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20/10/2021 | FRANCE | N°20-14844;20-14845;20-14846;20-14847

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 20 octobre 2021, 20-14844 et suivants


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 octobre 2021

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1189 F-D

Pourvois n°
Y 20-14.844
Z 20-14.845
A 20-14.846
B 20-14.847 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIAL

E, DU 20 OCTOBRE 2021

La société Elior services propreté et santé, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5], a formé les pourvo...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 octobre 2021

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1189 F-D

Pourvois n°
Y 20-14.844
Z 20-14.845
A 20-14.846
B 20-14.847 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 20 OCTOBRE 2021

La société Elior services propreté et santé, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5], a formé les pourvois n° Y 20-14.844, Z 20-14.845, A 20-14.846 et B 20-14.847 contre quatre arrêts rendus le 31 janvier 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-7), dans les litiges l'opposant respectivement :

1°/ à Mme [U] [Q], domiciliée [Adresse 3],

2°/ à Mme [A] [O], domiciliée [Adresse 6],

3°/ à Mme [F] [G], épouse [V], domiciliée [Adresse 1],

4°/ à Mme [M] [Z], épouse [K], domiciliée [Adresse 4],

5°/ au syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône, dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse aux pourvois n° Y 20-14.844 et Z 20-14.845 invoque, à l'appui de ses recours, les deux moyens de cassation communs annexés au présent arrêt.

La demanderesse aux pourvois n° A 20-14.846 et B 20-14.847 invoque, à l'appui de ses recours, les deux moyens de cassation communs également annexés au présent arrêt.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Elior services propreté et santé, après débats en l'audience publique du 8 septembre 2021 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1.En raison de leur connexité, les pourvois n° Y 20-14.844, Z 20-14.845, A 20-14.846 et B 20-14.847 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 31 janvier 2020), Mme [Q] et trois autres salariées ont été engagées en qualité d'agent de services ou agent très qualifié de services les 19 janvier et 1er avril 2014, par la société Elior services propreté et santé (ci-après la société ESPS).

3. Les 14 décembre 2017 et 26 juillet 2018, les salariées ont saisi la juridiction prud'homale aux fins de paiement, en application du principe d'égalité de traitement, notamment d'une prime de treizième mois et d'une prime d'assiduité versées à des salariés de la même entreprise travaillant sur les sites de la polyclinique de [Localité 2] et de la clinique Axium. Le syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône est intervenu volontairement dans ces procédures.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième, quatrième et cinquième branches

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief aux arrêts de le condamner à verser aux salariées un rappel de prime de treizième mois, alors :

« 2°/ que constitue un engagement unilatéral de l'employeur l'expression de la volonté libre et explicite de ce dernier de consentir un avantage à ses salariés ; que pour condamner l'exposante à verser aux salariées un rappel de prime de treizième mois, la cour d'appel s'est bornée à affirmer que « la réitération du versement de la prime entre 2012 et 2014 contredit la thèse de l'erreur avancée par Elior » dès lors « qu'aucune décision de justice ne l'imposait à l'employeur, le jugement du conseil de prud'hommes ayant accordé à ces salariés un rappel de primes de treizième mois ayant été prononcé seulement le 5 janvier 2015 et le jugement du conseil de prud'hommes de Narbonne du 2 avril 2012 ayant été rendu à l'égard de trente-cinq salariés autres que ceux auxquels l'appelante se compare » ; qu'en statuant ainsi, sans cependant rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si la réitération, en 2013 et 2014, du versement de la prime de treizième mois aux salariés [H] et autres du site de [Localité 2] ne résultait pas du lien étroit existant entre le contentieux engagé par trente-cinq salariés du site de [Localité 2] - qui avaient obtenu gain de cause sur la prime de treizième mois par jugement du conseil de prud'hommes de Narbonne du 2 avril 2012 puis par arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 26 mars 2014- et le contentieux des salariés [H] et autres dont les jugements avant dire droit rendus par ce même conseil de prud'hommes le 29 avril 2013 avaient sursis à statuer dans l'attente de la décision de la cour d'appel de Montpellier susvisée, ce dont il résultait que les versements litigieux ne reposaient sur aucune volonté libre de l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 du code du travail et 1103 et 1104 du code civil ;

4°/ que constitue un engagement unilatéral de l'employeur l'expression de la volonté libre et explicite de ce dernier de consentir un avantage à ses salariés ; que pour juger que le versement de la prime de treizième mois aux salariés [H] et autres devait « être analysé comme un avantage alloué unilatéralement et discrétionnairement à certains employés affectés sur le site de la polyclinique de [Localité 2] », la cour d'appel s'est bornée à affirmer que « cette prime de treizième mois correspondant à 100 % du salaire brut mensuel a été attribuée non seulement en novembre 2012 (?), mais aussi en novembre 2013 (?), novembre 2014 (?), novembre 2018 (?), et ce alors même qu'aucune décision de justice ne l'imposait à l'employeur » ; qu'en statuant ainsi, sans cependant rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si la remise en cause systématique par la société ESPS, via l'appel et le pourvoi en cassation, de l'ensemble des décisions judiciaires l'ayant condamnée à verser la prime de treizième mois aux salariés du site de [Localité 2] n'était pas de nature à exclure toute volonté libre d'accorder à ces derniers la prime litigieuse, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L. 1221-1 5 du code du travail et 1103 et 1104 du code civil ;

5°/ que l'exposante avait insisté, dans ses conclusions d'appel, sur « la contradiction manifeste entre l'engagement unilatéral libéral qu'elle [ie la cour d'appel d'Aix en Provence] a retenu, et la volonté persistante de la société Elior de poursuivre les procédures afin de faire juger du caractère indu des sommes réclamées » ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef péremptoire des conclusions qui lui étaient soumises, dont il résultait pourtant que les versements litigieux ne reposaient sur aucune volonté libre de la société et qu'ainsi la différence de traitement avec les salariées [Q] et [O] était justifiée objectivement, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1221-1 du code du travail et 1103 et 1104 du code civil :

