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13/10/2021 | FRANCE | N°20-15145

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 13 octobre 2021, 20-15145


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

SG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 13 octobre 2021

Cassation partielle

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 706 F-D

Pourvoi n° A 20-15.145

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 OCTOBRE 2021

M. [V] [W], domicilié [Adresse 2], a formé le po

urvoi n° A 20-15.145 contre l'arrêt rendu le 9 janvier 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-8), dans le litige l'opposant à la ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

SG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 13 octobre 2021

Cassation partielle

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 706 F-D

Pourvoi n° A 20-15.145

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 OCTOBRE 2021

M. [V] [W], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° A 20-15.145 contre l'arrêt rendu le 9 janvier 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-8), dans le litige l'opposant à la société La Corrida, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], représentée par M. [N] [O], liquidateur, domicilié [Adresse 3],

défenderesse à la cassation.

La société La Corrida, représentée par M. [N] [O], liquidateur, a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. David, conseiller, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de M. [W], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société La Corrida, représentée par M. [N] [O], liquidateur, après débats en l'audience publique du 7 septembre 2021 où étaient présents Mme Teiller, président, M. David, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 9 janvier 2020), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ. 7 février 2019, pourvoi n° 17-31.807), le 1er août 2005, [I] [W], aux droits de laquelle se trouve M. [W], a donné à bail à la société La Corrida des locaux à usage commercial.

2. Le 26 mai 2011, M. [W] a signifié à la société La Corrida un congé à effet du 30 novembre 2011 comportant refus de renouvellement et d'indemnité d'éviction.

3. La société La Corrida a contesté le congé et demandé le paiement d'une indemnité d'éviction, ainsi que d'une indemnité compensatrice des redevances de location-gérance dont elle avait été privée en raison de son départ des lieux loués le 1er mai 2014.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

4. M. [W] fait grief à l'arrêt de dire que la demande en paiement des redevances de location-gérance présentée par la société La Corrida suppose qu'en soit estimé le montant et, en conséquence, de donner pour mission à l'expert désigné de donner son avis sur ce montant, alors :

« 1°/ que, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter des prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ; que M. [W] avait conclu à l'irrecevabilité de la demande de la société La Corrida tendant à l'indemnisation d'une perte de redevances de location-gérance en invoquant la nouveauté de cette prétention, soulevée pour la première fois en cause d'appel et plus précisément lors de l'instance ayant précédé l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 16 novembre 2017 ; qu'en se bornant, pour écarter cette fin de non-recevoir, à affirmer que la demande en paiement des loyers de location-gérance ne constituait pas une prétention nouvelle en cause d'appel, sans assortir cette assertion péremptoire du moindre motif de nature à la justifier, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 564 du code de procédure civile ;

2°/ que le juge ne peut laisser incertain le fondement juridique de sa décision ; que tandis que la société La Corrida avait sollicité l'indemnisation d'une perte de redevance de location-gérance en se fondant exclusivement sur les règles gouvernant le droit au maintien dans les lieux, la cour d'appel paraît avoir admis le bien-fondé en son principe de cette demande, au seul motif que des redevances de location-gérance étaient susceptibles d'avoir été perdues en raison de la fin du contrat de bail ; qu'en laissant de la sorte totalement incertain le point de savoir si le droit à l'indemnisation avait selon elle pour fondement, comme cela lui était suggéré par la société La Corrida, les règles gouvernant le droit au maintien dans les lieux du locataire évincé jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction ou un prétendu droit du locataire évincé à percevoir, en plus de l'indemnité d'éviction compensatrice de la perte de son fonds de commerce, une indemnité distincte représentative d'une perte de revenu locatif, la cour d'appel a privé son arrêt de toute base légale au regard de l'article 12 du code de procédure civile ;

