LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 27 mai 2021
Rejet
Mme MOUILLARD, président
Arrêt n° 448 F-D
Pourvoi n° S 19-16.122
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 27 MAI 2021
La société SHW Automotive GmbH, dont le siège est [Adresse 1] (Allemagne), a formé le pourvoi n° S 19-16.122 contre l'arrêt rendu le 20 novembre 2018 par la cour d'appel de Besançon (1re chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Camelin, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à la société AJRS, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], prise en qualité d'administrateur judiciaire de la société Camelin,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société SHW Automotive, de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat des sociétés Camelin et AJRS, ès qualités, après débats en l'audience publique du 30 mars 2021 où étaient présentes Mme Mouillard, président, Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 20 novembre 2018), le 21 juillet 2014, la société Camelin, qui a pour activité la fabrication de pièces mécaniques pour le secteur automobile, et la société de droit allemand SHW Automotive (la société SHW), intervenant en qualité de sous-traitante dans le secteur automobile, ont conclu, pour une durée de quatre années, un contrat par lequel la seconde s'engageait à commander à la première, qui s'engageait à les lui fournir, 750 000 unités de deux composants du système d'injection de moteurs pour automobiles Volkswagen.
2. Le 12 janvier 2016, la société SHW a mis fin au contrat.
3. Reprochant à cette dernière d'avoir rompu le contrat avant le terme convenu, la société Camelin l'a assignée en responsabilité devant le tribunal de commerce de Besançon.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen, ci-après annexé
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. La société SHW fait grief à l'arrêt de dire recevable l'assignation introductive d'instance et de dire que sa responsabilité contractuelle est engagée, alors « que le tribunal de commerce est saisi par voie d'assignation, par requête conjointe ou présentation volontaire des parties ; que l'assignation est un acte d'huissier qui doit comporter les mentions d'identification de l'huissier qui la délivre et sa signature ; que la société Camelin a enrôlé devant le tribunal de commerce un acte d'avocat portant projet d'assignation et un "acte d'accomplissement des formalités de l'article 9-2 du règlement CE 1397/2007" ; qu'en disant que ces actes pouvaient tenir lieu d'assignation, la cour d'appel a violé les articles 648 et 855 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. Après avoir relevé que la société SHW, de droit allemand, avait été attraite devant le tribunal de commerce de Besançon par un acte introductif d'instance rédigé par l'avocat et intitulé « acte d'accomplissement des formalités de l'article 9-2 du règlement CE 1397/2007 », qui lui avait été délivré dans les formes prévues pour sa remise par ce règlement du 13 novembre 2007, relatif à la signification et à la notification dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale, et qui était signé de l'huissier de justice avec toutes les mentions requises, notamment celles prévues par l'article 648 du code de procédure civile, c'est à bon droit que la cour d'appel a qualifié cet acte d'assignation et retenu qu' il constituait un acte d'huissier de justice qui avait valablement saisi le tribunal.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
8. La société SHW fait grief à l'arrêt de dire que le tribunal de commerce de Besançon était territorialement compétent pour connaître du litige et que la résiliation du contrat avant son terme engage la responsabilité contractuelle de la société SHW, alors :
« 1°/ que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables et doit restituer aux faits leur exacte qualification, sans s'arrêter à la dénomination proposée par les parties ; qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit suffisant tenant compte de la durée de la relation commerciale ; que pour écarter l'application de l'article L. 442-6, I, 5 du code de commerce aux demandes de la société Camelin, qui reprochait à la société SHW d'avoir rompu le contrat avant le terme convenu, la cour d'appel a retenu que ce texte n'était pas invoqué par la société Camelin, qui se fondait sur les règles de la responsabilité contractuelle ; qu'en statuant ainsi sans rechercher la véritable qualification de la demande, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile ;
2°/ qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit d'une durée suffisante tenant compte de la durée de la relation commerciale ; que la demande de réparation ne peut être portée que devant les juridictions spécialisées ; qu'une cour d'appel non spécialisée est néanmoins compétente à seule fin de sanctionner l'excès de pouvoir commis par le premier juge qui s'est à tort déclaré compétent ; que la cour d'appel a constaté que les relations des parties étaient des relations établies et continues ; qu'en disant cependant que le tribunal de commerce de Besançon avait pu valablement se prononcer sur la demande de réparation formée par la société Camelin du fait de la rupture, avant le terme convenu, de cette relation, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé l'article L. 442-6, I, 5 du code de commerce dans sa rédaction applicable en l'espèce, ensemble l'article D. 442-3 du même code ;