5. Pour faire droit à la demande des salariées en paiement d'une prime de treizième mois, les arrêts retiennent d'abord qu'il résulte des bulletins de salaire produits que cette prime de treizième mois a été attribuée non seulement en novembre 2012 (Mme [H]), mais aussi en novembre 2013 (Mmes [H], [R], [X], [I], M. [E]), novembre 2014 (Mme [H]), novembre 2018 (Mme [R]) et ce alors même qu'aucune décision de justice ne l'imposait à l'employeur, le jugement du conseil de prud'hommes ayant accordé à ces salariés un rappel de primes de treizième mois ayant été prononcé seulement le 5 janvier 2015, que cette réitération du versement de la prime entre 2012 et 2014 contredit la thèse de l'erreur avancée par l'employeur, que celui-ci ne démontrant pas avoir commis une erreur, le versement d'une prime de treizième mois effectué entre 2012 et 2014 au profit de quelques salariés de l'entreprise doit en conséquence être analysé comme un avantage alloué unilatéralement et discrétionnairement à certains employés affectés sur le site de la polyclinique de [Localité 2], sans que l'employeur soit en mesure d'invoquer des raisons objectives et pertinentes justifiant la différence de traitement que ce versement a occasionné entre les salariées exerçant sur le site de la polyclinique de [Localité 2] et les salariées parties au présent litige, que celles-ci, dont il n'est pas contesté qu'elles se trouvent dans une situation de travail de valeur égale aux cinq salariés affectés sur le site de la polyclinique de [Localité 2] auxquels elles se comparent sont donc fondées à solliciter le versement de la prime de treizième mois pour la période précédant l'année 2015. Les arrêts retiennent ensuite que l'employeur soutient qu'à compter de l'année 2015, c'est en application d'une décision de justice, assortie de l'exécution provisoire, qu'il a accordé cet avantage aux salariés auxquels les salariées se comparent, que celles-ci étant fondées à se prévaloir de l'inégalité de traitement résultant de l'avantage alloué unilatéralement à plusieurs salariés de la polyclinique de [Localité 2] entre 2012 et 2014, sans être justifié par l'employeur autrement que par une erreur non retenue par la cour d'appel, la circonstance que ces salariés auxquels elles se comparent auraient ensuite perçu ce même avantage pour d'autres motifs qui le justifieraient, ne saurait priver les salariées du droit à percevoir l'élément de rémunération qui leur est dû en application de l'égalité de traitement dès leur embauche, que les salariées restent donc encore fondées en leur demande du versement d'un treizième mois à compter de 2015.

6. En se déterminant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que, par jugement du 5 janvier 2015, le conseil de prud'hommes de Narbonne avait fait droit à la demande de plusieurs salariés de la polyclinique de [Localité 2] et notamment à Mmes [H], [R], [X], [I] et M. [E], lesquels avaient saisi la juridiction le 27 septembre 2012 pour réclamer un rappel de prime de treizième mois, sur le fondement de l'égalité de traitement, en se comparant à des salariés affectés sur le site du centre hospitalier [1] à [Localité 1], que, par ailleurs, trente-cinq salariés exerçant au sein de la polyclinique de [Localité 2] avaient, sur le même fondement, saisi aussi le conseil de prud'hommes de Narbonne en 2011 pour revendiquer la prime de treizième mois et avaient obtenu gain de cause par jugement du 2 avril 2012 confirmé sur ce point par arrêt de la cour d'appel de Montpellier rendu le 26 mars 2014 et sans rechercher, ainsi qu'il le lui était demandé, si la remise en cause par l'employeur de l'ensemble des décisions judiciaires l'ayant condamné à verser une prime de treizième mois à certains salariés de la polyclinique de [Localité 2] ne suffisait pas à exclure tout engagement unilatéral de l'employeur de la leur attribuer, la cour d'appel, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

7. L'employeur fait grief aux arrêts de le condamner à verser au syndicat une certaine somme à titre de dommages-intérêts, alors « que la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera, par voie de conséquence, la cassation sur le second moyen, en application de l'article 625 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

8. La cassation à intervenir sur le premier moyen entraîne la cassation par voie de conséquence du chef de dispositif critiqué par le second moyen relatif aux dommages-intérêts versés au syndicat pour violation du principe d'égalité de traitement, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils condamnent la société ESPS à verser à Mmes [Q], [O], [V] et [K] une certaine somme à titre de rappel de prime de treizième mois, outre une certaine somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens, et en ce qu'ils condamnent la société ESPS à payer au syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône une certaine somme à titre de dommages-intérêts, les arrêts rendus le 31 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne Mmes [Q], [O], [V] et [K] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens communs produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Elior services propreté et santé, demanderesse aux pourvois n° Y 20-14.844 et Z 2014.845

