LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 4 novembre 2021
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1016 F-D
Pourvoi n° E 20-10.457
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 NOVEMBRE 2021
1°/ M. [T] [P],
2°/ Mme [B] [W], épouse [P],
domiciliés tous deux [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° E 20-10.457 contre l'arrêt rendu le 5 septembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 9), dans le litige les opposant à l'Association de santé mentale et lutte contre l'alcoolisme dans le 13e arrondissement (ASM13), dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dumas, conseiller référendaire, les observations de la SCP Krivine et Viaud, avocat de M. et Mme [P], de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de l'Association de santé mentale et lutte contre l'alcoolisme dans le 13e arrondissement, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 22 septembre 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Dumas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 septembre 2019), M. et Mme [P] ont été condamnés à payer à l'Association de santé mentale et lutte contre l'alcoolisme dans le 13e arrondissement (l'association), certaines sommes.
2. L'association a demandé à un tribunal d'instance la saisie des rémunérations de M. [P]. A l'audience du 19 janvier 2006, un procès-verbal de conciliation a été établi. La créance de l'association a été fixée à la somme de 224 030,79 euros, les intérêts ont été arrêtés et le débiteur s'est engagé à régler la somme de 100 euros par mois à compter du 15 février 2006.
3. M. [P] ne respectant pas ses engagements, l'association a demandé la saisie de ses rémunérations, laquelle a été mise en place par acte du 8 novembre 2007. Celle-ci a ensuite été suspendue en raison de la délivrance d'avis à tiers détenteur.
4. Suite à la reprise de la saisie de ses rémunérations, M. [P] a contesté le montant de la créance.
5. Par jugement du 2 février 2017, dont les parties ont relevé appel, un tribunal d'instance a notamment fixé le montant de la créance de l'association et ordonné la reprise de la saisie des rémunérations de M. [P].
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. M. et Mme [P] font grief à l'arrêt de fixer définitivement le montant de la créance de l'association à la somme de 230 354,17 euros et d'ordonner la reprise de la saisie des rémunérations de M. [P] à hauteur de cette somme, alors « qu'après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office ; que si sont cependant recevables les conclusions relatives aux intérêts échus jusqu'à l'ouverture des débats, c'est à la condition que leur décompte ne puisse faire l'objet d'aucune contestation sérieuse ; qu'au cas d'espèce, dès lors que M. et Mme [P] soutenaient que les intérêts afférents à la créance avaient été arrêtés depuis le procès-verbal de conciliation du 19 janvier 2006, il existait nécessairement une contestation sérieuse sur les intérêts échus qui interdisait à la cour d'appel de statuer au vu des conclusions déposées par l'association après l'ordonnance de clôture ; que l'arrêt a été rendu en violation des articles 783 et 907 du code de procédure civile, dans leur rédaction antérieure au décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 783, alinéas 1 et 2, du code de procédure civile :
7. Selon ce texte, après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office. Sont cependant recevables les demandes en intervention volontaire, les conclusions relatives aux loyers, arrérages, intérêts et autres accessoires échus et aux débours faits jusqu'à l'ouverture des débats, si leur décompte ne peut faire l'objet d'aucune contestation sérieuse, ainsi que les demandes de révocation de l'ordonnance de clôture.
8. Pour déclarer recevables les conclusions déposées par l'association après l'ordonnance de clôture, intervenue le 12 février 2019, l'arrêt retient qu'elles reprennent in extenso les précédentes à l'exception du montant des intérêts légaux, arrêtés non plus au 2 mai 2017 mais au 20 avril 2019.