3°/ que la cour d'appel de Paris est seule compétente pour connaître des décisions rendues en matière de réparation du préjudice résultant de la rupture d'une relation commerciale établie ; qu'en statuant sur la rupture de relations commerciales dont elle avait constaté le caractère établi, la cour d'appel de Besançon a violé l'article D442-3 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
9. Après avoir relevé qu' aux termes de son assignation, la société Camelin demandait réparation des dommages nés de l'inexécution ou de la violation des obligations du contrat, sans aucune référence à l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, l'arrêt retient exactement que le tribunal de commerce de Besançon pouvait connaître du litige, ce dont il résulte qu'elle pouvait elle-même statuer, en appel, sur les demandes de la société Camelin.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le quatrième moyen
Enoncé du moyen
11. La société SHW fait grief à l'arrêt de dire que le contrat du 21 juillet 2014 liant les parties avait été conclu pour une durée ferme de quatre années à compter de la date de sa signature, avec un amortissement par la société Camelin de ses investissements prévus sur la même période, et que la résiliation de ce contrat avant son terme engageait la responsabilité contractuelle de la société SHW, alors :
« 1°/ qu'il est interdit au juge de dénaturer le contrat ; qu'en son article 4, le contrat prévoyait que la société SHW participerait à l'effort d'investissement de la société Camelin à concurrence d'un certain montant du prix de chaque pièce, de sorte que l'investissement serait amorti dès l'achat de 750 000 pièces ; qu'il était précisé qu' : "une fois que cette quantité aura été atteinte, l'amortissement total de l'investissement aura été couvert et aucun coût (investissement ou autre) ne sera couvert par SHW" (article 4 du contrat) ; que pour dire que la dotation d'investissement due par la société SHW était du prix de 750 000 unités par an sur quatre ans, la cour d'appel a rappelé que les parties s'étaient engagées sur quatre ans, à raison de 750 000 unités par an ; que ce faisant, la cour d'appel a confondu le montant de la dotation d'investissement fixée conventionnellement au prix d'achat de 750 000 unités et l'engagement de commande, fixé par l'article 1 du contrat à +/-750 000 unités par an pendant quatre ans ; qu'elle a ainsi dénaturé les termes clairs et précis du contrat, et violé le principe de l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis.
2°/ qu'est réputée non écrite la clause limitative de responsabilité qui contredit la portée de l'obligation essentielle souscrite par le débiteur ; que la cour d'appel a retenu, pour fixer la participation de la société SHW à l'effort d'investissement de la société Camelin au montant de 750 000 unités sur quatre ans, soit le prix de 3 000 000 d'unités, que "fixer la dotation aux investissements à hauteur du prix de 750 000 unités serait constitutive d'une clause limitative de responsabilité (stigmatisée par les jurisprudences "Pages Jaunes" et "Faurecia"), contredisant la portée de l'obligation essentielle du contrat, soit, en l'espèce, un engagement contractuel d'une "durée minimale de quatre ans à compter de la date de signature du contrat" ; qu'à supposer qu'elle puisse être qualifiée de clause limitative de responsabilité, la clause de dotation aux investissement ne pouvait porter atteinte à la durée de l'engagement, dont elle était totalement détachée ; que la cour d'appel, en retenant le contraire, a violé les articles 1134 et 1147, devenus 1103 et 1231-1 du code civil. »
Réponse de la Cour
12. Après avoir relevé que la précision de l'article 4 du contrat, selon laquelle « L'amortissement se base sur la production d'une quantité totale de 750 000 unités. Une fois que cette quantité aura été atteinte, l'amortissement total de l'investissement aura été couvert et aucun coût (investissement ou autre) ne sera couvert par SHW » est contradictoire avec la stipulation de l'article 1, selon laquelle « SHW s'engage à accorder à Camelin un contrat d'achat pour une quantité annuelle de 750 000 unités + ou - 15 % pour chacune des pièces, pour une durée minimale de quatre ans à compter de la date de signature du contrat, Camelin devant amortir les équipements dans cette période » et avec celle de l'article 4, selon laquelle « Si le projet est arrêté ou annulé pour quelque motif que ce soit par la société SHW avant la fin de la période d'amortissement indiquée ci-dessus, SHW s'engage à couvrir le montant encore non amorti à la fin du contrat. SHW et / ou Camelin se réservent le droit de résilier le contrat à tout moment après la période de quatre ans, mais s'engagent à s'informer mutuellement six mois à l'avance de la résiliation du contrat et de la compensation de l'investissement non amorti » si l'on n'ajoute pas que « la quantité totale de 750 000 unités » s'entend d'une production annuelle, c'est par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, des termes du contrat du 21 juillet 2014, que l'ambiguïté née du rapprochement de ces différentes clauses rendait nécessaire, que la cour d'appel, abstraction du motif surabondant critiqué par la seconde branche, a retenu que le contrat liant les parties avait fixé une durée d'amortissement des investissements de quatre ans.
