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02/06/2021 | FRANCE | N°19-20300

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 02 juin 2021, 19-20300


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

DB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 2 juin 2021

Cassation partielle

M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 490 F-D

Pourvoi n° G 19-20.300

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 JUIN 2021

°/ La société MMA IARD, société anonyme,

2°/ la société MMA IARD assurances mutuelles,

ayant toutes deux leur siège [Adresse 1], et venant aux dr...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

DB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 2 juin 2021

Cassation partielle

M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 490 F-D

Pourvoi n° G 19-20.300

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 JUIN 2021

1°/ La société MMA IARD, société anonyme,

2°/ la société MMA IARD assurances mutuelles,

ayant toutes deux leur siège [Adresse 1], et venant aux droits de la société Covea Risks,

3°/ la société Optim Invest gestion de patrimoine, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° G 19-20.300 contre l'arrêt rendu le 28 mai 2019 par la cour d'appel de Versailles (12e chambre), dans le litige les opposant à M. [G] [K], domicilié [Adresse 3], défendeur à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Blanc, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat des sociétés MMA IARD, MMA IARD assurances mutuelles, et Optim Invest gestion de patrimoine, de la SCP de Nervo et Poupet, avocat de M. [K], et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 7 avril 2021 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Blanc, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 28 mai 2019), le 4 décembre 2008, M. [K] a apporté à des sociétés en participation, dans le cadre d'un programme de défiscalisation conçu par la société DOM-TOM défiscalisation (la société DTD) qui lui avait été présenté par la société Optim Invest gestion de patrimoine (la société Optim Invest), des fonds destinés à l'acquisition de centrales photovoltaïques, leur installation et leur location à des sociétés d'exploitation, puis a imputé sur le montant de son impôt sur le revenu, sur le fondement des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts, des réductions d'impôt du fait de ces investissements.

2. L'administration fiscale ayant remis en cause ces réductions d'impôt, M. [K], estimant que la société Optim Invest avait manqué à ses obligations d'information et de conseil, l'a assignée, ainsi que son assureur, la société Covea Risks, aux droits de laquelle sont venues les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles (les sociétés MMA), en réparation de préjudices correspondant aux suppléments d'impôt sur le revenu et aux intérêts de retard et majorations mis à sa charge.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Les sociétés MMA et la société Optim Invest font grief à l'arrêt de les condamner solidairement, les premières sous réserve de l'application de la franchise de 15 000 euros, à payer à M. [K] la somme de 43 238 euros au titre de son préjudice matériel alors « qu'une faute ne peut être retenue comme cause d'un préjudice que s'il est démontré que, sans elle, il ne se serait pas produit ; qu'en affirmant, pour condamner la société Optim Invest à indemniser M. [K] du montant de la réduction d'impôt ayant fait l'objet d'un redressement fiscal et qui était attachée à l'opération de défiscalisation qui lui avait été proposée, que les manquements de la société Optim Invest à ses obligations d'information et de conseil ne lui avait pas permis de pouvoir prétendre aux réductions d'impôt escomptées, sans rechercher si, informé que les conditions d'éligibilité à cette opération de défiscalisation n'étaient pas remplies, M. [K], qui avait lui-même affirmé qu'il ne se serait pas engagé dans l'investissement litigieux, aurait pu réaliser, dans les délais légaux applicables, un autre investissement qui lui aurait procuré un avantage fiscal au moins équivalent, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

4. M. [K] conteste la recevabilité du moyen, comme étant nouveau et mélangé de fait et de droit.

5. Cependant, les sociétés MMA et la société Optim Invest soutenaient dans leurs conclusions d'appel que le principal d'un impôt ne constitue pas un préjudice dans l'hypothèse où le demandeur à l'action en responsabilité ne démontre pas avoir pu bénéficier d'une solution alternative, ce qui est précisément le cas de M. [K], de sorte qu'il aurait dû acquitter, en tout état de cause, l'impôt sur le revenu équivalent au montant du redressement fiscal.