3°/ Que l'indemnité d'éviction étant égale au préjudice causé par le refus de renouvellement, celle-ci assure à elle seule la réparation intégrale de tous les préjudices résultant de l'éviction et de la perte du fonds de commerce ; que dès lors, en paraissant admettre le bien-fondé en son principe d'une demande indemnitaire ayant pour objet la compensation du préjudice résultant pour le commerçant ayant donné son fonds en location-gérance de la perte de ses revenus locatifs et qui s'ajouterait à l'indemnité d'éviction, sans avoir recherché, comme elle y était pourtant invitée, si cette demande ne poursuivait pas la réparation d'un préjudice ayant déjà vocation à être couvert par l'indemnité d'éviction par ailleurs sollicitée, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L 145-14 du code de commerce ;

4°/ que, subsidiairement, l'exécution d'une décision de justice ultérieurement censurée ne peut donner lieu qu'à restitution et ne peut en aucun cas être imputée à faute ; qu'aussi bien, s'il faut considérer que le droit à indemnisation que les juges paraissent avoir reconnu à la société La Corrida au titre de la perte de redevances de location-gérance est fondé sur son droit à se maintenir dans les lieux, tel qu'il dérive rétrospectivement des arrêts de cassation ayant mis à néant la décision d'expulsion de la société locataire et ouvert à celle-ci le droit au paiement d'une indemnité d'éviction, la cour d'appel ne pouvait mettre à la charge de M. [W], en l'absence de toute faute susceptible de lui être imputée, une indemnité couvrant la perte de redevances qu'il n'avait pas lui-même perçues en exécution des décisions censurées et qui étaient dès lors insusceptibles de restitution, sauf à violer l'article L 111-11 du code de procédure civile d'exécution et l'article L 145-28 du code de commerce ;

5°/ que, subsidiairement, le droit au maintien dans les lieux a pour contrepartie nécessaire l'obligation du locataire qui le revendique de verser au propriétaire une indemnité d'occupation ; qu'aussi bien, dès lors que la cour d'appel déniait à M. [W] tout droit au paiement d'une indemnité d'occupation au titre de la période postérieure au 1er mai 2014, supposée correspondre à la libération des lieux par la société la Corrida, celle-ci ne pouvait paradoxalement reconnaître à la locataire évincée un droit à être indemnisée d'une perte locative à compter de cette même date, quand la demande formée à ce titre par la société locataire trouvait selon elle son fondement dans son droit au maintien dans les lieux ; qu'à cet égard également, la cour d'appel a violé l'article L 145-28 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

5. La société La Corrida conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que l'arrêt se borne à ordonner une mesure d'expertise sans se prononcer sur le fond.

6.La cour d'appel a donné mission à l'expert de donner un avis sur le montant des redevances de location-gérance « susceptible d'avoir été perdues en raison de la fin du contrat de bail ».

7. Elle n'a donc statué ni sur la recevabilité ni sur le bien-fondé de la demande formée par la preneuse au titre de ces redevances.

8. Le moyen, qui ne critique pas une disposition tranchant une partie du principal, n'est donc pas recevable.

Sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

9. M. [W] fait grief à l'arrêt de dire qu'une indemnité mensuelle d'occupation d'un montant de 5 500 euros décidée par des dispositions non censurées de l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 16 novembre 2017 est due par la société La Corrida à M. [W] entre le 30 novembre 2011 et le 1er mai 2014, alors « que le juge ne peut statuer au prix d'une dénaturation d'un précédent jugement ; que par son précédent arrêt du 16 novembre 2017, la cour d'appel d'Aix-en-Provence avait, par une disposition non remise en cause par l'arrêt de cassation partiel ultérieurement intervenu, « fix(é) la créance de M. [W] à titre d'indemnité d'occupation mensuelle à la somme de 5 500 euros à compter du 30 novembre 2011, jusqu'à parfaite libération des lieux », sans nullement déterminer la date de cette libération ; qu'en considérant que l'arrêt du 16 novembre 2017 avait définitivement fixé le montant de l'indemnité d'occupation due par la société La Corrida « du 30 novembre 2011 au 1er mai 2014 », pour en déduire qu'une telle indemnité n'était pas due au-delà de cette date, la cour d'appel, qui a ajouté à ce précédent arrêt une précision qui n'y figurait pas, l'a dénaturé par adjonction, en violation de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les éléments de la cause. »

Réponse de la Cour

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :

10. Pour fixer au 1er mai 2014 le terme de l'obligation de la société La Corrida au paiement d'une indemnité d'occupation, la cour d'appel a retenu que les dispositions non cassées de son précédent arrêt du 16 novembre 2017 avaient définitivement fixé à la somme de 5 500 euros le montant de l'indemnité d'occupation due par la société La Corrida du 30 novembre 2011 au 1er mai 2014.

