LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
NL4
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 septembre 2021
Irrecevabilité
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 788 F-D
Pourvoi n° P 20-15.042
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 SEPTEMBRE 2021
Mme [Q] [M], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° P 20-15.042 contre l'arrêt rendu le 23 janvier 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 4), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société MJA, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de M. [C], en qualité de mandataire liquidateur à la liquidation de la société Aristophil,
2°/ à la société EMJ, dont le siège est [Adresse 4], prise en la personne de M. [E] [U], en qualité de mandataire liquidateur à la liquidation de la société Aristophil,
3°/ à l'UNEDIC délégation AGS-CGEA Ile-de-France Ouest, dont le siège est [Adresse 2],
défenderesses à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Durin-Karsenty, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [M], et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 16 juin 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Durin-Karsenty, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué ( Paris, 23 janvier 2019) Mme [M], licenciée pour motif économique de la société Aristophil, (la société) mise en liquidation judiciaire, a saisi un conseil des prud'hommes d'une demande tendant à obtenir la fixation au passif de la société de diverses sommes en réparation de ses préjudices.
2. Le conseil des prud'hommes a sursis à statuer jusqu'à l'issue d'une procédure pénale visant la société et son dirigeant, ce dernier ayant été mis en examen pour escroquerie en bande organisée, abus de confiance, pratiques commerciales trompeuses et présentation de comptes infidèles. Mme [M] a été autorisée à relever appel de ce jugement.
Recevabilité du pourvoi examinée d'office, après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu les articles 380-1, 606, 607 et 608 du code de procédure civile :
3. Sauf excès de pouvoir, la décision de sursis à statuer, qui ne tranche pas le principal et ne met pas fin à l'instance, ne peut être frappée d'un pourvoi que pour violation de la règle de droit gouvernant le sursis à statuer.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Mme [M] fait grief à l'arrêt de prononcer le sursis à statuer jusqu'à l'issue de la procédure pénale, actuellement en cours, à l'encontre de M. [E] [L], gérant, et de la société, et dit qu'il appartiendra à la partie la plus diligente de faire revenir l'affaire au rôle alors :
« 1°/ d'une part que, si la décision de sursis suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle détermine, cette décision ne doit pas avoir pour effet de porter atteinte au droit de toute personne à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable ; qu'en l'espèce, en ordonnant le sursis à statuer « dans l'attente de l'issue de la procédure pénale soit par non-lieu soit par décision pénale définitive », la cour d'appel a compromis le droit de Mme [M] à voir son litige tranché dans un délai raisonnable et a, ce faisant, entaché sa décision d'un excès de pouvoir ;
2°/ que le juge ne peut se prononcer que sur ce qui est demandé, l'objet du litige étant déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, pour ordonner d'office un sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale visant M. [L], dirigeant de la société et cette société, la cour d'appel a retenu qu'en invoquant la fraude de l'employeur et en se référant à la mise en examen de M. [L] et de la société, Mme [M] entendait contester son licenciement sur ce grief; qu'en statuant ainsi alors que, ainsi qu'elle l'a rappelé, dans ses conclusions d'appel, l'exposante faisait valoir que la déconfiture de la société avait pour cause directe la saisie de ses comptes bancaires et la mise sous scellés judiciaires des documents stockés dans ses locaux et que la cessation d'activité de l'entreprise ne résultait donc pas d'un motif économique au sens de l'article L. 1233-3 du code du travail, précisant que la culpabilité pénale du dirigeant et de la personne morale étaient indifférentes à l'examen du caractère abusif de la rupture du contrat de travail, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs en violation des dispositions des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
3°/ qu'après avoir retenu qu'en invoquant la fraude de son employeur et en se référant à la mise en examen de M. [L] et de la société, Mme [M] entendait contester son licenciement sur ce grief, la cour d'appel en a déduit que le sursis à stater était nécessaire pour une bonne administration de la justice dans l'attente de la procédure pénale ; qu'en s'abstenant pour ce motif de statuer sur la demande de dommages et intérêts formée par Mme [M] pour exécution fautive du contrat de travail, laquelle était sans lien avec la fraude de son employeur et la procédure pénale en cours, la cour d'appel méconnu l'étendue de son pouvoir juridictionnel et entaché, ce faisant, sa décision d'un excès de pouvoir. »
Réponse de la Cour
5. Chargé de veiller au bon déroulement de l'instance, le juge dispose du pouvoir d'ordonner un sursis à statuer dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice. En outre, la circonstance que le juge ordonne un sursis à statuer dans l'attente de l'issue d'une procédure pénale en cours ne saurait caractériser la violation d'une règle gouvernant le sursis à statuer ou constituer un excès de pouvoir, même dans le cas où le sursis est prononcé à raison de faits de criminalité organisée susceptibles de donner lieu à une enquête complexe s'étendant dans la durée.
6. Après avoir relevé que des instances pénales étaient en cours contre M. [L], dirigeant de la société, la cour d'appel, qui n'a pas méconnu les termes du litige ni omis de statuer sur la demande de dommages-et-intérêts, a retenu que le sursis à statuer était nécessaire à une bonne administration de la justice dans l'attente de l'issue de la procédure pénale.
7. Il s'ensuit qu'en l'absence d'excès de pouvoir ou de violation des règles gouvernant le sursis à statuer, le pourvoi n'est pas recevable.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DÉCLARE IRRECEVABLE le pourvoi ;
Condamne Mme [M] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf septembre deux mille vingt et un, et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.