6. Le moyen, qui n'est dès lors pas nouveau, est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

7. Il résulte de ce texte que le paiement de l'impôt mis à la charge d'un contribuable à la suite d'une rectification fiscale ne constitue pas un dommage indemnisable sauf s'il est établi que, dûment informé ou dûment conseillé, il n'aurait pas été exposé au paiement de l'impôt rappelé ou aurait acquitté un impôt moindre.

8. Pour condamner la société Optim Invest et les sociétés MMA à payer à M. [K] des sommes correspondant aux suppléments d'impôt sur le revenu et aux intérêts et majorations de retard mis à sa charge, après avoir retenu que la société Optim Invest avait manqué à ses obligations d'information et de conseil, l'arrêt retient que ces manquements n'ont pas permis à M. [K] de pouvoir prétendre aux réductions d'impôt escomptées et que, dès lors, le lien de causalité est établi entre ces manquements et le préjudice de celui-ci, lequel correspond au montant de ces redressements et aux majorations et pénalités de retard.

9. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si M. [K] disposait d'une solution alternative lui permettant d'échapper au paiement de l'impôt supplémentaire mis à sa charge à la suite de la rectification fiscale et pour laquelle, dûment informé ou dûment conseillé, il aurait nécessairement opté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne solidairement la société Optim Invest gestion de patrimoine et la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles, ces dernières sous réserve de la franchise de 15 000 euros, à payer à M. [K] la somme de 43 238 euros au titre de son préjudice matériel et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 28 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne M. [K] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [K] et le condamne à payer aux sociétés MMA IARD, MMA IARD assurances mutuelles et Optim Invest gestion de patrimoine la somme de globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux juin deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour les sociétés MMA IARD, MMA IARD assurances mutuelles et Optim Invest Gestion de Patrimoine.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné solidairement la société Optim Invest et les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles, ces dernières sous réserve de l'application de la franchise de 15 000 euros, à payer à M. [K] la somme de 43 238 euros au titre de son préjudice matériel ;