11. En statuant ainsi, alors que son arrêt du 16 novembre 2017 avait fixé la créance de M. [W] à titre d'indemnité d'occupation « à compter du 30 novembre 2011, jusqu'à parfaite libération des lieux », la cour d'appel a violé le principe susvisé.

Et sur le moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

12. La société La Corrida fait grief à l'arrêt de dire qu'une indemnité mensuelle d'occupation d'un montant de 5 500 euros décidée par des dispositions non censurées de l'arrêt rendu par la cour d'appel d' Aix-en-Provence le 16 novembre 2017 est due par la société La Corrida à M. [W] entre le 30 novembre 2011 et le 1er mai 2014, alors « que la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce et s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que l'indemnité d'occupation due par le preneur bénéficiaire du droit au maintien dans les lieux jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction en vertu du titre qu'il tient de l'article L. 145-28 du code de commerce ne présente pas un caractère indemnitaire, contrairement à l'indemnité d'occupation due par le preneur qui se maintient sans droit ni titre, et doit être déterminée conformément aux dispositions des articles L. 145-33 et suivants du code de commerce ; que dès lors l'évaluation de l'indemnité d'occupation est dans un lien de dépendance nécessaire avec la reconnaissance ou non d'un droit à indemnité d'éviction ; qu'ainsi, la cassation de l'arrêt du 16 novembre 2017 en ce qu'il déclare prescrite la demande en paiement d'une indemnité d'éviction doit s'étendre au chef de dispositif de cet arrêt qui fixe l'indemnité d'occupation due par la société La Corrida à la somme mensuelle de 5 500 euros ; qu'en énonçant que l'indemnité mensuelle d'occupation d'un montant de 5 500 euros aurait été décidée par des dispositions non censurées de l'arrêt rendu le 16 novembre 2017, la cour d'appel a violé l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

13. Aux termes de ce texte, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce. Elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

14. L'arrêt du 16 novembre 2017 a fixé à 5 500 euros le montant mensuel de l'indemnité d'occupation due par la société La Corrida, après avoir déclaré celle-ci prescrite en sa demande d'indemnité d'éviction, et ordonné son expulsion.

15. L'indemnité d'occupation n'a donc pas été fixée conformément aux dispositions de l'article L. 145-28, alinéa 1er, du code de commerce, applicables au preneur bénéficiaire d'une indemnité d'éviction.

16. Le chef de dispositif relatif à la fixation de l'indemnité d'occupation se trouve de ce fait en lien de dépendance nécessaire avec celui ayant déclaré prescrite la demande en paiement d'une indemnité d'éviction, de sorte que la cassation intervenue sur ce dernier chef entraîne, par voie de conséquence, celle du premier.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit qu'une indemnité mensuelle d'occupation d'un montant de 5 500 euros décidée par des dispositions non censurées de l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 16 novembre 2017 est due par la société La Corrida à M. [W] entre le 30 novembre 2011 et le 1er mai 2014, l'arrêt rendu le 9 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Dit que chacune des parties supportera ses propres dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize octobre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat aux Conseils, pour M. [W].