13. Le moyen, pour partie inopérant, n'est pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société SHW Automotive aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société SHW Automotive et la condamne à payer à la société Camelin la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mai deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société SHW Automotive.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevable l'assignation introductive d'instance, et d'avoir dit que la responsabilité contractuelle de la société SHW était engagée ;
AUX MOTIFS QUE la société SHW recherche la nullité de l'assignation au motif que l'acte introductif d'instance ne présentait pas, selon elle, les caractéristiques d'un acte d'huissier mais ceux d'un acte d'avocat (tampon du cabinet et déclaration de constitution) ; qu'elle en conclut qu'il y a absence d'acte et en tout cas que celui-ci est entaché d'une nullité de fond par application de l'article 119 du code de procédure civile combiné à l'article 649 du même code de sorte que le tribunal de commerce n'a pas été valablement saisi et que son jugement est nul ; que l'assignation est nécessairement rédigée par l'avocat en charge du dossier avant d'être délivrée par un huissier de justice à la personne physique ou morale poursuivie, selon des modalités propres aux actes d'huissier et dans le cas présent, dans la forme prévue pour sa remise en vertu du règlement CE 1397/2007 ; que la société Camelin justifie que l'acte introductif d'instance intitulé « acte d'accomplissement des formalités de l'article 9-2 du règlement CE 1397/2007 » délivré à la société SHW adopte la forme prévue pour la remise de l'assignation en vertu de ce règlement et est signé de l'huissier avec toutes les mentions requises notamment celles prévues par l'article 648 du code de procédure civile ; que l'assignation critiquée constituait donc bien un acte d'huissier qui a valablement saisi le tribunal de commerce de Besançon,
ALORS QUE le tribunal de commerce est saisi par voie d'assignation, par requête conjointe ou présentation volontaire des parties ; que l'assignation est un acte d'huissier qui doit comporter les mentions d'identification de l'huissier qui la délivre et sa signature ; que la société Camelin a enrôlé devant le tribunal de commerce un acte d'avocat portant projet d'assignation et un « acte d'accomplissement des formalités de l'article du règlement CE 1397/2007 »; qu'en disant que ces actes pouvaient tenir lieu d'assignation, la cour d'appel a violé les articles 648 et 855 du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit le tribunal de commerce de Besançon territorialement compétent pour connaître du litige, et d'avoir dit que la résiliation du contrat avant son terme sans respect du préavis engageait la responsabilité contractuelle de la société SHW ;
AUX MOTIFS QUE dans la mesure où les relations commerciales entre les parties étaient des relations établies et continues, la société SHW soutient que le tribunal ne pouvait examiner les demandes de la SAS Camelin tenant au respect du préavis et ses conséquences indemnitaires que sous l'angle de l'article L.442-6 I 5° du code de commerce sanctionnant la rupture abusive d'une relation commerciale établie et relevant de la compétence des tribunaux spécialisés ; que cependant, aux termes de son assignation et de ses conclusions subséquentes, la SAS Camelin demande simplement réparation des dommages nés de l'inexécution ou de la violation des obligations du contrat écrit liant les parties, et ce, sans aucune référence à l'article L.442-6 I 5° susmentionné ; que le tribunal de commerce de Besançon pouvait donc connaître du litige et la cour de Besançon doit, dans l'exercice de son pouvoir juridictionnel propre, statuer sur les demandes parfaitement recevables de la SAS Camelin ; que la fin de non-recevoir soulevée par la société SHW au motif que les demandes de la SAS Camelin excédaient le pouvoir juridictionnel du tribunal de commerce de Besançon doit donc être rejetée, le jugement dont appel étant confirmé en ce qu'il a retenu la compétence territoriale de ladite juridiction,
