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29/06/2021 | FRANCE | N°20-84860

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 29 juin 2021, 20-84860


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° C 20-84.860 F-D

N° 00842

GM
29 JUIN 2021

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 29 JUIN 2021

M. [Y] [P] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 5-5, en date du 8 juillet 2020, qui, sur renvoi après cassation (Crim.,24 septe

mbre 2019, pourvoi n° 1885736), pour subornation de témoin en récidive, l'a condamné à trois ans d'emprisonnement et a ordon...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° C 20-84.860 F-D

N° 00842

GM
29 JUIN 2021

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 29 JUIN 2021

M. [Y] [P] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 5-5, en date du 8 juillet 2020, qui, sur renvoi après cassation (Crim.,24 septembre 2019, pourvoi n° 1885736), pour subornation de témoin en récidive, l'a condamné à trois ans d'emprisonnement et a ordonné une mesure de confiscation.

Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de Mme Méano, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [Y] [P], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er juin 2021 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Méano, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. M. [Y] [P] a été renvoyé de la prévention susmentionnée devant le tribunal correctionnel qui a rejeté l'exception tirée de l'irrégularité de l'ordonnance de renvoi faute de notification du réquisitoire définitif à l'adresse de son avocat et l'a condamné à cinq ans d'emprisonnement.

3. Le prévenu a interjeté appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen

4. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur les premier et deuxième moyens

Enoncé des moyens

5. Le premier moyen est pris de la violation des articles 175, 184, 385 et 593 du code de procédure pénale.

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception tirée de l'irrégularité de l'ordonnance de renvoi, alors « qu'il résulte des articles 175, 184 et 385 du code de procédure pénale que la procédure doit être renvoyée au ministère public par la juridiction correctionnelle lorsqu'il apparaît que le réquisitoire définitif pris antérieurement à l'ordonnance de renvoi n'a pas été régulièrement communiqué aux parties ou à leur avocat par lettre recommandée ; que selon l'arrêt de la Chambre criminelle du 24 septembre 2019 précédemment rendu dans le cadre de cette affaire, l'envoi du réquisitoire à l'avocat à une adresse qui n'est pas celle de son cabinet caractérise cette irrégularité ; qu'en rejetant l'exception de nullité de l'ordonnance de renvoi lorsqu'elle constatait, comme l'avait fait la Chambre criminelle dans l'arrêt précité, qu'en l'espèce, le réquisitoire définitif a été envoyé à une adresse erronée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a violé les articles précités, ainsi que l'article 593 du code de procédure pénale. »

7. Le deuxième moyen est pris de la violation de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme et des articles 175, 184, 385 et 593 du code de procédure pénale.

8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception tirée de l'irrégularité de l'ordonnance de renvoi, alors :

« 1°/ qu'il il résulte des articles 175, 184 et 385 du code de procédure pénale que la procédure doit être renvoyée au ministère public par la juridiction correctionnelle lorsqu'il apparaît que le réquisitoire définitif pris antérieurement à l'ordonnance de renvoi n'a pas été régulièrement communiqué aux parties ou à leur avocat par lettre recommandée ; que par ailleurs, il découle de ces mêmes articles, tels qu'interprétés à la lumière de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, que lorsqu'il est acquis que le réquisitoire a été envoyé à une adresse incorrecte à l'avocat désigné, et que ce dernier invoque sa non-réception, l'irrégularité du renvoi doit être constatée sans que la juridiction puisse chercher à prouver par elle-même la bonne réception du pli par son destinataire ; qu'en cherchant à prouver, pour valider le renvoi de M. [P] devant la juridiction correctionnelle, la bonne réception par son conseil du réquisitoire définitif, nonobstant l'envoi de celui-ci à Maître [X], qui affirme ne pas l'avoir réceptionné, à une adresse erronée, la cour d'appel a méconnu les dispositions internes et conventionnelles précitées ;

2°/ que c'est par des motifs manifestement inopérants que la cour d'appel a considéré que « la question de la délimitation de l'étendue de l'erreur d'adressage a une incidence sur celle de la preuve de la réception en temps utile du réquisitoire par Maître [X] », lorsque toute erreur dans le libellé d'une adresse, et même si celle-ci n'affecte que le numéro de voie, a pour conséquence naturelle de détourner le pli de son destinataire ; que ce faisant, elle a privé sa décision de base légale, violant l'article 593 du code de procédure pénale ;

