LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 27 mai 2021
Cassation
Mme MOUILLARD, président
Arrêt n° 466 F-D
Pourvoi n° J 19-19.634
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 27 MAI 2021
M. [K] [Q], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 19-19.634 contre l'arrêt rendu le 14 mai 2019 par la cour d'appel de Versailles (12e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [R] [G], domicilié [Adresse 2],
2°/ à la société STJ Holding, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de M. [Q], de Me Le Prado, avocat de M. [G] et de la société STJ Holding, après débats en l'audience publique du 30 mars 2021 où étaient présentes Mme Mouillard, président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 14 mai 2019), M. [G] s'est rapproché de M. [Q] en vue d'acquérir les titres composant le capital des sociétés [Personne physico-morale 1] (la société GP) et [Personne physico-morale 2] (la société GPM). Le 11 juillet 2004, les parties ont signé une lettre d'intention, suivie de plusieurs avenants.
2. M. [Q] ayant mis un terme aux négociations le 6 mai 2015, M. [G] et la société AIM CP, créée par ce dernier en vue de l'acquisition, l'ont assigné en réparation des préjudices qu'ils estimaient avoir subis.
3. La société STJ Holding est intervenue volontairement à l'instance au lieu et place de la société AIM CP.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. M. [Q] fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'intervention volontaire de la société STJ Holding, de dire qu'il a commis une faute en manquant à son obligation de bonne foi et de loyauté à l'égard de M. [G] et de la société STJ Holding à l'occasion des pourparlers ayant pour objet une opération d'acquisition des sociétés GP et GPM, de le condamner à verser la somme de 39 795,78 euros à M. [G] et la somme de 56 040,30 euros TTC à la société STJ Holding, à titre de remboursement de frais, alors « qu'il appartient aux juges devant lesquels l'affaire a été débattue d'en délibérer ; qu'il s'ensuit que le magistrat chargé du rapport qui tient seul l'audience pour entendre les plaidoiries doit appartenir à la formation qui délibère de l'affaire ; qu'en l'espèce, l'arrêt énonce que lors des débats, la cour d'appel était composée d'un seul magistrat, Mme [H], conseiller rapporteur, et que ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée en une formation collégiale à laquelle il n'appartenait pas ; en quoi la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences des articles 447 et 458 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 447 et 458 du code de procédure civile :
5. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'à peine de nullité, il appartient aux juges, devant lesquels l'affaire a été débattue, d'en délibérer. Il s'ensuit que le magistrat chargé du rapport qui tient seul l'audience pour entendre les plaidoiries doit appartenir à la formation qui délibère de l'affaire.
6. Selon les mentions de l'arrêt, la cour d'appel était, lors des débats, composée d'un seul magistrat, chargé du rapport, qui a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée en une formation collégiale à laquelle il n'appartenait pas, de sorte que la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences des textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Condamne M. [G] et la société STJ Holding aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [G] et la société STJ Holding et les condamne à payer à M. [Q] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mai deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour M. [Q].
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR déclaré recevable l'intervention volontaire de la société STJ Holding, D'AVOIR dit que M. [K] [Q] avait commis une faute en manquant à son obligation de bonne foi et de loyauté à l'égard de M. [R] [G] et de la société STJ Holding, dans le cadre des pourparlers ayant pour objet une opération d'acquisition des sociétés [Personne physico-morale 1] et [Personne physico-morale 2], D'AVOIR condamné M. [Q] à verser à M. [R] [G] la somme de 39.795,78 ? à titre de remboursement de frais et D'AVOIR condamné M. [Q] à verser à la société STJ Holding la somme de 56.040,30 ? TTC à titre de remboursement de frais ; ainsi qu'à des frais irrépétibles et aux dépens.