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE les demandes principales et subsidiaires de la société Camelin sont basées sur les articles 1134 et 1147 du code civil de par la nature contractuelle des relations établies ; que la seule circonstance que l'une des parties contractantes intente une action en responsabilité civile contre l'autre ne suffit pas pour considérer que cette action relève de la matière contractuelle ; qu'il n'en va ainsi que si le comportement reproché peut être considéré comme un manquement aux obligations contractuelles telles qu'elles peuvent être déterminées compte tenu de l'objet du contrat ; qu'en l'occurrence, les demandes de la société Camelin sont fondées sur le contrat signé entre les parties pour la demande principale destinée à faire sanctionner la rupture avant son terme de ce contrat qui de par sa nature et suivant son article 9, ne pouvait être rompu sans préavis ; que l'essence même du contrat est basée sur la fabrication et la livraison à la société SHW de produits nécessitant la mise en oeuvre de procédés industriels élaborés ou les commandes de matières premières utiles comme les consommables nécessaires à la production sont à anticiper ; que c'est bien l'inexécution du contrat par le non-respect du délai de résiliation de 6 mois indiqué dans son article 9 qui engage la responsabilité contractuelle de la société SHW et qui s'applique aux termes des articles 1134 et 1147 du code civil ; que l'exécution des termes du contrat est basée sur la bonne foi des co-contractants ; que les demandes subsidiaires visant à voir appliquer le délai de préavis de 6 mois font suite logique à la demande principale visant à sanctionner la rupture avant son terme de 4 ans du contrat, que sur la base de cette action en responsabilité contractuelle, le tribunal de commerce de Besançon se déclarera compétent,
1) ALORS QUE le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables et doit restituer aux faits leur exacte qualification, sans s'arrêter à la dénomination proposée par les parties ; qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit suffisant tenant compte de la durée de la relation commerciale ; que pour écarter l'application de l'article L. 442-6, I, 5 du code de commerce aux demandes de la société Camelin, qui reprochait à la société SHW d'avoir rompu le contrat avant le terme convenu, la cour d'appel a retenu que ce texte n'était pas invoqué par la société Camelin, qui se fondait sur les règles de la responsabilité contractuelle; qu'en statuant ainsi sans rechercher la véritable qualification de la demande, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile ;
2) ALORS QU'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit d'une durée suffisante tenant compte de la durée de la relation commerciale ; que la demande de réparation ne peut être portée que devant les juridictions spécialisées ; qu'une cour d'appel non spécialisée est néanmoins compétente à seule fin de sanctionner l'excès de pouvoir commis par le premier juge qui s'est à tort déclaré compétent ; que la cour d'appel a constaté que les relations des parties étaient des relations établies et continues ; qu'en disant cependant que le tribunal de commerce de Besançon avait pu valablement se prononcer sur la demande de réparation formée par la société Camelin du fait de la rupture, avant le terme convenu, de cette relation, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé l'article L 442-6, I, 5 du code de commerce dans sa rédaction applicable en l'espèce, ensemble l'article D. 442-3 du même code ;
3) ALORS QUE la cour d'appel de Paris est seule compétente pour connaître des décisions rendues en matière de réparation du préjudice résultant de la rupture d'une relation commerciale établie ; qu'en statuant sur la rupture de relations commerciales dont elle avait constaté le caractère établi, la cour d'appel de Besançon a violé l'article D442-3 du code de commerce.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la résiliation du contrat imputable à la société SHW engage sa responsabilité contractuelle, que le contrat du 21 juillet 2014 liant les parties a été conclu pour une durée ferme de quatre années à compter de la date de sa signature, avec un amortissement par la SAS Camelin de ses investissements prévu sur la même période et d'avoir désigné un expert avec pour mission de « donner son avis sur l'éventuel préjudice subi par la société Camelin sur la base du contrat à durée ferme de quatre années liant les parties » ;
