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09/09/2021 | FRANCE | N°20-16338

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 09 septembre 2021, 20-16338


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 septembre 2021

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 871 F-D

Pourvoi n° X 20-16.338

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 SEPTEMBRE 2021

La société Ilo Technology, société par actions simplifié

e, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 20-16.338 contre l'arrêt rendu le 31 mars 2020 par la cour d'appel de Grenoble (sécurité ...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 septembre 2021

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 871 F-D

Pourvoi n° X 20-16.338

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 SEPTEMBRE 2021

La société Ilo Technology, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 20-16.338 contre l'arrêt rendu le 31 mars 2020 par la cour d'appel de Grenoble (sécurité sociale - protection sociale), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Rhône-Alpes, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Le Fischer, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Ilo Technology, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de Rhône-Alpes, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 juin 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Le Fischer, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 31 mars 2020), à la suite d'un contrôle, l'URSSAF de Rhône-Alpes (l'URSSAF) a notifié, le 6 janvier 2015, à la société Ilo Technology (la société), une lettre d'observations portant sur plusieurs chefs de redressement pour la période du 1er janvier 2012 au 30 novembre 2014, suivie, le 13 avril 2015, d'une mise en demeure.

2. Contestant le chef de redressement afférent à la réintégration, dans l'assiette des cotisations sociales, des honoraires versés à la société Al Consultant, dirigée par Mme [O], la société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l'arrêt de confirmer le redressement tenant à l'affiliation de Mme [O] au régime général de la sécurité sociale et à la reprise des cotisations dues à ce titre, et de condamner la société à payer à l'URSSAF une certaine somme correspondant à ce chef de redressement, alors :

« 1°/ que nul ne peut être jugé sans avoir été entendu ou appelé ; que la cour d'appel a retenu, pour rejeter le recours de la société, l'existence d'un contrat de travail l'unissant à la gérante de la société Al Consultant, Mme [O] ; qu'elle a en conséquence, dans le dispositif de sa décision, confirmé le chef de redressement « tenant à l'affiliation de Mme [O] au régime général de la sécurité sociale et à la reprise des cotisations dues à ce titre » ; qu'en statuant ainsi alors qu'elle était saisie d'un litige portant sur la qualification des relations de travail liant la société à Mme [O] et sur l'obligation d'affiliation subséquente de cette dernière au régime général de sécurité sociale et de paiement des cotisations afférentes, qui ne pouvait être tranché sans la mise en cause de cette dernière, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle au regard de l'article 14 du code de procédure civile ;

2°/ qu'en statuant sur l'obligation d'affiliation de Mme [O] au régime général de sécurité sociale sans l'avoir appelée en la cause, la cour d'appel a violé l'article L. 311-2 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 14 du code de procédure civile et L. 311-2 du code de la sécurité sociale :

4. Il résulte du premier de ces textes que nul ne peut être jugé sans avoir été entendu ou appelé.

5. Pour dire bien fondé le chef du redressement litigieux, l'arrêt relève que les missions confiées à la société Al Consultant correspondaient à des missions relevant d'un poste de directeur administratif et financier, poste occupé précédemment par Mme [O], et que les conditions dans lesquelles s'est exercée l'activité de cette dernière par l'intermédiaire de la société Al Consultant ne sont pas différentes de celles relevant du salariat. Il relève encore que bien que l'intéressée ait bénéficié d'une certaine indépendance et autonomie dans l'organisation de son travail, ce qui correspond à un poste de cadre et n'est pas de nature à exclure l'existence d'un lien de subordination, son activité était en réalité intégrée dans le cadre d'un service organisé par la société et s'exerçait selon les directives générales de cette dernière. Il en déduit que l'URSSAF renverse la présomption édictée à l'article L. 8221-6, I, 3°, du code du travail par la preuve de l'existence d'un contrat de travail, de sorte que les conditions d'assujettissement au régime général fixées par l'article L. 311-2 du code de la sécurité sociale sont vérifiées.

