LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
LG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 8 septembre 2021
Cassation partielle
M. CATHALA, président
Arrêt n° 972 FS-D
Pourvoi n° K 19-25.592
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 SEPTEMBRE 2021
La société Air France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 19-25.592 contre l'arrêt rendu le 11 décembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 6), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [N] [R], domicilié [Adresse 1],
2°/ au syndicat Alter, dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, les observations de Me Le Prado, avocat de la société Air France, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. [R] et du syndicat Alter, les plaidoiries de Me Le Prado et de Me Pinatel, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 juin 2021 où étaient présents M. Cathala, président, M. Joly, conseiller référendaire rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Pécaut-Rivolier, Ott, Sommé, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, M. Le Masne de Chermont, conseillers référendaires, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 décembre 2019), M. [R] a été engagé par la société Air France (la société) le 30 septembre 1997, en qualité d'officier pilote.
2. Il a indiqué à son employeur qu'il participerait à un mouvement de grève les journées des 18 et 19 octobre 2012 et les journées des 25 et 26 juillet 2012.
3. L'employeur a procédé à des retenues sur salaire pour les journées de grève des 25 et 26 juillet 2012 ainsi que pour les journées des 18 et 19 octobre 2012, pour inexécution du contrat de travail et a versé les salaires pour les journées du 27 au 31 juillet 2012 et du 20 au 25 octobre 2012.
4. Le 15 avril 2013, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de dommages-intérêts au titre des retenues sur salaire et le syndicat Alter est intervenu volontairement à l'instance.
Examen du moyen
Sur le moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter la demande de remboursement de salaires pour les journées du 27 au 31 juillet 2012, ci-après annexé
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter la demande de remboursement de salaires pour les journées du 23 au 25 octobre 2012
Enoncé du moyen
6. La société fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de remboursement de salaires pour les journées du 23 au 25 octobre 2012, alors :
« 1°/ que lorsqu'un salarié ne fournit pas la prestation de travail convenue, inhérente à son contrat de travail, l'employeur n'est pas tenu de lui verser un salaire sauf si une disposition légale, conventionnelle ou contractuelle lui en fait obligation ; qu'est inhérent au contrat de travail d'un pilote le fait d'effectuer une mission dite de rotation, programmée sur plusieurs jours d'affilée et consistant à assurer des vols aller-retour, entrecoupés d'un temps de repos jusqu'au retour à la base d'affectation ; que ces jours de rotation constituent un ensemble indivisible, le premier jour de rotation ne pouvant être séparé des jours de rotation suivants, en sorte que le pilote qui n'assure pas la rotation convenue dans son entier ne peut pas prétendre au paiement de son salaire pour les jours de rotation non réalisés ; que la cour d'appel a relevé que le salarié devait effectuer deux rotations de quatre et de cinq jours prévues du 23 juillet au 26 juillet 2012 inclus (première rotation de quatre jours), puis du 18 au 22 octobre 2012 inclus (seconde rotation de cinq jours) ; que la cour d'appel a constaté que le salarié s'était déclaré gréviste les 25 et 26 juillet 2012 (deux derniers jours de la première rotation) et les 18 et 19 octobre 2012 (deux premiers jours de la seconde rotation), en sorte qu'il n'avait pas achevé la première rotation et que la société Air France a été contrainte d'annuler la seconde rotation ; que la cour d'appel aurait dû déduire de ses propres énonciations que le salarié qui n'a pas exécuté le travail convenu (les rotations et vols programmés) ne pouvait pas prétendre au paiement de son salaire pour tous les jours des deux rotations non exécutées ; qu'en décidant que seule une retenue sur salaire pouvait être opérée pour les jours où le salarié s'est déclaré gréviste, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 2511-1 et L. 1221-1 du code du travail, ensemble l'article L. 6522-5 du code des transports ;
