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17/06/2021 | FRANCE | N°20-17203

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 17 juin 2021, 20-17203


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 17 juin 2021

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 523 F-D

Pourvoi n° N 20-17.203

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 JUIN 2021

M. [F] [T], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 20-17

.203 contre l'arrêt rendu le 3 mars 2020 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile B), dans le litige l'opposant à la société France Quick,...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 17 juin 2021

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 523 F-D

Pourvoi n° N 20-17.203

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 JUIN 2021

M. [F] [T], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 20-17.203 contre l'arrêt rendu le 3 mars 2020 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile B), dans le litige l'opposant à la société France Quick, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. David, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. [T], de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société France Quick, après débats en l'audience publique du 18 mai 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. David, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 3 mars 2020), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 9 mai 2019, pourvoi n° 18-12.682), le 1er août 1995, M. [T] a donné en location à la société France Quick des locaux à usage commercial.

2. Le 1er septembre 2009, la location a été renouvelée, l'article 8-3 des deux baux successifs faisant obligation au preneur, en cas de mise en location gérance du fonds de commerce, de notifier celle-ci au bailleur et de lui remettre une copie du contrat.

3. Le 30 septembre 2005, la société France Quick a donné son fonds en location gérance à la société Combault restauration.

4. Le 23 juin 2011, M. [T] a vendu les locaux donnés à bail à la société Combault restauration.

5. Le 17 mars 2014, faisant grief à la société France Quick d'avoir manqué aux prescriptions de l'article 8-3 du bail, l'ayant privé d'informations essentielles lors du renouvellement de la location puis de la vente des murs, M. [T] a assigné sa locataire en indemnisation des préjudices résultant de la perte de chance d'avoir pu négocier un loyer et un prix de vente supérieurs.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

6. M. [T] fait grief à l'arrêt de rejeter l'ensemble de ses prétentions, alors « que le simple fait d'être informé de l'existence d'un contrat ne présume pas la connaissance de ses termes ; qu'en l'espèce, le contrat de bail conclu entre les parties obligeait la société Quick à « notifier au bailleur la mise en gérance libre » et à remettre à Monsieur [T] « une copie du contrat » de location gérance afin que le preneur soit informé de l'existence mais également des termes de la gérance consentie par son preneur ; que pour débouter Monsieur [T] de son action en responsabilité contractuelle à l'encontre de la société France Quick, la cour d'appel a cru pouvoir déduire de la prétendue connaissance, par Monsieur [T], de l'existence du contrat, qu'il était « en mesure de connaître les clauses de la location-gérance » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1134 ensemble l'article 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable à la cause. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

7. Selon le premier de ces textes, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Aux termes du second, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

8. Pour rejeter les demandes du bailleur, l'arrêt retient que la preneuse a, depuis 2006, adressé au mandataire de celui-ci les déclarations de chiffre d'affaires de la société Combault restauration, de sorte que, M. [T] ayant nécessairement été informé de l'existence du contrat de location gérance avant 2009 et s'étant trouvé en mesure d'en connaître les clauses, le préjudice invoqué n'est pas en lien de causalité direct et certain avec le manquement imputé à la société France Quick.

9. En statuant ainsi, alors que la convention faisait obligation à la locataire, non seulement d'informer le bailleur de l'existence du contrat de location gérance, mais aussi de lui en communiquer un exemplaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 mars 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;

Condamne la société France Quick aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société France Quick et la condamne à payer à M. [T] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept juin deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour M. [T]

Il est fait grief à l'arrêt partiellement infirmatif d'avoir débouté M. [T] de l'ensemble de ses prétentions et d'avoir condamné ce dernier à payer à la société France Quick la somme de 8 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « Sur le fond :

Que M. [T] fait valoir :

- que ni le contact de location gérance conclu avec la société Combault Restauration ni l'avenant du 31 juillet 2007 prorogeant la durée de ce contrat de dix ans ne lui ont été notifiés ;