AUX MOTIFS QUE les appelantes soutiennent que la société Optim Invest exerce la profession de conseil en gestion du patrimoine et que c'est à ce titre qu'elle accompagne ses clients dans le choix de placements financiers ou immobiliers adaptés à leurs besoins, que cette profession n'est pas soumise à une réglementation spécifique ; qu'elles contestent la qualification de conseil en investissements financiers (CIF) retenue par le jugement, expliquant que la société Optim Invest a proposé seulement d'acquérir des parts sociales dans une SEP et non pas d'acquérir des panneaux photovoltaïques directement, qu'elle n'est pas soumise aux dispositions de l'article L. 550-1 du code monétaire et financier, qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir respecté les obligations attachées au statut de CIF introduit par la loi du 22 octobre 2010 pour des investissements opérés en 2008 par M. [K], qu'en tout état de cause ce dernier n'a pas fait l'objet d'un démarchage ; que M. [K] réplique que le produit DOM TOM Défiscalisation proposé par la société Optim Invest entre dans le champ d'application des règles relatives aux CIF, comme répondant aux conditions cumulatives de la réalisation d'opérations sur biens divers telle que définie par l'article L550-1 du code monétaire et financier et rappelé par l'AMF ; qu'en application de l'article L. 541-1 I du code monétaire et financier, modifié par l'ordonnance n° 2007-544 du 12 avril 2007 et l'ordonnance n° 2007-1490 du 18 octobre 2007, applicable au présent litige, « I. - Les conseillers en investissements financiers sont les personnes exerçant à titre de profession habituelle les activités suivantes : 1° Le conseil en investissement mentionné au 5 de l'article L. 321-1 ; 2° Le conseil portant sur la réalisation d'opérations de banque mentionnées à l'article L. 311-1 ; 3° Le conseil portant sur la fourniture de services d'investissement mentionnés à l'article L. 321-1 ; 4° Le conseil portant sur la réalisation d'opérations sur biens divers définis à l'article L. 550-1 » ; qu'aux termes de l'article L. 550-1 alinéa 1 du code monétaire et financier, modifié par la loi n°2003-706 du 1er août 2003 et applicable au présent litige: « est soumise aux dispositions des articles L. 550-2, L. 550-3, L. 550-4, L. 550-5 et L. 573-8 : 1° Toute personne qui, directement ou indirectement, par voie de publicité ou de démarchage, propose à titre habituel à des tiers de souscrire des rentes viagères ou d'acquérir des droits sur des biens mobiliers ou immobiliers lorsque les acquéreurs n'en assurent pas eux-mêmes la gestion ou lorsque le contrat offre une faculté de reprise ou d'échange et la revalorisation du capital investi ; 2° Toute personne qui recueille des fonds à cette fin ; 3° Toute personne chargée de la gestion desdits biens » ; qu'il sera tout d'abord observé que l'extrait Kbis de la société Optim Invest mentionne à la fois son activité de conseil en gestion du patrimoine et de conseil en investissements financiers, que le premier juge a relevé, sans être contredit, que l'extrait du fichier Orias mentionne que la société Optim Invest est inscrite en qualité de CIF depuis le 10 juillet 2007 ; qu'il n'est pas contesté que la société Optim Invest a proposé à M. [K] la souscription de parts sociales dans des sociétés en participations en vue d'acquérir des droits sur des biens mobiliers aux fins d'obtenir les réductions d'impôt mises en place par la loi du 21 juillet 2013 ; que le dossier de présentation de la SEP qui a lui été remis à indique que son objet porte sur « la mise en commun des moyens nécessaires pour l'acquisition et la location dans les départements d'outre-mer de tout investissement productif neuf à des entreprises exerçant leurs activités dans les secteurs éligibles aux dispositions de l'article 1999 undecies B du code général des impôts », et précise que « le gérant des SEP par le réemploi des fonds apportés et complétés par un crédit fournisseur fera l'acquisition des matériels (propriétés indivises des associés de la ou les SEP) auprès de Lynx Industries, matériels qui feront ensuite l'objet de contrats longue durée dans les DOM TOM au bénéfice d'entreprises éligibles au dispositif de la loi Girardin » ; que, dès lors, il se déduit des termes de ce document que si certes chaque investisseur conserve ses droits sur la gestion