LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 27 mai 2021
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 507 F-D
Pourvoi n° T 19-26.220
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 MAI 2021
Mme [U] [F], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 19-26.220 contre l'arrêt rendu le 31 octobre 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-9), dans le litige l'opposant à M. [I] [Y], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Martin, conseiller, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de Mme [F], de la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat de M. [Y], après débats en l'audience publique du 7 avril 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Martin, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en Provence, 31 octobre 2019), une ordonnance irrévocable d'un juge des référés du 17 septembre 2015, signifiée le 7 octobre 2015, a condamné M. [Y], sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du 8ème jour de sa signification, à fournir à Mme [F], à qui il avait dispensé des soins dentaires, les références précises des bridges qu'il lui avait posés.
2. Le 27 novembre 2017, Mme [F] a saisi un juge de l'exécution aux fins de liquidation de l'astreinte prononcée.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. Mme [F] fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de voir l'astreinte prononcée à l'encontre du docteur [Y] liquidée à la somme de 120 150 euros pour la période du 7 octobre 2015 au 18 décembre 2017 et de voir condamner le docteur [Y] à lui régler cette somme, alors :
« 1°/ que seule la cause étrangère présentant les caractéristiques d'imprévisibilité, d'irrésistibilité et d'extériorité exonère le débiteur du paiement de l'astreinte ; qu'en retenant que l'attestation du prothésiste qui avait fourni les bridges, par laquelle il indiquait ne pas disposer d'autres éléments que ceux qu'il avait déjà communiqués à M. [Y] et que ce dernier avait fournis à l'audience du juge des référés, constituait une cause étrangère, sans relever en quoi cette carence du fournisseur constituait, pour M. [Y], un fait imprévisible et irrésistible, la cour d'appel a violé l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution ;
2°/ l'astreinte provisoire ou définitive ne peut être entièrement supprimée que s'il est établi que l'inexécution de l'injonction du juge provient, en totalité, d'une cause étrangère ; qu'il résulte de la décision attaquée que le juge des référés avait enjoint au docteur [Y], sous astreinte, de communiquer les références précises des prothèses et que cette obligation n'avait pas été exécutée ; qu'en retenant, pour juger qu'une cause étrangère rendait impossible l'exécution de l'obligation prononcée sous astreinte, qu' « il résulte ainsi de la lettre de M. [X] du 9 octobre 2015 que monsieur [I] [Y] justifie d'une cause étrangère le mettant dans l'impossibilité matérielle de se conformer à l'injonction du juge des référés dans la mesure où le prothésiste qui a fourni les bridges atteste ne pas disposer d'autres éléments que ceux qu'il avait déjà communiqués à monsieur [I] [Y] et que ce dernier avait fournis à l'audience du juge des référés », sans rechercher, comme elle y était invitée, si ce courrier permettait de rapporter la preuve d'une impossibilité du docteur [Y] à se procurer les références des faux-moignons du bridge, indispensables à sa réfection, à propos desquels l'attestation de M. [X] était muette, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution ;
3°/ la caractérisation d'une cause étrangère justifiant l'inexécution de l'obligation prononcée sous astreinte suppose une impossibilité absolue de l'exécuter qui ne saurait résulter de la seule inertie du correspondant du débiteur ; qu'en retenant, pour exonérer le docteur [Y] de la liquidation de l'astreinte, que le prothésiste qui avait fourni les bridges attestait ne pas disposer d'autres documents que ceux qu'il avait déjà communiqués à M. [I] [Y], la cour d'appel, qui s'est ainsi fondée sur les seuls éléments détenus par le prothésiste, a statué par des motifs impropres à caractériser l'impossibilité absolue pour le docteur [Y] d'exécuter son obligation, et partant, une cause étrangère, la cour d'appel a violé l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution. »
Réponse de la Cour
4. L'arrêt, après avoir constaté que M. [Y] versait aux débats une lettre de son prothésiste dentaire du 9 octobre 2015, communiquée le 13 octobre 2015, dans laquelle ce dernier attestait n'avoir aucun autre document que ceux déjà fournis pour la prothèse de Mme [F] et ne pouvoir en fournir d'autres, énonce qu'il résulte de cette lettre la justification d'une cause étrangère mettant M. [Y] dans l'impossibilité absolue de se conformer à l'injonction du juge des référés.