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt mixte attaqué d'avoir dit que la demande de paiement des loyers de location-gérance présentée par la société La Corrida, qu'elle s'analyse en une demande indemnitaire directe ou en une demande au titre de la perte de chance, suppose que soit estimé le montant des redevances de locationgérance susceptibles d'avoir été perdues en raison de la fin du contrat de bail et, en conséquence, donné pour mission à l'expert qu'elle a désigné de donner son avis, non seulement sur le montant de l'indemnité d'éviction à laquelle la SARL La Corrida peut prétendre du fait de la perte de son fonds de commerce, mais également sur l'indemnité compensant la privation de la perception des redevances de location-gérance ou de la perte de chance de les percevoir résultant de la disparition de son fonds de commerce ;

AUX MOTIFS QUE dans son arrêt du 7 février 2019, la Cour de cassation a cassé l'arrêt rendu le 16 novembre 2017 entre les parties par la cour d'appel d'Aix-en-Provence, mais seulement en ce qu'il déclare prescrite la demande de la société La Corrida en paiement d'une indemnité d'éviction et rejeté la demande de la société La Corrida contre M. [W] au titre des redevances de la location-gérance et a remis sur ces points les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et les a renvoyé devant la même cour autrement composée ; que la Haute Cour a décidé, au visa de l'article L. 145-9 alinéa 5 du code de commerce, que « pour déclarer prescrite cette demande (en paiement de l'indemnité d'éviction), l'arrêt retient que le locataire qui entend solliciter le paiement d'une indemnité d'éviction doit agir avant l'expiration du délai de deux années à compter de la date pour laquelle le congé a été donné et que le fait pour celuici de conclure au rejet des prétentions du bailleur au titre du congé avec refus de renouvellement sans offre d'indemnité d'éviction ne s'analyse pas en une demande en paiement de cette indemnité » ; « qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que le congé donné pour le 30 novembre 2011 avait été contesté par le preneur par conclusions du 3 avril 2013, soit dans le délai de deux ans, la cour d'appel, a violé le texte susvisé » ; que la Cour de cassation a rajouté que « la cassation de la disposition sur la prescription de la demande en paiement de l'indemnité d'éviction entraîne la cassation, par voie de conséquence, de la disposition ayant rejeté la demande de la société La Corrida au titre des redevances de location-gérance, laquelle s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire » ; que l'objet de la discussion soumise à la Cour d'appel d'Aix-en-Provence dans sa composition présente porte sur ces deux points seulement ; que s'agissant de la demande en paiement d'une indemnité d'éviction, il ressort de l'arrêt rendu par la Cour de cassation que celle-ci ne pouvait être considérée comme prescrite ; que par conséquent, cette demande pouvant prospérer et la SARL La Corrida ayant effectivement perdu son fonds de commerce se pose alors la question de l'évaluation de cette indemnité d'éviction ; que les pièces versées aux débats sont insuffisantes pour permettre à la Cour d'apprécier sereinement la valeur réelle du fonds perdu ; que de surcroit, la SARL La Corrida elle-même propose trois modes de calcul différents à la Cour, évaluant l'indemnité d'éviction à 430.000 €, ou bien 271.922,40 € ou encore 293.854,33 € ; que la demande de paiement des loyers de location-gérance ne constitue pas une prétention nouvelle en appel ; qu'elle s'analyse en une demande indemnitaire directe ou en une demande au titre de la perte de chance totale, elle suppose également que soit estimé le montant des redevances de location-gérance susceptibles d'avoir été perdues en raison de la fin du contrat de bail ; que ces estimations nécessitent la compétence d'un technicien, les éléments versés au dossier ne permettant pas à la Cour de statuer sur ces demandes sans un avis technique ; qu'il y a lieu en conséquence d'ordonner une mesure d'expertise aux frais avancés de la SARL La Corrida représentée par Me [N] [O] ; que M. [W] n'a pas vu remise en cause par la Cour de cassation la décision prise par la Cour de céans dans son arrêt rendu le 16 novembre 2017 qui a définitivement fixé à la somme mensuelle de 5.500 € le montant de l'indemnité d'occupation due par la société La Corrida du 30 novembre 2011 au 1er mai 2014 ; que cette indemnité d'occupation n'est pas due au-delà de cette date ; que M. [W] n'a pas besoin de l'autorisation de la Cour pour faire fixer sa créance ;