de ses parts sociales au sein de la SEP, il n'est pas propriétaire d'une partie d'un bien déterminé mais ne devient titulaire dans la SEP que d'un droit à une fraction de l'actif à partager constitué en commun et n'acquiert qu'une quote-part indivise du matériel de production d'électricité constitué des centrales photovoltaïques qui sont achetées par réemploi des fonds par le gérant de la SEP, en l'occurrence la société DTD qui assure ainsi la gestion des biens mobiliers sur lesquels portent les droits acquis par l'investisseur ; que, si certes la société Optim Invest produit une « lettre de mission mandat de recherches » de M. [K] en date du 14 novembre 2008 lui donnant mandat de chercher un investissement adapté, il n'en demeure pas moins que la prestation de la société Optim Invest avait pour objet de recueillir des fonds en vue de l'acquisition de droits sur des biens mobiliers, ce qui démontre que la société Optim Invest exerçait bien au moment de la souscription des opérations litigieuses l'activité de conseil portant sur la réalisation d'opérations sur biens divers dans les conditions de l'article L. 550-1 alinéa 1 1° susvisé ; qu'au vu de ces éléments, il est établi que la prestation de la société Optim Invest auprès de M. [K] ayant pour objet de recueillir des fonds d'investisseurs en vue de l'acquisition de droits sur des biens mobiliers satisfait aux conditions de l'article L. 550-1 alinéa 1 1° susvisé et que dès lors s'agissant de la réalisation d'opérations sur biens divers, la société Optim Invest a effectivement agi vis à vis de M. [K], ainsi que l'a retenu le tribunal, en qualité de conseiller en investissement financier (CIF), qu'en conséquence les dispositions du code monétaire et financier lui sont applicables ; que la société Optim Invest explique qu'elle s'est assurée de la fiabilité du produit proposé, qu'elle a respecté son obligation d'information et de conseil à l'égard de M. [K] et qu'il ne peut lui être imputé les conditions d'exécution du montage ; que M. [K] réplique que la société Optim Invest n'a pas respecté ses obligations en tant que CIF ni comme conseil en gestion du patrimoine, qu'aucune lettre de mission ni de rapport écrit formalisant les différentes propositions d'investissements avec leurs avantages et leurs risques n'ont été établis, que la société Optim Invest s'est contentée de lui vendre le produit DOM TOM Défiscalisation sans s'assurer de sa fiabilité, que le seul risque mis en avant portait sur la nécessité de maintenir les biens en location pendant cinq ans, qu'elle se devait pourtant en tant qu'adhérente à la Chambre des Indépendants du Patrimoine de respecter leurs préconisations ainsi que le règlement général de l'AMF ; que le conseil en investissement financier, tenu d'une obligation de moyens, doit rapporter la preuve du respect de son obligation d'information et de conseil à l'égard de ses clients ; qu'en cette qualité, la société Optim Invest devait respecter les règles de bonne conduite définies par le règlement général de l'AMF dans ses articles 325-3 à 325-9 ; qu'aux termes de ces articles, outre ses obligations d'information précontractuelle lors de l'entrée en relation avec le client, le CIF, doit, avant de formuler un conseil, remettre à son client une lettre de mission contenant notamment la nature et les modalités de la prestation et de l'information fournie au client, s'assurer que toutes les informations, y compris à caractère promotionnel, qu'il communique aux clients présentent un caractère exact, clair et non trompeur, agir d'une manière honnête, loyale et professionnelle, au mieux des intérêts du client lorsque, en liaison avec la prestation de conseil, il verse ou perçoit une rémunération, ou une commission, formaliser la fourniture du conseil dans un rapport écrit justifiant les différentes propositions, leurs avantages et les risques qu'elles comportent se fondant à la fois sur l'appréciation de la situation financière du client et de son expérience en matière financière ainsi que sur les objectifs du client en matière d'investissement ; qu'en l'espèce, M. [K] fait valoir, sans être démenti par la société Optim Invest que celle-ci ne lui a remis ni lettre de mission, ni rapport écrit détaillant les propositions d'investissement et leurs risques. A cet égard la lettre du 14 novembre 2018 signé par