5.En l'état de ces constatations et énonciations, relevant de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de fait et de preuve produits, c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel en a souverainement déduit que M. [Y] s'était heurté à une impossibilité matérielle d'exécution, constituant une cause étrangère au sens de l'article L. 131-4, alinéa 3, du code des procédures civiles d'exécution.
6. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
7. Mme [F] fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de voir fixer une nouvelle astreinte de 250 euros par jour de retard, alors « qu'en rejetant la demande de Mme [F] tendant à voir fixer une nouvelle astreinte de 250 euros par jour de retard, sans consacrer aucun motif à cette question, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
8. Ayant, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, retenu que M. [Y] s'était heurté à une impossibilité matérielle d'exécution constituant une cause étrangère au sens de l'article L. 131-4, alinéa 3, du code des procédures civiles d'exécution, la cour d'appel en a, implicitement mais nécessairement, déduit que cette cause étrangère entraînait le rejet d'une nouvelle demande d'astreinte ayant le même objet.
9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [F] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mai deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour Mme [F].
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'Avoir débouté Mme [F] de sa demande de voir l'astreinte prononcée à l'encontre du docteur [Y] liquidée à la somme de 120.150? pour la période du 7 octobre 2015 au 18 décembre 2017 et condamner le docteur [Y] à lui régler cette somme,
AUX MOTIFS QUE « l''article L131-4 du code des procédures civiles d'exécution dispose que le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter ; que le taux de l'astreinte définitive ne peut jamais être modifié lors de sa liquidation ; que l'astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère ; que dans son ordonnance du 17 septembre 2015, le juge des référés a estimé que la carte d'identification des prothèses dentaires du 24 novembre 2010 communiquée par M. [I] [Y] ne mentionnait aucune référence précise permettant d'identifier les bridges, outre le nom du laboratoire [S] [X] de sorte qu'il a condamné M. [I] [Y] à fournir à Mme [U] [F] les références précises des bridges posés, sous astreinte de 150 ? par jour de retard à compter du 8ème jour de la signification de l'ordonnance ; que l'ordonnance de référé ayant été signifiée le 7 octobre 2015, M. [I] [Y] disposait jusqu'au 14 octobre 2015 pour exécuter son obligation, l'astreinte courant à compter du 15 octobre 2015 ; que M. [I] [Y] verse toutefois aux débats une lettre de son prothésiste dentaire [S] [X] du 9 octobre 2015 aux termes de laquelle ce dernier écrit : « j'atteste par la présente n'avoir aucun autre document que ceux déjà fournis pour la prothèse de Mme [F] à savoir : la carte d'identification de la prothèse (décrivant la prothèse fournie), le bon de commande et la facture. Je rajouterai également que selon la loi, ce sont les seuls documents obligatoires à fournir ; que de plus, ayant stoppé mon activité depuis juin 2012 je ne pourrai vous fournir quelques autres documents ou lettre que cette dernière » ; que le conseil de M. [I] [Y] a communiqué la copie de la lettre de [S] [X] du 9 octobre 2015 par télécopie du 13 octobre 2015 au Conseil de Mme [U] [F] et ainsi qu'à l'expert judiciaire qui la vise expressément dans les pièces reçues dans le cadre de ses opérations ; qu'il résulte ainsi de la lettre de [S] [X] du 9 octobre 2015 que M. [I] [Y] justifie d'une cause étrangère le mettant dans l'impossibilité matérielle de se conformer à l'injonction du juge des référés dans la mesure où le prothésiste qui a fourni les bridges atteste ne pas disposer d'autres éléments que ceux qu'il avait déjà communiqués à M. [I] [Y] et que ce dernier avait fournis à l'audience du juge des référés ; qu'il convient dès lors de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « l'article L131-4 du code des procédures civiles d'exécution dispose que le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter ; que l'astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère ; qu'en outre il convient de rappeler que, s'agissant d'une astreinte assortissant une