1/ ALORS QU' à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter des prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ; que M. [W] avait conclu à l'irrecevabilité de la demande de la société La Corrida tendant à l'indemnisation d'une perte de redevances de location-gérance en invoquant la nouveauté de cette prétention, soulevées pour la première fois en cause d'appel et plus précisément lors de l'instance ayant précédé l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 16 novembre 2017 (cf. ses dernières conclusions, p. 19, § 2 et suivants et dispositif, p. 23, pénultième alinéa) ; qu'en se bornant, pour écarter cette fin de non-recevoir, à affirmer que la demande en paiement des loyers de locationgérance ne constituait pas une prétention nouvelle en cause d'appel, sans assortir cette assertion péremptoire du moindre motif de nature à la justifier, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 564 du code de procédure civile ;

2/ ALORS QUE le juge ne peut laisser incertain le fondement juridique de sa décision ; que tandis que la société La Corrida avait sollicité l'indemnisation d'une perte de redevance de location-gérance en se fondant exclusivement sur les règles gouvernant le droit au maintien dans les lieux, la cour d'appel paraît avoir admis le bien-fondé en son principe de cette demande, au seul motif que des redevances de location-gérance étaient susceptibles d'avoir été perdues en raison de la fin du contrat de bail ; qu'en laissant de la sorte totalement incertain le point de savoir si le droit à l'indemnisation avait selon elle pour fondement, comme cela lui était suggéré par la société La Corrida, les règles gouvernant le droit au maintien dans les lieux du locataire évincé jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction ou un prétendu droit du locataire évincé à percevoir, en plus de l'indemnité d'éviction compensatrice de la perte de son fonds de commerce, une indemnité distincte représentative d'une perte de revenu locatif, la cour d'appel a privé son arrêt de toute base légale au regard de l'article 12 du code de procédure civile ;

3/ ALORS QUE l'indemnité d'éviction étant égale au préjudice causé par le refus de renouvellement, celle-ci assure à elle seule la réparation intégrale de tous les préjudices résultant de l'éviction et de la perte du fonds de commerce ; que dès lors, en paraissant admettre le bien-fondé en son principe d'une demande indemnitaire ayant pour objet la compensation du préjudice résultant pour le commerçant ayant donné son fonds en location-gérance de la perte de ses revenus locatifs et qui s'ajouterait à l'indemnité d'éviction, sans avoir recherché, comme elle y était pourtant invitée, si cette demande ne poursuivait pas la réparation d'un préjudice ayant déjà vocation à être couvert par l'indemnité d'éviction par ailleurs sollicitée (cf. les dernières conclusions de M. [W], p. 20, § 5 et suivants), la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L 145-14 du code de commerce ;

4/ ALORS QUE, subsidiairement, l'exécution d'une décision de justice ultérieurement censurée ne peut donner lieu qu'à restitution et ne peut en aucun cas être imputée à faute ; qu'aussi bien, s'il faut considérer que le droit à indemnisation que les juges paraissent avoir reconnu à la société La Corrida au titre de la perte de redevances de location-gérance est fondé sur son droit à se maintenir dans les lieux, tel qu'il dérive rétrospectivement des arrêts de cassation ayant mis à néant la décision d'expulsion de la société locataire et ouvert à celle-ci le droit au paiement d'une indemnité d'éviction, la cour d'appel ne pouvait mettre à la charge de M. [W], en l'absence de toute faute susceptible de lui être imputée, une indemnité couvrant la perte de redevances qu'il n'avait pas lui-même perçues en exécution des décisions censurées et qui étaient dès lors insusceptibles de restitution, sauf à violer l'article L 111-11 du code de procédure civile d'exécution et l'article L 145-28 du code de commerce ;

