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22/09/2021 | FRANCE | N°20-11228

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 22 septembre 2021, 20-11228


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 septembre 2021

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président

Arrêt n° 1034 F-D

Pourvoi n° T 20-11.228

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 SEPTEMBRE 2021

Mme [O] [M], domiciliée [Adresse

2], a formé le pourvoi n° T 20-11.228 contre l'arrêt rendu le 17 octobre 2019 par la cour d'appel de Versailles (6e chambre), dans le litige...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 septembre 2021

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président

Arrêt n° 1034 F-D

Pourvoi n° T 20-11.228

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 SEPTEMBRE 2021

Mme [O] [M], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 20-11.228 contre l'arrêt rendu le 17 octobre 2019 par la cour d'appel de Versailles (6e chambre), dans le litige l'opposant à l'association Mission locale du Val-d'Oise Est - Aispj, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [M], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de l'association Mission locale du Val-d'Oise Est, Aispj, après débats en l'audience publique du 23 juin 2021 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ott, conseiller rapporteur, Mme Pécaut-Rivolier, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 17 octobre 2019), Mme [M], engagée en qualité de conseiller par l'association Mission locale du Val-d'Oise Est à compter du 1er avril 2005, a été désignée délégué syndical en mars 2009.

2. Une procédure de licenciement pour faute grave a été engagée par l'employeur qui n'y a pas donné suite, après refus le 5 mars 2010 de l'autorisation de licenciement par l'inspecteur du travail.

3. Le 16 juin 2014, la salariée a saisi la juridiction prud'homale aux fins notamment de résiliation judiciaire de son contrat de travail à raison de divers manquements de l'employeur. En cours de procédure, elle a été licenciée le 27 août 2014 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Examen des moyens

Sur le second moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de limiter à une certaine somme les dommages-intérêts pour licenciement nul et de rejeter la demande en paiement d'indemnité compensatrice de congés payés, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter sa demande tendant à voir juger qu'elle avait été victime d'une discrimination syndicale et à condamner l'employeur au paiement de dommages-intérêts à ce titre, alors :

« 1°/ que lorsque survient un litige en raison d'une discrimination, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ; qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ;qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que Mme [M], représentant du personnel depuis mai 2007 et déléguée syndicale depuis février 2009 a établi qu'elle avait été victime, de la part de son employeur," ? des faits suivants : temps partiel et mi-temps thérapeutique sans contrat, refus de DIF, absence d'information précise pour obtenir le complément de salaire lié à des arrêts maladie, défaut d'évolution de carrière et de salaire, absence d'entretiens annuels d'évaluation et absence de réponse aux courriels notamment à caractère syndical de la salariée", faits auxquels l'employeur n'avait "opposé aucune justification" ; qu'en retenant, pour la débouter de sa demande de dommages-intérêts pour discrimination, que "ces faits ne peuvent être considérés comme en lien avec la qualité de représentant syndical ou déléguée du personnel" la cour d'appel, qui a fait peser sur la salariée la charge de la preuve de la discrimination syndicale, a violé l'article L. 1134-1 du code du travail ;

2°/ qu'il appartient au juge prud'homal d'apprécier dans leur ensemble les faits présentés par le salarié pour permettre de présumer une discrimination ; qu'en l'espèce, Mme [M] avait invoqué et démontré, à l'appui de sa demande de dommages-intérêts pour discrimination syndicale, qu'elle avait fait l'objet en mars 2010 d'une tentative de licenciement refusée par l'inspecteur du travail dont la décision, en date du 25 mars 2010, était expressément motivée par la considération de ce que "la demande d'autorisation de licenciement de Mme [M] a un lien avec son mandat de déléguée syndicale" ; qu'en la déboutant de sa demande de dommages-intérêts pour discrimination, motif pris que les faits établis "ne peuvent être considérés comme en lien avec la qualité de représentant syndical ou déléguée du personnel" sans examiner cet élément déterminant de nature à faire présumer la discrimination syndicale invoquée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1132-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige et l'article L. 1134-1 du code du travail :

6. En application de ces textes, lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

7. Pour débouter la salariée de sa demande au titre d'une discrimination syndicale, l'arrêt retient que les faits retenus au titre du harcèlement moral et que la salariée reprend au titre de la discrimination syndicale ne peuvent être considérés comme en lien avec la qualité de représentant syndical ou délégué du personnel.

8. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté d'une part la matérialité des faits suivants : temps partiel et mi temps thérapeutique sans contrat, refus de DIF, absence d'informations précises pour obtenir le complément de salaire lié à des arrêts maladie, défaut d'évolution de carrière et de salaire, absence d'entretiens annuels d'évaluation et absence de réponse aux courriels notamment à caractère syndical de la salariée, d'autre part le refus de l'inspecteur du travail opposé à la demande d'autorisation de licenciement par une décision du 5 mars 2010 motivée par le lien avec le mandat de délégué syndical de la salariée, ce dont il résultait que la salariée présentait des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination syndicale, et qu'il lui appartenait dès lors de rechercher si l'employeur prouvait que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.

Et sur le second moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de limiter à une certaine somme l'indemnité de préavis outre les congés payés afférents et de rejeter les demandes en paiement d'un complément d'indemnité de licenciement

Enoncé du moyen

9. La salariée fait grief à l'arrêt qui a déclaré nul son licenciement de condamner l'employeur à lui verser des sommes à titre d'indemnité de préavis, outre les congés payés afférents, et de la débouter de ses demandes en paiement d'un complément d'indemnité de licenciement, alors :

« 1°/ que le salarié qui se voit imposer une modification de son contrat de travail et qui ne choisit pas de faire constater que cette voie de fait s'analyse en un licenciement est fondé à exiger la poursuite du contrat aux conditions initiales et ne peut être tenu d'exécuter le contrat de travail aux conditions unilatéralement modifiées par l'employeur ; que le salarié à qui l'employeur a irrégulièrement imposé un travail à temps partiel, et qui est ultérieurement licencié, est fondé à exiger que le salaire de référence retenu pour le calcul des indemnités de rupture, indemnité compensatrice de congés payés et dommages-intérêts soit celui qu'il aurait perçu s'il avait continué à travailler dans les conditions prévues par son contrat de travail ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que Mme [M] s'est vu imposer par l'association AISPJ maison locale du Val d'Oise Est un travail à "temps partiel et mi-temps thérapeutique sans contrat" ; qu'en décidant cependant que ses indemnités de rupture, congés payés et dommages-intérêts devaient être calculés "par rapport aux salaires perçus en dernier lieu" dans le cadre de ce travail à temps partiel et non, comme le revendiquait la salarié, avant la modification irrégulière, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

2°/ que la réparation du dommage doit replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit ; que la réparation intégrale du préjudice souffert par le salarié victime d'agissements de son employeur l'ayant contraint à réduire son activité professionnelle en raison de l'altération consécutive de son état de santé, ne peut être assurée, au stade du calcul des indemnités de rupture, que par la prise en compte d'un salaire de référence correspondant à celui qu'elle percevait avant cette réduction d'activité imputable à la faute de l'employeur ; qu'en déboutant Mme [M] de sa demande tendant à voir calculer ses indemnités de rupture, indemnité compensatrice de congés payés et dommages-intérêts pour licenciement nul sur la base du salaire de référence perçu avant la réduction de son activité consécutive à l'altération de son état de santé imputable à l'employeur, au motif inopérant que "la perte subie du fait de l'état de santé imputable à l'employeur [est] compensée au stade des dommages-intérêts réparant la rupture", la cour d'appel a méconnu le principe de la réparation intégrale du dommage. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, l'article R. 1234-4 du même code dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-1398 du 25 septembre 2017 et l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

10. Pour limiter à une certaine somme l'indemnité de préavis, outre les congés payés afférents, et rejeter la demande en paiement d'un complément d'indemnité de licenciement, après avoir déclaré le licenciement nul, le harcèlement moral ayant participé à l'état de santé à l'origine de l'inaptitude motivant le licenciement de la salariée, l'arrêt retient que l'indemnité de licenciement doit être calculée par rapport aux salaires perçus en dernier lieu, la perte subie du fait de l'état de santé imputable à l'employeur étant compensée au stade des dommages-intérêts réparant la rupture, que le salaire à prendre en compte pour le calcul de l'indemnité de licenciement ainsi que pour l'indemnité de préavis et l'indemnité de congés payés afférents est de 1 291,53 euros par mois correspondant au mi-temps thérapeutique effectué.