3°/ que le retour de l'avis de réception au greffe ne peut faire preuve de la réception du pli par son destinataire que s'il supporte une signature valable ; qu'en relevant que l'avis de réception a été retourné au cabinet du magistrat instructeur et comportait « la signature du destinataire sous la mention de celle-ci », mais qu'il n'était pas « nécessaire que la signature du destinataire soit lisible, reconnaissable ou reconnue pour que la distribution soit validée», la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

4°/ que le retour de l'avis de réception ne peut faire preuve de la réception du pli envoyé par le greffe que si son numéro correspond à celui figurant sur le bordereau établi par le greffe ; que la cour d'appel qui constatait qu'« il ressort de la lecture de l'avis de réception de l'envoi du recommandé que le numéro de celui-ci n'est pas le même que celui figurant sur le bordereau de lettres recommandées déposées au bureau de poste le 28 octobre 2015 établissant le récapitulatif des sept envois faits en recommandé par le cabinet d'instruction à l'ensemble des avocats des parties » ne pouvait considérer qu'il s'agissait là « d'une erreur matérielle » au regard du fait qu' « aucun des numéros de recommandés du bordereau ne correspond aux numéros des envois recommandés réalisés », pour en déduire que la preuve de la réception du pli contenant le réquisitoire définitif par Maître [X] était bien rapportée ; que de nouveau, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

5°/ que la preuve de la réception d'un acte ne saurait découler de l'absence de contestation de la réception d'un autre acte, envoyé à une même adresse ; que pour refuser de renvoyer la procédure au ministère public à fin de régularisation, la cour d'appel a estimé que « dans la mesure où l'avis de fin d'information et l'ordonnance adressés par lettres recommandées à Maître [X] au « [Adresse 1] » sont parvenus à bonne fin malgré la même erreur de numérotation, il est difficile d'imaginer qu'il ait pu en être autrement pour la transmission de la copie du réquisitoire définitif envoyé à la même adresse » ; qu'en se prononçant ainsi, lorsqu'elle entendait démontrer que le réquisitoire définitif lui-même, et non d'autres actes, était effectivement parvenu à Maître [X], la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

6°/ qu'en estimant que « dans la mesure où l'avis de fin d'information et l'ordonnance adressés par lettres recommandées à Maître [X] au « [Adresse 1] » sont parvenus à bonne fin malgré la même erreur de numérotation, il est difficile d'imaginer qu'il ait pu en être autrement pour la transmission de la copie du réquisitoire définitif envoyé à la même adresse », la cour d'appel s'est prononcée par des motifs dubitatifs ou hypothétiques et a privé sa décision de base légale ;

7°/ que la cour d'appel a considéré que « la copie des réquisitions du procureur de la République a été adressée au conseil par lettre recommandée et que le conseil n'apporte pas la preuve contraire qu'il n'aurait pas reçu la copie des réquisitions » ; qu'en faisant peser sur la défense la preuve de la non-réception des réquisitions lorsque c'est au greffe de la juridiction qu'il appartient de les envoyer à une adresse correcte et d'apporter la preuve de leur réception, la cour d'appel a inversé la charge de cette preuve, privant sa décision de base légale ;

8°/ qu'en rejetant l'exception de nullité de l'ordonnance de renvoi malgré le constat de l'envoi du réquisitoire définitif du parquet au conseil de l'exposant à une mauvaise adresse, par des motifs impropres à démontrer que ce conseil en ait eu connaissance, et lorsque celui-ci n'a, en conséquence, pas pu répondre à ce réquisitoire par des observations avant que l'ordonnance de renvoi soit rendue, la cour d'appel a manifestement porté atteinte aux droits de la défense, au respect du contradictoire, et violé l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme. »

Réponse de la Cour

9. Les moyens sont réunis.

10. Pour écarter l'exception de nullité prise de l'absence de notification du réquisitoire définitif au conseil du prévenu, l'arrêt attaqué retient que le greffier a adressé par lettre recommandée avec avis de réception à Maître [X] au « [Adresse 1] », copie des réquisitions du ministère public et que cette expédition est attestée par le bordereau de lettres recommandées comportant un cachet postal d'envoi du 29 octobre 2015 et qui porte aussi la mention manuscrite « Notif RD » et le numéro d'instruction du dossier.