- que le manquement de la société France Quick à son obligation d'information contractuelle lui a causé un préjudice le privant d'informations primordiales pour négocier au mieux le renouvellement du bail en cours ;

- que les dispositions du contrat de location gérance permettaient à France Quick de percevoir des redevances mensuelles de l'ordre de 40 000 euros alors que, dans le même temps, le loyer des murs s'établissaient entre 7000 et 12 000 euros, que s'il avait connu ces conditions, M. [T] n'aurait jamais accepté un loyer fixé à 5% du chiffre d'affaires mais à 11% ;

- que le comportement de France Quick l'a empêché de négocier un loyer plus favorable, qu'il en va de même s'agissant du prix de vente dès lors que la valeur des murs se calcule sur la base de la rentabilité locative ;

Que la société France Quick fait valoir en réponse :

- que la location gérance consentie à Combault Restauration a été publiée à trois reprises en 2005 dans un journal d'annonces légales et au registre du commerce de sorte qu'elle est opposable par l'effet de la loi à M. [T] ;

- que M. [T] connaissait l'existence de la location gérance puisque son mandataire établissait les loyers depuis 2006 à partir du chiffre d'affaires de la société Combault Restauration, de la même façon qu'il les avait établis antérieurement sur la base du chiffre d'affaires de la société Camix ;

- que le renouvellement de la location gérance du 31 juillet 2007 a été également publié en 2007 ;

- que le nouveau bail a été négocié en toute connaissance de l'existence de la location gérance dont M. [T] n'a jamais demandé à avoir copie ;

- que M. [T] lors de la vente des murs à Combault Restauration n'a pas cherché à augmenter son prix alors qu'il avait connaissance de l'existence de la location gérance ;

- que rien n'établit que l'existence et le contenu du contrat de location gérance lui auraient permis de vendre plus cher et que l'acquéreur aurait acheté à ce prix ;

- que sa propre négligence consistant à connaître l'existence du locataire gérant et à ne pas se plaindre de la non notification du contrat ni à chercher à en connaître le contenu est seule à l'origine du préjudice de M. [T] ;

Que la société France Quick produit aux débats les déclarations de chiffre d'affaires adressées au cabinet Tardy, gestionnaire immobilier mandaté par M. [T], pour le calcul du loyer à compter de 2006 ; qu'à ces déclarations sont jointes la déclaration certifiée par un commissaire aux comptes ou un expert comptable du chiffre d'affaires de la société franchisée, Combault Restauration ;

Que le locataire gérant était parfaitement identifiable sur ces documents ; que le cabinet Tardy a établi les factures de loyer pour le compte de son mandant sur la base de ces déclarations ; que M. [T], qui n'a jamais formulé de grief à l'encontre de son mandataire alors que celui-ci était tenu de lui rendre compte de sa mission, a nécessairement été informé de l'existence de la location gérance avant 2009 ;

Qu'il était donc en mesure de connaître les clauses de la location gérance qui, selon lui, auraient pu lui permettre de louer puis de vendre à un meilleur prix tant à la date de conclusion du nouveau bail qu'à la date de la vente de ses murs de sorte que le préjudice qu'il invoque n'est pas en lien de causalité direct et certain avec le manquement qu'il impute à la société France Quick ;

Qu'il convient en conséquence de le débouter de ses demandes ».

1°/ ALORS QUE, le manquement à une obligation contractuelle d'information oblige son débiteur à réparer le dommage en résultant pour le créancier ; que lorsque le débiteur, défaillant dans l'exécution de son obligation contractuelle d'information, prétend, pour échapper à la mise en oeuvre de sa responsabilité, que l'information exigée était connue du mandataire de son cocontractant, il lui incombe d'établir que le mandataire avait effectivement connaissance de l'information litigieuse ; qu'en l'espèce, pour débouter M. [T], bailleur, de son action en responsabilité contractuelle pour manquement de la société Quick France, preneur, à son obligation d'informer de l'existence et des termes du contrat de location-gérance passé avec la société Combault Restauration, la Cour d'appel a cru suffisant de relever que « la société France Quick produit aux débats les déclarations de chiffre d'affaires adressées au cabinet Tardy, gestionnaire immobilier mandaté par M. [T], pour le calcul du loyer à compter de 2006 », auxquelles étaient jointes « la déclaration certifiée (?) du chiffre d'affaires de la société franchisée, Combault Restauration », que « le locataire gérant était parfaitement identifiable sur ces documents » et que « le cabinet Tardy a établi les factures de loyer pour le compte de son mandant sur la base de ces déclarations » ; qu'en statuant par de tels motifs, impropres à établir que la société Tardy avait une connaissance claire et certaine des termes du contrat de location-gérance que la société France Quick était contractuellement tenue de porter à la connaissance du bailleur, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable à la cause ;