11. En statuant ainsi, alors que le salaire à prendre en compte était le salaire qu'aurait perçu la salariée si elle avait continué à travailler à temps plein sans la réduction d'activité imposée unilatéralement par l'employeur et en lien avec son état de santé, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [M] de sa demande de dommages-intérêts pour discrimination syndicale et de ses demandes en paiement d'un complément d'indemnité de licenciement et en ce qu'il condamne la Mission locale du Val-d'Oise à verser à Mme [M] les sommes de 2 583,06 euros d'indemnité de préavis et de 258,30 euros d'indemnité de congés payés afférents, l'arrêt rendu le 17 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Condamne l'association Mission locale du Val-d'Oise Est aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'association Mission locale du Val-d'Oise Est à payer à Mme [M] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour Mme [M]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme [M] de sa demande tendant à voir juger qu'elle avait été victime d'une discrimination syndicale à condamner la Mission locale du Val d'Oise au paiement de dommages et intérêts à ce titre ;

AUX MOTIFS QU' « aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008 - 496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement et de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrats en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap ;
que l'article L.1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ;
que les faits retenus au titre du harcèlement moral et que la salariée reprend au titre de la discrimination syndicale ne peuvent être considérés comme en lien avec la qualité de représentant syndical ou déléguée du personnel ; que par suite la discrimination à ce titre sera écartée » (arrêt p.4 alinéas 5 à 7) ;

1°) ALORS QUE lorsque survient un litige en raison d'une discrimination, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ; qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que Mme [M], représentant du personnel depuis mai 2007 et déléguée syndicale depuis février 2009 a établi qu'elle avait été victime, de la part de son employeur, « ? des faits suivants : temps partiel et mi-temps thérapeutique sans contrat, refus de DIF, absence d'information précise pour obtenir le complément de salaire lié à des arrêts maladie, défaut d'évolution de carrière et de salaire, absence d'entretiens annuels d'évaluation et absence de réponse aux courriels notamment à caractère syndical de la salariée », faits auxquels l'employeur n'avait « opposé aucune justification » ; qu'en retenant, pour la débouter de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination, que « ces faits ne peuvent être considérés comme en lien avec la qualité de représentant syndical ou déléguée du personnel » la cour d'appel, qui a fait peser sur la salariée la charge de la preuve de la discrimination syndicale, a violé l'article L.1134-1 du code du travail.

2°) ALORS QU'il appartient au juge prud'homal d'apprécier dans leur ensemble les faits présentés par le salarié pour permettre de présumer une discrimination ; qu'en l'espèce, Mme [M] avait invoqué et démontré, à l'appui de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination syndicale, qu'elle avait fait l'objet en mars 2010 d'une tentative de licenciement refusée par l'inspecteur du travail dont la décision, en date du 25 mars 2010, était expressément motivée par la considération de ce que « la demande d'autorisation de licenciement de Mme [M] a un lien avec son mandat de déléguée syndicale » (conclusions de Mme [M] p.36 et sa pièce n°67) ; qu'en la déboutant de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination, motif pris que les faits établis « ne peuvent être considérés comme en lien avec la qualité de représentant syndical ou déléguée du personnel » sans examiner cet élément déterminant de nature à faire présumer la discrimination syndicale invoquée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1132-1 et L.1134-1 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué, qui a déclaré nul le licenciement de Mme [M], d'AVOIR condamné la Mission locale du Val d'Oise à lui verser les sommes de 2 583,06 € d'indemnité de préavis, outre les congés payés y afférents, et 20 000 € de dommages et intérêts pour licenciement nul ; d'AVOIR débouté Mme [M] de sa demande en paiement d'un complément d'indemnité de licenciement et d'indemnité compensatrice de congés payés ;

AUX MOTIFS QUE « la salariée sollicite une indemnité de licenciement de 11 016 euros, sur la base d'un salaire à temps plein de 2 448 euros car il serait inéquitable de lui faire subir la baisse de revenus liée à son mi-temps qui était occasionné par son état de santé ; que l'employeur retient que l'on doit s'en tenir à la moyenne des six dernier mois ou des trois derniers mois, selon ce qui est le plus avantageux pour la salariée et calcule donc une indemnité de licenciement à hauteur de ce qui lui a effectivement été versé lors de la rupture ; que l'employeur s'oppose donc à tout versement d'une somme complémentaire ;
que l'on doit calculer l'indemnité de licenciement par rapport aux salaires perçus en dernier lieu comme l'explique la mission locale, la perte subie du fait de l'état de santé imputable à l'employeur étant compensée au stade des dommages-intérêts réparant la rupture ;
qu'il s'ensuit qu'au regard de son ancienneté de 9 ans, 4 mois et 27 jours, et de son salaire à prendre en compte de 1 291.53 euros par mois, l'indemnité de licenciement qui est d'un demi-mois par année d'ancienneté s'évalue à la somme de 6 070.19 euros ; que Mme [O] [M] a été remplie de ses droits ;