M. [K] est inopérante car bien qu'intitulée « lettre de mission - mandat de recherches », elle ne porte que sur un mandat de recherches donné par M. [K] ; qu'il appartenait cependant à la société Optim Invest de s'assurer de l'adéquation de l'investissement proposé à la situation financière de M. [K] et de l'avertir des risques encourus par de tels placements dans une SEP dans le cadre du programme de défiscalisation proposé ; que M. [K] indique que la société Optim Invest s'est contentée, en dépit des règles de bonne conduite qui s'imposent au CIF, de lui remettre des documents de la société DOM TOM Défiscalisation et de la société Lynx Finances sans en vérifier la véracité ni le sérieux de l'opération mise en place ; que la société Optim Invest ne peut utilement faire valoir, pour écarter sa responsabilité que n'étant ni l'opérateur du montage financier ni le gestionnaire des fonds investis, elle ne peut être tenue pour responsable de l'échec des opérations de défiscalisation litigieuses résultant des manquements de la société DTD à ses obligations contractuelles et des fraudes commises, alors même que sa responsabilité est recherchée au titre de son obligation d'information et de conseil qui lui impose de rechercher et d'accomplir toutes diligences permettant de s'assurer du sérieux et de la régularité de l'opération proposée ; que le dossier de présentation intitulé DTD DOM-TOM Défiscalisation et portant également le nom de Lynx Finances qui a été signé par M. [K] comprend un mandat de recherche signé par l'investisseur, l'engagement de libération des apports et la convention d'exploitation en commun et son avenant, et il indique en page 2 que « le montage industriel a été étudié, corrigé et validé par le cabinet d'avocats fiscaliste Actea Antilles », dirigé par « maître [Q], ancien inspecteur des impôts et conseil juridique, qui a émis une note de couverture juridique qui est à la disposition des conseils en gestion du patrimoine qui commercialisent le montage en SEP créée par DOM TOM Défiscalisation SARL » ; que, pour autant, M. [K] fait remarquer à juste titre que le dossier de présentation qui lui a été remis avec trois annexes par la société Optim Invest ne prévoit pas les risques s'attachant à un tel montage financier, indiquant au contraire en page 24 que « l'objectif des DTD avec les produits financiers qu'elle monte en SEP est le risque zéro pour les investisseurs en défiscalisation qui désirent bénéficier des avantages financiers par la loi Girardin Industrielle », qu'au surplus l'attestation de garantie à en tête de Lynx Industries ne comporte pas le numéro de son inscription au registre du commerce et des sociétés et si elle mentionne qu'elle garantit le risque fiscal des investisseurs des SEP, elle précise cependant que la garantie est faite au bénéfice de la société DTD en « remboursement du redressement fiscal éventuel dans la SEP concernée par la défaillance d'une exploitant » et non à leur bénéfice et que dans le cas de la défaillance de l'exploitant ; que, pour justifier s'être assurée de la fiabilité du produit DOM TOM Défiscalisation, la société Optim Invest verse aux débats deux courriers émanant de la sociétés d'avocats Actea Antilles adressés à la société DTD en date des 12 mars 2007 et 14 décembre 2009 (pièces 16 et 18) et un courrier de maître [F] adressé à M. [J] du 8 décembre 2010 (pièce 17) ; que la cour relève tout d'abord que les consultations du cabinet d'avocats Actea Antilles et de maître [F] produites dans ce dossier sont adressées soit à la société DTD soit à M. [J] de la société Lynx Finances c'est à dire aux protagonistes de l'opération litigieuse sans qu'aucune ne soit émise à la demande de la société Optim Invest elle-même ; que ces consultations ayant essentiellement pour objet d'expliquer le montage mis en place et sa conformité à la loi Girardin et de mettre en avant le fait que le risque de l'investisseur est proche de zéro sans que ne soient aucunement explicités les risques éventuellement encourus par la mise en place d'une telle opération, ne permettent pas de s'assurer de l'objectivité de ces consultations juridiques remises aux sociétés qui transmettent au cabinet d'avocat leurs seules données aux fins de faire valider leurs opérations ; que, d'ailleurs, en ce qui concerne le premier document du 12 mars 2007, la cour observe