2°/ que salarié qui ne se conforme pas, même pour un motif légitime, aux directives de son employeur en n'exécutant pas la prestation de travail convenue, ne peut pas prétendre se tenir à sa disposition et percevoir son salaire; qu'en décidant que le salarié gréviste durant seulement les deux premiers jours de la rotation programmée sur cinq jours d'affilée (rotation du mois d'octobre 2012) se tenait à la disposition de l'employeur les trois jours suivants, en sorte qu'il devait percevoir pour ces jours de mise à disposition un salaire, bien que la rotation programmée ait été annulée et que le salarié n'ait pas exécuté la mission convenue, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1 et L. 3121-1 du code du travail, ensemble l'article L. 6522-5 du code des transports ;
3°/ qu'un pilote affecté sur une rotation devant s'effectuer sur plusieurs jours d'affilée et qui se déclare en grève durant seulement un ou plusieurs jours de cette rotation ne peut pas être réaffecté par l'employeur sur une autre tâche pendant les jours de la rotation où il ne s'est pas déclaré gréviste, la rotation ayant été soit annulée, soit confiée à un autre pilote ; que non seulement aucun texte n'oblige la compagnie aérienne à affecter le salarié sur un autre vol lorsqu'il n'a pas exécuté la rotation convenue, ce qui entraîne l'annulation de cette rotation, mais encore, une nouvelle affectation est impossible en raison du principe de la stabilité des plannings du personnel navigant technique qui impose que les vols soient programmés un mois à l'avance afin de garantir la sécurité et la continuité des vols ; qu'ainsi le salarié gréviste durant les deux premiers jours de la rotation convenue programmée sur cinq jours, ne peut matériellement plus être inséré dans la programmation des vols ; que pour débouter la société Air France de ses demandes, la cour d'appel s'est bornée à affirmer que la société Air France ne justifiait pas de l'impossibilité d'affecter le salarié sur un autre vol, ni d'aucun motif légitime pour s'être abstenue de lui régler son salaire alors qu'elle avait été informée de la date de reprise de travail plus de 24 heures avant la reprise effective ; qu'en statuant par ces motifs sans tenir compte de l'absence d'obligation de réaffectation, de la déprogrammation de la rotation convenue et de l'impératif de stabilité des plannings, la cour d'appel a violé les dispositions de l'accord relatif à la stabilité planning du personnel navigant technique applicable au sein de la société Air France, ensemble l'article L. 6522-5 du code des transports. »
Réponse de la Cour
7. La cour d'appel a constaté que le salarié devait accomplir une rotation du 18 au 22 octobre 2012, qu'il s'était déclaré gréviste pour les journées des 18 et 19 octobre 2012, qu'il n'était pas soutenu que le salarié aurait manqué à son obligation d'informer son employeur de sa reprise de service au plus tard vingt-quatre heures avant ladite reprise et a fait ressortir qu'à l'issue de sa rotation, qu'il n'avait pas effectuée et qui avait été annulée en raison de sa participation à un mouvement de grève, il se tenait à compter du 23 octobre 2012 à la disposition de son employeur, qui ne justifiait pas de l'impossibilité dans laquelle il s'était trouvé d'affecter le salarié, si bien que l'employeur ne justifiait pas que les salaires versés au salarié pour les jours suivant la grève étaient indus.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter la demande de remboursement de salaires pour les journées du 20 au 22 octobre 2012, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
9. La société fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de remboursement de salaires pour les journées du 20 au 22 octobre 2012, alors « que lorsqu'un salarié ne fournit pas la prestation de travail convenue, inhérente à son contrat de travail, l'employeur n'est pas tenu de lui verser un salaire sauf si une disposition légale, conventionnelle ou contractuelle lui en fait obligation ; qu'est inhérent au contrat de travail d'un pilote le fait d'effectuer une mission dite de rotation, programmée sur plusieurs jours d'affilée et consistant à assurer des vols aller-retour, entrecoupés d'un temps de repos jusqu'au retour à la base d'affectation ; que ces jours de rotation constituent un ensemble indivisible, le premier jour de rotation ne pouvant être séparé des jours de rotation suivants, en sorte que le pilote qui n'assure pas la rotation convenue dans son entier ne peut pas prétendre au paiement de son salaire pour