5/ ALORS QUE, subsidiairement, le droit au maintien dans les lieux a pour contrepartie nécessaire l'obligation du locataire qui le revendique de verser au propriétaire une indemnité d'occupation ; qu'aussi bien, dès lors que la cour d'appel déniait à M. [W] tout droit au paiement d'une indemnité d'occupation au titre de la période postérieure au 1er mai 2014, supposée correspondre à la libération des lieux par la société la Corrida, celle-ci ne pouvait paradoxalement reconnaître à la locataire évincée un droit à être indemnisée d'une perte locative à compter de cette même date, quand la demande formée à ce titre par la société locataire trouvait selon elle son fondement dans son droit au maintien dans les lieux ; qu' à cet égard également, la cour d'appel a violé l'article L 145-28 du code de commerce.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit qu'une indemnité mensuelle d'occupation d'un montant de 5.500 €, décidée par des dispositions non censurées de l'arrêt du 16 novembre 2017, est due par la SARL La Corrida à M. [W] entre le 30 novembre 2011 et le 1er mai 2014 ;

AUX MOTIFS QUE dans son arrêt du 7 février 2019, la Cour de cassation a cassé l'arrêt rendu le 16 novembre 2017 entre les parties par la cour d'appel d'Aix-en-Provence, mais seulement en ce qu'il déclare prescrite la demande de la société La Corrida en paiement d'une indemnité d'éviction et rejeté la demande de la société La Corrida contre M. [W] au titre des redevances de la location-gérance et a remis sur ces points les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et les a renvoyé devant la même cour autrement composée ; que la Haute Cour a décidé, au visa de l'article L. 145-9 alinéa 5 du code de commerce, que « pour déclarer prescrite cette demande (en paiement de l'indemnité d'éviction), l'arrêt retient que le locataire qui entend solliciter le paiement d'une indemnité d'éviction doit agir avant l'expiration du délai de deux années à compter de la date pour laquelle le congé a été donné et que le fait pour celuici de conclure au rejet des prétentions du bailleur au titre du congé avec refus de renouvellement sans offre d'indemnité d'éviction ne s'analyse pas en une demande en paiement de cette indemnité » ; « qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que le congé donné pour le 30 novembre 2011 avait été contesté par le preneur par conclusions du 3 avril 2013, soit dans le délai de deux ans, la cour d'appel, a violé le texte susvisé » ; que la Cour de cassation a rajouté que « la cassation de la disposition sur la prescription de la demande en paiement de l'indemnité d'éviction entraîne la cassation, par voie de conséquence, de la disposition ayant rejeté la demande de la société La Corrida au titre des redevances de location-gérance, laquelle s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire » ; que l'objet de la discussion soumise à la Cour d'appel d'Aix-en-Provence dans sa composition présente porte sur ces deux points seulement ; que s'agissant de la demande en paiement d'une indemnité d'éviction, il ressort de l'arrêt rendu par la Cour de cassation que celle-ci ne pouvait être considérée comme prescrite ; que par conséquent, cette demande pouvant prospérer et la SARL La Corrida ayant effectivement perdu son fonds de commerce se pose alors la question de l'évaluation de cette indemnité d'éviction ; que les pièces versées aux débats sont insuffisantes pour permettre à la Cour d'apprécier sereinement la valeur réelle du fonds perdu ; que de surcroît, la SARL La Corrida elle-même propose trois modes de calcul différents à la Cour, évaluant l'indemnité d'éviction à 430.000 €, ou bien 271.922,40 € ou encore 293.854,33 € ; que la demande de paiement des loyers de location-gérance ne constitue pas une prétention nouvelle en appel ; qu'elle s'analyse en une demande indemnitaire directe ou en une demande au titre de la perte de chance totale, elle suppose également que soit estimé le montant des redevances de location-gérance susceptibles d'avoir été perdues en raison de la fin du contrat de bail ; que ces estimations nécessitent la compétence d'un technicien, les éléments versés au dossier ne permettant pas à la Cour de statuer sur ces demandes sans un avis technique ; qu'il y a lieu en conséquence d'ordonner une mesure d'expertise aux frais avancés de la SARL La Corrida représentée par Me [N] [O] ; que M. [W] n'a pas vu remise en cause par la Cour de cassation la décision prise par la Cour de céans dans son arrêt rendu le 16 novembre 2017 qui a définitivement fixé à la somme mensuelle de 5.500 € le montant de l'indemnité d'occupation due par la société La Corrida du 30 novembre 2011 au 1er mai 2014 ; que cette indemnité d'occupation n'est pas due au-delà de cette date ; que M. [W] n'a pas besoin de l'autorisation de la Cour pour faire fixer sa créance ;