6. En statuant ainsi, sans que Mme [O] ait été appelée en la cause, alors que le litige dont elle était saisie portait sur la qualification des relations de travail liant l'intéressée à la société, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 mars 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne l'URSSAF de Rhône-Alpes aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'URSSAF de Rhône-Alpes et la condamne à payer à la société Ilo Technology la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf septembre deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Ilo Technology

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le chef de redressement tenant à l'affiliation de Mme [O] au régime général de la sécurité sociale et à la reprise des cotisations dues à ce titre, d'AVOIR débouté la Société ILO TECHNOLOGY de son recours, et d'AVOIR condamné la Société ILO TECHNOLOGY à payer à l'URSSAF Rhône-Alpes la somme de 153.843 €
correspondant aux cotisations reprises et majorations de retard, outre majorations de retard complémentaires restant à courir jusqu'à complet paiement ;

AUX MOTIFS QUE « Aux termes de l'article L. 311-2 du code de la sécurité sociale sont affiliées obligatoirement aux assurances sociales du régime général, quel que soit leur âge et même si elles sont titulaires d'une pension, toutes les personnes quelle que soit leur nationalité, de l'un ou de l'autre sexe, salariées ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs et quels que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat. En application des dispositions de l'article L. 8221-6 I 3º du code du travail, sont notamment présumées ne pas être liées avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription, les dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs salariés. Le même texte prévoit en son paragraphe II, que l'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci. En l'espèce, le redressement notifié à la société ILO concerne l'intervention de la société Al Consultant société unipersonnelle constituée par Mme [O], ancienne salariée à la retraite qui exerçait à temps partiel les fonctions de directrice administrative et financière au sein d'ILO de septembre 2006 au 30 juin 2011. La société ILO conteste ce chef de redressement en se prévalant de la présomption de non-salariat laquelle, en application des dispositions précitées, peut être renversée par la preuve d'un lien de subordination qui se caractérise par des prestations de travail dans un rapport d'autorité, de contrôle et de sanction. Il est constant qu'un contrat à durée indéterminée de consultant a été conclu en date du 24 juin 2011 entre la société ILO et la société AL Consultant, ayant pour objet une prestation de service d'analyse de gestion, de conseil et d'organisation et d'aide à la décision et que des avenants en juillet 2011 et décembre 2011, ainsi que des lettres de mission en mars 2012 et septembre 2012 ont été régularisés. C'est par de justes motifs que la cour adopte que le tribunal a retenu qu'au vu de l'ensemble des contrats, les missions confiées à la société AL Consultant correspondaient à des missions relevant d'un poste de directeur administratif et financier, poste occupé précédemment par Mme [O]. Par ailleurs, les conditions dans lesquelles s'est exercée l'activité de Mme [O] par l'intermédiaire de la société AL Consultant ne sont pas différentes de celles relevant du salariat. En premier lieu, une rémunération a été déterminée dès la conclusion du contrat du 24 juin 2011 pour un montant de 2.677 € puis de 3.570 € par mois selon l'avenant du 20 décembre 2011 et ce, de manière forfaitaire indépendamment des prestations réalisées. En effet, ce dernier avenant précise que des lettres de missions seront rédigées à chaque fois que le besoin s'en fera sentir mais que la rémunération de ces missions restera dans le cadre du présent contrat. En deuxième lieu, il ressort de l'article 3 du contrat du 24 juin 2011 et de l'article 5 de l'avenant du 20 décembre 2011 qu'au titre des missions de AL Consultant figurent en sus de missions dont l'objet est précisé, celles plus générale de « répondre aux besoins spécifiques énoncés par le client ». Le contrat de prestation laissait en conséquence à la société ILO la possibilité d'exercer son pouvoir de direction en confiant à la société AL Consultant des missions supplémentaires non prévues par le contrat mais comprises dans la rémunération forfaitaire. En troisième lieu, le fait que le contrat prévoit l'établissement d'un reporting sur l'évolution économique une fois par mois soit de façon très régulière est un élément caractérisant l'exercice par la société ILO de son pouvoir de contrôle. Enfin, concernant la question de la sanction, le contrat prévoit que la relation contractuelle pouvait être rompue moyennant un préavis de 3 mois. Bien que Mme [O] ait bénéficié d'une certaine indépendance et autonomie dans l'organisation de son travail ce qui correspond à un poste de cadre et n'est pas de nature à exclure l'existence d'un lien de subordination, il se déduit de l'ensemble de ces éléments que son activité était en réalité intégrée dans le cadre d'un service organisé par la société ILO et s'exerçait selon les directives générales de cette société. L'URSSAF renverse en conséquence la présomption par la preuve de l'existence d'un contrat de travail de sorte que les conditions d'assujettissement au régime général fixées par l'article L. 311-2 du code de la sécurité sociale sont vérifiées » ;

AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Conformément aux dispositions de l'article L. 311-2 du Code la Sécurité Sociale, sont obligatoirement affiliées aux assurances sociales du régime général les personnes salariées ou travaillant à quelque titre que ce soit ou en quelque lieu que ce soit pour un ou plusieurs employeurs et quels que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat. L'affiliation au régime général, qui emporte pour l'employeur l'obligation de régler les cotisations correspondantes, doit retenue lorsque trois conditions sont réunies : - l'existence d'un contrat de travail, quelle que soit sa forme ou sa qualification, - l'existence d'une rémunération, - l'existence d'un lien de subordination. Conformément à la jurisprudence constante de la Cour de cassation, le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres ou des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Le travail au sein d'un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail. En l'espèce, il n'est pas contesté que Madame [N] [O] a exercé des fonctions de Directrice administrative et financière au sein de la SAS ILO en qualité de salariée, dans le cadre d'un contrat à temps partiel, du 1er septembre 2006 au 30 juin 2011, date de son départ en retraite. Dès le 1er juillet 2011, Madame [N] [O] a continué de travailler pour la SAS ILO de manière ininterrompue par l'intermédiaire d'une société par actions simplifiée dénommée AL CONSULTANT, dont elle était Présidente, qui était chargée d'une mission de "consultant". Le 24 juin 2011, la SAS ILO et la SAS AL CONSULTANT ont ainsi conclu un contrat de base à durée indéterminée dont l'objet était "une prestation de service d'analyse de gestion, de conseil et d'organisation et d'aide à la décision" au profit de la SAS ILO. Ce contrat a par la suite été complété par des contrats à durée déterminée portant sur des missions plus spécifiques, conclus le 1er juillet 2011 et le 30 septembre 2011. Le contrat du 24 juin 2011 a été revu par avenant du 20 décembre 2011 afin de compléter les missions de base, puis de nouveau complété ponctuellement par des lettres de mission. Il convient de relever que la SAS AL CONSULTANT est une société par actions simplifiée unipersonnelle au capital de 1.000 € créée par Madame [O] en 2011. L'examen du fonctionnement de cette société a permis aux inspecteurs de l'URSSAF de constater qu'elle prenait en charge des dépenses personnelles de Madame [O] et qu'elle supportait de lourdes charges, notamment un loyer versé à la SCI dont Madame [O] et son mari possédaient la majorité des parts pour des bureaux situés dans l'immeuble occupé à titre personnel par le couple. Par ailleurs, cette SASU n'a jamais disposé d'aucun compte employeur, de sorte que son activité correspondait exclusivement à l'activité personnelle de Madame [O]. Dans ces conditions, il convient de retenir que la SASU AL CONSULTANT n'a constitué qu'un écran inopérant entre Madame [O] et la SAS ILO qui ont continué d'entretenir, à compter du mois de juillet 2011, une relation de travail contractuelle. Cette relation contractuelle a donné lieu au versement d'une rémunération. La rémunération forfaitaire mensuelle prévue initialement a été complétée à l'occasion des missions supplémentaires confiées le 1' juillet 2011 et le 30 septembre 2011. Aux termes de l'avenant du 20 décembre 2011, les parties ont décidé de prévoir une rémunération mensuelle forfaitaire de 3.570 €. Le contrat précisait que même si des lettres de missions devaient par la suite compléter les missions de base, la rémunération ne serait pas modifiée. Madame [O] a donc, dès le mois de janvier 2012, bénéficié par l'intermédiaire de la SASU AL