EN ENONÇANT QUE « en application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 19 mars 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Mme [C] [H], Conseiller chargé du rapport ; ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame [Z] [F], Président, Madame [X] [Y], Conseiller, Monsieur [U] [S], Magistrat Honoraire » ;
1°/ ALORS QU' il appartient aux juges devant lesquels l'affaire a été débattue d'en délibérer ; qu'il s'ensuit que le magistrat chargé du rapport qui tient seul l'audience pour entendre les plaidoiries doit appartenir à la formation qui délibère de l'affaire ; qu'en l'espèce, l'arrêt énonce que lors des débats, la cour d'appel était composée d'un seul magistrat, Mme [H], conseiller rapporteur, et que ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée en une formation collégiale à laquelle il n'appartenait pas ; en quoi la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences des articles 447 et 458 du code de procédure civile ;
2°/ ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU' à peine de nullité, les arrêts des cours d'appel sont rendus par des magistrats délibérant en nombre impair ; qu'à défaut d'indications contraires, les magistrats mentionnés dans l'arrêt comme ayant siégé à l'audience au cours de laquelle les débats se sont déroulés, sont présumés en avoir délibéré ; que l'arrêt énonce que la cour d'appel était composée, lors du délibéré, d'un président, d'un conseiller et d'un magistrat honoraire et qu'à l'audience des débats, un quatrième magistrat, Mme [H], sans opposition des avocats des parties et en application de l'article 786 du code de procédure civile, a entendu les plaidoiries, puis ce magistrat en a rendu compte à la cour d'appel dans son délibéré ; qu'il en résulte que les juges qui en ont délibéré étaient au nombre de quatre et, partant, en nombre pair ; d'où il suit que, par cette inobservation de l'imparité révélée par l'arrêt attaqué et à laquelle une décision rectificative ne peut porter remède, l'arrêt encourt l'annulation en application des articles 430, 454 et 458 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 121-2 du code de l'organisation judiciaire.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR déclaré recevable l'intervention volontaire de la société STJ Holding, D'AVOIR dit que M. [K] [Q] avait commis une faute en manquant à son obligation de bonne foi et de loyauté à l'égard de M. [R] [G] et de la société STJ Holding, dans le cadre des pourparlers ayant pour objet une opération d'acquisition des sociétés [Personne physico-morale 1] et [Personne physico-morale 2], D'AVOIR condamné M. [Q] à verser à M. [R] [G] la somme de 39.795,78 ? à titre de remboursement de frais et D'AVOIR condamné M. [Q] à verser à la société STJ Holding la somme de 56.040,30 ? TTC à titre de remboursement de frais et de l'avoir condamné aux dépens et à des frais irrépétibles.
AUX MOTIFS QUE « sur le caractère fautif de la rupture des pourparlers : M. [G] fait valoir, avec la société STJ Holding, qu'il a consacré un temps considérable à l'opération d'acquisition projetée et qu'il a exposé des frais importants de conseils pour l'accompagner dans ce but auquel il a été mis fin définitivement et de façon inattendue unilatéralement par M. [Q] le 6 mai 2015, veille de la signature de l'acte d'acquisition. M. [Q] réplique que la durée des pourparlers n'était pas anormalement longue (du 12 février au 6 mai 2015), qu'il existait de nombreux points de divergence, notamment sur le prix et le financement ainsi que sur l'accompagnement, que M. [G] s'était comporté pendant cette période comme si les sociétés cibles lui appartenaient, conduisant à un échec des pourparlers. La liberté de s'engager contractuellement induit celle de ne pas contracter, notamment en interrompant les négociations préalables à la conclusion d'un contrat. Les parties doivent négocier loyalement, ce dont il résulte que seules les circonstances de la rupture peuvent constituer une faute donnant lieu à réparation. Pour apprécier le caractère fautif de la rupture de pourparlers, il convient de prendre notamment en considération la durée et l'état d'avancement des pourparlers, le caractère soudain de la rupture, l'existence ou non d'un motif légitime de rupture, le fait pour l'auteur de la rupture de voir susciter chez son partenaire la confiance dans la conclusion du contrat envisagé, en appréciant le cas échéant le degré d'expérience professionnelle respectif des parties concernées. M. [G] a manifesté, le 11 juillet 2014, son intérêt à l'acquisition des sociétés [Personne physico-morale 1] et [Q] Précision médicale, sous forme