LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 9 juin 2021
Cassation
Mme BATUT, président
Arrêt n° 425 F-D
Pourvoi n° H 19-16.596
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUIN 2021
1°/ Mme [M] [Z], domiciliée [Adresse 1] (Algérie),
2°/ Mme [O] [Z], domiciliée [Adresse 2] (Algérie),
3°/ Mme [J] [Z], domiciliée [Adresse 3] (Algérie),
4°/ Mme [P] [Z], domiciliée [Adresse 4] (Algérie),
5°/ M. [E] [Z], domicilié [Adresse 5] (Algérie),
tous cinq venant aux droits de [S] [D], épouse [Z],
ont formé le pourvoi n° H 19-16.596 contre l'arrêt rendu le 24 mai 2017 par la cour d'appel de Paris (pôle 3, chambre 1), dans le litige les opposant :
1°/ à Mme [Y] [B], veuve [Z], domiciliée [Adresse 6],
2°/ à M. [W] [N], domicilié [Adresse 7],
3°/ à la société [Personne physico-morale 1], notaire, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 7],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Poinseaux, conseiller, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de Mmes [M], [O], [J] et [P] [Z] et de M. [E] [Z], de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de Mme [B], après débats en l'audience publique du 13 avril 2021 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Poinseaux, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Reprise d'instance
1. Il est donné acte à Mmes [M], [O], [P] et [J] [Z] et à M. [E] [Z] (les consorts [Z]) de leur reprise d'instance.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 mai 2017), [I] [Z] est décédé le [Date décès 1] 2011 à Neuilly-sur-Seine.
3. Sa mère, [S] [Z], représentée, aux termes d'un jugement algérien, par sa curatrice, Mme [J] [Z], épouse [O], a assigné sa belle-fille, Mme [B], M. [N] et la société civile professionnelle [N] et [I], notaires, pour voir dire la loi algérienne applicable à la dévolution des biens meubles de sa succession, se voir reconnaître la qualité d'héritière et obtenir le placement sous séquestre d'une somme provisionnelle.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Les consorts [Z] font grief à l'arrêt de dire que la dévolution des biens meubles de la succession de [I] [Z] est régie par la loi française en tant que loi du dernier domicile du défunt et, en conséquence, d'ordonner la levée du séquestre prescrit en première instance, alors « que le jugement par défaut ou le jugement réputé contradictoire rendu contre une partie demeurant à l'étranger doit constater expressément les diligences faites en vue de donner connaissance de l'acte introductif d'instance au défendeur ; que la cour d'appel se borne à énoncer que les conclusions d'appel du 20 avril 2017 de Mme [Y] [B], veuve [Z], ont été signifiées à parquet étranger, d'une part, à [P] [D], épouse [Z], d'autre part, à sa curatrice ; qu'en statuant de la sorte sans constater l'accomplissement d'aucune diligence à l'étranger afin de donner connaissance de l'acte introductif d'instance à la personne de la défenderesse, représentée par sa curatrice, la cour d'appel a violé l'article 479 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 479 du code de procédure civile :
5. Aux termes de ce texte, le jugement par défaut ou le jugement réputé contradictoire rendu contre une partie demeurant à l'étranger doit constater expressément les diligences faites en vue de donner connaissance de l'acte introductif d'instance au défendeur.
6. Pour dire que la dévolution des biens meubles de la succession de [I] [Z] est régie par la loi française en tant que loi du dernier domicile du défunt, l'arrêt rendu par défaut relève que les conclusions de Mme [B] du 20 avril 2017 ont été signifiées à parquet étranger le 22 avril 2016, d'une part, à [S] [Z], d'autre part, à sa curatrice, Mme [O].