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief aux arrêts infirmatifs attaqués d'avoir condamné la société ESPS à verser aux salariées [Q] et [O] un rappel de prime de 13ème mois, outre la somme de 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Aux motifs que [la salariée] recrutée par la société ELIOR en 2014 sollicite l'attribution d'une prime de 13ème mois en comparant sa situation avec des salariés affectés sur le site de la polyclinique de [Localité 2] et des salariées travaillant au sein de la clinique [2] à [Localité 1] ; que l'examen des bulletins de paie des salariés de l'entreprise ayant travaillé sur le site de la polyclinique de [Localité 2] révèle le versement, en novembre 2012 ([H]), novembre 2013 ([X], [R], [I], [E], [H]), novembre 2014 ([H]), d'un 13ème mois sur la base de 100% du salaire mensuel brut de base (au prorata du temps de présence dans l'entreprise au cours de l'année) ; qu'en l'espèce, les bulletins de salaire produits aux débats permettent de constater que [la salariée] a perçu un 13ème mois ou une prime de fin d'année au titre de la période considérée 2014 à 2017 (?) ; que selon les termes du contrat de travail, ce 13ème mois correspond à 75% du salaire mensuel brut ; qu'il n'est pas contesté que [la salariée] n'a donc perçu que partiellement cette prime de 13ème mois, au moins pour la période dont elle justifie par les bulletins de salaire qu'elle verse aux débats, et effectue un travail égal ou de valeur égal à celui occupé par les salariés auxquels elle se compare ; que la différence de traitement ayant été mise en évidence par la salariée, il incombe dès lors à l'employeur de la justifier par des raisons objectives et pertinentes ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que l'attribution de la prime de 13ème mois correspondant à 100 % du salaire brut mensuel aux salariés susvisés du site de la polyclinique de [Localité 2] ne résulte ni d'un transfert du contrat de travail en application d'une garantie d'emploi, en application de l'article 7 de la Convention collective nationale des entreprises de propreté, ni d'un accord collectif négocié et signé par les organisations syndicales représentatives ou d'un protocole de fin de conflit ayant même valeur, ni du maintien d'un majoration de traitement consentie à certains salariés par un ancien employeur en application de l'article L. 1224-1 du Code du travail, mais la société ELIOR soutient que c'est par erreur que cette prime a été versée à deux reprises aux salariés du site de la polyclinique de [Localité 2] auxquels [la salariée] se compare, puis que c'est en raison de décisions de justice qu'elle a maintenu ce versement annuel à certains salariés ; que l'employeur, à qui il appartient de justifier des motifs du versement de cette prime de 13ème mois correspondant à 100 % du salaire brut mensuel et pour cela de démontrer l'erreur qu'il allègue afin d'expliquer et de justifier la différence de traitement qui en résulte entre ces salariés et la salariée appelante, produit deux attestations : - l'une, non datée, émane du Responsable du centre de services partagés de la société ELIOR, Monsieur [L], qui affirme que ladite erreur résulte d'un changement de programme informatique, le passage du système de paye Arcole au système Pléiades ne comportant pas de ligne PFA mais une ligne 13ème mois, - l'autre émane d'une Responsable de site, Madame [W], qui explique qu'après avoir été condamné à verser un rappel de cette prime à des salariés par le Conseil de prud'hommes de [Localité 2] en avril 2012, l'employeur s'était exécuté mais avait en outre, par erreur, également versé la prime à d'autres salariés avant tout jugement les concernant ; qu'ainsi, l'explication donnée sur l'origine de l'erreur, humaine ou informatique, est différente selon les deux attestations versées et que la réitération du versement de la prime entre 2012 et 2014 contredit la thèse de l'erreur avancée par ELIOR ; que par ailleurs, il résulte des bulletins de salaire produits que cette prime de 13ème correspondant à 100 % du salaire brut mensuel a été attribuée non seulement en novembre 2012 (Madame [H]), mais aussi en novembre 2013 (Mmes [H], [R], [X], [I], [E]), novembre 2014 (Madame [H]), novembre 2018 (Madame [R]), et ce alors même qu'aucune décision de justice ne l'imposait à l'employeur, le jugement du Conseil de prud'hommes ayant accordé à ces salariés un rappel de primes de 13ème mois ayant été prononcé seulement le 5 janvier 2015 et le jugement du Conseil de prud'hommes de Narbonne du 2 avril 2012 ayant été rendu à l'égard de 35 salariés autres que ceux auxquels l'appelante se compare ; que la société ELIOR ne démontrant pas avoir commis une erreur, le versement d'une prime de 13ème mois correspondant à 100 % du salaire brut mensuel effectué entre 2012 et 2017 [ie 2018] au profit de quelques salariés de l'entreprise doit en conséquence être analysé comme un avantage alloué unilatéralement et discrétionnairement à certains employés affectés sur le site de la polyclinique de [Localité 2], sans que l'employeur soit en mesure d'invoquer des raisons objectives et pertinentes justifiant la différence de traitement que ce versement a occasionné entre les salariés exerçant sur le site de Polyclinique de [Localité 2] et [la salariée] ; que [la salariée], dont il n'est pas contesté qu'elle se trouve dans une situation de travail de valeur égale aux 5 salariés affectés sur le site de la polyclinique de [Localité 2] auxquels elle se compare est donc fondée à se prévaloir de l'inégalité de traitement résultant de l'avantage alloué unilatéralement à plusieurs salariés de la polyclinique de [Localité 2] entre 2012 et 2018, et correspondant à une prime de 13ème mois d'un montant de 100 % du salaire brut mensuel, sans être justifiée par l'employeur autrement que par une erreur non retenue par la Cour, la circonstance que lesdits salariés auraient ensuite perçu ce même avantage pour d'autres motifs qui le justifieraient, ne saurait priver la salariée du droit à percevoir l'élément de rémunération qui lui est dû en application de l'égalité de traitement dès son embauche ; que compte tenu de l'inégalité de traitement retenue de ce chef, la comparaison avec une salariée de la Clinique [2] à [Localité 1] est surabondante et ne nécessite pas une analyse dans le cadre du présent litige ; (?) que l'employeur ne présente aucune contestation relative au décompte présenté, ni d'élément permettant d'évaluer le rappel de salaire réclamé ; que compte tenu des seuls éléments communiqués par la salariée, et notamment les bulletins de salaire produits pour les périodes travaillées durant les années considérées (?), il sera fait droit à sa demande de ce chef; que le jugement ayant débouté la salariée de ce chef sera infirmé ;