d'une lettre d'intention du même jour contresignée par M. [Q]. Cette lettre d'intention contient les éléments habituellement visés en pareille matière : périmètre de l'acquisition, prix, conditions de paiement, modalités de financement, conditions suspensives, sort du bail commercial, principe d'une garantie d'actif et passif, principe d'un accompagnement du vendeur, calendrier prévisionnel de la cession, clause d'exclusivité. Cette lettre d'intention sera annulée et remplacée, en dernier lieu, par la lettre d'intention du 26 décembre 2014 finalisée en réalité au début de l'année 2015. La cour observe qu'un avenant du 10 avril 2015 à cette lettre d'intention rappelle que la période d'exclusivité applicable aux pourparlers a commencé à courir le 11 juillet 2014. Il y a lieu de considérer ainsi que les parties ont commencé à négocier les conditions d'acquisition, dès le 11 juillet 2014. Il est constant que la rupture des pourparlers est intervenue le 6 mai 2015 à l'initiative de M. [Q]. La période de pourparlers a donc duré plus de neuf mois, et non un an et demi comme le soutient l'acquéreur ou moins de trois mois comme l'indique le vendeur. Cette période doit être considérée comme relativement longue au regard de la taille des entreprises objet de l'acquisition. Afin d'apprécier le caractère abusif ou non de la rupture des pourparlers, il paraît nécessaire de rappeler l'évolution des négociations jusqu'à celle-ci. La dernière lettre d'intention du 26 décembre 2014 prévoyait une date de cession au 30 avril 2015 sous réserve de la réalisation des conditions suspensives au plus tard le 15 avril. Cette lettre a été complétée d'une note manuscrite du 12 février 2015 signée des deux parties arrêtant un accord de principe sur des sujets périphériques à la cession envisagée (sort de la voiture ; décalage possible du complément de prix, modalités de la contrepartie financière au tutorat, montant de la trésorerie, émission de billets à ordre pour le remboursement du prêt personnel). II s'en déduit que chacune des parties s'étalent entendues à cette date sur l'essentiel des modalités de l'accord de la promesse de cession, soumise à conditions suspensives. Le périmètre initial de l'acquisition ne comprenait que les deux sociétés [Personne physico-morale 1] et [Personne physico-morale 2]. Cependant, le vendeur a souhaité intégrer dans ce périmètre une société dénommée Portes SAS pour laquelle il a déposé une offre à la barre du tribunal le 24 mars 2015, qu'il a améliorée le 6 mai 2015 à la demande du tribunal et que ce dernier a accepté cette offre par jugement du 10 juin 2015. Il résulte des pièces versées que cette société Porte SAS avait une activité proche de celle des deux sociétés cibles. L'acquéreur a été informé par le vendeur de cette éventualité dans le courant du mois de janvier 2015 pour autant il n'a pas été associé à l'offre de reprise qui mentionnait que M. [K] [Q] était gérant des sociétés GP et GPM agissant au nom de la société Porte Prod, en formation. L'évocation par le vendeur de cette possible modification du périmètre de l'acquisition initiale a nécessairement compliqué donc ralenti les négociations sinon soulevé une interrogation, M. [Q] ayant présenté son souhait de céder pour cause de retraite, quand bien cette éventuelle intégration pouvait présenter un intérêt économique pour l'acquéreur. La cour relève, en outre que le 6 mai 2015, jour de l'amélioration de l'offre à la barre pour acquérir la société Porte SAS M. [Q] a informé M. [G] de son refus de poursuivre la vente de ses deux sociétés à ce dernier. Les échanges des mois de mars et début avril 2015 révèlent une certaine crispation entre les parties, celles-ci tentant naturellement de pousser leurs avantages dans la perspective de la signature. L'acquéreur manifestant une certaine impatience et le vendeur une forme de réticence. Par courriel du 8 avril 2015, l'acquéreur adresse au conseil du vendeur (M. [J] [W]) les conditions de son offre qualifiée de "définitive"assortie de certaines conditions. Il manifeste son accord sur divers points (mise à disposition du véhicule, remboursement de frais, complément de prix, traitement du dossier de reprise de la société Porte.). Le 9 avril 2015, M. [W] lui répond par un courriel ayant pour objet : "dernière proposition", avec copie au représentant du fonds d'investissement participant au financement de l'acquisition : « Messieurs, je pense que nous allons pouvoir accepter votre proposition.... Toutefois : sur la trésorerie, je pense que nous sommes d'accord ; sur la clause de non-concurrence, nous pouvons la signer telle quelle, après en avoir parlé à Me [I] [avocat du vendeur] et à PG.