7. En statuant ainsi, sans préciser les diligences accomplies en vue de donner connaissance de la déclaration d'appel à la personne de l'intimée, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne Mme [B] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [B] et la condamne à payer à Mmes [M], [O], [P] et [J] [Z] et à M. [E] [Z] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat aux Conseils, pour Mmes [M], [O], [P] et [J] [Z] et M. [E] [Z]
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:Il est reproché à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'avoir dit que la dévolution des biens meubles de la succession de [I] [Z] est régie par la loi française en tant que loi du dernier domicile du défunt et, en conséquence, d'avoir ordonné la levée du séquestre ;
AUX MOTIFS QUE [I] [Z] né le [Date naissance 1] 1948, est décédé le [Date naissance 2] 2011 à [Localité 1] ; qu'il était marié avec Mme [Y] [B] avec qui il a eu quatre enfants ; que par jugement du 18 janvier 2016, sur assignation délivrée les 19 et 26 décembre 2014 par Mme [S] [D] épouse [Z], mère de [I] [Z], assistée de sa curatrice, Mme [J] [O] née [Z] (soeur du défunt et fille de la majeure protégée) à Mme [Y] [B] veuve [Z] et Maître [W] [N] et la SCP [N] et [I], le tribunal de grande instance de Paris a : - déclaré recevable la demande de Mme [S] [D] épouse [Z], représentée par sa curatrice, Mme [J] [O] née [Z], - dit que la dévolution des biens meubles de la succession de [I] [Z] est régie par la loi algérienne en tant que loi du dernier domicile du défunt, - reconnu la qualité d'héritière à Mme [S] [D] épouse [Z] sur la partie mobilière de la succession de [I] [Z], - ordonné la transmission des actes d'inventaire des biens meubles contenus dans la succession de [I] [Z], - ordonné la transmission des documents relatifs aux comptes bancaires détenus en France par [I] [Z], - ordonné le placement sous séquestre d'une somme de 25.000 euros à titre de provision sur les sommes qui seront évaluées, - condamné in solidum Mme [Y] [B] veuve [Z] et Maître [W] [N] et la SCP [N] et [I], notaires, à payer la somme de 4.000 euros à Mme [S] [D] épouse [Z], en application de l'article 700 du code de procédure civile, - ordonné l'exécution provisoire de la présente décision, - condamné in solidum Mme [Y] [B] veuve [Z] et Maître [W] [N] et la SCP [N] et [I], notaires, aux dépens, dont distraction au profit de Maître Safya Akorri en application de l'article 699 du code de procédure civile ; que par déclaration du 3 février 2016, Mme [Y] [B] veuve [Z] a interjeté appel de cette décision ; que dans ses conclusions du 20 avril 2017, signifiées à parquet étranger le 22 avril 2016 d'une part, à Mme [S] [D] épouse [Z], d'autre part, à sa curatrice, Mme [J] [O] née [Z], elle demande à la cour, au visa des articles 3 alinéa 2, 102 et suivants et 720 et suivants du code civil, d'infirmer le jugement intervenu le 18 janvier 2016, de la déclarer recevable en son appel, de dire que la dévolution des biens meubles de la succession de [I] [Z] est régie par la loi française en tant que loi du dernier domicile du défunt, d'ordonner la levée du séquestre, de condamner Mme [S] [D] épouse [Z] au paiement de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens dont distraction au profit de Maître Etevenard en application de l'article 699 du code de procédure civile ; que dans leurs dernières conclusions du 20 juin 2016, signifiées le 30 juin 2016, Maître [W] [N] et la SCP Levy et Gdalia demandent à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de les décharger de la condamnation prononcée à leur encontre au titre de l'article 700 code de procédure civile et aux dépens, y ajoutant, condamner Mme [S] [D], épouse [Z], représentée par sa curatrice, Mme [J] [Z], épouse [O], à leur payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel, et dire que Maître Lacan, avocat, pourra, en application de l'article 699 code de procédure civile, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont il déclarera avoir fait l'avance sans en avoir reçu provision ; que Mme [S] [D] épouse [Z] représentée par sa curatrice, Mme [J] [O] née [Z], n'a pas constitué avocat ; que Mme [Y] [B] veuve [Z] a conclu à nouveau le 7 mars 2017 sans modifier ses demandes. L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 mars 2017 ;
