LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 24 juin 2021
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 648 F-D
Pourvoi n° E 19-26.093
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 JUIN 2021
L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Provence-Alpes-Côte d'Azur, recouvrement C 3S, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la Caisse nationale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants, a formé le pourvoi n° E 19-26.093 contre l'arrêt rendu le 10 octobre 2019 par la cour d'appel de Versailles (5e chambre), dans le litige l'opposant à la société Scapnor, société coopérative à capital variable, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cassignard, conseiller, les observations de la SCP Delvolvé et Trichet, avocat de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Provence-Alpes-Côte d'Azur, de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société Scapnor, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 mai 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Cassignard, conseiller rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 10 octobre 2019), la Caisse nationale du régime social des indépendants, aux droits de laquelle vient l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur (l'URSSAF), lui ayant refusé le remboursement partiel de la contribution sociale de solidarité des sociétés qu'elle avait acquittée au titre de l'année 2011, la société Scapnor (la société) a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
2. L'URSSAF fait grief à l'arrêt de faire droit au recours, alors, « que la question posée à la cour d'appel n'était pas de savoir si la société Scapnor remplissait les conditions exigées par l'article L. 651-5, alinéa 2, du code de la sécurité sociale pour bénéficier de l'assiette réduite prévue au bénéfice des commissionnaires fiscaux après le 1er janvier 2012, mais si elle était en droit de bénéficier de cette assiette, en l'absence de mandat préalablement conclu, au titre de la contribution sociale de solidarité des sociétés exigible le 1er janvier 2011 ; que la cour d'appel qui a constaté qu'avant comme après la conclusion du contrat de mandat, la société ne démontrait pas que les conditions prévues par la loi pour bénéficier du statut de « commissionnaire» étaient remplies, a, en faisant droit à la demande de remboursement de la société au titre de la contribution sociale de solidarité des sociétés 2011, violé les dispositions applicables. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 651-5, alinéa 2, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité de la contribution litigieuse, et 273 octies du code général des impôts :
3. Il résulte de la combinaison de ces textes que l'application de l'assiette réduite de la contribution sociale de solidarité des sociétés est subordonnée à la démonstration par le cotisant de l'existence d'un mandat.
4. Pour condamner l'URSSAF à rembourser partiellement à la société la contribution sociale de solidarité des sociétés acquittée au titre de l'année 2011 et calculée sur la totalité de son chiffre d'affaires de l'année 2010, l'arrêt retient que le mandat formalisé par la société en janvier 2011 avec ses commettants ne modifie en rien la situation antérieure et en déduit que la décision unilatérale de l'URSSAF de modifier son interprétation de la situation de la société au regard de la contribution sociale de solidarité des sociétés, intervenue au demeurant dans le courant de l'année 2010, ne repose sur aucune donnée juridique ou factuelle nouvelle autre qu'un mandat écrit qui ne démontre pas que les conditions prévues par la loi pour bénéficier du statut de commissionnaire sont remplies.
5. En statuant ainsi, sans constater l'existence d'un mandat préalablement conclu au titre de l'année retenue pour déterminer le chiffre d'affaires assujetti à la contribution litigieuse, la cour a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne la société Scapnor aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Scapnor et la condamne à payer à l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) Provence-Alpes-Côte d'Azur
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné l'URSSAF PACA à rembourser à la société SCPANOR la somme de 459 785 ? acquittée à tort au titre de la contribution sociale de solidarité et de la contribution additionnelle 2011 Aux motifs que le « mandat » invoqué par la société SCAPNOR a fait l'objet d'une formalisation de contrat de mandat de commission à partir de 2011 ; qu'il s'agit là d'un indice qui, à défaut d'être déterminant, est éclairant sur la situation antérieure des relations entre la SCAPNOR et ses adhérents, d'une part, entre la société et le RSI, d'autre part ; que la cour relève cependant que, quand bien même, dès 1996, le RSI avait considéré que « les conditions définies pour reconnaître les commissionnaires fiscaux (?) ne se retrouvent pas strictement accomplies par les centrales d'achat coopératives », il n'en a tiré aucune conséquence pendant une quinzaine d'années ; qu'il aura suffi de la formalisation d'un « mandat » pour que le RSI considère que le statut de commissionnaire était applicable à la SCAPNOR ; que celle-ci ne se trouve pas ainsi démentie quand