[ [K] [Q]]. Nous n'exclurons pas Porte qui n'est pas concurrente de [Q] et qui est de toute façon une éventualité, pas une certitude. ; Il faudra retarder la signature du protocole sans doute la fin de la semaine prochaine ; et la cession définitive ne pourra se faire que dans les tous premiers jours de mai, pas au 30 avril, si cela vous convient nous pouvons avancer. ». Les parties ont, à la demande du vendeur, reporté la date de cession au plus tard au 15 mai 2015 (amendement du 10 avril 2015 à la lettre d'intention). Le 15 avril 2015, M. [W] confirme que les documents nécessaires à la cession seront élaborés entre les avocats respectifs des parties et que l'objectif est de signer ce document le 28 avril pour un « closing » vers le 15 mai. Il n'est pas contesté que Maître [B] [I], également conseil du vendeur, a participé avec les conseils de l'acquéreur à l'élaboration du projet de promesse de cession et de la garantie d'actif et passif. Le 30 avril 2015, M. [W] adresse le compte rendu de la réunion du 29 avril 2015 qui avait réuni l'acquéreur le vendeur et leur conseil financier respectif, hors la présence des avocats. Il y est indiqué que l'essentiel des discussions avait porté sur des aspects opérationnels notamment sur le projet commun de M. [Q] et de M. [G], après la reprise et que les points de divergence qui subsistaient avaient été résolus avec le détail de la solution retenue pour ces points. Il résultait de ce compte rendu établi par le conseil du vendeur que seul restait en suspens les modalités de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence. Un courriel du même jour de M. [W] cette fois adressé aux avocats du vendeur (Me [E] [V] [I] et Me [B] [I]) précisait que l'acquéreur était dans l'attente de la communication de la convention de tutorat et de la ventilation du prix entre les deux sociétés ainsi que la rémunération du tutorat. Ce courriel rappelait que la signature de la promesse de cession avait été fixée au jeudi 7 mai avec une clôture ("closing") le 21 mai au plus tard. Il y était précisé que la vérification de la trésorerie par l'expert-comptable de l'acquéreur était prévue le 6 mai (cet audit portant sur la valorisation des stocks et la trésorerie avant signature a été effectivement conduit à cette date). Un protocole d'investissement a été passé le 4 mai 2015 entre la société Investeam (investisseur) et la société STJ Holding fixant les modalités permettant le financement de l'acquisition. Le 5 mai, (9h 02) M. [W] a fait savoir qu'il y avait plusieurs points à finaliser sur la promesse de vente. Le même jour (11 h 53), il écrit : « pour pouvoir signer éventuellement jeudi, il faudrait que nous ayons résolu les derniers points concernant le protocole et que Maître [E] [I] et Maître [Z] [ conseil de l'acquéreur] soient en mesure de finaliser la GAP et le tutorat d'ici là...". Ce même jour Me [I], avocate, conseil du vendeur, adresse à ses homologues, conseils de l'acquéreur, une lettre de 7 pages commentant en détail le projet de promesse de cession envoyé par ces derniers le 30 avril précédent, avec pour phrase introductive : « En vue de la signature de la promesse de cession, je vous transmets ci-après mes observations sur votre dernier projet du 30 avril écoulé....". Lesdites observations s'appliquent aux projets de promesse de cession ainsi qu'aux projets de garantie d'actif et passif. La cour constate que les "observations" portent sur des points essentiels (demande de réécriture de la clause de complément de prix dans son intégralité car "peu compréhensible" ; introduction de la notion de charge constante dans le calcul du résultat d'exploitation donnant droit au complément de prix avec proposition de réécriture de la clause sur ce point ; remise en cause de la contrepartie financière de l'accompagnement ; discussion sur la nécessité d'une contrepartie financière à la clause de non-concurrence ; refus d'une sanction financière attachée au non-versement du prêt par le vendeur à l'acquéreur). Par courriel du même jour (6 mai 2015,10h26), le conseil de l'acquéreur répond qu'acheteur et vendeur sont parvenus à un accord définitif hors la présence des avocats et qu'il a été convenu que le projet de promesse de cession ne devait plus évoluer, qu'à défaut son client comprendrait que M. [Q] se retire unilatéralement du projet de cession. Cette réponse conduira à l'envoi d'un courriel par Me [I], conseil du vendeur, contestant que le projet du 30 avril reflète leur accord et en tout état de cause ne permet pas la protection des intérêts de son client. Ainsi, il se déduit de ces