La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/06/2021 | FRANCE | N°20-12353

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 03 juin 2021, 20-12353


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

SG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 3 juin 2021

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 487 FS-P

Pourvoi n° R 20-12.353

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 JUIN 2021

1°/ M. [Q] [R],

2°/ Mme [V] [R],

domiciliés tous deux

[Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° 20-12.353 contre l'arrêt rendu le 26 novembre 2019 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre, 2e section), dans le...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

SG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 3 juin 2021

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 487 FS-P

Pourvoi n° R 20-12.353

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 JUIN 2021

1°/ M. [Q] [R],

2°/ Mme [V] [R],

domiciliés tous deux [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° 20-12.353 contre l'arrêt rendu le 26 novembre 2019 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre, 2e section), dans le litige les opposant à l'agence Vilogia, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Schmitt, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de M. et Mme [R], de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de l'agence Vilogia, et l'avis de Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 mai 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Schmitt, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, Mme Andrich, MM. Barbieri, Jessel, David, Jobert, conseillers, MM. Béghin, Jariel, Mme Aldigé, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 26 novembre 2019), le 26 décembre 2013, la société Vilogia a acquis un immeuble au sein duquel M. et Mme [R] étaient locataires en vertu d'un bail soumis à la loi du 6 juillet 1989.

2. Le 6 juin 2014, elle a conclu une convention avec l'Etat en application de l'article L. 351-2 du code de la construction et de l'habitation.

3. M. et Mme [R] ayant refusé de s'acquitter d'un supplément de loyer de solidarité notifié courant 2015, la société Vilogia les a assignés en paiement.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

5. M. et Mme [R] font grief à l'arrêt d'accueillir la demande, alors :

« 1°/ que la loi nouvelle régissant immédiatement les effets légaux des situations juridiques ayant pris naissance avant son entrée en vigueur et non définitivement réalisées, il en résulte que l'article L. 441-3 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018, s'applique à la demande en paiement d'un supplément de loyer de solidarité, qui ne peut être réclamé, suivant le dernier alinéa de cet article, aux locataires (titulaires d'un bail soumis à la loi du 6 juillet 1989, repris par un organisme d'habitation à loyer modéré) n'ayant pas conclu un nouveau bail (soumis au régime du bail conventionné) en application de l'article L. 353-7 du même code ; qu'en énonçant cependant que la loi du 23 novembre 2018 ne saurait s'appliquer aux époux [R] avant son entrée en vigueur, pour décider que la société bailleresse pouvait leur réclamer un supplément de loyer de solidarité jusqu'au 25 novembre 2018, tout en relevant que la conclusion d'un nouveau bail ne leur avait pas été proposée, la cour d'appel, qui a refusé de soumettre les effets légaux de leur bail d'habitation originaire à la loi nouvelle, a violé l'article L. 441-3 in fine du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018, ensemble l'article 2 du code civil ;

2°/ que l'article L. 441-3 in fine du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018, prévoyant qu'il n'est pas applicable aux locataires ayant refusé de conclure un nouveau bail en application de l'article L. 353-7 du même code, présente un caractère interprétatif, en ce qu'il restaure l'option du titulaire d'un bail d'habitation repris par un organisme d'habitation à loyer modéré, entre le maintien de la soumission de son bail au régime de la loi du 6 juillet 1989, exclusif du paiement d'un supplément de loyer de solidarité, et la soumission du bail au régime du bail conventionné, impliquant un tel paiement (concomitamment aux avantages de ce régime), option que la jurisprudence de la Cour de cassation avait paralysée ; qu'en refusant de faire application de la disposition nouvelle, au prétexte de la non-rétroactivité de la loi nouvelle, la cour d'appel, qui a méconnu son caractère interprétatif, a violé l'article L. 441-3 in fine du code de la construction et de l'habitation, ensemble l'article 2 du code civil. »

Réponse de la Cour

6. D'une part, la loi nouvelle, ne disposant que pour l'avenir, ne peut modifier les effets légaux d'une situation juridique définitivement réalisée lors de son entrée en vigueur.

7. D'autre part, les nouvelles dispositions de l'article L. 441-3 du code de la construction et de l'habitation, issues de la loi du 23 novembre 2018, combinées avec celles de l'article L. 353-16 du même code, ont pour objet d'instaurer, au profit des locataires titulaires d'un bail en cours de validité lors de la signature d'une convention avec l'Etat par un organisme d'habitations à loyer modéré, une option leur permettant soit de conserver leur ancien bail soit de conclure un nouveau bail conforme aux stipulations de la convention.