qu'il s'agit d'une consultation d'avocat adressée à la société DTD qui ne repose que « sur les documents souscripteurs et documents concernant le montage de défiscalisation industrielle avec la société DOM TOM Défiscalisation » et qui ne fait que reprendre les conditions du montage à mettre en place, que l'avocat indique toutefois en page 5 que « si l' entreprise exploitante n'assure pas l'utilisation conformément aux règles fiscales, le montage peut être remis en cause », que les autres courriers de ce même cabinet d'avocats ne font que réitérer les mêmes affirmations sans apporter de données complémentaires ; que la société Optim Invest ne justifie pas avoir, au vu de ce courrier de 2007, vérifié les conditions du montage notamment au regard des règles fiscales, pourtant visées par la note, et en interrogeant la société DOM TOM Defiscalisation et recherché les risques que ce dernier pouvait éventuellement encourir, avant de le proposer à M. [K] en décembre 2008 ; que le courrier de maître [F] du 10 décembre 2010 est postérieur à la souscription litigieuse de M. [K] et dès lors la société Optim Invest ne peut utilement soutenir s'être fondée sur ce document pour s'assurer du sérieux et de la fiabilité de l'opération, d'autant que cette note indique simplement que le montage « présente à mon sens une cohérence fiscale » et rappelle les conditions du process de défiscalisation sans en justifier du bien fondé ; que la société Optim Invest se prévaut également des courriers de M. [O], fonctionnaire du ministère de l'économie et des finances des 20 mars, 2 avril et 29 octobre 2009, qui l'ont, selon ses dires, confortée de la validité du montage ; que, cependant ces courriers, tous postérieurs à l'investissement de M. [K], ne valident, nullement, comme le soutiennent la société Optim Invest et ses assureurs de la régularité du montage mis en place, M. [O] se contentant de dire que l'administration fiscale n'a pas reçu pour l'instant de plainte, et ils auraient dû, au contraire, par les termes employés et l'absence de rescrit fiscal (interprétation par l'administration d'un texte fiscal sur demande d'une société) ou d'agrément produit malgré la demande de M. [J], susciter de la part du conseil en investissements financiers des questionnements sur la validité d'un tel montage ; qu'en effet, le premier courrier du 20 mars 2009 de M. [O] adressé au directeur adjoint au directeur général des finances publiques a pour objet une demande jointe de la société Lynx Industries qui « souhaite obtenir du bureau des agréments et des rescrits une lettre l'informant que le produit commercialisé par DTD rentre bien dans les prescriptions de la loi Girardin et que l'administration fiscale n'a jamais remis en cause le produit », ce qui démontre que M. [J] ([X]) lui-même voulait l'aval de l'administration ; que le deuxième courrier du 2 avril 2009 de M. [O] à M. [J] de la société Lynx Industries indique que « l'administration fiscale n'a jamais été alertée ou saisie sur la régularité fiscale du produit proposé par DTD, garanti par Lynx Industries, les allégations de vos concurrents n'engagent qu'eux-mêmes » mais outre le fait qu'il n'est pas produit par les appelants la lettre du 30 mars 2009 du chef du bureau des Agréments et des Rescrits, indiquée pourtant comme jointe au courrier, cela tend à montrer que la question de la régularité fiscale de l'opération était soulevée par la société Lynx Industrie elle-même ; que le troisième courrier de M. [O] du 29 octobre 2009 mentionne seulement que trois dossiers d'agrément fiscal, portant les deux premiers sur l'usine de production des panneaux et centrale photovoltaïques-éolienne et le troisième « concernant un agrément global venant se substituer à l'ensemble du dispositif DTD/ SEP qui avait fait l'objet en mars dernier d'un signalement à l'administration », viennent d'être déposés et n'apportent pas d'élément utile sur la validité de l'opération ; que la société Optim Invest fait valoir qu'il n'est pas démontré qu'elle a eu connaissance des trois procès-verbaux des 2 janvier 2008, 24 décembre 2009 et 11 février 2010 produits par M. [K], lequel explique qu'ils ont été versés aux débats par le propre assureur de l'appelante dans une autre procédure, et elle soutient qu'en tout état de cause ces documents attestent de la régularité du montage ; que, cependant, le