échanges entre les parties, que la réunion du mercredi 29 avril 2015 entre les parties hors la présence de leurs avocats respectifs, a consacré le principe d'un accord sur la cession envisagée au point que les participants n'ont évoqué essentiellement que les aspects opérationnels d'après reprise. L'acquéreur a pu ainsi être convaincu à cette date et après de longs mois de négociation, troublée par la modification éventuelle du périmètre, que la cession s'effectuerait avec une date de signature de la promesse de cession, fixée d'un commun accord entre les parties, le jeudi 7 mai 2015. Entretenu dans cet espoir, l'acquéreur finalisera l'accord de financement de son acquisition (le 4 lundi mai 2015) et organisera, en accord avec le vendeur, le mercredi 6 mai veille de la signature des actes, la vérification de la trésorerie des sociétés cible par son expert comptable, dernière étape permettant d'arrêter le prix selon les modalités déjà convenues. Dans ce contexte, la remise en cause substantielle, le mardi 5 mai 2015 avant veille de la signature, des projets de promesse de cession et de garantie de passif par le conseil du vendeur (Me [E] [I]) ne pouvait être comprise par l'acquéreur que comme une remise en cause indirecte de l'opération de cession par le vendeur. Ce d'autant plus qu'il n'est pas contesté que les projets ainsi critiqués par l'un des avocats du vendeur (Me [E] [I]) avaient été élaborés de concert, le jeudi 30 avril précédent, entre les avocats de l'acquéreur et Me [B] [I], également conseil du vendeur, à la suite de la réunion du 29 avril entre vendeur et acheteur. La bonne foi et la loyauté du vendeur sont en cause dans la mesure où il a opéré ainsi alors qu'il ne pouvait ignorer à l'issue de la réunion du 29 avril que l'acquéreur pouvait être légitimement convaincu de la faisabilité de la cession. Il convient de relever également la précipitation avec laquelle, le vendeur, sans attendre une éventuelle réponse argumentée de l'acquéreur que méritaient les commentaires critiques des projets, informera l'acquéreur dès le lendemain, mercredi 6 mai 2015, veille de la signature de la promesse de cession, qu'il n'entendait plus poursuivre l'opération alors que ce même jour, l'expert-comptable diligentait, en sa présence, ses opérations de contrôle de trésorerie sur place. La cour observe, par ailleurs, que le vendeur, n'a produit aucune explication permettant éventuellement de justifier son retrait soudain après de longs mois de négociations dont la durée lui est en grande partie imputable. De ce qui précède, il se déduit que M. [Q] n'a pas fait preuve de loyauté, ni de bonne foi dans la négociation des accords d'acquisition. Le vendeur est donc tenu de réparer le préjudice éventuellement subi par l'acquéreur à condition qu'il soit directement consécutif à la faute commise. Le jugement est infirmé à ce titre. Sur la réparation du préjudice : Les appelants sollicitent le remboursement des frais de conseil et la prise en compte du temps passé. M. [Q] conteste le quantum des préjudices réclamés faisant valoir que rien n'obligeait M. [G] à engager ces frais. M. [G] sollicite le remboursement des frais qu'il a directement et personnellement exposés à hauteur de 30 795,78 ? dans le cadre de l'acquisition projetée. Il sollicite également une somme de 100 000 ? correspondant selon lui à la rémunération qu'il aurait perçue durant les 12 mois qu'ont duré les pourparlers (12x 8333,33 euros). Les frais de conseils (avocat, expert-comptable) directement exposés par M. [G] à titre de conseil dans le cadre de l'acquisition envisagée sont justifiés à hauteur de 30 795,78 euros par les pièces produites aux débats d'agissant des notes d'honoraires du cabinet d'avocats de M. [G] et la note d'honoraires du cabinet d'expertise comptable ECE. M. [G] ne rapporte pas la preuve d'avoir consacré la totalité de son temps à l'opération d'acquisition pendant la durée des pourparlers (plus de 9 mois), le dossier permettant d'établir le contraire. La cour accordera 9 000 euros au titre du temps qu'il y a consacré. La société STJ Holding sollicite le remboursement des frais de conseils (avocat, expert-comptable, audit) qu'elle a directement supportés ou repris, et évalués par ses soins à la somme de 78 641,46 euros. Ces frais sont justifiés à hauteur de 56 040,30 euros TTC, par production des notes d'honoraires de Me [T] (26 septembre, 6 octobre, 15 décembre 2014), la note d'honoraires du cabinet d'expertise comptable ECE ainsi que la note d'honoraires du 17 février 2015 émise par le cabinet d'expertise comptable ACG, ayant réalisé l'audit des sociétés GP et GPM. La facture de la société Financière de Norway de 22 800 euros du 19 février 2015 ne détaillant pas les prestations rendues pour ce montant sera écartée. M. [Q] ayant commis une faute ayant porté préjudice à M. [G] et à la société STJ Holding sera condamné en conséquence à verser (i) à M. [G] la somme de 39 795.78 euros à titre de dommages et intérêts, et (ii) à la société STJ Holding la somme de 56 040,30 euros TTC » ;