11. Les juges ajoutent que l'avis de réception de l'envoi recommandé au « [Adresse 1] », qui comporte un cachet postal de Bastia daté du 30 octobre 2015, l'indication que l'envoi a été distribué et la signature manuscrite du destinataire, a bien fait retour au cabinet d'instruction dûment renseigné mais pas le pli, qui a donc été remis à son destinataire.

12. Ils relèvent que l'avis de réception prouve la distribution par le facteur sans qu'il soit nécessaire que la signature du destinataire soit lisible, reconnaissable ou reconnue.

13. Ils en déduisent que le courrier réceptionné ce jour-là était bien celui transmettant la copie du réquisitoire définitif qui a bien été remis à son destinataire.

14. Ils en concluent que la preuve de la notification et de la réception en temps utile du réquisitoire définitif à Maître [X] est rapportée et qu'il a été satisfait aux prescriptions du deuxième alinéa de l'article 175 du code de procédure pénale.

15. En l'état de ces seules énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision.

Sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

16. Le quatrième moyen est pris de la violation des articles 130-1, 132-1 et 132-19 du code pénal et 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale

17. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné le prévenu à trois ans d'emprisonnement, alors :

«1°/ qu'en matière correctionnelle, une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ; qu'en prononçant une peine d'emprisonnement ferme de trois ans à l'encontre de l'exposant, après avoir évoqué le quantum fixé par le législateur révélant la gravité du trouble à l'ordre public, la gravité des faits « commis dans un cadre pénitentiaire » et le passé judiciaire de l'exposant, ainsi que le fait qu'il se trouvait alors en détention provisoire pour autre cause, la Cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

2°/ en matière correctionnelle, une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ; qu'en prononçant une peine d'emprisonnement ferme de trois ans à l'encontre de l'exposant, sans expliquer en quoi toute autre sanction serait manifestement inadéquate, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

3°/ qu'en considérant « que les faits sont graves puisque le délit de subornation de témoin a été commis depuis un établissement pénitentiaire et qu'il a eu pour objet d'interférer dans le jugement par une cour d'assises d'appel de l'auteur d'un triple assassinat », lorsqu'il est acquis qu'aucune condamnation ni même aucun renvoi du chef de faux témoignage n'est intervenu dans le cadre de cette affaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale. »

Réponse de la Cour

18. Pour condamner le prévenu à trois ans d'emprisonnement, l'arrêt énonce que les faits sont graves puisque le délit de subornation de témoin a été commis depuis un établissement pénitentiaire et qu'il a eu pour objet d'interférer dans le jugement, par une cour d'assises d'appel, de l'auteur d'un triple assassinat.

19. Les juges retiennent, s'agissant de la personnalité du prévenu, que M. [P], 54 ans, divorcé, un enfant, a huit condamnations à son casier judiciaire prononcées entre 1986 et 2013 avec notamment une condamnation de la cour d'assises des Alpes-Maritimes du 18 décembre 1990 à huit ans de réclusion criminelle pour vol avec port d'arme, une autre de la cour d'assises du Val-de-Marne du 18 décembre 1990 à quatre ans d'emprisonnement pour infractions à la législation sur les armes et munitions et enfin, une condamnation de la cour d'assises des Bouches-du-Rhône du 13 mars 2008 à quinze ans de réclusion criminelle prononcée pour assassinat et participation à une association de malfaiteurs ; qu'il est en récidive légale au regard de cette condamnation définitive.

20. Ils ajoutent M. [P] est incarcéré sans discontinuer depuis le 27 septembre 2001, en dehors d'un épisode de surveillance électronique probatoire à une libération conditionnelle allant du 27 février au 21 décembre 2017 ; que sa fiche pénale éditée le 10 juin 2020 mentionne une date de fin de peine en principe fixée au 11 mai 2023 sous réserve d'autres titres de détention.

21. Les juges en concluent qu'au regard de ces éléments, il convient de le condamner à la peine de trois ans d'emprisonnement.

22. En statuant ainsi, par des motifs d'où il se déduit que toute autre sanction était manifestement inadéquate, la cour d'appel a justifié sa décision.

23. Dès lors, le moyen n'est pas fondé.

24. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-neuf juin deux mille vingt et un.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 20-84860
Date de la décision : 29/06/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 08 juillet 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 29 jui. 2021, pourvoi n°20-84860


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Spinosi

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.84860
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