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23/06/2021 | FRANCE | N°19-11433;19-11435

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 23 juin 2021, 19-11433 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 23 juin 2021

Cassation partielle

M. CATHALA, président

Arrêt n° 829 FS-D

Pourvois n°
V 19-11.433
X 19-11.435 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 JUIN 2021

La société Elior services propreté et santé

(ESPS), société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé les pourvois n° V 19-11.433 et X 19-11.435 contre deux arrêts rendus le...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 23 juin 2021

Cassation partielle

M. CATHALA, président

Arrêt n° 829 FS-D

Pourvois n°
V 19-11.433
X 19-11.435 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 JUIN 2021

La société Elior services propreté et santé (ESPS), société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé les pourvois n° V 19-11.433 et X 19-11.435 contre deux arrêts rendus le 30 novembre 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (18e chambre B), dans les litiges l'opposant respectivement :

1°/ à M. [V] [H], domicilié [Adresse 2],

2°/ à Mme [U] [I], épouse [J], domiciliée [Adresse 3],

3°/ au syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône, dont le siège est [Adresse 4],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de ses pourvois, les deux moyens de cassation communs annexés au présent arrêt.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Prache, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Elior services propreté et santé, les plaidoiries de Me Lyon-Caen, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 mai 2021 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Prache, conseiller référendaire rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Pécaut-Rivolier, Ott, Sommé, conseillers, Mme Lanoue, MM. Joly, Le Masne de Chermont, conseillers référendaires, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° V 19-11.433 et X 19-11.435 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 30 novembre 2018), Mme [I] et M. [H], engagés le 30 avril 2014 par la société Elior services propreté et santé (la société ESPS) et affectés sur le site de nettoyage de [Établissement 1] à [Localité 1], ont saisi la juridiction prud'homale aux fins de paiement notamment d'une prime de treizième mois versée aux salariés de la même entreprise, travaillant sur les sites de nettoyage de [Établissement 2] à [Localité 2] et de [Établissement 3], en application du principe d'égalité de traitement.

3. Le syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône (le syndicat) est intervenu à l'instance.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief aux arrêts de le condamner à verser aux salariés un rappel de prime de treizième mois, alors « qu'en affirmant, pour juger que « le treizième mois alloué aux salariés de la société Elior sur le site de [Établissement 3] constitue un avantage alloué unilatéralement par l'employeur » et condamner en conséquence la société ESPS à verser aux salariés la prime litigieuse, que « le treizième mois a été attribué de façon pérenne à compter du mois de novembre 2012 à plusieurs salariés de la société Elior travaillant sur le site de[Établissement 3], et notamment à Mme [J] [M] et à Mme [I] [K], ainsi que le démontrent les bulletins de salaires de ces dernières pour le mois de décembre 2013 et encore pour le mois de décembre 2014 », sans cependant rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si le versement régulier de la prime litigieuse ne résultait pas des diverses condamnations judiciaires prononcées au bénéfice de ces salariés en première et seconde instance et contestées par l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 du code du travail et 1103 et 1104 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

4. Pour faire droit à la demande en paiement d'une prime de treizième mois, les arrêts retiennent que, s'agissant des salariés affectés sur le site de [Établissement 3], les salariés exposent que certains d'entre eux, notamment Mmes [G], [K], [M], [Y] et M. [T] ont perçu un treizième mois, attribué spontanément et unilatéralement par l'employeur, que la société ESPS ne peut valablement soutenir qu'il s'agit d'une erreur, dont l'explication de l'origine varie selon les deux attestations produites, et alors que le treizième mois a été attribué de façon pérenne à compter du mois de novembre 2012 à plusieurs salariés du site de [Établissement 3], et notamment, à Mme [M] et à Mme [K], ainsi que le démontrent les bulletins de salaires de ces dernières pour le mois de décembre 2013 et encore pour le mois de décembre 2014, qu'il résulte de ces éléments que le treizième mois alloué aux salariés du site de [Établissement 3] constitue un avantage alloué unilatéralement par l'employeur.

5. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir l'existence d'un engagement unilatéral de l'employeur clair et non équivoque, et sans rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si le versement de la prime litigieuse à compter de novembre 2012 aux salariés du site de nettoyage de la [Établissement 4] à Narbonne ne résultait pas des condamnations judiciaires prononcées au bénéfice de salariés qui avaient saisi la juridiction prud'homale d'une demande identique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

6. L'employeur fait grief aux arrêts de le condamner à verser des dommages-intérêts au syndicat, alors « que la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation entraînera, par voie de conséquence, la cassation sur le deuxième moyen, en application de l'article 625 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

7. La cassation des dispositions de l'arrêt critiquées par le premier moyen entraîne la cassation, par voie de conséquence, du chef de dispositif critiqué par le second moyen, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils condamnent la société Elior services propreté et santé à verser, au titre de rappel de la prime de treizième mois, à Mme [I] la somme de 2 449,60 euros, somme arrêtée au 30 juin 2018, et à M. [H] la somme de 3 688,48 euros, somme arrêtée au 30 juin 2018, en ce qu'ils condamnent la société Elior services propreté et santé à verser au syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône la somme de 50 euros à titre de dommages-intérêts, en ce qu'ils condamnent la société Elior services propreté et santé à verser à Mme [I] et à M. [H] la somme de 400 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et en ce qu'ils condamnent la société Elior services propreté et santé aux entiers dépens de l'instance, les arrêts rendus le 30 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, les affaires et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne in solidum Mme [I] et M. [H] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Elior services propreté et santé ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens communs produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Elior services propreté et santé, demanderesse aux
pourvois n° V 19-11.433 et X 19-11.435

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief aux arrêts attaqués d'avoir condamné la société ESPS à verser aux salariés un rappel de prime de 13ème mois ;

Aux motifs propres que s'agissant de la comparaison de la situation [des salariés] avec les salariés de la société ELIOR affectés sur le site de [Établissement 3], [les salariées] expose[nt] que certains d'entre eux, notamment Mmes [G], [K], [M], [Y] et M. [T] ont perçu un 13ème mois, attribué spontanément et unilatéralement par l'employeur en 2012 ; que la société ELIOR expose que cette attribution de prime résulte d'une erreur, laquelle ne peut être considérée comme constitutive d'un droit acquis ou d'un usage ; que l'examen des bulletins de paie des salariés de l'entreprise ayant travaillé sur ce site, tant en qualité de gouvernantes (Mmes [T] et [G]) ou chef d'équipe (Mme [K]) qu'en qualité d'agent de service (Mmes [Y], [M] et M. [T]) permet de constater le versement annuel d'un 13ème mois, sur la base de 100 % du salaire mensuel brut de base (au prorata du temps de présence dans l'entreprise au cours de l'année) ; que la société ELIOR qui soutient que l'attribution de ce 13ème mois aux salariés de [Établissement 3] résulte d'une erreur, produit en ce sens l'attestation de Monsieur [W], responsable du centre de services partagés, aux termes de laquelle ladite erreur résulte d'un changement de programme informatique et l'attestation de Madame [S], une responsable de site, selon laquelle ce versement du 13ème mois a été effectué par erreur à des salariés ayant également engagé une procédure prud'homale et ce avant même l'issue du litige les concernant ; que la société ELIOR ne peut valablement soutenir qu'il s'agit d'une erreur, alors que le 13ème mois a été attribué de façon pérenne à compter du mois de novembre 2012 à plusieurs salariés de la société ELIOR travaillant sur le site de [Établissement 3], et notamment à Madame [J] [M] et à Madame [I] [K], ainsi que le démontrent les bulletins de salaires de ces dernières pour le mois de décembre 2013 et encore pour le mois de décembre 2014 ; qu'il résulte de ces éléments que le 13ème mois alloué aux salariés de la société ELIOR que le site de [Établissement 3] constitue un avantage alloué unilatéralement par l'employeur ; qu'en conséquence, à défaut pour l'employeur de justifier par des éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables cette différence de traitement, [les salariées] [sont] fondée[s] à réclamer l'allocation d'un 13ème mois (?) ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a reconnu la violation du principe de l'égalité de traitement à propos de l'attribution de la prime de 13ème mois, et qu'il sera infirmé sur le montant des sommes allouées [aux salariées] ;