AUX MOTIFS QUE les parties divergent sur le droit applicable : la société SHW estime que le présent litige n'a pas à être tranché au visa des articles 1134 et 1147, ni même 1382 du code civil mais au visa de la convention de Vienne sur les ventes internationales de marchandises (ce qui, au demeurant, apparaît contradictoire avec son invocation susmentionnée de l'article L.442-6 I 5° du code de commerce) ; que la SAS Camelin oppose à cela que le contrat qui lie les parties n'est pas à proprement parler un contrat de vente mais un contrat d'entreprise puisqu'elle fabrique, sur des plans validés par la société SHW, des pièces à façon, la société SHW étant le donneur d'ordre décidant à la fois de la conception et de la fabrication et le litige ne portant, en outre, pas sur un problème lié à la vente ; que néanmoins, cette discussion est manifestement vaine, les parties s'accordant pour reconnaître que le régime d'indemnisation du code civil et celui de la convention de Vienne sont les mêmes en matière de responsabilité contractuelle, soit la perte subie et le gain manqué ; que les parties divergent aussi sur le contrat applicable : que c'est le contrat régulièrement signé le 21 juillet 2014 qui lie les parties selon la SAS Camelin, contrairement à ce que prétend la société SHW qui affirme qu'il n'a pas été signé ; que pourtant, la SAS Carnelin produit ledit contrat régulièrement signé par les parties ; qu'en outre, il apparaît qu'il précise remplacer celui du 16 avril 2014 qui ne prévoyait que des quantités annuelles de 400.000 pièces. ; que les dernières commandes de la société SHW ont porté sur une quantité annuelle de 750.000 pièces conformément aux stipulations du contrat du 21 juillet 2014 ; qu'il y a donc matière à retenir que le contrat liant les parties au moment de la rupture était bien celui régularisé le 21 juillet 2014 ; que la société SHW allègue des retards et des défauts de fabrication imputables à la SAS Camelin motivant la rupture du contrat ; qu'elle ne justifie d'aucun courrier officiel ou lettre recommandée mettant cette dernière en demeure de remédier à de quelconques errements, ni de la mise en oeuvre des avertissements prévus au contrat en cas de problèmes de qualité et selon lesquels la société SHW devait adresser à la SAS Camelin non pas une mais trois interpellations officielles, avec possibilité pour elle de se mettre en conformité ; qu'en outre, la SAS Camelin produit de nombreux courriels dont il ressort que la société SHW était elle-même à l'origine de retards dans la mesure où elle tardait à faire parvenir à la SAS Camelin les plateaux d'expédition des pièces ; que de surcroît, aucun retard n'a été invoqué lorsque la société SHW a rompu le contrat sans respecter le préavis de six mois prévu au contrat et aucune plainte n'a jamais émané de Volkswagen quant à la qualité des pièces produites, celle-ci étant même allée jusqu'à féliciter la direction de la SAS Camelin pour la qualité de son engagement comme cela ressort d'un courriel du 17 décembre 2014 ; que le jugement entrepris ne peut donc qu'être confirmé en ce qu'il a retenu que la résiliation imputable à la société SHW engageait sa responsabilité pour non respect du délai de préavis ; que sur l'application de la marge brute, la société SHW conteste l'application de la marge brute et estime que l'indicateur du gain manqué est la marge sur les coûts variables tandis que, selon l'intimée, c'est bien la marge brute qu'il faut retenir comme elle le fait et non la marge nette, ou sur coûts variables, comme soutenu par la société SHW, certaines charges demeurant malgré la rupture du contrat comme, notamment, les charges salariales ; qu'il s'avère que la cour de cassation et les juridictions du fond retiennent que le préjudice doit être évalué en considération de la marge brute de la victime appliquée au chiffre d'affaires rapportée à la durée, tant en matière de rupture précoce d'un contrat à durée fixe que de non-respect d'un délai contractuel (Cass. Com. 24 juin 2014 n° 12-27908) (p40 bas de la SAS Camelin) ; que c'est dès lors, c'est la marge brute qui sera retenue en l'espèce pour évaluer le gain manqué par la SAS Carnelin, le jugement querellé étant en cela confirmé ; que la société Camelin sollicite, à titre de réparation, des dommages et intérêts équivalents à la perte de marge brute restant à courir sur la durée du contrat de quatre ans minimum ; qu'à titre subsidiaire, si une telle demande de réparation n'était pas retenue, elle demande l'indemnisation des investissements non amortis sur le délai de prévenance contractuel de six mois ; que le contrat du 21 juillet 2014 liant les parties stipule, notamment : - « SHW s'engage à accorder à Camelin un contrat d'achat pour une quantité annuelle de 750.000 unités + ou ? 