LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 10 juin 2021
Cassation
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 498 F-D
Pourvoi n° W 20-12.634
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 JUIN 2021
La commune [Localité 1], représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité en [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 20-12.634 contre l'arrêt rendu le 12 décembre 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-2), dans le litige l'opposant à Mme [G] [C], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Jacques, conseiller, les observations de Me Haas, avocat de la commune [Localité 1], de Me Balat, avocat de Mme [C], après débats en l'audience publique du 11 mai 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Jacques, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 décembre 2019), rendu en référé, le 7 mai 2018, Mme [C], propriétaire d'un terrain situé sur le territoire de la commune [Localité 1], a déposé une déclaration préalable en vue de la construction d'un mur de clôture en façade sur rue.
2. Par arrêté du même jour, le maire de la commune a décidé de ne pas s'opposer aux travaux.
3. Mme [C] a entrepris les travaux de construction.
4. Le maire de la commune a pris, le 30 mai 2018, un arrêt interruptif de travaux et, le 3 juillet 2018, un arrêté de retrait de la décision de non-opposition au motif que la construction ne respectait pas l'alignement imposé par le plan local d'urbanisme.
5. Le mur ayant été construit, la commune [Localité 1] a assigné Mme [C] afin d'obtenir la remise en état des lieux sur le fondement du trouble manifestement illicite.
Examen du moyen
Sur le moyen unique, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. La commune fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que le juge des référés doit se placer à la date à laquelle il statue pour apprécier l'existence d'un trouble manifestement illicite ; qu'en relevant, pour écarter l'existence d'un trouble manifestement illicite, qu'à la date où Mme [C] avait entrepris la construction de son mur de clôture, elle bénéficiait d'une autorisation administrative, cependant qu'elle devait se placer à la date à laquelle elle statuait pour apprécier la régularité de la construction, la cour d'appel a violé l'article 809 du code de procédure civile, dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur du décret n° 2019-1133 du 11 décembre 2019. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 809 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 :
7. Selon ce texte, même en présence d'une contestation sérieuse, le juge des référés peut prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
8. Pour rejeter la demande en démolition de la commune, l'arrêt retient que les travaux ont été entrepris sur le fondement de l'arrêté de non-opposition et ont été terminés avant la notification de l'arrêté interruptif puis de l'arrêté de retrait, de sorte qu'ils ne revêtent pas de caractère d'illicéité à la date à laquelle ils ont été exécutés.
9. En statuant ainsi, alors que l'existence d'un trouble manifestement illicite s'apprécie à la date à laquelle le juge des référés se prononce, la cour d'appel, qui s'est exclusivement placée à la date d'exécution des travaux, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne Mme [C] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [C] et la condamne à payer à la commune [Localité 1] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix juin deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour la commune [Localité 1]
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté la commune [Localité 2] de ses demandes formées à l'encontre de Mme [C] ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'aux termes de l'article 809 du code de procédure civile, le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remises en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; que le 7 mai 2018, Mme [C] a déposé une déclaration préalable portant sur l'édification d'un mur de clôture en façade sur rue de son bien et que le même jour, la commune [Localité 2] a pris un arrêté de non-opposition, sous réserve de l'application des règles de construction parasismiques ; que forte de cette décision, Mme [C] a entrepris des travaux de construction de son mur ; que par une décision du 30 mai 2018, notifiée à Mme [C] le 11 juin 2018, la commune [Localité 2] va prendre un arrêté interruptif de travaux et le 3 juillet 2018, un arrêt de retrait de la déclaration préalable déposée le 