La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/06/2021 | FRANCE | N°20-15356

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 09 juin 2021, 20-15356


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

NL4

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 juin 2021

Rejet

Mme BATUT, président

Arrêt n° 427 F-D

Pourvoi n° E 20-15.356

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUIN 2021

La société Digital audio, société anonyme, dont le siège est compte do

uane 2884-6, hôtel industriel des Galants, ZI Mouille Galand, 21 chemin Grenet, 1214 Vernier (Suisse), a formé le pourvoi n° E 20-15.356 contre l'a...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

NL4

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 juin 2021

Rejet

Mme BATUT, président

Arrêt n° 427 F-D

Pourvoi n° E 20-15.356

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUIN 2021

La société Digital audio, société anonyme, dont le siège est compte douane 2884-6, hôtel industriel des Galants, ZI Mouille Galand, 21 chemin Grenet, 1214 Vernier (Suisse), a formé le pourvoi n° E 20-15.356 contre l'arrêt rendu le 12 décembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 5), dans le litige l'opposant à la société Anthalys, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Guihal, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Digital audio, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Anthalys, après débats en l'audience publique du 13 avril 2021 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Guihal, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 décembre 2019), la société suisse Digital Audio ayant refusé la réception de produits commandés à la société française Anthalys, celle-ci, invoquant une clause attributive de juridiction stipulée dans ses conditions générales de vente, l'a assignée devant le tribunal de commerce d'Auxerre en paiement des factures, ainsi que des frais d'expédition et de retour des marchandises.

2. La société Digital Audio a soulevé une exception d'incompétence au profit des juridictions suisses.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La société Digital Audio fait grief à l'arrêt de dire le tribunal de commerce d'Auxerre compétent et de rejeter son exception d'incompétence au profit du tribunal d'arrondissement de l'Est vaudois, alors :

« 1°/ qu'il résulte de l'article 23.2 de la Convention de Lugano que les clauses attributives de juridiction ne sont valablement conclues par voie électronique que si elles ont été transmises sous une forme permettant leur consignation durable ; que le simple renvoi à la lecture de conditions générales de vente publiées sur internet ne vaut pas transmission ni consignation durable ; qu'en retenant, pour opposer à la société Digital Audio une clause attributive de juridiction prétendument incluse dans des conditions générales de vente de la société Anthalys publiées sur son site internet à la date de conclusion du contrat, qu'elle avait accepté un bon de commande indiquant qu'elle était réputée avoir consulté en ligne et accepté ces conditions générales, la cour d'appel a violé l'article 23.2 de la Convention de Lugano du 30 octobre 2007 sur la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ;

2°/ qu'en relevant le témoignage du gestionnaire du site internet de la société Anthalys attestant que la version des conditions générales de vente de cette société n'aurait pas été modifiée depuis sa première mise en ligne, la cour d'appel s'est fondée sur un motif impropre à établir que ces conditions générales auraient été transmises à la société Digital Audio sous une forme assurant leur consignation durable, et a par suite violé l'article 23.2 de la Convention de Lugano du 30 octobre 2007 sur la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ;

3°/ qu'en se fondant encore sur l'existence d'une « pratique usuelle » entre la société Digital Audio et la société Anthalys consistant à faire référence dans les bons de commande signés par la première aux conditions générales consultables sur le site internet de la seconde, mais sans relever que ces conditions auraient jamais été acceptées ou même communiquées à la société Digital Audio lors de précédentes commandes, la cour d'appel a encore violé l'article 23.2 de la Convention de Lugano du 30 octobre 2007 sur la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale. »

Réponse de la Cour

4. L'article 23 de la Convention de Lugano du 30 octobre 2007 sur la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, dispose :

« 1. Si les parties, dont l'une au moins a son domicile sur le territoire d'un Etat lié par la présente Convention, sont convenues d'un tribunal ou de tribunaux d'un Etat lié par la présente Convention pour connaître des différends nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé, ce tribunal ou les tribunaux de cet Etat sont compétents. Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties. Cette convention attributive de juridiction est conclue :
a) par écrit ou verbalement avec confirmation écrite, ou
b) sous une forme qui soit conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles, ou
c) dans le commerce international, sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties avaient connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée.