15 % pour chacune des pièces indiquées ci-dessus, pour une durée minimale de quatre ans à compter de la date de signature du contrat, Camelin devant amortir les équipements dans cette période » (art. 1), « Si le projet est arrêté ou annulé pour quelque motif que ce soit par la société SHW avant la fin de la période d'amortissement indiquée ci-dessus, SHW s'engage à couvrir le montant encore non amorti à la fin du contrat. SHW et / ou Camelin se réservent le droit de résilier le contrat à tout moment après la période de quatre ans, mais s'engagent à s'informer mutuellement six mois à l'avance de la résiliation du contrat et de la compensation de l'investissement non amorti » (art.4) ; qu'aussi, la précision que comporte l'article 4 selon laquelle : « L'amortissement se base sur la production d'une quantité totale de 750.000 unités. Une fois que cette quantité aura été atteinte, l'amortissement total de l'investissement aura été couvert et aucun coût (investissement ou autre) ne sera couvert par SHW » entre-t-elle en contradiction avec les stipulations susmentionnées si l'on n'ajoute pas que « la quantité totale de 750.000 unités » s'entend d'une production annuelle ; que sans cette correction, cette clause serait constitutive d'une clause limitative de responsabilité (stigmatisée par les jurisprudences "Pages Jaunes" et "Faurecia"), contredisant la portée de l'obligation essentielle du contrat, soit, en l'espèce, un engagement contractuel d'une « durée minimale de quatre ans à compter de la date de signature du contrat » justifiant les lourds investissements directs engagés par la SAS Camelin tels que documentés par l'intimée dans le cadre de la présente instance ; que dans ces conditions, la Cour retient que le contrat liant les parties a fixé une durée d'amortissement des investissements sur quatre ans ; que le jugement attaqué qui en a fait une interprétation contraire et n'a, par suite, retenu la marge brute que sur la durée de préavis de six mois étant infirmé,
1) ALORS QUE la société SHW soutenait que la convention de Vienne était applicable au litige (conclusions p. 16) ; que la société Camelin faisait valoir que le litige relevait du code civil mais que quand bien même il relèverait de la convention de Vienne, « cela ne changerait rien à la solution car cette convention fixe, dans des conditions analogues au droit français, les obligations des parties et les sanctions en cas d'inexécution » (conclusions p.30) ; que pour s'abstenir de trancher sur le droit applicable au litige, la cour d'appel a estimé que cette question était vaine, les parties s'accordant pour reconnaître que le régime d'indemnisation du code civil et celui de la convention de Vienne étaient les mêmes ; que cette position était celle de la seule société Camelin, mais pas celle de la société SHW ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé les articles 4 et 455 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE pour considérer que la détermination du droit applicable était vaine, la cour d'appel a énoncé que les règles d'indemnisation prévues par le code civil et la convention de Vienne pour la détermination du préjudice étaient les mêmes, « soit la perte subi et le gain manqué » ; que le litige portait également sur la formation et la rupture du contrat, pour lesquelles la cour d'appel n'a pas constaté que les solutions étaient les mêmes en application du code civil et de la Convention de Vienne ; qu'en s'abstenant de prendre en compte une partie du litige, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile ;
3) ALORS QUE le juge ne peut déléguer son office ; qu'en désignant un expert avec pour mission de « dire son avis sur le préjudice subi par la société Camelin », la cour d'appel a violé les articles 232 et 238 du code de procédure civile.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le contrat du 21 juillet 2014 liant les parties avait été conclu pour une durée ferme de quatre années à compter de la date de sa signature, avec un amortissement par la SAS Camelin de ses investissements prévus sur la même période, et que la résiliation de ce contrat engageait la responsabilité contractuelle de la société SHW Automotive GmBH pour non respect du délai de préavis ;