Et aux motifs éventuellement adoptés des jugements entrepris que le principe est l'égalité salariale entre salariés exerçant le même travail au sein de la même entreprise ; que les différences de traitement sont autorisées si elles reposent sur des raisons objectives, matériellement vérifiables et pertinentes, telles que l'expérience, l'ancienneté, les responsabilités, la qualité du travail ou le statut collectif, à certaines conditions ; qu'il n'est pas contesté que [les salariées] effectue[nt] un travail de même valeur que les autres salariés de société ELIOR SERVICE PROPRETE ET SANTE SAS, travaillant dans divers établissements à [Localité 1] ou sur le territoire national, et qu'un certain nombre d'entre eux, notamment les salariés du site [Localité 3] à [Localité 4] (qui ne font désormais plus partie de la société suite à la perte du marché) ont bénéficié d'une gratification de fin d'année qui n'est pas prévue par la convention collective de la propreté, et que [les salariées] ne perçoi[vent] pas ; que la société ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE SAS, excipe de l'application d'un statut collectif différent à des salariés qui viennent d'horizons différents, notamment par le jeu de pertes et reprises de marchés ; qu'or, si la négociation collective au sein d'un établissement distinct permet d'établir par voie d'accord collectif des différenciations de traitements avec des salariés qui n'entrent pas dans le champ d'application de l'accord d'établissement, il n'en demeure pas moins nécessaire pour l'employeur de donner des raisons objectives, concrètes, pertinentes et vérifiables, à cette différenciation et que l'accord collectif ne peut, à lui seul, justifier ; que si l'employeur justifie d'un accord de fin de conflit concernant le site montpelliérain de [Localité 3], il ne justifie d'aucune raison objective matériellement vérifiables à la différenciation opérée avec ses salariés travaillant sur d'autres sites, exerçant un travail égal ou de valeur égale, notamment [les salariées] ; qu'aucun décompte alternatif n'étant suggéré par société ELIOR SERVICE PROPRETE ET SANTE SAS, c'est celui proposé par [les salariées] qui sera retenu ; que dans ces conditions, la différence de salaire est illicite, et il sera fait droit à la demande [des salariées] sur le fondement de la prime de 13ème mois ;

ALORS QU'en affirmant, pour juger que « le 13ème mois alloué aux salariés de la société ELIOR sur le site de [Établissement 3] constitue un avantage alloué unilatéralement par l'employeur » et condamner en conséquence la société ESPS à verser aux salariés la prime litigieuse, que « le 13ème mois a été attribué de façon pérenne à compter du mois de novembre 2012 à plusieurs salariés de la société ELIOR travaillant sur le site de [Établissement 3], et notamment à Madame [J] [M] et à Madame [I] [K], ainsi que le démontrent les bulletins de salaires de ces dernières pour le mois de décembre 2013 et encore pour le mois de décembre 2014 », sans cependant rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si le versement régulier de la prime litigieuse ne résultait pas des diverses condamnations judiciaires prononcées au bénéfice de ces salariés en première et seconde instance, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 du Code du travail et 1103 et 1104 du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief aux arrêts attaqués d'avoir condamné la société ESPS à verser des dommages et intérêts au syndicat CGT des entreprise de propreté des Bouches-du-Rhône ;

Aux motifs que l'action du syndicat, qui ne tend pas au paiement de sommes déterminées à des personnes nommément désignées, mais à l'application du principe d'égalité de traitement, relève de la défense de l'intérêt collectif de la profession ; que le nonrespect par l'employeur des droits individuels des salariés, comme en l'espèce le principe de l'égalité de traitement, constitue une atteinte à l'intérêt collectif de la profession que représentent les syndicats qui leur permet d'agir en justice par application de l'article L. 2132-3 du code du travail ; que vu les motifs qui précèdent s'agissant de la violation de l'égalité de traitement quant à l'attribution d'une prime de 13ème mois et au regard des circonstances de l'espèce, la société ELIOR sera condamnée à verser au syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône une somme de 50 ? à titre de dommages et intérêts ;

ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation entraînera, par voie de conséquence, la cassation sur le deuxième moyen, en application de l'article 625 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-11433;19-11435
Date de la décision : 23/06/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 30 novembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 23 jui. 2021, pourvoi n°19-11433;19-11435


Composition du Tribunal
Président : M. Cathala (président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.11433
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