CONSULTANT d'une rémunération mensuelle fixe, indépendante des missions qui lui ont été confiées. Dans le cadre du contrat du 24 juin 2011, dont l'objet était "une prestation de service d'analyse de gestion, de conseil et d'organisation et d'aide à la décision" au profit de la SAS ILO, Madame [O] était expressément chargée des missions suivantes : - établir un reporting sur l'évolution économique de la SAS ILO qui devait être réalisé et présenté au client une fois par mois sous forme d'un tableau de bord, - mettre en place et suivre le ou les budgets acceptés par le client, - procéder régulièrement, sans toutefois être tenu à une quelconque exhaustivité, à des contrôles sur les modes opératoires ou les dysfonctionnements des différents postes, - proposer des évolutions dans l'organisation des postes en cas de détection d'anomalie et, éventuellement, les coacher, - répondre aux besoins spécifiques du client, - plus généralement, faire son meilleur effort pour satisfaire la SAS ILO. Au mois de juillet 2011, Madame [O] s'est vu confier en plus la mise en place d'une nouvelle organisation de la gestion des stocks ainsi que la supervision de la formation des magasiniers, des paramétrages informatiques, de la réorganisation du stock et de toutes les incidences de cette nouvelle organisation sur les autres services. Au mois de septembre 2011, elle a été chargée de la mise en place d'une nouvelle procédure de planification utilisant au maximum l'informatique. Elle devait "coordonner le fonctionnement de l'administration des ventes, des achats, de la production et les éventuels paramétrages en informatique, ainsi que toutes les incidences de cette nouvelle organisation sur les autres services jusqu'à ce que l'organisation permette une planification quotidienne sans effort et vision à moyen et long terme du fonctionnement de la société". Aux termes de l'avenant du 20 décembre 2011, ses missions de base ont été reprises intégralement et complétées par l'obligation de vérifier le maintien des structures mises en place. Suivant lettre de mission du 20 mars 2012, elle a en outre été chargée de mettre en place une procédure automatique de relance des clients et une circularisation des clients débiteurs. Cette lettre de mission précisait qu'un rapport était attendu pour juin 2012. Suivant lettre de mission du 28 septembre 2012, la SAS ILO lui a demandé de coacher la nouvelle comptable engagée, de mettre en place la procédure d'arrêté de fin de mois et de faire le point sur les anomalies détectées, un rapport étant attendu pour janvier 2013. Il ressort de l'ensemble de ces contrats que les missions confiées à Madame [O] par l'intermédiaire de la SAS AL CONSULTANT correspondaient aux missions habituellement confiées à un Directeur administratif et financier, poste qu'elle occupait jusqu'au 30 juin 2011. Leur caractère très général et le fait que la relation ait perduré durant des années, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée donnant lieu à une rémunération mensuelle fixe, ne permet pas de considérer qu'elle agissait réellement en qualité de consultant, ce statut impliquant des missions ponctuelles et n'étant pas compatible avec une affectation permanente sur un poste de travail indispensable au bon fonctionnement de l'entreprise est en effet fondamental sur ce point de noter que, contrairement à ce que soutient la SAS ILO, aucune pièce ne permet de démontrer que Madame [O] aurait été remplacée sur ce poste de Directeur administratif et financier après son départ. En effet, Madame [M], puis Madame [B], n'ont été recrutées qu'en qualité de "comptables", ainsi qu'en attestent leurs contrats de travail respectifs. Par ailleurs, les pièces produites aux débats