elle indique que par la suite, pour les chiffres d'affaires de 2011 à 2014, les contrôles effectués par l'organisme social ont, en fait, abouti à la constatation que la société avait effectué des règlements supérieurs à ce qu'elle devait ; que force est de constater que le « mandat » en cause ne modifie en rien la situation antérieure, sauf à fixer un taux préalable de cotisations à hauteur de 3,80 % ; que ce taux ne diffère cependant pas de celui pratiqué antérieurement ; que surtout, le mandat en cause ne permet pas non plus de : ? vérifier que la société ne devient jamais propriétaire des biens en cause ; - vérifier les conditions (de prix notamment) dans lesquelles l'accord est formalisé ; ni les précommandes, ni les redditions de compte ne permettent de s'assurer des conditions précises dans lesquelles la marchandise parvient à la société associée ; que bien plus, cette « cotisation » ne correspond pas à l'exigence posée par l'article 273 octies ancien du code général des impôts, dont les parties s'accordent à dire qu'il est applicable, selon laquelle « l'opération d'entremise est rémunérée exclusivement par une commission dont le taux est fixé au préalable d'après le prix, la quantité ou la nature des biens ou des services », puisque, dans le cas présent, si la cotisation varie en fonction du prix, rien dans les pièces produites ne permet de vérifier que la société associée a passé commande sur la base d'un prix qu'elle aurait déterminé ou sur la base d'un prix, dont elle aurait préalablement convenu avec la SCAPNOR ; que cette situation n'a cependant pas conduit le RSI à réclamer le paiement de cotisations au titre de la C3S pour les années 2012 à 2015 ; qu'en d'autres termes, la décision unilatérale du RSI de modifier son interprétation de la situation de la SCAPNOR au regard de la C3S intervenue au demeurant dans le courant de l'année 2010, ne repose sur aucune donnée juridique ou factuelle nouvelle autre qu'un mandat écrit qui ne démontre pas que les conditions prévues par la loi pour bénéficier du statut de commissionnaire sont remplies ; que la décision du RSI d'exiger le paiement de la somme de 459 785 ? n'était pas fondée et l'URSSAF sera condamnée à rembourser cette somme que la SCAPNOR a payée.
Alors, d'une part, qu'en affirmant que la conclusion d'un mandat en 2011, entre la SCAPNOR et ses adhérents, ne modifiait pas la situation antérieure et que la SCAPNOR ne justifiait pas davantage remplir les conditions exigées par l'article L. 651-5, alinéa 2, du code de la sécurité sociale, pour bénéficier de la réduction d'assiette au titre des contributions exigibles à partir du 1er janvier 2012, réduction dont le bénéfice lui avait été reconnu par l'organisme de recouvrement, en se fondant sur les « pièces produites » qui ne concernaient que l'année 2010, la cour d'appel qui s'est déterminée par des motifs particulièrement inopérants, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile
Alors qu'en outre la cour d'appel ne pouvait sans contradiction constater que la conclusion du mandat n'avait pas modifié la situation antérieure et relever (arrêt attaqué p. 8 et 6) que « la société a bien modifié sa pratique postérieurement à la décision du RSI » de lui refuser le statut de commissionnaire, en violation de nouveau de l'article 455 du code de procédure civile
Alors, d'autre part, que la question posée à la cour d'appel n'était pas de savoir si la société SCAPNOR remplissait les conditions exigées par l'article L. 651-5, alinéa 2, du code de la sécurité sociale pour bénéficier de l'assiette réduite prévue au bénéfice des commissionnaires fiscaux après le 1er janvier 2012, mais si elle était en droit de bénéficier de cette assiette, en l'absence de mandat préalablement conclu, au titre de la C3S exigible le 1er janvier 2011 ; que la cour d'appel qui a constaté qu'avant comme après la conclusion du contrat de mandat, la société ne démontrait pas que les conditions prévues par la loi pour bénéficier du statut de « commissionnaire » étaient remplies, a, en faisant droit à la demande de remboursement de la société au titre de la C3S 2011, violé les dispositions applicables
Alors qu'enfin, ni la circonstance qu'entre 1996 et 2010 la société SCAPNOR ait bénéficié d'une tolérance de l'organisme de recouvrement lui reconnaissant le statut de commissionnaire bien que les conditions pour en bénéficier ne se retrouvaient pas « strictement accomplies par les centrales d'achat coopératives » - tolérance à laquelle il a été régulièrement mis fin par décision notifiée le 26 avril 2010 pour la contribution exigible au 1er janvier 2011 -, ni le fait que la régularisation d'un contrat de mandat en janvier 2011 ait amené l'organisme à reconnaître de nouveau à la société ce statut, ne faisaient obstacle à ce que le statut de commissionnaire fût dénié à la société au titre de la C3S 2011, dès lors qu'elle ne remplissait pas les conditions prévues par la loi pour en bénéficier ; et qu'en considérant que l'organisme n'était pas en droit de refuser à la société le bénéfice des dispositions de l'article L.651-5, alinéa 2, du code de la sécurité sociale, dont les conditions d'application n'étaient pas remplies, pour la C3S 2011, la cour d'appel a derechef violé ce texte.