ALORS, D'UNE PART, QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que pour condamner la société ESPS à verser aux salariées [Q] et [O] la prime de 13ème mois perçue par erreur par certains salariés du site de la polyclinique de [Localité 2], la Cour d'appel a affirmé que « l'explication donnée sur l'origine de l'erreur, humaine ou informatique, est différente selon les deux attestations versées », dès lors que « l'une, non datée, émane du Responsable du centre de services partagés de la société ELIOR, Monsieur [L], qui affirme que ladite erreur résulte d'un changement de programme informatique, le passage du système de paye Arcole au système Pléiades ne comportant pas de ligne PFA mais une ligne 13ème mois » et que « l'autre émane d'une Responsable de site, Madame [W], qui explique qu'après avoir été condamnée à verser un rappel de cette prime à des salariés par le Conseil de prud'hommes de Narbonne en avril 2012, l'employeur s'est exécuté mais avait en outre, par erreur, également versé la prime à d'autres salariés avant tout jugement les concernant » ; qu'en statuant ainsi, quand Monsieur [L] avait également relevé, dans son attestation, une « erreur du service paye » qui avait « vers[é] par erreur [la prime de 13ème mois] à quelques salariés ayant saisi le Conseil de prud'hommes et ce, sans attendre l'issue de la procédure ayant conduit à un jugement de condamnation » (pièce adverse n° 26 versée aux débats), ce dont il résultait que son attestation s'accordait avec celle de Madame [W] qui avait, elle aussi, relevé une « erreur comptable » imputable à « nos services de paye [qui] ont donc procédé, dès notre condamnation, aux règlements nécessaires, mais [qui] ont toutefois commis une erreur en attribuant cette prime à quelques salariés ayant engagé eux aussi une procédure prud'homale à l'encontre d'ESPS, sans attendre le jugement de condamnation » (pièce adverse n° 27 versée aux débats), la Cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis, en violation du principe susvisé ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE constitue un engagement unilatéral de l'employeur l'expression de la volonté libre et explicite de ce dernier de consentir un avantage à ses salariés ; que pour condamner l'exposante à verser aux salariées [Q] et [O] un rappel de prime de 13ème mois, la Cour d'appel s'est bornée à affirmer que « la réitération du versement de la prime entre 2012 et 2014 contredit la thèse de l'erreur avancée par ELIOR » dès lors « qu'aucune décision de justice ne l'imposait à l'employeur, le jugement du conseil de prud'hommes ayant accordé à ces salariés un rappel de primes de 13ème mois ayant été prononcé seulement le 5 janvier 2015 et le jugement du conseil de prud'hommes de Narbonne du 2 avril 2012 ayant été rendu à l'égard de 35 salariés autres que ceux auxquels l'appelante se compare » ; qu'en statuant ainsi, sans cependant rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si la réitération, en 2013 et 2014, du versement de la prime de 13ème mois aux salariés [H] et autres du site de [Localité 2] ne résultait pas du lien étroit existant entre le contentieux engagé par 35 salariés du site de [Localité 2] - qui avaient obtenu gain de cause sur la prime de 13ème mois par jugement du Conseil de prud'hommes de Narbonne du 2 avril 2012 puis par arrêt de la Cour d'appel de Montpellier du 26 mars 2014 - et le contentieux des salariés [H] et autres dont les jugements avant dire droit rendus par ce même conseil de prud'hommes le 29 avril 2013 avaient sursis à statuer dans l'attente de la décision de la Cour d'appel de Montpellier susvisée, ce dont il résultait que les versements litigieux ne reposaient sur aucune volonté libre de l'employeur, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 du Code du travail et 1103 et 1104 du Code civil ;

ALORS, DE TROISIEME PART, QUE constitue un engagement unilatéral de l'employeur l'expression de la volonté libre et explicite de ce dernier de consentir un avantage à ses salariés; qu'après avoir constaté « la réitération du versement de la prime entre 2012 et 2014 », la Cour d'appel a cru pouvoir se fonder, pour retenir l'existence d'un « avantage alloué unilatéralement à plusieurs salariés de la polyclinique de [Localité 2] entre 2012 et 2018 », sur un autre versement effectué en « novembre 2018 [à] Madame [R], et ce alors même qu'aucune décision de justice ne l'imposait à l'employeur » ; qu'en statuant ainsi, quand le versement de novembre 2018 ne résultait pas d'une volonté libre de l'employeur, mais des jugements du Conseil de prud'hommes de Narbonne du 5 janvier 2015 reconnaissant le droit des salariés [H] et autres à percevoir la prime de 13ème mois et qui avaient retrouvé leur force exécutoire après la cassation, le 13 décembre 2017, des arrêts de la Cour d'appel de Montpellier du 20 janvier 2016, la Cour d'appel a violé les articles L. 1221-1 du Code du travail et 1103 et 1104 du Code civil, ensemble l'article 625 du Code de procédure civile ;

ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE constitue un engagement unilatéral de l'employeur l'expression de la volonté libre et explicite de ce dernier de consentir un avantage à ses salariés; que pour juger que le versement de la prime de 13ème mois aux salariés [H] et autres devait « être analysé comme un avantage alloué unilatéralement et discrétionnairement à certains employés affectés sur le site de la polyclinique de [Localité 2] », la Cour d'appel s'est bornée à affirmer que « cette prime de 13ème mois correspondant à 100 % du salaire brut mensuel a été attribuée non seulement en novembre 2012 (?), mais aussi en novembre 2013 (?), novembre 2014 (?), novembre 2018 (?), et ce alors même qu'aucune décision de justice ne l'imposait à l'employeur » ; qu'en statuant ainsi, sans cependant rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si la remise en cause systématique par la société ESPS, via l'appel et le pourvoi en cassation, de l'ensemble des décisions judiciaires l'ayant condamnée à verser la prime de 13ème mois aux salariés du site de [Localité 2] n'était pas de nature à exclure toute volonté libre d'accorder à ces derniers la prime litigieuse, la Cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L. 1221-1 5 du Code du travail et 1103 et 1104 du Code civil