sont incomplètes et ne contiennent pas le descriptif des missions qui leur ont été confiées, ce qui n'aurait pas manqué d'être le cas si elles avaient réellement repris les fonctions précédemment exercées par Madame [O]. De la même façon, aucun organigramme postérieur au départ de Madame [O] n'a été produit, de sorte qu'il n'est pas possible de vérifier les allégations de la SAS ILO qui affirme qu'elle n'y figurait plus après son départ en retraite. Il est manifeste que la SAS ILO a cherché à prolonger sa collaboration antérieure avec Madame [O], ce qui est compréhensible puisqu'elle n'avait manifestement pas trouvé de remplaçant adapté et qu'elle était en plein développement. Néanmoins, aucun élément ne permet de démontrer que les relations antérieures au départ à la retraite de Madame [O], qui étaient fondées sur un lien de subordination, auraient changé de nature. En effet, la SAS ILO a conservé son pouvoir de direction puisqu'elle a donné les directives afférentes au travail de Madame [O] en lui confiant des missions générales mais aussi des missions plus ponctuelles, et en fixant les délais dans lesquels elle devait rendre compte de ses diligences. Le fait que les horaires et jours de travail de Madame [O] n'aient pas été fixés par la SAS ILO est insuffisant pour exclure l'existence d'un pouvoir de direction, étant précisé qu'elle était tout de même présente en moyenne 3 jours par semaine dans l'entreprise, ce qui constitue déjà un temps de travail conséquent. La SAS ILO a également conservé le pouvoir de contrôler l'exécution du travail. En effet, les contrats prévoyaient des modalités très précises pour le rendu compte de ses diligences : établissement d'un tableau de bord mensuel pour présenter le reporting sur l'évolution économique de la SAS ILO qui devait être présenté au client une fois par mois, dépôt de rapports sur la mise en place de la relance client et de la procédure d'arrêté de fin de mois à des dates précises. Enfin, la SAS ILO a conservé le pouvoir de surveillance et de sanction des manquements puisque les contrats prévoyaient une possibilité de résiliation moyennant un préavis de 3 mois par lettre recommandée avec AR et une responsabilité en cas de faute caractérisée de sa part. Par ailleurs, il est établi que Madame [O] continuait d'être intégrée dans un service organisé puisque les missions qui lui étaient confiées la plaçaient en position d'interlocutrice privilégiée et de superviseur de différents services de la société, notamment le service comptabilité et facturation, mais également le service 'information, les magasiniers, les chefs de projet, position qu'elle occupait antérieurement. Enfin, Madame [O] se trouvait dans une position de dépendance économique vis-à-vis de la SAS ILO, qui représentait la quasi-totalité du chiffre d'affaires de la SAS AL CONSULTANT. Elle avait par ailleurs accepté, dès le mois de décembre 2011, le principe d'une rémunération mensuelle fixe, même lorsque des missions supplémentaires lui étaient confiées. Au regard de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que Madame [O] se trouvait bien dans un lien de subordination vis-à-vis de la SAS ILO. Elle aurait en conséquence dû être affiliée au Régime Général et la SAS ILO aurait dû régler des cotisations sociales sur les rémunérations qui lui étaient versées. Dès lors, le chef de redressement contesté sera confirmé et la SAS ILO sera reconventionnellement condamnée à payer à l'URSSAF RHONE ALPES la somme de 153.843 € correspondant aux cotisations reprises et aux majorations de retard, somme mentionnée dans la mise en demeure du 13 avril 2015, outre majorations de retard complémentaires restant à courir jusqu'à complet paiement » ;