les jours de rotation non réalisés ; que la cour d'appel a relevé que le salarié devait effectuer deux rotations de quatre et de cinq jours prévues du 23 juillet au 26 juillet 2012 inclus (première rotation de quatre jours), puis du 18 au 22 octobre 2012 inclus (seconde rotation de cinq jours) ; que la cour d'appel a constaté que le salarié s'était déclaré gréviste les 25 et 26 juillet 2012 (deux derniers jours de la première rotation) et les 18 et 19 octobre 2012 (deux premiers jours de la seconde rotation), en sorte qu'il n'avait pas achevé la première rotation et que la société Air France a été contrainte d'annuler la seconde rotation ; que la cour d'appel aurait dû déduire de ses propres énonciations que le salarié qui n'a pas exécuté le travail convenu (les rotations et vols programmés) ne pouvait pas prétendre au paiement de son salaire pour tous les jours des deux rotations non exécutées ; qu'en décidant que seule une retenue sur salaire pouvait être opérée pour les jours où le salarié s'est déclaré gréviste, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 2511-1 et L. 1221-1 du code du travail, ensemble l'article L. 6522-5 du code des transports. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 6522-5 du code des transports :
10. Aux termes de ce texte, dans le respect des dispositions prises pour assurer la sécurité des vols et sans préjudice des dispositions des articles L. 6522-2 à L. 6522-4 du code des transports, le personnel navigant est tenu, sauf cas de force majeure ou impossibilité médicale, d'assurer son service tel qu'il a été programmé, entre deux passages à l'une des bases d'affectation du personnel navigant de l'entreprise, définie par voie réglementaire.
11. Il résulte par ailleurs des dispositions de l'article L. 1114-3 du code des transports issues de la loi n° 2012-375 du 19 mars 2012 qu'en cas de grève et pendant toute la durée du mouvement, les salariés dont l'absence est de nature à affecter directement la réalisation des vols informent, au plus tard quarante-huit heures avant de participer à la grève, le chef d'entreprise ou la personne désignée par lui de leur intention d'y participer et que les informations issues des déclarations individuelles des salariés ne peuvent être utilisées que pour l'organisation de l'activité durant la grève en vue d'en informer les passagers.
12. Enfin, l'article L. 1114-7 du code des transports énonce qu'en cas de perturbation du trafic aérien liée à une grève dans une entreprise ou un établissement chargé d'une activité de transport aérien de passagers, tout passager a le droit de disposer d'une information gratuite, précise et fiable sur l'activité assurée, cette information devant être délivrée aux passagers par l'entreprise de transport aérien au plus tard vingt-quatre heures avant le début de la perturbation.
13. La Cour de cassation a déduit de ces deux derniers textes (Soc., 12 octobre 2017, pourvoi n° 16-12.550, Bull. 2017, V, n° 181) que doit être approuvé l'arrêt de cour d'appel qui a retenu que ces dispositions, dont la finalité est l'information des usagers vingt-quatre heures à l'avance sur l'état du trafic afin d'éviter tout déplacement et encombrement des aéroports et préserver l'ordre public, n'autorisaient pas l'employeur, en l'absence de service minimum imposé, à utiliser les informations issues des déclarations individuelles des salariés afin de recomposer les équipages et réaménager le trafic avant le début du mouvement.
14. Il en résulte que, le personnel navigant s'étant déclaré gréviste les deux premières journées de sa rotation et n'étant pas en mesure d'assurer son service tel qu'il avait été programmé, entre deux passages à l'une des bases d'affectation du personnel navigant de l'entreprise, l'employeur ne peut être tenu de lui verser un salaire pour les journées suivantes de la rotation.
15. Pour rejeter la demande de la société, l'arrêt retient qu'il n'est pas soutenu par la société que le salarié aurait manqué à son obligation d'informer son employeur vingt-quatre heures avant l'heure de sa reprise qu'il se tenait à sa disposition, qu'elle soutient vainement que le salarié ne se tenait pas à sa disposition pour les journées des 20, 21 et 22 octobre 2012, au motif qu'il aurait refusé le travail qui lui est demandé par l'employeur, dès lors que le salarié n'a fait qu'user de son droit de grève et qu'elle ne justifie pas de l'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée d'affecter le salarié.
16. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de remboursement des salaires indûment versés à M. [R] pour la période du 20 au 22 octobre 2012 présentée par la société Air France ainsi qu'en ses dispositions relatives à l'application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, l'arrêt rendu le 11 décembre 2019 entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne M. [R] et le syndicat Alter aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé par le président et signé par lui et M. Huglo, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, en son audience publique du huit septembre deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Air France
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué ;
D'AVOIR débouté la société Air France de sa demande de remboursement de salaire ;
AUX MOTIFS QUE « la société Air-France demande à M. [R] le remboursement des salaires relatifs aux journées du 27 au 31 juillet 2012 et du 20 au 25 octobre 2012, correspondant à des périodes suivant ses jours de grève, qu'elle indique avoir réglés par erreur car de façon injustifiée. Il est constant qu'étant gréviste les 25 et 26 juillet 2012, M. [R], qui avait démarré une rotation de quatre jours, initialement fixé du 23 au 26 juillet, n'a pas achevée celle-ci. Pour autant, l'employeur n'explique ni ne justifie en quoi M. [R] aurait inexécuté ou mal exécuté les obligations de son contrat de travail entre le 27 juillet et le 1er août 2012 (date à laquelle il est parti en congés) qui seraient de nature à justifier le remboursement sollicité pour cette période. S'agissant de la deuxième période, M. [R] avait un planning fixé du 18 au 22 octobre 2012. L'accord relatif à la "stabilité planning du personnel navigant technique" du 17 février 2012 dispose que : "le planning du personnel navigant technique est stable à compter du constat d'élaboration, en toutes circonstances et en toutes périodes, et ce sans exception. Dans ces conditions, toute modification de planning après le constat d'élaboration doit faire l'objet d'un accord entre la compagnie et le navigant ".Ce même accord précise que l'annulation d'une activité de la production Air France (activité vol ou sol) n 'est pas considérée comme une modification de planning mais ne remet pas en cause la nécessité que toute nouvelle programmation à l'issue de l'annulation fasse l'objet d'un accord entre le navigant concerné et la compagnie. La décision d'Air-France d'annuler la fin de la rotation de M. [R], à la suite de sa déclaration de grève pour les journées des 18 octobre et 19 octobre 2012 ne constitue donc pas une modification de planning. Aux termes de l'article L. 114-3 du code des transports, "le salarié qui participe à la grève et qui décide de reprendre son service en informe son employeur au plus tard vingt-quatre heures avant l'heure de sa reprise afin que ce dernier puisse l'affecter. Cette information n'est pas requise lorsque la reprise du service est consécutive à la fin de la grève''. Il n'est pas soutenu que M. [R] aurait manqué à cette obligation. L'employeur soutient par ailleurs vainement que le salarié ne se tenait pas à sa disposition pour les journées des 20, 21 et 22 octobre 2012 au motif qu'il aurait, "refusé le travail qui lui est demandé par l'employeur », dès lors que M. [R] n'a fait qu'user de son droit de grève pour les journées des 18 octobre et 19 octobre 2012 et qu'elle ne justifie nullement lui avoir proposé pour les journées suivantes un planning d'activité. Ne justifiant pas de l'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée d'affecter le salarié, la société Air France ne justifie pas que les salaires versés à M. [R] pour les jours suivant la grève seraient indus. La société Air France sera donc déboutée de sa demande de remboursement de salaires ».