1/ ALORS QUE le juge ne peut statuer au prix d'une dénaturation d'un précédent jugement ; que par son précédent arrêt du 16 novembre 2017, la cour d'appel d'Aix-en-Provence avait, par une disposition non remise en cause par l'arrêt de cassation partiel ultérieurement intervenu, « fix(é) la créance de M. [W] à titre d'indemnité d'occupation mensuelle à la somme de 5.500 € à compter du 30 novembre 2011, jusqu'à parfaite libération des lieux », sans nullement déterminer la date de cette libération ; qu'en considérant que l'arrêt du 16 novembre 2017 avait définitivement fixé le montant de l'indemnité d'occupation due par la société La Corrida « du 30 novembre 2011 au 1er mai 2014 », pour en déduire qu'une telle indemnité n'était pas due au-delà de cette date, la cour d'appel, qui a ajouté à ce précédent arrêt une précision qui n'y figurait pas, l'a dénaturé par adjonction, en violation de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les éléments de la cause ;

2/ ALORS QUE le droit au maintien dans les lieux du locataire évincé jusqu'au paiement effectif de l'indemnité d'éviction a pour contrepartie nécessaire l'obligation de ce locataire au paiement d'une indemnité d'occupation ; qu'aussi bien, dès lors que la société La Corrida revendiquait, sur le fondement des règles gouvernant le maintien au droit dans les lieux, le paiement d'une indemnité compensatrice d'une perte de redevance de location-gérance à compter de mai 2014, la cour d'appel ne pouvait, sauf à rejeter préalablement cette demande, fixer au 1er mai 2014 le terme de son obligation au paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation ; qu'elle a ce faisant violé l'article L 145-28 du code de commerce.

Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société La Corrida, représentée par M. [N] [O], liquidateur,

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit qu'une indemnité mensuelle d'occupation d'un montant de 5.500 euros décidée par des dispositions non censurées de l'arrêt rendu par la Cour de céans le 16 novembre 2017 est due par la SARL La Corrida à M. [W] entre le 30 novembre 2011 et le 1er mai 2014 ;

Aux motifs que M. [W] n'a pas vu remise en cause par la Cour de cassation la décision prise par la Cour de céans dans son arrêt rendu le 16 novembre 2017 qui a définitivement fixé à la somme mensuelle de 5.500 euros le montant de l'indemnité d'occupation due par la société La Corrida du 30 novembre 2011 au 1er mai 2014 ;

Alors que la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce et s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ;
que l'indemnité d'occupation due par le preneur bénéficiaire du droit au maintien dans les lieux jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction en vertu du titre qu'il tient de l'article L. 145-28 du code de commerce ne présente pas un caractère indemnitaire, contrairement à l'indemnité d'occupation due par le preneur qui se maintient sans droit ni titre, et doit être déterminée conformément aux dispositions des articles L. 145-33 et suivants du code de commerce ; que dès lors l'évaluation de l'indemnité d'occupation est dans un lien de dépendance nécessaire avec la reconnaissance ou non d'un droit à indemnité d'éviction ; qu'ainsi, la cassation de l'arrêt du 16 novembre 2017 en ce qu'il déclare prescrite la demande en paiement d'une indemnité d'éviction doit s'étendre au chef de dispositif de cet arrêt qui fixe l'indemnité d'occupation due par la société La Corrida à la somme mensuelle de 5.500 euros ; qu'en énonçant que l'indemnité mensuelle d'occupation d'un montant de 5.500 euros aurait été décidée par des dispositions non censurées de l'arrêt rendu le 16 novembre 2017, la Cour d'appel a violé l'article 624 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 20-15145
Date de la décision : 13/10/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 09 janvier 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 13 oct. 2021, pourvoi n°20-15145


Composition du Tribunal
Président : Mme Teiller (président)
Avocat(s) : SCP Claire Leduc et Solange Vigand, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.15145
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