ALORS, DE CINQUIEME PART et subsidiairement à la quatrième branche, QUE l'exposante avait insisté, dans ses conclusions d'appel, sur « la contradiction manifeste entre l'engagement unilatéral libéral qu'elle [ie la Cour d'appel d'Aix en Provence] a retenu, et la volonté persistante de la société ELIOR de poursuivre les procédures afin de faire juger du caractère indu des sommes réclamées » (page 10) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef péremptoire des conclusions qui lui étaient soumises, dont il résultait pourtant que les versements litigieux ne reposaient sur aucune volonté libre de la société et qu'ainsi la différence de traitement avec les salariées [Q] et [O] était justifiée objectivement, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS, DE SIXIEME PART, QUE lorsque la différence de traitement invoquée trouve sa source et sa justification dans l'effet relatif de la chose jugée, les salariés ne peuvent revendiquer un avantage sur le seul fondement des effets d'une décision rendue dans une instance où ils n'étaient ni parties ni représentés ; qu'en affirmant, pour condamner la société ESPS à verser aux salariées [Q] et [O] la prime de 13ème mois versée aux salariés [H] et autres, que « la circonstance que lesdits salariés auraient ensuite perçu ce même avantage pour d'autres motifs qui le justifieraient ne sauraient priver la salariée du droit à percevoir l'élément de rémunération qui lui est dû en application de l'égalité de traitement dès son embauche », quand elle avait expressément relevé que « le jugement du conseil de prud'hommes ayant accordé à ces salariés un rappel de primes de 13ème mois a[vait] été prononcé (?) le 5 janvier 2015 », ce dont il résultait nécessairement que cette décision de justice constituait une raison objective et pertinente justifiant la différence de traitement avec les salariées [Q] et [O] qui n'étaient pas parties au procès, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé le principe d'égalité de traitement ;

ALORS, DE SEPTIEME PART, et subsidiairement aux première, deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches, QU'en se bornant à affirmer, pour condamner la société exposante à verser aux salariées [Q] et [O] une prime de 13ème mois pour les années postérieures à 2014, qu'un « avantage [avait été] alloué unilatéralement à plusieurs salariés de la polyclinique de [Localité 2] entre 2012 et 2018 » et que « la circonstance que lesdits salariés auraient ensuite perçu ce même avantage pour d'autres motifs qui le justifieraient ne saurait priver la salariée du droit à percevoir l'élément de rémunération qui lui est dû en application de l'égalité de traitement dès son embauche », sans cependant rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si l'engagement unilatéral de la société ESPS à verser la prime de 13ème mois aux salariés [H] et autres à compter de 2012 n'avait pas été dénoncé par les jugements du Conseil de prud'hommes de Narbonne rendus le 5 janvier 2015 et qui avaient retrouvé leur force exécutoire après l'arrêt de la Cour de cassation du 13 décembre 2017, de sorte que la différence de traitement avec les salariées [Q] et [O], qui n'étaient pas parties au procès, était justifiée objectivement pour la période postérieure au 5 janvier 2015, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe d'égalité de traitement et des règles relatives à la dénonciation des engagements unilatéraux ;

ALORS, ENFIN et subsidiairement aux première, deuxième, troisième, quatrième, cinquième et septième branches, QUE l'intervention d'une décision de justice se substitue à l'engagement unilatéral de l'employeur dès lors que celui-ci a le même objet et s'applique aux mêmes personnes, peu important que l'engagement n'ait pas été préalablement dénoncé ; qu'en se bornant à affirmer, pour condamner la société exposante à verser aux salariées [Q] et [O] une prime de 13ème mois pour les années postérieures à 2014, que « [la salariée] est donc fondée à se prévaloir de l'inégalité de traitement résultant de l'avantage alloué unilatéralement à plusieurs salariés de la polyclinique de [Localité 2] entre 2012 et 2018, et correspondant à une prime de 13ème mois d'un montant de 100 % du salaire brut mensuel, sans être justifiée par l'employeur autrement que par une erreur non retenue par la Cour, la circonstance que lesdits salariés auraient ensuite perçu ce même avantage pour d'autres motifs qui le justifieraient ne saurait priver la salariée du droit à percevoir l'élément de rémunération qui lui est dû en application de l'égalité de traitement dès son embauche », sans cependant rechercher si les jugements du 5 janvier 2015 rendus au profit des salariés [H] et autres - et qui avaient retrouvé leur force exécutoire après l'arrêt de cassation du 13 décembre 2017 - ne s'étaient pas substitués à l'engagement unilatéral que ces salariés bénéficiaient antérieurement, de sorte que la différence de traitement avec les salariées [Q] et [O], qui n'étaient pas parties au procès, était justifiée objectivement pour la période postérieure au 5 janvier 2015, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des règles régissant la révocation des usages et engagements unilatéraux et du principe d'égalité de traitement.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief aux arrêts infirmatifs attaqués d'avoir condamné la société ESPS à verser au syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches du Rhône la somme de 50 € par salariée à titre de dommages et intérêts ;

Aux motifs que la violation du principe de l'égalité de traitement quant à l'attribution d'une prime de 13ème mois justifie que la société ELIOR soit condamnée à verser au syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches du Rhône la somme de 50 € à titre de dommages et intérêts ;

ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera, par voie de conséquence, la cassation sur le second moyen, en application de l'article 625 du Code de procédure civile. Moyens communs produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Elior services propreté et santé, demanderesse aux pourvois n° A 20-14.846 et B 20-14.847

