque Etat membre pour indemniser les victimes d'accidents causés, notamment, par un conducteur non assuré doivent être limitées ; que l'objectif poursuivi par la directive est ainsi de placer les victimes de tels accidents dans une situation sinon identique, du moins aussi proche que possible de celle qui aurait été la leur si le responsable avait contracté une assurance de responsabilité ; que l'article R. 421-20, 1, du code des assurances, en ce qu'il impose à la victime de présenter une déclaration de sinistre au FGAO dans les six mois à compter du jour où elle a eu connaissance du défaut d'assurance du conducteur responsable, méconnaît cet objectif en ce qu'il place la victime d'un accident causé par un conducteur non assuré dans une situation beaucoup moins favorable que la victime d'un dommage causé par un conducteur assuré, lesquelles disposent d'un délai de cinq ans pour agir contre l'assureur de ce responsable ; qu'en jugeant que l'article 10.4 de la directive du 16 septembre 2009 « laisse toute latitude à chaque État d'appliquer à l'organisation de "son organisme" ses dispositions législatives réglementaires ou administratives » et que le délai institué par l'article R. 421-20, 1, du code des assurances n'était pas contraire à cette disposition du droit de l'Union, la cour d'appel a méconnu l'article 10 de la directive 2009/103/CE du 16 septembre 2009, ensemble l'article R. 421-20, 1, du code des assurances.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 19-22949
Date de la décision : 10/11/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 02 juillet 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 10 nov. 2021, pourvoi n°19-22949


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : SARL Delvolvé et Trichet, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.22949
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