ET AUX MOTIFS QU'en application des dispositions de l'article 720 du code civil, les successions s'ouvrent au dernier domicile du défunt ; que des éléments de fait concourent à établir que le dernier domicile connu de [I] [Z] était en France : il disposait d'un bien immobilier à [Localité 2], dans le 8ème arrondissement, [Adresse 8], réglant les factures EDF, les charges et les impôts y afférents, mais aussi d'un passeport français et d'un compte bancaire en France ; que par une décision n°11/01392 du 4 octobre du Procureur de la République du tribunal de grande instance de Nanterre, l'acte de décès de [I] [Z] a fait l'objet le 11 octobre 2011 d'une mention rectificative selon laquelle le défunt était domicilié en France, à Paris, dans le 8ème arrondissement, [Adresse 8], alors que ce même acte mentionnait précédemment un domicile en Algérie ; qu'il est dès lors établi que le défunt avait son dernier domicile en France, peu importe qu'il ait déclaré, lors de l'établissement de sa carte d'identité algérienne, le 18 juin 2009 près de deux ans avant son décès, un domicile en Algérie ; que la dévolution des biens meubles de sa succession est donc régie par la loi française ; que le jugement sera infirmé ;
que le séquestre n'a plus de raison d'être, la question du droit applicable étant tranchée ; qu'il convient d'en ordonner la mainlevée ;
ALORS QUE le jugement par défaut ou le jugement réputé contradictoire rendu contre une partie demeurant à l'étranger doit constater expressément les diligences faites en vue de donner connaissance de l'acte introductif d'instance au défendeur ; que la cour d'appel se borne à énoncer que les conclusions d'appel du 20 avril 2017 de Mme [Y] [B] veuve [Z] ont été signifiées à Parquet étranger, d'une part, à Mme [Q] épouse [Z], d'autre part, à sa curatrice ; qu'en statuant de la sorte sans constater l'accomplissement d'aucune diligence à l'étranger afin de donner connaissance de l'acte introductif d'instance à la personne de la défenderesse, représentée par sa curatrice, la cour d'appel a violé l'article 479 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire) :Il est reproché à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'avoir dit que la dévolution des biens meubles de la succession de [I] [Z] est régie par la loi française en tant que loi du dernier domicile du défunt et, en conséquence, d'avoir ordonné la levée du séquestre ;
AUX MOTIFS QU'en application des dispositions de l'article 720 du code civil, les successions s'ouvrent au dernier domicile du défunt ; que des éléments de fait concourent à établir que le dernier domicile connu de [I] [Z] était en France : il disposait d'un bien immobilier à [Localité 2], dans le 8ème arrondissement, [Adresse 8], réglant les factures EDF, les charges et les impôts y afférents, mais aussi d'un passeport français et d'un compte bancaire en France ; que par une décision n°11/01392 du 4 octobre du Procureur de la République du tribunal de grande instance de Nanterre, l'acte de décès de [I] [Z] a fait l'objet le 11 octobre 2011 d'une mention rectificative selon laquelle le défunt était domicilié en France, à Paris, dans le 8ème arrondissement, [Adresse 8], alors que ce même acte mentionnait précédemment un domicile en Algérie ; qu'il est dès lors établi que le défunt avait son dernier domicile en France, peu importe qu'il ait déclaré, lors de l'établissement de sa carte d'identité algérienne, le 18 juin 2009 près de deux ans avant son décès, un domicile en Algérie ; que la dévolution des biens meubles de sa succession est donc régie par la loi française ; que le jugement sera infirmé ;
que le séquestre n'a plus de raison d'être, la question du droit applicable étant tranchée ; qu'il convient d'en ordonner la mainlevée ;
ALORS QUE la succession mobilière du défunt est régie par la loi de son dernier domicile, celui-ci devant être déterminé au regard non seulement des éléments matériels attestant de sa présence dans un lieu donné, mais aussi de sa volonté d'y fixer, ou non, le centre de ses intérêts principaux, personnels et patrimoniaux ; qu'en se prononçant en considération des seuls éléments factuels attestant de la présence matérielle de [I] [Z] en France, tels que la possession d'un immeuble ou l'ouverture d'un compte bancaire en France, et des pièces établies sur la base de déclarations de tiers (acte de décès et acte rectificatif de celui-ci), sans constater en outre que le défunt lui-même aurait eu la volonté de localiser le centre principal de ses intérêts en France la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 du code civil et des principes généraux du droit international privé, ensemble l'article 720 du code civil.