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief aux arrêts infirmatifs attaqués d'avoir condamné la société ESPS à verser aux salariées [V] et MEDJA un rappel de prime de 13ème mois, outre la somme de 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Aux motifs que [la salariée] recrutée par la société ELIOR en 2014 sollicite l'attribution d'une prime de 13ème mois en comparant sa situation avec des salariés affectés sur le site de la polyclinique de [Localité 2] et des salariées travaillant au sein de la clinique [2] à [Localité 1] ; que l'examen des bulletins de paie des salariés de l'entreprise ayant travaillé sur le site de la polyclinique de [Localité 2] révèle le versement, en novembre 2012 ([H]), novembre 2013 ([X], [R], [I], [E], [H]), novembre 2014 ([H]), d'un 13ème mois sur la base de 100% du salaire mensuel brut de base (au prorata du temps de présence dans l'entreprise au cours de l'année) ; qu'il n'est pas contesté que [la salariée] n'a pas perçu cette prime de 13ème mois, au moins pour les périodes dont elle justifie par les bulletins de salaire qu'elle verse aux débats, et effectue un travail égal ou de valeur égal à celui occupé par les salariés auxquels elle se compare ; que la différence de traitement ayant été mise en évidence par la salariée, il incombe dès lors à l'employeur de la justifier par des raisons objectives et pertinentes ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que l'attribution de la prime de 13ème mois à ces salariés du site de la polyclinique de [Localité 2] ne résulte ni d'un transfert du contrat de travail en application d'une garantie d'emploi, en application de l'article 7 de la Convention collective nationale des entreprises de propreté, ni d'un accord collectif négocié et signé par les organisations syndicales représentatives ou d'un protocole de fin de conflit ayant même valeur, ni du maintien d'un majoration de traitement consentie à certains salariés par un ancien employeur en application de l'article L. 1224-1 du Code du travail, mais la société ELIOR soutient que c'est par erreur que cette prime a été versée à deux reprises aux salariés du site de la polyclinique de [Localité 2] auxquels [la salariée] se compare, puis que c'est en raison de décisions de justice qu'elle a maintenu ce versement annuel à certains salariés ; que l'employeur, à qui il appartient de justifier des motifs du versement de cette prime de 13ème mois et pour cela de démontrer l'erreur qu'il allègue afin d'expliquer et de justifier la différence de traitement qui en résulte entre ces salariés et la salariée appelante, produit deux attestations : - l'une, non datée, émane du Responsable du centre de services partagés de la société ELIOR, Monsieur [L], qui affirme que ladite erreur résulte d'un changement de programme informatique, le passage du système de paye Arcole au système Pléiades ne comportant pas de ligne PFA mais une ligne 13ème mois, - l'autre émane d'une Responsable de site, Madame [W], qui explique qu'après avoir été condamné à verser un rappel de cette prime à des salariés par le Conseil de prud'hommes de Narbonne en avril 2012, l'employeur s'était exécuté mais avait en outre, par erreur, également versé la prime à d'autres salariés avant tout jugement les concernant ; qu'ainsi, l'explication donnée sur l'origine de l'erreur, humaine ou informatique, est différente selon les deux attestations versées et que la réitération du versement de la prime entre 2012 et 2014 contredit la thèse de l'erreur avancée par ELIOR ; que par ailleurs, il résulte des bulletins de salaire produits que cette prime de 13ème mois a été attribuée non seulement en novembre 2012 (Madame [H]), mais aussi en novembre 2013 (Mmes [H], [R], [X], [I], [E]), novembre 2014 (Madame [H]), novembre 2018 (Madame [R]), et ce alors même qu'aucune décision de justice ne l'imposait à l'employeur, le jugement du Conseil de prud'hommes ayant accordé à ces salariés un rappel de primes de 13ème mois ayant été prononcé seulement le 5 janvier 2015 et le jugement du Conseil de prud'hommes de Narbonne du 2 avril 2012 ayant été rendu à l'égard de 35 salariés autres que ceux auxquels l'appelante se compare ; que la société ELIOR ne démontrant pas avoir commis une erreur, le versement d'une prime de 13ème mois effectué entre 2012 et 2018 au profit de quelques salariés de l'entreprise doit en conséquence être analysé comme un avantage alloué unilatéralement et discrétionnairement à certains employés affectés sur le site de la polyclinique de [Localité 2], sans que l'employeur soit en mesure d'invoquer des raisons objectives et pertinentes justifiant la différence de traitement que ce versement a occasionné entre les salariés exerçant sur le site de Polyclinique de [Localité 2] et [la salariée] ; que [la salariée], dont il n'est pas contesté qu'elle se trouve dans une situation de travail de valeur égale aux 5 salariés affectés sur le site de la polyclinique de [Localité 2] auxquels elle se compare est donc fondée à se prévaloir de l'inégalité de traitement résultant de l'avantage alloué unilatéralement à plusieurs salariés de la polyclinique de [Localité 2] entre 2012 et 2018, sans être justifiée par l'employeur autrement que par une erreur non retenue par la Cour, la circonstance que lesdits salariés auraient ensuite perçu ce même avantage pour d'autres motifs qui le justifieraient, ne saurait priver la salariée du droit à percevoir l'élément de rémunération qui lui est dû en application de l'égalité de traitement dès son embauche ; que compte tenu de l'inégalité de traitement retenue de ce chef, la comparaison avec une salariée de la Clinique [2] à [Localité 1] est surabondante et ne nécessite pas une analyse dans le cadre du présent litige ; (?) que l'employeur ne présente aucune contestation relative au décompte présenté, ni d'élément permettant d'évaluer le rappel de salaire réclamé ; que compte tenu des seuls éléments communiqués par la salariée, et notamment les bulletins de salaire produits pour les périodes travaillées durant les années considérées, il sera fait droit à sa demande de ce chef; que le jugement ayant débouté la salariée de ce chef sera infirmé ;