8. Il résulte des termes de la loi du 23 novembre 2018 et des travaux parlementaires que cette disposition est dépourvue de caractère interprétatif justifiant une application rétroactive.

9. La cour d'appel a exactement retenu que les dispositions des articles L. 353-16 et L. 441-3 du code de la construction et de l'habitation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 novembre 2018, lesquelles dérogeaient à celles de l'article L. 353-7 du même code, s'appliquaient au logement occupé par M. et Mme [R] dès la signature de la convention du 6 juin 2014, de sorte que la société Vilogia n'était pas tenue de leur proposer un nouveau bail.

10. Elle a déduit, à bon droit, de ces motifs, dont il résultait que les effets légaux de cette convention étaient définitivement acquis lors de l'entrée en vigueur de la loi du 23 novembre 2018, que la société Vilogia avait pu valablement notifier dès 2015 un supplément de loyer de solidarité à M. et Mme [R].

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme [R] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [R] et les condamne à payer à la société Vilogia la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois juin deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [R].

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné M. et Mme [R] à verser à la société Vilogia, la somme de 143 089,86 euros à titre de supplément de loyer,

Aux motifs que « (?) ; les époux [R] se fondent également sur les dispositions du code de la construction et de l'habitation modifiée par la loi ELAN n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, sur une recommandation de la direction générale de l'urbanisme, de l'habitation et de la construction et un avis du ministère du logement pour démontrer qu'ils ne sauraient être condamnés au paiement d'un supplément de loyer de solidarité ; que, cependant, la loi ELAN ne comprend aucune disposition transitoire permettant son application rétroactive, dès lors, elle ne saurait s'appliquer à M. et Mme [R] avant son entrée en vigueur ;

(?) ;

que, par ailleurs, il ressort des pièces que la société Vilogia a fait le nécessaire pour que les époux [R] communiquent leurs ressources et les assujettir au supplément de loyer adéquat mais ces derniers n'ont jamais répondu aux sollicitations ; que, force est donc de constater que c'est à juste titre que la société Vilogia applique les dispositions du code de la construction et de l'habitation en assujettissant provisoirement M. et Mme [R] au supplément de loyer de solidarité maximum ;

que, cependant, la loi ELAN est d'application immédiate ; qu'elle a modifié l'article L. 441-3 du code de la construction et de l'habitation en ajoutant l'alinéa suivant : "Le présent article n'est pas applicable aux locataires ayant refusé de conclure un nouveau bail en application de l'article L. 353-7" ; que la société Vilogia n'apporte pas la preuve qu'elle a proposé un nouveau bail aux locataires et respecté les dispositions de l'article L. 353-7 du code de la construction et de l'habitation ;

(?) ;

que le plafonnement du supplément de loyer de solidarité effectué par la société Vilogia est donc conforme aux dispositions du code de la construction et de l'habitation ; qu'en conséquence, la société Vilogia n'a la possibilité de réclamer le paiement d'un supplément de loyer de solidarité aux époux [R] que jusqu'au 25 novembre 2018 ;

que, d'après les pièces fournies par le bailleur, notamment le relevé de compte et le détail des modalités de calcul du supplément de loyer de solidarité, M. et Mme [R] étaient redevables de la somme de 143 089,86 euros au mois de novembre 2018 ; que le montant de cette dette est essentiellement dû à l'absence de réponse des locataires à l'enquête sur le supplément de loyer de solidarité ; que la S.A. Les résidences a en effet procédé à la liquidation provisoire du supplément de loyer en appliquant le coefficient de dépassement de ressources fixé à 14,90 par l'article R. 441-26 du CCH, soit un surloyer de 2 124,14 euros par mois, à compter de janvier 2015 ; qu'il convient de rappeler aux locataires que, s'ils fournissent les éléments nécessaires pour le calcul du supplément de loyer de solidarité, le bailleur effectuera un nouveau décompte de la dette locative, et leur reversera le trop perçu éventuel, dans la limite du délai de prescription de 3 ans ; qu'ainsi, faute d'avoir communiqué les justificatifs de leurs ressources, ainsi qu'il leur a été demandé, les époux-[R] doivent être condamnés, tel que prévu par le code de la construction et de l'habitation, à verser à la société Vilogia la somme de 143 089,86 euros » ;