7 mai 2018, arrêté remis à Mme [C] le 4 juillet 2018 ; que dans un rapport d'intervention daté du 11 juin 2018, les agents de police municipale ont noté que les travaux de construction du mur de clôture étaient terminés à la date du 9 juin 2018 ; qu'il se déduit des éléments qui précédent qu'à cette date, ni l'arrêté interruptif de travaux, ni l'arrêté de retrait de la déclaration de non-opposition n'avaient encore été pris ; que les travaux dont s'agit ont donc été entrepris dans le cadre de la décision de la commune [Localité 2] du 7 mai 2018 de non-opposition, celle-ci ne pouvant dès lors fonder sa demande sur l'existence d'un trouble manifestement illicite, alors que les travaux ne revêtent pas de caractère d'illicéité à la date à laquelle ils ont été exécutés ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE le juge des référés tire de l'article 809 du code de procédure civile le pouvoir d'ordonner toute mesure qui est de nature à prévenir un péril imminent ou un trouble manifestement illicite ; qu'il ne lui appartient pas de juger de la recevabilité et/ou du bien fondé d'un recours introduit devant l'autorité et/ou les juridictions administratives ; que cependant, en l'espèce, le 31 octobre 2018, la commune [Localité 2] a notifié à Mme [C], par lettre remise en main propre, un rejet du recours gracieux qu'elle a formé contre l'arrêté de retrait de la non-opposition à déclaration de travaux qui lui été signifié le 4 juillet 2018 ; que contrairement à ce qu'elle soutient, Mme [C] ne produit aucun élément pour démontrer qu'elle a contesté ce refus devant le tribunal administratif de Marseille ; que toutefois, à ce jour, le délai de deux mois pour former ce recours n'est pas encore écoulé ; qu'il en résulte que les recours n'étant pas purgés, le rejet de son recours contre l'arrêté de retrait de la non-opposition du 3 juillet 2018 ne peut pas être considéré comme définitif et cela même si la contestation susceptible d'être élevée contre lui n'est pas suspensive ; qu'en conséquence, au jour où le juge des référés statue, la construction n'est pas définitivement illicite de sorte que la commune [Localité 2] ne rapporte pas la preuve d'un trouble manifestement illicite imposant de faire droit à sa demande de remise en état ;
ALORS, 1°), QUE le juge des référés doit se placer à la date à laquelle il statue pour apprécier l'existence d'un trouble manifestement illicite ; qu'en relevant, pour écarter l'existence d'un trouble manifestement illicite, qu'à la date où Mme [C] avait entrepris la construction de son mur de clôture, elle bénéficiait d'une autorisation administrative, cependant qu'elle devait se placer à la date à laquelle elle statuait pour apprécier la régularité de la construction, la cour d'appel a violé l'article 809 du code de procédure civile, dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur du décret n° 2019-1133 du 11 décembre 2019 ;
ALORS, 2°), QUE le retrait d'un acte administratif entraîne sa disparition rétroactive de l'ordonnancement juridique ; qu'en relevant, pour écarter l'existence d'un trouble manifestement illicite, qu'à la date où Mme [C] avait entrepris la construction de son mur de clôture, elle bénéficiait d'une autorisation administrative, après avoir relevé que cette autorisation avait fait l'objet d'un retrait, ce dont il s'évinçait que la construction avait été édifiée sans aucune autorisation, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 809 du code de procédure civile, dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur du décret n° 2019-1133 du 11 décembre 2019 et L. 424-5 du code de l'urbanisme ;
ALORS, 3°) et en tout état de cause, QUE si une autorisation de construire suppose nécessairement que la construction projetée est conforme aux règles d'urbanisme, ce n'est pas nécessairement le cas de la construction effectivement réalisée sur le fondement de cette autorisation ; qu'en se bornant à relever, pour écarter l'existence d'un trouble manifestement illicite, qu'à la date où Mme [C] avait entrepris la construction de son mur de clôture, elle bénéficiait d'une autorisation administrative, sans rechercher si la construction réalisée par Mme [C] était conforme à l'autorisation de construire qui lui avait été délivrée, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant ,n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 809 du code de procédure civile dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur du décret n° 2019-1133 du 11 décembre 2019, L. 424-1 et L. 424-2 du code de l'urbanisme.