ALORS, D'UNE PART, QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que pour condamner la société ESPS à verser aux salariées [V] et MEDJA la prime de 13èmemois perçue par erreur par certains salariés du site de la polyclinique de [Localité 2], la Cour d'appel a affirmé que « l'explication donnée sur l'origine de l'erreur, humaine ou informatique, est différente selon les deux attestations versées », dès lors que « l'une, non datée, émane du Responsable du centre de services partagés de la société ELIOR, Monsieur [L], qui affirme que ladite erreur résulte d'un changement de programme informatique, le passage du système de paye Arcole au système Pléiades ne comportant pas de ligne PFA mais une ligne 13ème mois » et que « l'autre émane d'une Responsable de site, Madame [W], qui explique qu'après avoir été condamnée à verser un rappel de cette prime à des salariés par le Conseil de prud'hommes de Narbonne en avril 2012, l'employeur s'est exécuté mais avait en outre, par erreur, également versé la prime à d'autres salariés avant tout jugement les concernant » ; qu'en statuant ainsi, quand Monsieur [L] avait également relevé, dans son attestation, une « erreur du service paye » qui avait « vers[é] par erreur [la prime de 13ème mois] à quelques salariés ayant saisi le Conseil de prud'hommes et ce, sans attendre l'issue de la procédure ayant conduit à un jugement de condamnation » (pièce adverse n° 26 versée aux débats), ce dont il résultait que son attestation s'accordait avec celle de Madame [W] qui avait, elle aussi, relevé une « erreur comptable » imputable à « nos services de paye [qui] ont donc procédé, dès notre condamnation, aux règlements nécessaires, mais [qui] ont toutefois commis une erreur en attribuant cette prime à quelques salariés ayant engagé eux aussi une procédure prud'homale à l'encontre d'ESPS, sans attendre le jugement de condamnation » (pièce adverse n° 27 versée aux débats), la Cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis, en violation du principe susvisé ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE constitue un engagement unilatéral de l'employeur l'expression de la volonté libre et explicite de ce dernier de consentir un avantage à ses salariés ; que pour condamner l'exposante à verser aux salariées [V] et MEDJA un rappel de prime de 13ème mois, la Cour d'appel s'est bornée à affirmer que « la réitération du versement de la prime entre 2012 et 2014 contredit la thèse de l'erreur avancée par ELIOR » dès lors « qu'aucune décision de justice ne l'imposait à l'employeur, le jugement du conseil de prud'hommes ayant accordé à ces salariés un rappel de primes de 13ème mois ayant été prononcé seulement le 5 janvier 2015 et le jugement du conseil de prud'hommes de Narbonne du 2 avril 2012 ayant été rendu à l'égard de 35 salariés autres que ceux auxquels l'appelante se compare » ; qu'en statuant ainsi, sans cependant rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si la réitération, en 2013 et 2014, du versement de la prime de 13ème mois aux salariés [H] et autres du site de [Localité 2] ne résultait pas du lien étroit existant entre le contentieux engagé par 35 salariés du site de [Localité 2] - qui avaient obtenu gain de cause sur la prime de 13ème mois par jugement du Conseil de prud'hommes de Narbonne du 2 avril 2012 puis par arrêt de la Cour d'appel de Montpellier du 26 mars 2014 - et le contentieux des salariés [H] et autres dont les jugements avant dire droit rendus par ce même conseil de prud'hommes le 29 avril 2013 avaient sursis à statuer dans l'attente de la décision de la Cour d'appel de Montpellier susvisée, ce dont il résultait que les versements litigieux ne reposaient sur aucune volonté libre de l'employeur, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 du Code du travail et 1103 et 1104 du Code civil ;

ALORS, DE TROISIEME PART, QUE constitue un engagement unilatéral de l'employeur l'expression de la volonté libre et explicite de ce dernier de consentir un avantage à ses salariés; qu'après avoir constaté « la réitération du versement de la prime entre 2012 et 2014 », la Cour d'appel a cru pouvoir se fonder, pour retenir l'existence d'un « avantage alloué unilatéralement à plusieurs salariés de la polyclinique de [Localité 2] entre 2012 et 2018 », sur un autre versement effectué en « novembre 2018 [à] Madame [R], et ce alors même qu'aucune décision de justice ne l'imposait à l'employeur » ; qu'en statuant ainsi, quand le versement de novembre 2018 ne résultait pas d'une volonté libre de l'employeur, mais des jugements du Conseil de prud'hommes de Narbonne du 5 janvier 2015 reconnaissant le droit des salariés [H] et autres à percevoir la prime de 13ème mois et qui avaient retrouvé leur force exécutoire après la cassation, le 13 décembre 2017, des arrêts de la Cour d'appel de Montpellier du 20 janvier 2016, la Cour d'appel a violé les articles L. 1221-1 du Code du travail et 1103 et 1104 du Code civil, ensemble l'article 625 du Code de procédure civile ;

ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE constitue un engagement unilatéral de l'employeur l'expression de la volonté libre et explicite de ce dernier de consentir un avantage à ses salariés; que pour juger que le versement de la prime de 13ème mois aux salariés [H] et autres devait « être analysé comme un avantage alloué unilatéralement et discrétionnairement à certains employés affectés sur le site de la polyclinique de [Localité 2] », la Cour d'appel s'est bornée à affirmer que « cette prime de 13ème mois a été attribuée non seulement en novembre 2012 (?), mais aussi en novembre 2013 (?), novembre 2014 (?), novembre 2018 (?), et ce alors même qu'aucune décision de justice ne l'imposait à l'employeur » ; qu'en statuant ainsi, sans cependant rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si la remise en cause systématique par la société ESPS, via l'appel et le pourvoi en cassation, de l'ensemble des décisions judiciaires l'ayant condamnée à verser la prime de 13ème mois aux salariés du site de [Localité 2] n'était pas de nature à exclure toute volonté libre d'accorder à ces derniers la prime litigieuse, la Cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L. 1221-1 du Code du travail et 1103 5 et 1104 du Code civil