2. Toute transmission par voie électronique qui permet de consigner durablement la convention est considérée comme revêtant une forme écrite. »

5. L'arrêt retient que la société Digital Audio a accepté l'accusé de réception de la commande, lequel renvoie expressément aux conditions générales de vente de la société Anthalys, précise l'adresse électronique à laquelle elles sont consultables et indique que l'acceptation de cet accusé de réception vaut consentement aux conditions générales.

6. De ces seules constatations et appréciations, faisant ressortir que la société Digital Audio avait accepté un contrat qui renvoyait expressément à des conditions générales qu'elle était en mesure, moyennant des diligences normales, de consulter et qu'elle pouvait sauvegarder ou imprimer avant la conclusion du contrat, la cour d'appel a exactement déduit que la clause d'attribution de compétence prévue aux conditions générales de vente était applicable.

7. Dès lors le moyen, inopérant en sa troisième branche, qui critique des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Digital Audio aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Digital Audio et la condamne à payer à la société Anthalys la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Digital Audio

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le tribunal de commerce d'Auxerre était compétent pour connaître de l'action de la société Anthalys contre la société Digital Audio et d'AVOIR rejeté l'exception d'incompétence soulevée par cette dernière au profit du tribunal d'arrondissement de l'Est Vaudois situé en Suisse ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE :

« Sur le bien fondé de la demande :

Les parties demandent l'application de la convention de Lugano du fait que la Suisse n'est pas un état membre de l'union européenne.

En tout état de cause, les dispositions des articles 2 et 5 de la convention de Lugano prévoient des dispositions similaires au Règlement 'Bruxelles I bis'.

Il résulte de l'article 23 de la convention de Lugano que :

« 1. Si les parties, dont l'une au moins a son domicile sur le territoire d'un Etat lié par la présente Convention, sont convenues d'un tribunal ou de tribunaux d'un Etat lié par la présente convention pour connaître des différends nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé, ce tribunal ou les tribunaux de cet Etat sont compétents.

Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties. Cette convention attributive de juridiction est conclue :

a) par écrit ou verbalement avec confirmation écrite ;
b) sous une forme qui soit conforme aux habitudes que les parties ont établies entre
elles ; ou
c) dans le commerce international, sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties ont connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée.

2. Toute transmission par voie électronique qui permet de consigner durablement la convention est considérée comme revêtant une forme écrite.».

La Convention de Lugano s'applique sans référence aux dispositions propres à chaque Etat dont dépendent les parties.

En l'espèce, il y a lieu de se référer aux habitudes que les parties ont établies entre elles ou s'agissant de relations commerciales internationales, sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties ont connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties.

La SAS Anthalys oppose à sa cocontractante l'existence de la clause attributive de compétence suivante incluse dans ses conditions générales de vente :

L'article 18 des conditions générales de vente de la SA ANTHALYS énonce que « Les contrats sont régis par la législation française, les parties s'efforceront de régler à l'amiable tous les différends relatifs à l'interprétation et à l'exécution des présentes conditions générales de vente et des contrats.

Au cas où elles n'y parviendraient pas et à défaut de convention contraire, le tribunal du siège de la société ANTHALYS est seul compétent pour toutes les contestations même en cas d'appel en garantie ou de pluralité de défendeurs. »

La SA Digital Audio contestant avoir eu connaissance des conditions générales de vente de la société Anthalys, celle-ci verse aux débats l'accusé de réception de la commande émis le 7 juillet 2016 et aux termes duquel il est spécifié « vous devez consulter les conditions générales de vente sur le site www.anthalys, l'acceptation de l'ARC vaut acceptation pure et simple desdites ».

Il en résulte que l'acceptation de l'accusé de réception de la commande vaut acceptation pure et simple des conditions générales de vente.

M. [Y], par mail du 24 juin 2019 précise qu'il est l'auteur de la première mise en ligne des conditions générales de vente sur le site internet de la SAS Anthalys, que la version est restée inchangée mais qu'une version anglaise a été ajoutée en avril 2014. Il a précisé que la version actuelle du site est hébergée sur les serveurs d'Expert DSI dont il est le gérant et qu'aucune modification n'est intervenue depuis les concernant.

Le fait que M. [Y] soit à l'origine de la mise en place des conditions générales de vente pour le compte de la SAS Anthalys, alors qu'il était salarié d'une autre société ne rend pas son témoignage sans portée, aucun élément ne le contredisant.