procès-verbal du 2 janvier 2008 constate seulement dans la zone de fret de l'aéroport du Lamantin (Fort de France) la présence de 38 palettes de matériel photovoltaïque permettant de construire 120 mini centrales, et celui du 24 décembre 2009, au demeurant postérieur à l'investissement en cause, note la présence dans un entrepôt à [Localité 1] en Martinique de « panneaux photovoltaïques, de batteries d'onduleurs et de kits de connectique », de réseaux de fils électriques au siège de la société DTD et de trois régulateurs au siège de la société Lynx Industrie, mais ils ne permettent pas ni de s'assurer de la présence de kit photovoltaïque assemblé et identifié comme appartenant à une société en participation, ni que les conditions d'éligibilité à la déductibilité pour les exercices 2008 et 2009 étaient réunies ; qu'il s'ensuit que la société Optim Invest ne rapporte pas la preuve qu'elle s'est assurée de la viabilité de l'opération de défiscalisation qu'elle proposait en vérifiant que le matériel photovoltaïque était bien acquis par les SEP et livrés avant d'être mis en location et ce pour chaque exercice objet d'un redressement et pas plus qu'elle ne s'est déplacée sur les lieux pour vérifier la réalité de la réalisation des investissements ; que, dès lors elle ne justifie pas avoir attiré l'attention de M. [K] sur le fait que l'avantage fiscal recherché dépendait de la mise en production de l'équipement photovoltaïque et de son raccordement au réseau de distribution qui ne pouvait être satisfait que par le dépôt d'un dossier complet de raccordement avant la fin de l'année civile, qu'elle ne produit pas ; qu'elle ne peut pas plus arguer du fait que la société Lynx Industrie a fourni une garantie de bonne fin aux investisseurs, alors qu'il résulte du dossier de présentation du produit et de ses annexes que cette garantie ne bénéficie qu'à la société DTD ; qu'enfin, M. [K] fait valoir à juste titre que dès le 7 septembre 2007, la chambre des Indépendants du Patrimoine à laquelle est adhérente la société Optim Invest a émis pour ses adhérents, en la personne du président de la commission prévention des risques, des alertes et des préconisations sur les montages Girardin Industrie, leur demandant de faire preuve de vigilance tant dans le montage du dossier que tout au long de la réalisation, mettant en exergue les différents points à vérifier et rappelant les obligations liées au devoir de conseil des CIF tenant à la délivrance par écrit d'un niveau d'information irréprochable pour les investisseurs tant sur la nature et les caractéristiques de l'opération que sur le risque fiscal ; que ces mises en garde ont été réitérées les 23 juin 2008 et 9 avril 2009 et la société Optim Invest était dès lors nécessairement au courant des risques et limites de telles opérations de défiscalisation ; qu'il s'avère de ces éléments que la société Optim Invest n'a pas assuré ses obligations d'information et de conseil auprès de M. [K] d'une part en ne respectant pas les obligations d'établissement de lettre de mission et de rapport détaillé pourtant prescrites par le règlement de l'AMF ce qui n'a pas permis au souscripteur d'avoir une information détaillée et claire sur le produit DOM TOM Défiscalisation, et d'autre part en ne s'assurant pas du sérieux et de la fiabilité de l'opération envisagée ; qu'en effet les consultations juridiques du cabinet d'avocat Actea Antilles et les courriers de M. [O] confortés par les alertes et préconisations de la chambre des Indépendants du Patrimoine dès le mois de septembre 2007 auraient dû alerter la société Optim Invest en tant que professionnel de l'investissement et l'inciter à opérer des vérifications sur le montage mis en oeuvre par la société DOM TOM Défiscalisation, que cependant celle-ci ne s'est pas véritablement informée des tenants et aboutissants du montage mis en place et n'en a pas assuré un contrôle effectif avant de le proposer à ses clients ; s'il ne peut être imputé à la société Optim Invest la mauvaise exécution du montage, il lui appartenait cependant de s'assurer en amont de la faisabilité et de la sécurité juridique du montage qu'elle proposait à M. [K] ; qu'au vu de ces éléments, la décision des premiers juges qui a retenu les manquements de la société Optim Invest à son obligation d'information et de conseil à l'égard de M.