QU'eu égard à la nullité du licenciement l'employeur sera condamné à verser à l'intéressée une indemnité de préavis de deux mois, soit la somme de 2 583,06 euros, outre 258,30 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

QUE Mme [O] [M] sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser la somme de 3 048,49 euros d'indemnité de congés payés, puisqu'il lui restait 44 jours à prendre lors de la rupture, alors qu'elle n'a été indemnisée qu'à hauteur de 41 et sur la base d'un mi-temps ;
que Mme [O] [M] ne saurait demander la rémunération de ses congés payés sur la base d'un emploi à temps plein alors qu'elle était à mi-temps ; que l'employeur devait [(1 235,25 / 20) x 44)] 2 717,55 euros ; qu'il a versé selon le bulletin de paie d'août 2019 la somme de 2 337,11 euros ; qu'il reste donc dû la somme de 380,44 euros ; que toutefois, faute d'avoir demandé ce montant dans le récapitulatif de ses prétentions, il n'y a pas lieu de se prononcer sur cette demande ;

QUE les dommages-intérêts pour licenciement nul ne peuvent être inférieurs aux six derniers mois de salaire ;
Que Mme [O] [M] produit des notifications de Pôle emploi qui établissent que l'intéressée a vu ses droits ouverts par cet organisme le 11 décembre 2014, qu'elle a été indemnisée par celui-ci de janvier 2015 à mars 2015 et de janvier 2016 à septembre 2017 ;
Que compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versé à Mme [O] [M], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L. 1235-5 du code du travail, une somme de 20 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif ;
que ce montant indemnise notamment le préjudice de carrière découlant de la rupture, de sorte que la demande spécifique formée par la salariée à ce titre sera rejetée » (arrêt p.8, p.9 alinéa 1er) .

1°) ALORS QUE le salarié qui se voit imposer une modification de son contrat de travail et qui ne choisit pas de faire constater que cette voie de fait s'analyse en un licenciement est fondé à exiger la poursuite du contrat aux conditions initiales et ne peut être tenu d'exécuter le contrat de travail aux conditions unilatéralement modifiées par l'employeur ; que le salarié à qui l'employeur a irrégulièrement imposé un travail à temps partiel, et qui est ultérieurement licencié, est fondé à exiger que le salaire de référence retenu pour le calcul des indemnités de rupture, indemnité compensatrice de congés payés et dommages et intérêts soit celui qu'il aurait perçu s'il avait continué à travailler dans les conditions prévues par son contrat de travail ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que Mme [M] s'est vu imposer par l'association AISPJ Maison locale du Val d'Oise Est un travail à « temps partiel et mi-temps thérapeutique sans contrat » ; qu'en décidant cependant que ses indemnités de rupture, congés payés et dommages et intérêts devaient être calculés « par rapport aux salaires perçus en dernier lieu » dans le cadre de ce travail à temps partiel et non, comme le revendiquait la salarié, avant la modification irrégulière, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

2°) ALORS en toute hypothèse QUE la réparation du dommage doit replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit ; que la réparation intégrale du préjudice souffert par le salarié victime d'agissements de son employeur l'ayant contraint à réduire son activité professionnelle en raison de l'altération consécutive de son état de santé, ne peut être assurée, au stade du calcul des indemnités de rupture, que par la prise en compte d'un salaire de référence correspondant à celui qu'elle percevait avant cette réduction d'activité imputable à la faute de l'employeur ; qu'en déboutant Mme [M] de sa demande tendant à voir calculer ses indemnités de rupture, indemnité compensatrice de congés payés et dommages et intérêts pour licenciement nul sur la base du salaire de référence perçu avant la réduction de son activité consécutive à l'altération de son état de santé imputable à l'employeur, au motif inopérant que « la perte subie du fait de l'état de santé imputable à l'employeur [est] compensée au stade des dommages-intérêts réparant la rupture », la cour d'appel a méconnu le principe de la réparation intégrale du dommage.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-11228
Date de la décision : 22/09/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 17 octobre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 22 sep. 2021, pourvoi n°20-11228


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.11228
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