Les deux parties sont commerçantes et la SAS Anthalys produit des avis de réception de commande, des bons de livraison et des factures justifiant qu'elle entretient un courant d'affaires régulier avec la SA Digital Audio depuis juillet 2015 et que cette pratique était usuelle entre elles, les avis de réception de commande et les factures édités antérieurement faisant également mention que les conditions générales de vente de la SAS Anthalys étaient consultables sur son site internet dont l'adresse était précisée.

La SA Digital Audio, en acceptant l'accusé de réception de la commande émis le 7 juillet 2016, a été informée des conditions dans lesquelles elle pouvait prendre connaissance des conditions générales de vente de la SAS Anthalys ce qui les a fait entrer dans le champ contractuel, au vu de la mention figurant sur cet accusé de reception.

En conséquence, la clause d'attribution de compétence prévue aux conditions générales de vente de la SAS Anthalys s'applique conformément aux dispositions de l'article 23 de la convention de Lugano et le jugement sera confirmé en ce que le tribunal de commerce d'Auxerre s'est déclaré compétent sur le fondement de cette clause. »

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE :

Attendu que la Suisse ne fait pas partie des 28 pays membres de l'Union européenne Attendu que le règlement UE Nº 1215/2012 dit Bruxelles, 1 Bis s'applique à l'exclusion des articles 5 et 7.

Attendu que la convention de Lugano et notamment l'article 23 s'appliquent, à savoir, les parties peuvent convenir de déroger aux dispositions relatives à la compétence par une clause attributive de compétence.

Attendu que l'article 18 des CGV de la SAS Anthalys fait état d'une clause attributive de compétence.

Attendu que la SAS Anthalys appose sur ces documents de vente la mention « Vous devez consulter nos conditions générales de vente, de prestations sur notre site, www.anthalys.com, l'acceptation du présent ARC, emportant acceptation pure et simple desdites conditions sans réserve ».

Attendu que les conditions générales de vente sont le socle unique des relations commerciales entre professionnels, et peuvent servir de base de discussion pour des conditions particulières de vente convenues entre les parties, figurant au contrat ou convention. Elles n'entrent dans le champ contractuel que si elles ont été connues et acceptées par l'autre partie, au plus tard au moment de la formation du contrat.

Attendu que des relations d'affaires antérieures et suivies existent entre les parties.

Attendu que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, qu'il échet en conséquence de se déclarer compétent ».

1°) ALORS QU'il résulte de l'article 23.2 de la Convention de Lugano que les clauses attributives de juridiction ne sont valablement conclues par voie électronique que si elles ont été transmises sous une forme permettant leur consignation durable ; que le simple renvoi à la lecture de conditions générales de vente publiées sur internet ne vaut pas transmission ni consignation durable ; qu'en retenant, pour opposer à la société Digital Audio une clause attributive de juridiction prétendument incluse dans des conditions générales de vente de la société Anthalys publiées sur son site internet à la date de conclusion du contrat, qu'elle avait accepté un bon de commande indiquant qu'elle était réputée avoir consulté en ligne et accepté ces conditions générales, la cour d'appel a violé l'article 23.2 de la Convention de Lugano du 30 octobre 2007 sur la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ;

2°) ALORS QU'en relevant le témoignage du gestionnaire du site internet de la société Anthalys attestant que la version des conditions générales de vente de cette société n'aurait pas été modifiée depuis sa première mise en ligne, la cour d'appel s'est fondée sur un motif impropre à établir que ces conditions générales auraient été transmises à la société Digital Audio sous une forme assurant leur consignation durable, et a par suite violé l'article 23.2 de la Convention de Lugano du 30 octobre 2007 sur la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ;

3°) ALORS QU'en se fondant encore sur l'existence d'une « pratique usuelle» entre la société Digital Audio et la société Anthalys consistant à faire référence dans les bons de commande signés par la première aux conditions générales consultables sur le site internet de la seconde, mais sans relever que ces conditions auraient jamais été acceptées ou même communiquées à la société Digital Audio lors de précédentes commandes, la cour d'appel a encore violé l'article 23.2 de la Convention de Lugano du 30 octobre 2007 sur la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 20-15356
Date de la décision : 09/06/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 12 décembre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 09 jui. 2021, pourvoi n°20-15356


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.15356
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award