Alors 1°) que la loi nouvelle régissant immédiatement les effets légaux des situations juridiques ayant pris naissance avant son entrée en vigueur et non définitivement réalisées, il en résulte que l'article L. 441-3 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018, s'applique à la demande en paiement d'un supplément de loyer de solidarité, qui ne peut être réclamé, suivant le dernier alinéa de cet article, aux locataires (titulaires d'un bail soumis à la loi du 6 juillet 1989, repris par un organisme d'habitation à loyer modéré) n'ayant pas conclu un nouveau bail (soumis au régime du bail conventionné) en application de l'article L. 353-7 du même code ; qu'en énonçant cependant que la loi du 23 novembre 2018 ne saurait s'appliquer aux époux [R] avant son entrée en vigueur, pour décider que la société bailleresse pouvait leur réclamer un supplément de loyer de solidarité jusqu'au 25 novembre 2018, tout en relevant que la conclusion d'un nouveau bail ne leur avait pas été proposée, la cour d'appel, qui a refusé de soumettre les effets légaux de leur bail d'habitation originaire à la loi nouvelle, a violé l'article L. 441-3 in fine du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018, ensemble l'article 2 du code civil ;

Alors 2°) et en toute hypothèse que l'article L. 441-3 in fine du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018, prévoyant qu'il n'est pas applicable aux locataires ayant refusé de conclure un nouveau bail en application de l'article L. 353-7 du même code, présente un caractère interprétatif, en ce qu'il restaure l'option du titulaire d'un bail d'habitation repris par un organisme d'habitation à loyer modéré, entre le maintien de la soumission de son bail au régime de la loi du 6 juillet 1989, exclusif du paiement d'un supplément de loyer de solidarité, et la soumission dudit bail au régime du bail conventionné, impliquant un tel paiement (concomitamment aux avantages de ce régime), option que la jurisprudence de la Cour de cassation avait paralysée ; qu'en refusant de faire application de la disposition nouvelle, au prétexte de la non-rétroactivité de la loi nouvelle, la cour d'appel, qui a méconnu son caractère interprétatif, a violé l'article L. 441-3 in fine du code de la construction et de l'habitation, ensemble l'article 2 du code civil.

Alors 3°) qu'en retenant que le bailleur pouvait réclamer un supplément de loyer de solidarité de 2 124,14 euros par mois entre janvier 2015 et le 25 novembre 2018 (soit 2 124,14 x 47 mois = 99 834,58 euros), puisqu'ils étaient donc redevables à ce titre d'une somme totale de 143 089,86 euros, la cour d'appel a entaché son arrêt d'une contradiction de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 20-12353
Date de la décision : 03/06/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

HABITATION A LOYER MODERE - Bail - Prix - Supplément de loyer - Domaine d'application - Bail en cours à la signature de la convention entre l'Etat et les sociétés d'HLM - Option du preneur - Bénéfice - Application dans le temps - Application rétroactive (non)

LOIS ET REGLEMENTS - Loi - Loi interprétative - Exclusion - Cas LOIS ET REGLEMENTS - Non-rétroactivité - Habitation à loyer modéré - Bail - Prix - Supplément de loyer - Domaine d'application - Bail en cours à la signature de la convention entre l'Etat et les sociétés d'HLM - Option du preneur - Bénéfice

Il résulte des termes de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 et des travaux parlementaires que les nouvelles dispositions de l'article L. 441-3 du code de la construction et de l'habitation, issues de cette loi, combinées avec celles de l'article L. 353-16 du même code, qui ont pour objet d'instaurer, au profit des locataires titulaires d'un bail en cours de validité lors de la signature d'une convention avec l'Etat par un organisme d'habitations à loyer modéré, une option leur permettant soit de conserver leur ancien bail soit de conclure un nouveau bail conforme aux stipulations de la convention, sont dépourvues de caractère interprétatif justifiant une application rétroactive


Références :

Articles L. 441-3 et L 353-16 du code de la construction et de l'habitation

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 26 novembre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 03 jui. 2021, pourvoi n°20-12353, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin
Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie, SCP Baraduc, Duhamel et Rameix

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.12353
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award