1. ALORS QUE nul ne peut être jugé sans avoir été entendu ou appelé ; que la cour d'appel a retenu, pour rejeter le recours de la société ILO, l'existence d'un contrat de travail l'unissant à la gérante de la Société AL CONSULTANT, Mme [O] ; qu'elle a en conséquence, dans le dispositif de sa décision, confirmé le chef de redressement « tenant à l'affiliation de Mme [O] au régime général de la sécurité sociale et à la reprise des cotisations dues à ce titre » (arrêt p. 4) ; qu'en statuant ainsi alors qu'elle était saisie d'un litige portant sur la qualification des relations de travail liant la société ILO à Mme [O] et sur l'obligation d'affiliation subséquente de cette dernière au régime général de sécurité sociale et de paiement des cotisations afférentes, qui ne pouvait être tranché sans la mise en cause de cette dernière, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle au regard de l'article 14 du Code de procédure civile ;

2. ALORS QU'en statuant sur l'obligation d'affiliation de Mme [O] au régime général de sécurité sociale sans l'avoir appelée en la cause, la cour d'appel a violé l'article L. 311-2 du code de la sécurité sociale ;

3. ALORS QUE pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion d'un travail accompli dans un lien de subordination, ce lien étant caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que la cour d'appel s'est bornée à relever, pour valider le chef de redressement au titre des sommes versées à la Société AL CONSULTANT, qu'au vu des contrats et avenant conclus les missions confiées à la Société AL CONSULTANT correspondaient aux anciennes fonctions de directeur administratif et financier de Mme [O], que le contrat de prestations de services avait été conclu à la suite de la rupture du contrat de travail de Mme [O], que les conditions d'exercice de ces missions n'étaient pas différentes de celles relevant du salariat, que le paiement versé était forfaitaire indépendamment des prestations réalisées, que le contrat comportait la mission plus générale de répondre aux besoins spécifiques énoncés par la société ILO et emportait une obligation de compte-rendu mensuel et enfin que le contrat pouvait être rompu moyennant un préavis de 3 mois ; qu'en statuant de la sorte, par des motifs insuffisants à caractériser l'existence d'un pouvoir de sanction de la société ILO vis-à-vis de la Société AL CONSULTANT, et de sa gérante Mme [O], indispensable pour établir un lien de subordination, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 242-1 et L. 311-2 du code de la sécurité sociale et des articles L. 1221-1 et L. 8221-6 du code du travail pris en leur version applicable ;

4. ALORS QU'en se fondant sur le motif impropre tiré du « lien de dépendance économique » de la Société AL CONSULTANT vis-à-vis de la société ILO qui représentait « la quasi-totalité de son chiffre d'affaires » (jugement p. 7 § 2), pour déduire l'existence d'un lien de subordination et valider le redressement afférent de cotisations sociales, circonstance insusceptible de caractériser l'existence d'un lien de subordination, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 242-1 et L. 311-2 du code de la sécurité sociale et des articles L. 1221-1 et L. 8221-6 du code du travail pris en leur version applicable ;

5. ALORS QU'en se fondant sur le motif inopérant tiré de l'intégration de Mme [O] dans un service organisé, circonstance également insusceptible de caractériser l'existence d'un lien de subordination dès lors que la cour d'appel a constaté dans le même temps que « Mme [O] [a] bénéficié d'une certaine indépendance et autonomie dans l'organisation de son travail » (arrêt p. 3 § 12), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 242-1 et L. 311-2 du code de la sécurité sociale et des articles L. 1221-1 et L. 8221-6 du code du travail pris en leur version applicable ;

6. ALORS QUE la succession entre un contrat de travail et un contrat de prestation de services accompli par la même personne physique ne permet pas de déduire le caractère fictif de ce dernier contrat ; qu'en se fondant encore sur les motifs inopérants tirés de ce que, d'une part, le contrat de prestations de services conclu avec la société ILO faisait suite de manière ininterrompue au contrat de travail de Mme [O] et portait sur des fonctions similaires et, d'autre part, que Mme [O] n'avait pas été remplacée à ses anciennes fonctions de directrice administrative et financière après son départ à la retraite, pour en déduire que « la SASU AL CONSULTANT n'a constitué qu'un écran inopérant entre Madame [O] et la SAS ILO » (jugement p. 4 § 7), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 242-1 et L. 311-2 du code de la sécurité sociale et des articles L. 1221-1 et L. 8221-6 du code du travail pris en leur version applicable.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 20-16338
Date de la décision : 09/09/2021
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 31 mars 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 09 sep. 2021, pourvoi n°20-16338


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.16338
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