1. ALORS QUE lorsqu'un salarié ne fournit pas la prestation de travail convenue, inhérente à son contrat de travail, l'employeur n'est pas tenu de lui verser un salaire sauf si une disposition légale, conventionnelle ou contractuelle lui en fait obligation; qu'est inhérent au contrat de travail d'un pilote le fait d'effectuer une mission dite de rotation, programmée sur plusieurs jours d'affilée et consistant à assurer des vols aller-retour, entrecoupés d'un temps de repos jusqu'au retour à la base d'affectation; que ces jours de rotation constituent un ensemble indivisible, le premier jour de rotation ne pouvant être séparé des jours de rotation suivants, en sorte que le pilote qui n'assure pas la rotation convenue dans son entier ne peut pas prétendre au paiement de son salaire pour les jours de rotation non réalisés ; que la cour d'appel a relevé que le salarié devait effectuer deux rotations de quatre et de cinq jours prévues du 23 juillet au 26 juillet 2012 inclus (première rotation de quatre jours), puis du 18 au 22 octobre 2012 inclus (seconde rotation de cinq jours) ; que la cour d'appel a constaté que le salarié s'était déclaré gréviste les 25 et 26 juillet 2012 (deux derniers jours de la première rotation) et les 18 et 19 octobre 2012 (deux premiers jours de la seconde rotation), en sorte qu'il n'avait pas achevé la première rotation et que la société Air France a été contrainte d'annuler la seconde rotation ; que la cour d'appel aurait dû déduire de ses propres énonciations que le salarié qui n'a pas exécuté le travail convenu (les rotations et vols programmés) ne pouvait pas prétendre au paiement de son salaire pour tous les jours des deux rotations non exécutées ; qu'en décidant que seule une retenue sur salaire pouvait être opérée pour les jours où le salarié s'est déclaré gréviste, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 2511-1 et L. 1221-1 du code du travail, ensemble l'article L. 6522-5 du code des transports.
2. ET ALORS QU'un salarié qui ne se conforme pas, même pour un motif légitime, aux directives de son employeur en n'exécutant pas la prestation de travail convenue, ne peut pas prétendre se tenir à sa disposition et percevoir son salaire; qu'en décidant que le salarié gréviste durant seulement les deux premiers jours de la rotation programmée sur cinq jours d'affilée (rotation du mois d'octobre 2012) se tenait à la disposition de l'employeur les trois jours suivants, en sorte qu'il devait percevoir pour ces jours de mise à disposition un salaire, bien que la rotation programmée ait été annulée et que le salarié n'ait pas exécuté la mission convenue, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1 et L. 3121-1 du code du travail, ensemble l'article L. 6522-5 du code des transports.
3. ALORS, enfin, QU' un pilote affecté sur une rotation devant s'effectuer sur plusieurs jours d'affilée et qui se déclare en grève durant seulement un ou plusieurs jours de cette rotation ne peut pas être réaffecté par l'employeur sur une autre tâche pendant les jours de la rotation où il ne s'est pas déclaré gréviste, la rotation ayant été soit annulée, soit confiée à un autre pilote ; que non seulement aucun texte n'oblige la compagnie aérienne à affecter le salarié sur un autre vol lorsqu'il n'a pas exécuté la rotation convenue, ce qui entraîne l'annulation de cette rotation, mais encore, une nouvelle affectation est impossible en raison du principe de la stabilité des plannings du personnel navigant technique qui impose que les vols soient programmés un mois à l'avance afin de garantir la sécurité et la continuité des vols ; qu'ainsi le salarié gréviste durant les deux premiers jours de la rotation convenue programmée sur cinq jours, ne peut matériellement plus être inséré dans la programmation des vols ; que pour débouter la société Air France de ses demandes, la cour d'appel s'est bornée à affirmer que la société Air France ne justifiait pas de l'impossibilité d'affecter le salarié sur un autre vol, ni d'aucun motif légitime pour s'être abstenue de lui régler son salaire alors qu'elle avait été informée de la date de reprise de travail plus de 24 heures avant la reprise effective; qu'en statuant par ces motifs sans tenir compte de l'absence d'obligation de réaffectation, de la déprogrammation de la rotation convenue et de l'impératif de stabilité des plannings, la cour d'appel a violé les dispositions de l'accord relatif à la stabilité planning du personnel navigant technique applicable au sein de la société Air France, ensemble l'article L. 6522-5 du code des transports.