2°/ ALORS QUE subsidiairement, le fait, à le supposer avéré, que le mandataire du créancier de l'obligation d'information, tiers au contrat, ait pu être en possession de l'information litigieuse ne suffit pas, en soi, à établir que le créancier en avait, de façon certaine, eu connaissance et à rompre ainsi le lien de causalité existant entre son préjudice et le manquement du débiteur à son obligation ; qu'en l'espèce, pour juger que le préjudice de M. [T] d'avoir été privé de la possibilité de négocier un loyer et un prix de vente plus avantageux de son bien n'était « pas en lien de causalité direct et certain » avec le manquement de la Société France Quick à son obligation contractuelle d'informer le bailleur de l'existence et des termes du contrat de location-gérance passé avec la société Combault Restauration, la Cour d'appel a cru suffisant de relever que, dès lors que le mandataire de M. [T] établissait « les factures de loyer pour le compte de son mandant » et que l'exposant n'avait « jamais formulé de grief à l'encontre de son mandataire alors que celui-ci était tenu de lui rendre compte de sa mission », M. [T] avait « nécessairement été informé de l'existence de la location gérance avant 2009 » ; qu'en statuant par de tels motifs, impropres à établir que l'exposant avait, de façon certaine, été clairement informé de l'existence et des termes du contrat de location-gérance dès lors que seule la transmission d'une copie du contrat litigieux, comme l'article 8-3 du contrat de bail liant les parties l'exigeait, était de nature à établir une telle preuve, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable à la cause ;

3°/ ALORS QUE, en tout état de cause, en présence d'une obligation contractuelle d'information, le simple fait que le créancier soit prétendument en mesure de connaître l'information contractuellement due, n'équivaut pas à la délivrance de l'information litigieuse ; qu'en l'espèce, pour débouter Monsieur [T] de son action en responsabilité contractuelle à l'encontre de la société France Quick, cependant qu'elle avait constaté le manquement de celle-ci à son obligation contractuelle de remettre une copie du contrat de location-gérance à l'exposant, la Cour d'appel a cru suffisant de relever que celui-ci était « en mesure de connaître les clauses de la location-gérance » ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé l'article 1134, ensemble l'article 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable à la cause.

4°/ ALORS QUE le simple fait d'être informé de l'existence d'un contrat ne présume pas la connaissance de ses termes ; qu'en l'espèce, le contrat de bail conclu entre les parties obligeait la société Quick à « notifier au bailleur la mise en gérance libre » et à remettre à Monsieur [T] « une copie du contrat » de location gérance afin que le preneur soit informé de l'existence mais également des termes de la gérance consentie par son preneur ; que pour débouter Monsieur [T] de son action en responsabilité contractuelle à l'encontre de la société France Quick, la Cour d'appel a cru pouvoir déduire de la prétendue connaissance, par Monsieur [T], de l'existence du contrat, qu'il était « en mesure de connaître les clauses de la location-gérance » ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé l'article 1134 ensemble l'article 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable à la cause.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 20-17203
Date de la décision : 17/06/2021
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 03 mars 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 17 jui. 2021, pourvoi n°20-17203


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Alain Bénabent , SCP Baraduc, Duhamel et Rameix

Origine de la décision
Date de l'import : 29/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.17203
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