La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/06/2021 | FRANCE | N°20-11089

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 24 juin 2021, 20-11089


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 24 juin 2021

Rejet

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 663 F-D

Pourvoi n° S 20-11.089

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [O].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 14 novembre 2019
et du 23 janvier 2020 (rectification d'erreur matérielle).

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

___

______________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 J...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 24 juin 2021

Rejet

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 663 F-D

Pourvoi n° S 20-11.089

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [O].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 14 novembre 2019
et du 23 janvier 2020 (rectification d'erreur matérielle).

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 JUIN 2021

Mme [T] [O], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 20-11.089 contre l'arrêt rendu le 28 février 2019 par la cour d'appel de Versailles (5e chambre), dans le litige l'opposant à la caisse d'allocations familiales des Hauts-de-Seine, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de Mme [O], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse d'allocations familiales des Hauts-de-Seine, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 mai 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 28 février 2019), Mme [O] (l'allocataire), de nationalité camerounaise, entrée en France le 28 mai 2011 et titulaire d'une carte de séjour temporaire mention « vie privée et familiale », a formé auprès de la caisse d'allocations familiales des Hauts-de-Seine (la caisse), le 11 juillet 2016, une demande tendant au versement des prestations familiales au titre de ses trois enfants, dont [E], née le [Date naissance 1] 2001 au Cameroun et entrée en France le 2 octobre 2012.

2. La caisse lui ayant opposé un refus, au motif qu'elle ne produisait pas la copie du certificat médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration en application des dispositions de l'article D. 512-2, 2°, du code de la sécurité sociale, l'allocataire a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. L'allocataire fait grief à l'arrêt de confirmer la décision de la caisse, et de la débouter de sa demande prestations familiales en faveur de sa fille [E], alors « que les traités ou accords internationaux régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois ; que l'article 1er, § 2, de la Convention générale du 5 novembre 1990 sur la sécurité sociale entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Cameroun prévoit que : « Les ressortissants camerounais exerçant en France une activité salariée ou assimilée sont soumis aux législations de sécurité sociale énumérées à l'article 3, applicables en France et en bénéficient, ainsi que leur ayants droit résidant en France, dans les mêmes conditions que les ressortissants français » ; que l'article 3 A. d) de la même Convention inclut dans le champ d'application de celle-ci « la législation [française] relative aux prestations familiales » ; que la cour d'appel a constaté que Mme [O] se trouve en situation régulière sur le territoire national et exerce une activité professionnelle sur le territoire français ; qu'en retenant néanmoins que les stipulations de la Convention franco-camerounaise du 5 novembre 1990 ne faisaient pas obstacle à ce que chacun des Etats concernés prenne les mesures qu'il estime nécessaire au contrôle des conditions d'accueil des enfants sur son territoire national, pour décider que la caisse d'allocations familiales pouvait refuser le bénéfice de prestations familiales à Mme [O], motif pris que l'existence d'une convention bilatérale de sécurité sociale ne dispenserait pas les personnes sollicitant le bénéfice des prestations familiales de produire l'un des documents exigés par l'article D. 512-2 du code de la sécurité sociale, la cour d'appel a violé les textes susvisés, ensemble l'article 55 de la Constitution. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, applicable au litige, bénéficient des prestations familiales les étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse pour les enfants qui sont à leur charge et au titre desquels les prestations sont demandées dès lors qu'ils justifient de la régularité de leur situation par la production de l'un des titres ou documents énumérés à l'article D. 512-2 du même code.

5. Selon l'article 9 de la Convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Cameroun relative à la circulation et au séjour des personnes, signée le 24 janvier 1994, publiée par le décret n° 96-1033 du 25 novembre 1996, les membres de la famille d'un ressortissant de l'un des Etats contractants peuvent être autorisés à rejoindre le chef de famille régulièrement établi sur le territoire de l'autre Etat dans le cadre de la législation en vigueur dans l'Etat d'accueil en matière de regroupement familial.

6. Selon les articles 1er, 3 et 4 de la Convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Cameroun sur la sécurité sociale, signée le 5 novembre 1990, publiée par le décret n° 92-223 du 10 mars 1992, les travailleurs salariés de nationalité camerounaise, occupés sur le territoire français, bénéficient pour leurs enfants résidant en France des prestations familiales prévues par la législation française.

7. Il résulte de la combinaison de ces dispositions et stipulations que le travailleur salarié ou assimilé de nationalité camerounaise doit justifier, par la production des documents mentionnés à l'article D. 512-2, de la régularité de la situation de l'enfant qui a été autorisé à le rejoindre en France.

8. Ayant constaté, d'une part, que l'allocataire se trouve en situation régulière et exerce une activité professionnelle, et, d'autre part, que sa fille est entrée sur le territoire national après elle et ne dispose pas des documents prévus par l'article D. 512-2 du code de la sécurité sociale, l'arrêt retient que la caisse pouvait refuser le bénéfice des prestations familiales.