obligation de faire, il appartient au débiteur de prouver qu'il a respecté son obligation ; qu'en l'espèce, M. [I] [Y] soutient qu'il a, avant même le départ de l'astreinte, procédé à la communication qui lui était imposée ; qu'il ne saurait cependant valablement soutenir que cette communication a eu lieu au cours des opérations d'expertise, le juge des référés n'ayant pas tiré cette conclusion (page 5 dc l'ordonnance du 17 septembre 2015) ; que pour autant, par un écrit daté du 9 octobre 2014, M. [S] [X], le prothésiste ayant fourni les bridges dont les références sont réclamées, a indiqué « n'avoir aucun autre document que ceux déjà fournis pour la prothèse de Mme [F], à savoir la carte d'identification de la prothèse (décrivant la prothèse fournie), le bon de commande et la facture » (sa pièce n° 7) ; qu'il est intéressant de noter que Mme [U] [F] ne tire aucune conséquence de cette pièce et ne conteste pas qu'elle peut constituer pour M. [I] [Y] une cause étrangère dans la mesure où lui-même ne peut détenir, sur les bridges en cause, davantage d'informations que n'en a le prothésiste qui les lui a fournis ; que dans ces conditions, et dans la mesure où cette cause étrangère est intervenue avant le délai de l'astreinte, il y a lieu de rejeter la demande principale de Mme [U] [F] » ;
1°) ALORS QUE seule la cause étrangère présentant les caractéristiques d'imprévisibilité, d'irrésistibilité et d'extériorité exonère le débiteur du paiement de l'astreinte ; qu'en retenant que l'attestation du prothésiste qui avait fourni les bridges, par laquelle il indiquait ne pas disposer d'autres éléments que ceux qu'il avait déjà communiqués à M. [I] [Y] et que ce dernier avait fournis à l'audience du juge des référés, constituait une cause étrangère, sans relever en quoi cette carence du fournisseur constituait, pour M. [Y], un fait imprévisible et irrésistible, la cour d'appel a violé l'article L.131-4 du code des procédures civiles d'exécution ;
2°) ALORS QUE l'astreinte provisoire ou définitive ne peut être entièrement supprimée que s'il est établi que l'inexécution de l'injonction du juge provient, en totalité, d'une cause étrangère ; qu'il résulte de la décision attaquée que le juge des référés avait enjoint au docteur [Y], sous astreinte, de communiquer les références précises des prothèses et que cette obligation n'avait pas été exécutée ; qu'en retenant, pour juger qu'une cause étrangère rendait impossible l'exécution de l'obligation prononcée sous astreinte, qu' « il résulte ainsi de la lettre de [S] [X] du 9 octobre 2015 que monsieur [I] [Y] justifie d'une cause étrangère le mettant dans l'impossibilité matérielle de se conformer à l'injonction du juge des référés dans la mesure où le prothésiste qui a fourni les bridges atteste ne pas disposer d'autres éléments que ceux qu'il avait déjà communiqués à monsieur [I] [Y] et que ce dernier avait fournis à l'audience du juge des référés », sans rechercher, comme elle y était invitée, si ce courrier permettait de rapporter la preuve d'une impossibilité du docteur [Y] à se procurer les références des faux-moignons du bridge, indispensables à sa réfection, à propos desquels l'attestation de M. [X] était muette, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution ;
3°) ALORS QUE la caractérisation d'une cause étrangère justifiant l'inexécution de l'obligation prononcée sous astreinte suppose une impossibilité absolue de l'exécuter qui ne saurait résulter de la seule inertie du correspondant du débiteur ; qu'en retenant, pour exonérer le docteur [Y] de la liquidation de l'astreinte, que le prothésiste qui avait fourni les bridges attestait ne pas disposer d'autres documents que ceux qu'il avait déjà communiqués à M. [I] [Y], la cour d'appel, qui s'est ainsi fondée sur les seuls éléments détenus par le prothésiste, a statué par des motifs impropres à caractériser l'impossibilité absolue pour le docteur [Y] d'exécuter son obligation, et partant, une cause étrangère, la cour d'appel a violé l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'Avoir débouté Mme [F] de sa demande de voir fixer une nouvelle astreinte de 250 euros par jour de retard,
ALORS QU'en rejetant la demande de Mme [F] tendant à voir fixer une nouvelle astreinte de 250 euros par jour de retard, sans consacrer aucun motif à cette question, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.