9. En statuant ainsi, alors que, par ces conclusions, l'association demandait l'actualisation de sa créance pour une période commençant à courir avant l'ordonnance de clôture et que M. [P] contestait que la créance produise des intérêts, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne l'Association de santé mentale et lutte contre l'alcoolisme dans le 13e arrondissement aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'Association de santé mentale et lutte contre l'alcoolisme dans le 13e arrondissement et la condamne à payer à M. et Mme [P] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Krivine et Viaud, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [P]
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR fixé définitivement le montant de la créance de l'ASM13 à la somme de 230.354,17 € et D'AVOIR ordonné la reprise de la saisie des rémunérations de M. [P] au profit de l'ASM13 à hauteur de cette somme ;
AUX ÉNONCIATIONS QUE dans ses dernières conclusions signifiées le 22 mai 2017 puis le 18 avril 2019, l'ASM13 demande à la cour de bien vouloir : (?) constater que le solde de la créance de l'ASM13 à l'encontre des époux [P] solidairement, s'élève comptes arrêtés au 20 avril 2019, sauf à parfaire à la date de l'arrêt à intervenir, à la somme de 275.314,31 € ; (?) que l'ordonnance de clôture est intervenue le 12 février 2019 ;
ET AUX MOTIFS QUE sur la recevabilité des conclusions signifiées le 18 avril 2019 : qu'en application de l'article 783 du code de procédure civile, après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office ; que sont cependant recevables les conclusions relatives aux intérêts échus, si leur décompte ne peut faire l'objet d'aucune contestation sérieuse ; qu'en l'espèce, force est de constater que les conclusions transmises le 18 avril 2019 reprennent in extenso les précédentes du 22 mai 2017 à l'exception du montant des intérêts légaux, arrêtés non plus au 2 mai 2017 mais au 20 avril 2019 ; qu'elles seront en conséquence déclarées recevables ;
1. ALORS QU'après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office ; que si sont cependant recevables les conclusions relatives aux intérêts échus jusqu'à l'ouverture des débats, c'est à la condition que leur décompte ne puisse faire l'objet d'aucune contestation sérieuse ; qu'au cas d'espèce, dès lors que les époux [P] soutenaient que les intérêts afférents à la créance avaient été arrêtés depuis le procès-verbal de conciliation du 19 janvier 2006, (conclusions d'appel, p. 3, avant-dernier al.), il existait nécessairement une contestation sérieuse sur les intérêts échus qui interdisait à la cour d'appel de statuer au vu des conclusions déposées par l'ASM13 après l'ordonnance de clôture ; que l'arrêt a été rendu en violation des articles 783 et 907 du code de procédure civile (dans leur rédaction antérieure au décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019) ;
2. ALORS, subsidiairement, QU'en s'abstenant de s'expliquer sur le caractère non sérieusement contestable des intérêts échus réclamés par l'ASM13 dans ses conclusions d'appel déposées postérieurement à la clôture, avant de décider qu'elles étaient recevables et de statuer sur leur fondement, la cour d'appel n'a en tout cas pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 783 et 907 du code de procédure civile (dans leur rédaction antérieure au décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019).
DEUXIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR fixé définitivement le montant de la créance de l'ASM13 à la somme de 230.354,17 € et D'AVOIR ordonné la reprise de la saisie des rémunérations de M. [P] au profit de l'ASM13 à hauteur de cette somme ;
AUX MOTIFS QUE pour critiquer le montant retenu par le premier juge, les appelants ont fait valoir que les versements de 12.195,92 euros et de 1.984,28 euros n'avaient pas été pris en compte et que les versements n'avaient pas pu s'imputer en priorité sur les intérêts puisque le juge les avaient arrêtés à la somme de 30.767,89 euros et que le taux d'intérêts avait été réduit à 0 % ; que l'intimée a pour sa part contesté l'application d'un taux d'intérêt réduit à 0 % qu'elle considère comme inexistant et a produit un décompte prenant en compte les deux sommes litigieuses ; qu'elle estime qu'à l'occasion de l'acte de saisie du 8 novembre 2007, les débiteurs n'ont pas formulé de demande de réduction du taux, qui n'a été exprimée que lors de la contestation de 2016 ; qu'en application de l'article L. 3252-13 du code du travail, en matière de saisie de rémunérations, le juge peut décider à la demande du débiteur ou du créancier, et en considération de la quotité saisissable de la rémunération, du montant de la créance et du taux des intérêts dus, que la créance cause de la saisie produira intérêt à un taux réduit à compter de l'autorisation de saisie ou que les sommes s'imputeront d'abord sur le capital ; qu'il s'ensuit que la possibilité ouverte par ce texte, qui est une alternative, suppose une demande expresse du débiteur ou du créancier, le premier juge ne pouvant d'office réduire le taux d'intérêt applicable et dire que les paiements s'imputeront par priorité sur le capital ; qu'en l'espèce, il ressort du procès-verbal de conciliation du 19 janvier 2006 que le juge a fixé la créance à la somme de 224.030,79 euros et a arrêté les intérêts à cette date ; que pour fixer la créance, le premier juge a estimé que les intérêts avaient été arrêtés et donc leur taux avait été réduit à 0 % lors de l'audience de conciliation