9. De ces constatations, la cour d'appel a exactement déduit que l'allocataire ne pouvait prétendre au bénéfice des prestations familiales sans justifier de la régularité de l'entrée de son enfant né hors du territoire national.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [O] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Ohl et Vexliard, avocat aux Conseils, pour Mme [O]

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir confirmé la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de la caisse d'allocations familiales des Hauts-de-Seine, et débouté Mme [O] de sa demande de pouvoir bénéficier du droit aux prestations familiales en faveur de sa fille [E] à compter du 14 juin 2014,

Aux motifs suivants (arrêt attaqué, pp. 3 ? 4) :

Aux termes de l'article D. 512-2 du code de la sécurité sociale : « La régularité de l'entrée et du séjour des enfants étrangers que le bénéficiaire a à charge et au titre desquels il demande des prestations familiales est justifiée par la production de l'un des documents suivants : /1º Extrait d'acte de naissance en France ; /2º Certificat de contrôle médical de l'enfant, délivré par l' Office français de l'immigration et de l'intégration à l'issue de la procédure d'introduction ou d'admission au séjour au titre du regroupement familial ; /3º Livret de famille délivré par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, à défaut, un acte de naissance établi, le cas échéant, par cet office, lorsque l'enfant est membre de famille d'un réfugié, d'un apatride ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire. Lorsque l'enfant n'est pas l'enfant du réfugié, de l'apatride ou du bénéficiaire de la protection subsidiaire, cet acte de naissance est accompagné d'un jugement confiant la tutelle de cet enfant à l'étranger qui demande à bénéficier des prestations familiales ; /4º Visa délivré par l'autorité consulaire et comportant le nom de l'enfant d'un étranger titulaire de la carte de séjour mentionnée à l'article L. 313-8 ou au 5º de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; /5º Attestation délivrée par l'autorité préfectorale, précisant que l'enfant est entré en France au plus tard en même temps que l'un de ses parents admis au séjour sur le fondement du 7º de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou du 5º de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ; /6º Titre de séjour délivré à l'étranger âgé de seize à dix-huit ans dans les conditions fixées par l'article L. 311-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. /Elle est également justifiée, pour les enfants majeurs ouvrant droit aux prestations familiales, par l'un des titres mentionnés à l'article D. 512-1 ». L'article 1 du titre premier de la convention [bilatérale de sécurité sociale liant la France et le Cameroun conclue le 5 novembre 1990] se lit pour sa part : « Les ressortissants français exerçant au Cameroun une activité salariée sont soumis aux législations de sécurité sociale (...) dans les mêmes conditions que les ressortissants camerounais ». L'article 2 se lit quant à lui : « Les ressortissants camerounais exerçant en France une activité salariée ou assimilée sont soumis aux législations de sécurité sociale (...) en bénéficient, ainsi que leurs ayants droits résidant en France, dans les mêmes conditions que les ressortissants français ». La cour note, certes, que Mme [O] se trouve en situation régulière sur le territoire national et exerce une activité professionnelle sur le territoire français. En revanche, comme il a été régulièrement jugé dans des situations similaires, les dispositions de conventions comme la convention franco-camerounaise du 5 novembre 1990 ne font pas obstacle à ce que chacun des Etats concernés prennent les mesures qu'il estime nécessaire au contrôle des conditions d'accueil des enfants sur son territoire national. La cour rappelle, dans cette perspective, que le trafic international d'enfants est l'un des trafics qui connaît un développement important et auquel les institutions internationales, onusiennes tout spécialement, invitent les Etats membre à porter une attention spéciale. La France est ainsi fondée à adopter les dispositions législatives et réglementaires qu'elle estime adaptées, pour autant qu'elles n'apportent pas une atteinte excessive aux droits fondamentaux reconnus par la Constitution de la république, les traités internationaux et notamment la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En l'espèce, il est constant que la fille aînée de Mme [O] a pénétré sur le territoire national postérieurement à l'entrée de sa mère et qu'elle ne disposait d'aucun des documents prévus par la réglementation susvisée. Ainsi, la CAF pouvait et peut refuser le bénéfice de prestations familiales à Mme [O], estimant que l'existence d'une convention bilatérale de sécurité sociale ne dispense pas les personnes sollicitant le bénéfice des prestations familiales de produire l'un des documents exigés par l'article D. 512-2 du code de la sécurité sociale. Il est en effet acquis que les nouvelles dispositions législatives et réglementaires, qui revêtent un caractère objectif justifié par la nécessité dans un Etat démocratique d'exercer un contrôle des conditions d'accueil des enfants, ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit à la vie familiale garanti par les articles 8 et 14 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni ne méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant. La cour, infirmant le jugement entrepris, déboutera Mme [O] de toutes ses demandes,

Alors que les traités ou accords internationaux régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois ; que l'article 1er § 2 de la Convention générale du 5 novembre 1990 sur la sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Cameroun prévoit que : « Les ressortissants camerounais exerçant en France une activité salariée ou assimilée sont soumis aux législations de sécurité sociale énumérées à l'article 3, applicables en France et en bénéficient, ainsi que leur ayants droit résidant en France, dans les mêmes conditions que les ressortissants français » ; que l'article 3 A. d) de la même Convention inclut dans le champ d'application de celle-ci « la législation [française] relative aux prestations familiales » ; que la cour d'appel a constaté que Mme [O] se trouve en situation régulière sur le territoire national et exerce une activité professionnelle sur le territoire français ; qu'en retenant néanmoins que les stipulations de la Convention franco-camerounaise du 5 novembre 1990 ne faisaient pas obstacle à ce que chacun des Etats concernés prenne les mesures qu'il estime nécessaire au contrôle des conditions d'accueil des enfants sur son territoire national, pour décider que la CAF pouvait refuser le bénéfice de prestations familiales à Mme [O], motif pris que l'existence d'une convention bilatérale de sécurité sociale ne dispenserait pas les personnes sollicitant le bénéfice des prestations familiales de produire l'un des documents exigés par l'article D. 512-2 du code de la sécurité sociale, la cour d'appel a violé les textes susvisés, ensemble l'article 55 de la Constitution.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 20-11089
Date de la décision : 24/06/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 28 février 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 24 jui. 2021, pourvoi n°20-11089


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Ohl et Vexliard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.11089
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award