AUX MOTIFS QUE la société Camelin sollicite, à titre de réparation, des dommages et intérêts équivalents à la perte de marge brute restant à courir sur la durée du contrat de quatre ans minimum ; qu'à titre subsidiaire, si une telle demande de réparation n'était pas retenue, elle demande l'indemnisation des investissements non amortis sur le délai de prévenance contractuel de six mois ; que le contrat du 21 juillet 2014 liant les parties stipule, notamment : - « SHW s'engage à accorder à Camelin un contrat d'achat pour une quantité annuelle de 750.000 unités + ou ? 15 % pour chacune des pièces indiquées ci-dessus, pour une durée minimale de quatre ans à compter de la date de signature du contrat, Camelin devant amortir les équipements dans cette période » (art. 1), « Si le projet est arrêté ou annulé pour quelque motif que ce soit par la société SHW avant la fin de la période d'amortissement indiquée ci-dessus, SHW s'engage à couvrir le montant encore non amorti à la fin du contrat. SHW et / ou Camelin se réservent le droit de résilier le contrat à tout moment après la période de quatre ans, mais s'engagent à s'informer mutuellement six mois à l'avance de la résiliation du contrat et de la compensation de l'investissement non amorti » (art.4) ; qu'aussi, la précision que comporte l'article 4 selon laquelle : « L'amortissement se base sur la production d'une quantité totale de 750.000 unités. Une fois que cette quantité aura été atteinte, l'amortissement total de l'investissement aura été couvert et aucun coût (investissement ou autre) ne sera couvert par SHW » entre-t-elle en contradiction avec les stipulations susmentionnées si l'on n'ajoute pas que « la quantité totale de 750.000 unités » s'entend d'une production annuelle ; que sans cette correction, cette clause serait constitutive d'une clause limitative de responsabilité (stigmatisée par les jurisprudences "Pages Jaunes" et "Faurecia"), contredisant la portée de l'obligation essentielle du contrat, soit, en l'espèce, un engagement contractuel d'une « durée minimale de quatre ans à compter de la date de signature du contrat » justifiant les lourds investissements directs engagés par la SAS Camelin tels que documentés par l'intimée dans le cadre de la présente instance ; que dans ces conditions, la Cour retient que le contrat liant les parties a fixé une durée d'amortissement des investissements sur quatre ans ; que le jugement attaqué qui en a fait une interprétation contraire et n'a, par suite, retenu la marge brute que sur la durée de préavis de six mois étant infirmé,
1) ALORS QU'il est interdit au juge de dénaturer le contrat ; qu'en son article 4, le contrat prévoyait que la société SHW participerait à l'effort d'investissement de la société Camelin à concurrence d'un certain montant du prix de chaque pièce, de sorte que l'investissement serait amorti dès l'achat de 750.000 pièces ; qu'il était précisé qu' : « une fois que cette quantité aura été atteinte, l'amortissement total de l'investissement aura été couvert et aucun coût (investissement ou autre) ne sera couvert par SHW » (article 4 du contrat) ; que pour dire que la dotation d'investissement due par la société SHW était du prix de 750.000 unités par an sur 4 ans, la cour d'appel a rappelé que les parties s'étaient engagées sur 4 ans, à raison de 750.000 unités par an ; que ce faisant, la cour d'appel a confondu le montant de la dotation d'investissement fixée conventionnellement au prix d'achat de 750.000 unités et l'engagement de commande, fixé par l'article 1 du contrat à +/-750.000 unités par an pendant 4 ans ; qu'elle a ainsi dénaturé les termes clairs et précis du contrat, et violé le principe de l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
2) ALORS QU'est réputée non écrite la clause limitative de responsabilité qui contredit la portée de l'obligation essentielle souscrite par le débiteur ; que la cour d'appel a retenu, pour fixer la participation de la société SHW à l'effort d'investissement de la société Camelin au montant de 750.000 unités sur 4 ans, soit le prix de 3.000.000 d'unités, que « fixer la dotation aux investissements à hauteur du prix de 750.000 unités serait constitutive d'une clause limitative de responsabilité (stigmatisée par les jurisprudences "Pages Jaunes" et "Faurecia"), contredisant la portée de l'obligation essentielle du contrat, soit, en l'espèce, un engagement contractuel d'une « durée minimale de quatre ans à compter de la date de signature du contrat » ; qu'à supposer qu'elle puisse être qualifiée de clause limitative de responsabilité, la clause de dotation aux investissement ne pouvait porter atteinte à la durée de l'engagement, dont elle était totalement détachée ; que la cour d'appel, en retenant le contraire, a violé les articles 1134 et 1147, devenus 1103 et 1231-1 du code civil.