ALORS, DE CINQUIEME PART et subsidiairement à la quatrième branche, QUE l'exposante avait fait valoir, dans ses conclusions d'appel, que « la société ELIOR a toujours contesté devoir aux salariés affectés sur le site de la polyclinique de [Localité 2] une prime de 13ème mois égale à 100 % de leur salaire mensuel et sollicité le rejet des demandes formulées par ses salariés à cet égard devant tous les degrés de juridiction » (page 28) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef péremptoire des conclusions qui lui étaient soumises, dont il résultait pourtant que les versements litigieux ne reposaient sur aucune volonté libre de la société et qu'ainsi la différence de traitement avec les salariées [V] et [K] était justifiée objectivement, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS, DE SIXIEME PART, QUE lorsque la différence de traitement invoquée trouve sa source et sa justification dans l'effet relatif de la chose jugée, les salariés ne peuvent revendiquer un avantage sur le seul fondement des effets d'une décision rendue dans une instance où ils n'étaient ni parties ni représentés ; qu'en affirmant, pour condamner la société ESPS à verser aux salariées [V] et MEDJA la prime de 13ème mois versée aux salariés [H] et autres, que « la circonstance que lesdits salariés auraient ensuite perçu ce même avantage pour d'autres motifs qui le justifieraient ne sauraient priver la salariée du droit à percevoir l'élément de rémunération qui lui est dû en application de l'égalité de traitement dès son embauche », quand elle avait expressément relevé que « le jugement du conseil de prud'hommes ayant accordé à ces salariés un rappel de primes de 13ème mois a[vait] été prononcé (?) le 5 janvier 2015 », ce dont il résultait nécessairement que cette décision de justice constituait une raison objective et pertinente justifiant la différence de traitement avec les salariées [V] et MEDJA qui n'étaient pas parties au procès, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé le principe d'égalité de traitement ;

ALORS, DE SEPTIEME PART, et subsidiairement aux première, deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches, QU'en se bornant à affirmer, pour condamner la société exposante à verser aux salariées [V] et MEDJA une prime de 13ème mois pour les années postérieures à 2014, qu'un « avantage [avait été] alloué unilatéralement à plusieurs salariés de la polyclinique de [Localité 2] entre 2012 et 2018 » et que « la circonstance que lesdits salariés auraient ensuite perçu ce même avantage pour d'autres motifs qui le justifieraient ne saurait priver la salariée du droit à percevoir l'élément de rémunération qui lui est dû en application de l'égalité de traitement dès son embauche », sans cependant rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si l'engagement unilatéral de la société ESPS à verser la prime de 13ème mois aux salariés [H] et autres à compter de 2012 n'avait pas été dénoncé par les jugements du Conseil de prud'hommes de Narbonne rendus le 5 janvier 2015 et qui avaient retrouvé leur force exécutoire après l'arrêt de la Cour de cassation du 13 décembre 2017, de sorte que la différence de traitement avec les salariées [V] et MEDJA, qui n'étaient pas parties au procès, était justifiée objectivement pour la période postérieure au 5 janvier 2015, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe d'égalité de traitement et des règles relatives à la dénonciation des engagements unilatéraux ;

ALORS, ENFIN et subsidiairement aux première, deuxième, troisième, quatrième, cinquième et septième branches, QUE l'intervention d'une décision de justice se substitue à l'engagement unilatéral de l'employeur dès lors que celui-ci a le même objet et s'applique aux mêmes personnes, peu important que l'engagement n'ait pas été préalablement dénoncé ; qu'en se bornant à affirmer, pour condamner la société exposante à verser aux salariées [V] et MEDJA une prime de 13ème mois pour les années postérieures à 2014, que « [la salariée] est donc fondée à se prévaloir de l'inégalité de traitement résultant de l'avantage alloué unilatéralement à plusieurs salariés de la polyclinique de [Localité 2] entre 2012 et 2018, sans être justifiée par l'employeur autrement que par une erreur non retenue par la Cour, la circonstance que lesdits salariés auraient ensuite perçu ce même avantage pour d'autres motifs qui le justifieraient ne saurait priver la salariée du droit à percevoir l'élément de rémunération qui lui est dû en application de l'égalité de traitement dès son embauche », sans cependant rechercher si les jugements du 5 janvier 2015 rendus au profit des salariés [H] et autres - et qui avaient retrouvé leur force exécutoire après l'arrêt de cassation du 13 décembre 2017 - ne s'étaient pas substitués à l'engagement unilatéral que ces salariés bénéficiaient antérieurement, de sorte que la différence de traitement avec les salariées [V] et MEDJA, qui n'étaient pas parties au procès, était justifiée objectivement pour la période postérieure au 5 janvier 2015, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des règles régissant la révocation des usages et engagements unilatéraux et du principe d'égalité de traitement.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief aux arrêts infirmatifs attaqués d'avoir condamné la société ESPS à verser au syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches du Rhône la somme de 50 € par salariée à titre de dommages et intérêts ;

Aux motifs que la violation du principe de l'égalité de traitement quant à l'attribution d'une prime de 13ème mois justifie que la société ELIOR soit condamnée à verser au syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches du Rhône la somme de 50 € à titre de dommages et intérêts ;

ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera, par voie de conséquence, la cassation sur le second moyen, en application de l'article 625 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-14844;20-14845;20-14846;20-14847
Date de la décision : 20/10/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 31 janvier 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 20 oct. 2021, pourvoi n°20-14844;20-14845;20-14846;20-14847


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.14844
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