[K] sera confirmée ; que les appelantes rappellent que M. [K] s'est constitué partie civile dans la procédure pénale contre M. [X], et elles soutiennent l'absence de lien de causalité entre les manquements et le préjudice allégué, estimant en tout état de cause que l'intimé n'est fondé à invoquer ni un quelconque gain manqué au titre de la déduction fiscale ni un quelconque préjudice alors qu'il est bien titulaire de parts sociales dans une SEP, mais tout au plus une perte de chance de bénéficier du dispositif de la loi Girardin. ; que M. [K] sollicite la réparation de son entier préjudice à hauteur de la somme de 53 296,80 euros, faisant valoir que la société Optim Invest a participé à la survenance des dommages qu'il a subis et que son préjudice est constitué du montant de la réduction d'impôt escomptée et remise en cause par l'administration fiscale ainsi que des majorations de retard et des pénalités encourues, des frais de cotisation à l'adhésion ADIGIP, des honoraires d'un avocat fiscaliste et de la réparation de son préjudice moral soit 20 % des sommes précédentes ; que les manquements fautifs de la société Optim Invest à son obligation d'information et de conseil n'ont pas permis à M. [K] de pouvoir prétendre aux réductions d'impôt escomptées, et dès lors le lien de causalité est établi entre les manquements relevés et le préjudice de l'investisseur ; que son préjudice indemnisable correspond au montant de ces redressements et aux majorations et pénalités de retard ; que la condamnation de M. [X] dans le cadre de la procédure pénale initiée n'exonère pas la société Optim Invest de sa responsabilité civile à l'égard de M. [K], la procédure pénale reposant sur des fondements différents de cette procédure civile, laquelle démontre les manquements de la société Optim Invest à ses obligations d'information et de conseil. En tout état de cause il n'est pas justifié que M. [K] ait déjà été indemnisé dans le cadre de la procédure pénale ; que la société Optim Invest sera alors déboutée de toute demande à ce titre, au demeurant non expressément détaillée ; que la cour observe que M. [K] ne justifie pas du préjudice moral allégué à hauteur de 20 % des sommes demandées qui n'est aucunement étayé, ni de sa demande relative à la cotisation de l'ADIGIP, qu'en outre ses frais d'avocat relèvent des frais irrépétibles ; que M. [K] sera dès lors débouté de ces demandes à ces titres ; qu'il résulte de ces éléments et des justificatifs produits par M. [K] et alors que le quantum des réductions d'impôt et des pénalités de retard n'est pas contesté par les appelantes, que le préjudice de M. [K] porte sur la somme de 43 238 euros conformément à la transaction conclue par l'intimé avec l'administration fiscale au titre de la réduction d'impôt, des intérêts et des pénalités de retard ; que la société Optim Invest et ses assureurs seront condamnés solidairement au paiement de cette somme, M.[K] étant débouté du surplus de sa demande ;

ALORS QU'une faute ne peut être retenue comme cause d'un préjudice que s'il est démontré que, sans elle, il ne se serait pas produit ; qu'en affirmant, pour condamner la société Optim Invest à indemniser M. [K] du montant de la réduction d'impôt ayant fait l'objet d'un redressement fiscal et qui était attachée à l'opération de défiscalisation qui lui avait été proposée, que les manquements de la société Optim Invest à ses obligations d'information et de conseil ne lui avait pas permis de pouvoir prétendre aux réductions d'impôt escomptées (arrêt, p. 15, al. 2), sans rechercher si, informé que les conditions d'éligibilité à cette opération de défiscalisation n'étaient pas remplies, M. [K], qui avait lui-même affirmé qu'il ne se serait pas engagé dans l'investissement litigieux, aurait pu réaliser, dans les délais légaux applicables, un autre investissement qui lui aurait procuré un avantage fiscal au moins équivalent, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 19-20300
Date de la décision : 02/06/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 28 mai 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 02 jui. 2021, pourvoi n°19-20300


Composition du Tribunal
Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP de Nervo et Poupet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.20300
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