1°/ ALORS, D'UNE PART, QUE dans ses conclusions (p. 15-16), l'exposant soutenait qu'il n'avait pas proposé la modification du périmètre de la cession pour y intégrer la société Porte, contrairement à ce que prétendait M. [G] sans en apporter la preuve ; qu'ainsi, la cour d'appel ne pouvait se borner à affirmer que le vendeur avait souhaité intégrer la société Porte dans le périmètre de la cession et que cela avait nécessairement compliqué donc ralenti les négociations (arrêt p. 7 §§ 2 et 3), sans viser ni analyser, fût-ce sommairement, les éléments de preuve sur lesquels elle s'est fondée ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ ALORS, D'AUTRE PART, QUE dans ses conclusions (p. 11 et 15), l'exposant faisait valoir que le projet de promesse de cession du 30 avril 2015 avait été établi par le conseil de M. [G] et qu'en dépit de deux séances de travail communes entre les conseils des parties au cours du mois d'avril, ce projet s'écartait sur des points essentiels de ce qui avait été convenu entre les parties lors de la réunion du 29 avril 2015 pour tenter d'imposer les souhaits de M. [G] ; qu'en affirmant qu'« il n'était pas contesté » que ce projet avait été élaboré de concert entre les conseils des parties (arrêt p. 10 §§ 2 et 3), pour en déduire que l'exposant avait manqué à son obligation de bonne foi et de loyauté en exprimant son désaccord sur ce projet, la cour d'appel a dénaturé les conclusions précitées de l'exposant et ainsi violé l'article 4 du code de procédure civile ;
3°/ ALORS, AUSSI, QUE la cour d'appel ne pouvait retenir que l'exposant avait manqué à son obligation de bonne foi et de loyauté dans le cadre des pourparlers en se bornant à constater que les observations transmises par son avocate le 5 mai 2015 sur le projet de promesse de cession envoyé par le conseil de M. [G] le 30 avril 2015 portaient sur des points essentiels, pour en déduire qu'une telle remise en cause substantielle de ce projet l'avant-veille de sa signature ne pouvait être comprise par l'acquéreur que comme une remise en cause indirecte de l'opération de cession par l'exposant (arrêt p. 9 § 9 et p. 10 § 2), sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions p. 10, 12, 13, 15 et 16), si les observations transmises par l'avocate de l'exposant le 5 mai 2015 n'étaient pas conformes à ce qui avait été convenu entre les parties notamment lors de la réunion du 29 avril 2015, dont le compte rendu avait été dressé par M. [W] dans un mail du 30 avril 2015 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 devenu 1240 du code civil ;
4°/ ALORS, EN OUTRE, QUE la cour d'appel avait elle-même constaté que le 5 mai 2015, l'avocate de l'exposant avait adressé au conseil de l'acquéreur une lettre de 7 pages commentant en détail le projet de promesse de cession envoyé par celui-ci le 30 avril précédent, que ses observations portaient sur des points essentiels, que le conseil de l'acquéreur avait répondu que son client refusait toute modification de ce projet et que cette réponse avait conduit à l'envoi d'un courriel par l'avocate de l'exposant contestant que le projet du 30 avril reflétait leur accord et en tout état de cause ne permettait pas la protection des intérêts de son client (arrêt p. 9 §§ 2 à 4), ce dont il résultait que les pourparlers avaient pris fin en raison de la persistance de profonds désaccords entre le vendeur et l'acquéreur et du refus exprimé par ce dernier de modifier sa position ; qu'en énonçant néanmoins que le vendeur n'avait produit aucune explication permettant de justifier son retrait des négociations (arrêt p. 10 § 4), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1382 devenu 1240 du code civil ;
5°/ ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE dans ses conclusions (p. 21), l'exposant contestait devoir rembourser à M. [G] et à la société STJ Holding le montant des factures de leur conseil juridique, Me [P] [T], relatives à l'acquisition par ceux-ci de la société Valla et non pas des sociétés [Personne physico-morale 1] et [Personne physico-morale 2] ; qu'en condamnant l'exposant à leur rembourser le montant de ces factures (arrêt p. 11), sans répondre à ce moyen, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.