et que les termes de la décision n'ont pas été remis en cause par le seul fait que le débiteur n'a pas respecté ses engagements ultérieurs ; que pourtant, aux termes de l'article 1351 devenu 1355 du code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement ; qu'il en résulte que le procès-verbal de conciliation, qui n'est pas un jugement, ne tranche aucune contestation et n'a pas autorité de chose jugée ; que de surcroît, le procès-verbal de conciliation a été dénoncé au greffe au motif qu'à compter du 15 avril 2007, M. [P] n'a plus respecté ses engagements ; qu'un acte de saisie a donc été signé le 8 novembre 2007 pour un montant de 222.630,79 euros, sans que soit formulée de demande de réduction du taux d'intérêt à cette date ; qu'il n'est pas contesté par l'intimée que la contestation émise le 16 août 2016 par les débiteurs valait demande de réduction du taux des intérêts ; qu'il en résulte, comme le soutient à juste titre l'intimée, qu'en l'absence de demande antérieure ni de jugement ayant autorité de chose jugée, la créance de l'ASM13 a donc continué de produire intérêts au taux légal majoré et que les règlements successifs des débiteurs se sont normalement imputés par priorité sur les intérêts, conformément à l'article 1254 devenu 1343-1 du code civil ; que néanmoins, il y a lieu de tenir compte de la demande de réduction du taux d'intérêts qui, au vu de la quotité saisissable de la rémunération, du montant de la créance et du taux des intérêts dus, et en tenant compte du montant significatif des intérêts déjà échus, sera réduit à 0 % à compter du 16 août 2016, ce que la loi n'interdit pas ; que dès lors, en application des règles d'imputation légale et du décompte produit par l'intimée, la créance de l'ASM13 doit être actualisée, en tenant compte des acomptes versés à hauteur de 327.270,30 euros et des intérêts arrêtés au 16 août 2016 (28.069,58 euros), à la somme de 230.354,17 euros, définitivement arrêtée ; que le jugement sera en conséquence infirmé sur le montant de la créance qui sera définitivement fixée à la somme de 230.354,17 euros ; que la saisie, momentanément suspendue pendant la procédure de contestation, sera reprise à concurrence de cette somme ;
1. ALORS QUE le juge doit faire respecter et respecter lui-même le principe de la contradiction en toutes circonstances ; qu'en l'espèce, aucune des parties, et notamment l'ASM13, n'avait soulevé de moyen tiré de ce que le procès-verbal de conciliation du 19 janvier 2006, en ce qu'il prévoyait un arrêt des intérêts produits par la créance, était dépourvu d'autorité de chose jugée, l'association s'étant bornée à soutenir que ce procès-verbal n'était pas une « décision » au sens de l'article L. 3252-13 du code du travail ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de l'absence d'autorité de chose jugée du procès-verbal de conciliation, sans rouvrir les débats pour permettre aux parties de s'expliquer, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2. ALORS QUE le procès-verbal de conciliation dressé devant le tribunal d'instance en matière de saisie des rémunérations, signé par le juge et les parties, a valeur contractuelle entre ces dernières ; que le droit aux intérêts d'une créance étant disponible, les parties peuvent convenir que celle-ci ne produira plus intérêts à compter d'une certaine date ; qu'au cas d'espèce, ayant constaté que le procès-verbal de conciliation dressé devant le tribunal d'instance le 19 janvier 2006, signé par les deux parties, avaient prévu que les intérêts de la créance étaient arrêtés, l'ASM13 ne pouvait en conséquence réclamer des intérêts pour la période postérieure, peu important que le procès-verbal ne fût par ailleurs pas revêtu de l'autorité de la chose jugée ou que le juge d'instance n'ait pas été saisi d'une demande de réduction des intérêts sur le fondement de l'article L. 3252-13 du code du travail ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé, par fausse application, ce dernier texte, ensemble l'article 1355 du code civil et, par refus d'application, les articles 6 et 1134 du même code (ce dernier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016), ensemble l'article 130 du code de procédure civile ;
3. ALORS, subsidiairement, QUE si le créancier, signataire du procès-verbal de conciliation, peut demander au greffe de procéder à la saisie sans nouvelle conciliation lorsque le débiteur manque aux engagements pris dans le procès-verbal, l'accord du créancier à l'arrêt des intérêts de la créance consigné dans le procès-verbal vaut à tout le moins jusqu'à la nouvelle saisie ; qu'en l'espèce, dès lors que l'ASM13 avait signé le procès-verbal de conciliation du 19 janvier 2006, qui avait prévu l'arrêt des intérêts de la créance, elle était à tout le moins liée par cet arrêt jusqu'au nouvel acte de saisie des rémunérations intervenu le 8 novembre 2007 ; qu'en décidant qu'en raison de l'absence d'autorité de chose jugée du procès-verbal de conciliation et de demande antérieure de réduction du taux des intérêts sur le fondement de l'article L. 3252-13 du code du travail, la créance avait continué à produire des intérêts sans interruption jusqu'au 16 août 2016, date à laquelle M. [P] avait contesté le montant de la créance, la cour d'appel a violé, par fausse application, ce dernier texte, ensemble l'article 1355 du code civil et, par refus d'application, les articles 6 et 1134 du même code (ce dernier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016), ensemble l'article R. 3252-18 du code du travail.
TROISIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR fixé définitivement le montant de la créance de l'ASM13 à la somme de 230.354,17 € et D'AVOIR ordonné la reprise de la saisie des rémunérations de M. [P] au profit de l'ASM13 à hauteur de cette somme ;
AUX MOTIFS QUE pour critiquer le montant retenu par le premier juge, les appelants ont fait valoir que les versements de 12.195,92 euros et de 1.984,28 euros n'avaient pas été pris en compte et que les versements n'avaient pas pu s'imputer en priorité sur les intérêts puisque le juge les avaient arrêtés à la somme de 30.767,89 euros et que le taux d'intérêts avait été réduit à 0 % ; que l'intimée a pour sa part contesté l'application d'un taux d'intérêt réduit à 0 % qu'elle considère comme inexistant et a produit un décompte prenant en compte les deux sommes litigieuses ; qu'elle estime qu'à l'occasion de l'acte de saisie du 8 novembre 2007, les débiteurs n'ont pas formulé de demande de réduction du taux, qui n'a été exprimée que lors de la contestation de 2016 ; qu'en application de l'article L. 3252-13 du code du travail, en matière de saisie de rémunérations, le juge peut décider à la demande du débiteur ou du créancier, et en considération de la quotité saisissable de la rémunération, du montant de la créance et du taux des intérêts dus, que la créance cause de la saisie produira intérêt à un taux réduit à compter de l'autorisation de saisie ou que les sommes s'imputeront d'abord sur le capital ; qu'il s'ensuit que la possibilité ouverte par ce texte, qui est une alternative, suppose une demande expresse du débiteur ou du créancier, le premier juge ne pouvant d'office réduire le taux d'intérêt applicable et dire que les paiements s'imputeront par priorité sur le capital ; qu'en l'espèce, il ressort du procès-verbal de conciliation du 19 janvier 2006 que le juge a fixé la créance à la somme de 224.030,79 euros et a arrêté les intérêts à cette date ; que pour fixer la créance, le premier juge a estimé que les intérêts avaient été arrêtés et donc leur taux avait été réduit à 0 % lors de l'audience de conciliation et que les termes de la décision n'ont pas été remis en cause par le seul fait que le débiteur n'a pas respecté ses engagements ultérieurs ; que pourtant, aux termes de l'article 1351 devenu 1355 du code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement ; qu'il en résulte que le procès-verbal de conciliation, qui n'est pas un jugement, ne tranche aucune contestation et n'a pas autorité de chose jugée ; que de surcroît, le procès-verbal de conciliation a été dénoncé au greffe au motif qu'à compter du 15 avril 2007, M. [P] n'a plus respecté ses engagements ; qu'un acte de saisie a donc été signé le 8 novembre 2007 pour un montant de 222.630,79 euros, sans que soit formulée de demande de réduction du taux d'intérêt à cette date ; qu'il n'est pas contesté par l'intimée que la contestation émise le 16 août 2016 par les débiteurs valait demande de réduction du taux des intérêts ; qu'il en résulte, comme le soutient à juste titre l'intimée, qu'en l'absence de demande antérieure ni de jugement ayant autorité de chose jugée, la créance de l'ASM13 a donc continué de produire intérêts au taux légal majoré et que les règlements successifs des débiteurs se sont normalement imputés par priorité sur les intérêts, conformément à l'article 1254 devenu 1343-1 du code civil ; que néanmoins, il y a lieu de tenir compte de la demande de réduction du taux d'intérêts qui, au vu de la quotité saisissable de la rémunération, du montant de la créance et du taux des intérêts dus, et en tenant compte du montant significatif des intérêts déjà échus, sera réduit à 0 % à compter du 16 août 2016, ce que la loi n'interdit pas ; que dès lors, en application des règles d'imputation légale et du décompte produit par l'intimée, la créance de l'ASM13 doit être actualisée, en tenant compte des acomptes versés à hauteur de 327.270,30 euros et des intérêts arrêtés au 16 août 2016 (28.069,58 euros), à la somme de 230.354,17 euros, définitivement arrêtée ; que le jugement sera en conséquence infirmé sur le montant de la créance qui sera définitivement fixée à la somme de 230.354,17 euros ; que la saisie, momentanément suspendue pendant la procédure de contestation, sera reprise à concurrence de cette somme ;
ALORS QUE M. et Mme [P] faisaient valoir qu'en prenant en considération le versement de 12.195,92 € par chèque de banque et celui de 1.984,28 € émis par le commissaire-priseur après la vente judiciaire de leurs meubles, ils avaient déjà réglé au total la somme de 338.307,08 € sur la créance de l'ASM13 (conclusions d'appel, p. 4-5) ; qu'en retenant, au seul visa du « décompte produit par l'intimée », que les acomptes versés par les époux [P] n'étaient que de 327.270,30 €, sans donner aucune explication sur la manière dont elle était parvenue à cette somme, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et, partant, violé l'article 455 du code de procédure civile.